[IYAQCDPDLDDG] Chapitre V

L’intendant, de toute évidence, n’était pas ce soir-là dans les meilleures dispositions pour voir clair dans le jeu de Brionne. Lorsque ce dernier lui avait parlé du prétendu sire de Boutanche et de son douteux domaine de Pissegris, il s’était contenté de plisser les yeux comme un homme ébloui, cherchant sans doute en vain dans sa mémoire ces noms hasardeux.

Il ouvrait à peine la bouche pour demander quelques éclaircissements lorsqu’il vit qu’Othon et Urien étaient déjà passés devant lui sans plus de façons, heurtant au passage leur tonneau qui murmura un léger « pissemerdre ! » de protestation, heureusement étouffé par le tumulte ambiant. L’intendant haussa les épaules, découragé, et renonça à toute enquête. Il s’irrigua généreusement le gosier et claqua des doigts pour appeler un de ses plus jeunes aides.

« Tu m’en vas mener messire… heu… Adhémar Lanternois à l’échanson. Le tonneau est pour la table du baron, un cadeau du seigneur de… heu… enfin, c’est un cadeau, qu’il voie ce qu’il faut en faire. Et tâche voir d’être vite revenu, il y a du travail qui attend. »

Le garçon inclina la tête à l’attention de Brionne et l’entraîna à sa suite. Ils traversèrent de hautes salles voûtées, à l’architecture ancienne et superbe, garnies d’un invraisemblable amoncellement de victuailles parmi lesquelles s’affairaient de nombreux valets et plusieurs soldats venus leur prêter main-forte. Les quartiers miséreux de la Ville Basse pouvaient crier famine tant qu’ils voulaient, ce n’était certes pas ce qui empêcherait la fête du Nouvel An d’être superbe à la table du baron.

« Ong a du cheming devant nous, messire, fit le jeune domestique en se retournant, et des escaliers salement rudes à monter, parce que, voyez, l’échansong, il est tout eng haut à tirer le ving, juste à côté de la grande salle, rapport à la fête. Ça dure depuis bieng deux heures, et y sont partis pour toute la nuit ! Mais peut-être bieng que si le père Borel trouve votre tonneau à song goût, y vous laissera le présenter vous-même à la table de notre beau sire, et vous pourrez attraper une cuisse d’oie dans ung plat. »

Urien avait sous-estimé le poids du tonneau qui, même vide, se serait avéré une charge redoutable. Pourtant, il lui était difficile de ne pas se sentir chez lui en pareil environnement.
Au milieu de ce faste, entouré de cette ignorance béate, il se serait cru de retour à la cour de son père... et il s'en fallut de peu qu'il lâcha son tonneau pour entreprendre une longue séance de repos dont il avait le secret.

Cependant, ce fut bien la pure et simple fatigue musculaire qui le poussa à demander une pause à Othon, car il ne se sentait nullement en état de continuer plus avant à pareil rythme.

Profitant du repos, le chevalier de la Quête ne put s'empêcher de remarquer la richesse du castel de la Tour qui tranchait particulièrement avec tout ce qu'ils avaient pu voir depuis le début de leur aventure.
Pareille débauche faisait passer le seigneur des Meslier pour un vulgaire éleveur de poule. Toutefois, il était difficile au chevalier de ne pas imaginer derrière chaque colonne de pierre un espion à la solde de Fontanes. Aussi se demanda-t-il comment les choses allaient tourner pour leur compagnie qui, perdue dans la fosse aux lions, se dirigeait pour l'heure à l'instinct.
Dans le doute, et pour la première fois sans doute, il se décida à garder le silence en portant simplement sa charge car il n'avait aucun doute sur le fait que les problèmes arriveraient d'eux-mêmes bien assez vite. Étrangement, cette pensée le fit sourire...

La pause était largement méritée ; le tonneau était effectivement très lourd, et son transport fort malaisé, du fait des gesticulations du gnome qui devait avoir fort à faire pour éviter que des bruits métalliques dus aux diverses armes ne se fassent entendre. Othon et Urien avaient posé leur tonneau sur le bord du passage, de façon à ne pas gêner un éventuel autre chargement.

"Si de quelconques pourparlers avec des domestiques devaient afoir lieu pour nous faire entrer, je fous prierai de bien fouloir fous en charcher ; mon accent éveillerait une curiosité fort malvenue, che le crains. Evitez toutefois d'imiter le leur, ce serait encore pire".

L'évocation de l'échanson Borel qui "trouvait le tonneau à son goût" arracha un sourire à Brionne. Imaginer sa stupéfaction en voyant jaillir Onésime de la barrique tel un "jack in the box" * était réjouissant. Ce sourire s’effaça de lui même en pensant à la scène qui devait immanquablement suivre : se présenter devant le baron de la Tour entre deux gardes manquait définitivement d'élégance. Sans même évoquer les complications que cette mauvaise entrée en matière amèneraient pour convaincre le baron du bien fondé de leur requête. Non l'idée n'était guère plaisante.

La pause décrétée par Urien de Havras tombait fort plaisamment. Brionne put à son aise rassembler ses idées et observer la pièce : elle était sombre et semblait pour le moment épargnée par la folie qui avait saisi le reste du château. Il s'approcha du jeune serviteur qui les avait guidé et qui s'impatientait maintenant, dansant d'un pied sur l'autre.
- Point n'est besoin d'attendre plus avant. Laisse-nous prendre quelques repos et va plutôt mander au sieur Crespin, le montreur d'ours, de venir céans, à la demande d'Onésime, une sienne cognoissance.  Il vaque sans doute en la salle de festin ou à l'entour.
Le visage du valet, d'abord long et sinistre à la pensée de cette nouvelle besogne, s'illumina lors que Brionne lui glissa un sou de cuivre dans la paume. Il était déjà à la porte lors que le vieux héraut l'apostrophait une dernière fois :
- Et inutile de l'accompagner, il suffit de lui dire en quelle pièce nous sommes et tu peux retourner aux ordres de l'intendant...
La chose pouvait sembler risquée : il ne connaissait ce Crespin ni d'Eve, ni d'Adam, et ne savait s'il pouvait lui donner fiance. A tout prendre ce risque était moindre qu'avoir à estourbir le larbin ou qu'être obligé de le suivre jusqu'à maître Borel.

* désolé, j'ai pas pu résister à cette "English touch"  

Sitôt le valet parti, un murmure étouffé qui devait sans doute être traduit par « Pissemerdre, retournez-moi ! » informa Othon et Urien qu’ils avaient posé le tonneau (et l’Onésime qu’il contenait) à l’envers. Une fois remis dans le sens qui convenait, le gnome voulut risquer sa barbe hors de sa cachette pour respirer plus à son aise, mais il fallut en hâte rabattre le couvercle sur lui. Le valet revenait déjà, un large sourire entre ses oneilles décollées.

« Dame, dites voir, ong peut dire que vous avez toutes les veines, fit-il. Votre Cresping est juste ung étage plus haut, à la chapelle. »

Othon renversa de nouveau le tonneau pour le soulever, et Urien, à regret, en saisit l’autre extrémité. De temps en temps, il se surprenait à jeter un regard inquiet à l’endroit de son poignet qui avait été souillé par le sang infect du vieil Albaron, mais il n’y avait rien de visible. La démangeaison qu’il avait cru ressentir était sans doute une mauvaise plaisanterie que lui jouait son esprit fatigué par les événements d’une journée déjà bien trop riche.

« Vu que le château déborde de gens par toutes ses fenêtres, expliqua le valet en ouvrant la marche, y nous ont parqué les jongleurs et autres ménestriers dans la chapelle. Enfing, la petite chapelle, que je veux dire, si vous me suivez : pas celles des nobles, celles de nous autres quand qu’ong veut aller dire nos prières. »

Quelques couloirs et un escalier plus tard, ils entraient dans ce qui ressemblait de prime abord à quelque étrange cour des miracles, mais qui à bien y regarder était effectivement une assez vaste et belle chapelle à l’usage des domestiques de la maisonnée du baron. L’ambiance, cependant, n’était guère au recueillement, et les compagnons auraient presque pu se croire revenus au faubourg saint-Reynard : ici, un cracheur de feu noircissait les pierres de la voûte, là, on accordait luth, vièle et guiterne, et au milieu des saltimbanques répétant leurs tours, un homme massif à face de brute soulevait à bout de bras deux beaux cochons, tandis que, posée en équilibre sur son crâne rasé, sa fillette enchaînait les plus merveilleuses acrobaties.



« Çà, c’est tout de même ung peu plus gai que les prières, hasarda le valet, rougissant jusqu’aux oneilles lorsqu’une fille qui jonglait avec des anneaux de bois lui adressa un clin d’œil. Et voilà votre homme, juste là, sur la droite. »

Sous le bénitier d’une colonne, applaudissant la fillette avec les autres, un compère en habits bariolés était accroupi à côté d’une ourse brune, la taille impressionnante de la bête le faisant paraître encore plus petit qu’il n’était. Plusieurs se prirent à rire lorsque l’ourse, dans une imitation parfaite du geste de son maître, applaudit elle aussi les deux acrobates.

Brionne s'approcha du ménestrel, faisant un détour pour éviter l'ourse. Elle semblait inoffensive, mais mieux valait prudence garder. Après s'être raclé la gorge pour attirer son attention, il l'interpella :
- C'est bien à Crespin, le montreur d'ours, que j'ai l'honneur de parler ?
Après un bref signe d'assentiment pour toute réponse, il continua :
- Je me présente par devers vous de la part d'Onésime Priou, le marchand de ...enfin, le colporteur. Il nous a dit le plus grand bien de vos talents et j'aimerais que nous nous entretenions, avec mes deux amis, d'affaires urgentes qui pourraient vous concerner. Pouvons-nous trouver un endroit plus calme, à l'abri des regards ?
Brionne espérait, sans vraiment y croire, qu'Onésime avait laissé de bons souvenirs auprès du dit Crespin. Il était également curieux de voir comment la conversation allait s'engager avec le personnage visiblement muet. A moins que son ourse ...
...Il jeta un regard inquiet dans cette direction : il se demandait si ce n'était pas elle qui félicitait la jeune fille terminant son numéro par un saut périlleux gracieusement effectué depuis le  crane rasé du colosse.  

Urien eut le sentiment diffus et confus d'avoir déjà vu cette ourse et ce petit bonhomme dans quelque spectacle de cour, il y avait quelques années de cela. Toutefois, sa consommation fort peu modérée de boissons alcoolisées avait au fil des ans rendue nébuleux des pans entiers de sa vie et il en venait à douter de la chose.
Il se revit buvant à la table du duc de l'Anguille -le détestable cousin de sa défunte mère qu'il avait toujours pris pour le dernier des attardés mentaux- riant de bon cœur devant les frasques d'un plantigrade parlant, mais ce souvenir fut bientôt contesté et chassé par un autre prenant place à la cour d'un quelconque baron de Bordeleaux où il avait vu des ours se cracher du vin au visage pendant toute une heure, suscitant l'hilarité de la foule. A moins que ce n'aient été des chevaux... ou des furets vêtus de guêtres. A dire vrai, plus le chevalier tentait de remettre en ordre ses souvenirs, plus les douleurs qui accompagnaient généralement ses lendemains de fêtes semblaient se réveiller.
En désespoir de cause, il se décida à ne plus chercher activement d'où il connaissait ces mystérieux personnages, mais la chose le perturba quelque peu.

Ayant posé son tonneau en le lâchant presque, causant au passage un peu de soucis à Othon qui se retrouva l'espace d'un instant à supporter seul le poids de l'objet, Urien hésita à en ouvrir le couvercle immédiatement pour en faire surgir le gnome mais se ravisa en entendant la proposition de Brionne qui émit l'idée de se rendre dans un endroit plus discret. Après tout, sa farce pouvait attendre...

Crépin se retourna vers les nouveaux arrivants, semblant surpris d'être ainsi accosté au milieu des troubadours.
Il tira quelque peu sur la mince chaîne qui retenait l'ourse, et après un léger grognement, celle-ci se redressa en tendant son immense patte droite en direction de Brionne.
"Mes'eiiiigneurs que v'nez vous don' faire par 'ci ?" sembla dire la bête dans une tonalité bien plus aigüe que son grognement ne l'avait fait entendre, "Semblez ben per'us parmi n's autres !"
Les spectateurs de la scène se mirent à rire quand Constance fit une courbette comme pour saluer la petite troupe.
"Sûr qu'j'ai c'oisé sieur Onésime, fut mê'e un temps où c'sac à fout' m'd'vait trois piè'es d'argent !"
L'ours mima de toucher sa bourse vide à son côté, tapottant frénétiquement sur un bout de cuir qui ne teintait clairement pas, provoquant une certain hilarité.
"Mais j'en oublie mes maniè'es de gente dame... Je me prénomme Constance, Comtesse d'Ursulae, et mon suivant est le Crépin ap'ès qui vous en avez !"
Sans doute les facéties de ce duo mettaient-elles le groupe dans l'embarras, mais la discrétion ne semblait pas être le fort de Constance et Crépin...

D'abord désarçonné, Urien se mit à pouffer de rire devant les bouffonneries de l'animal. Puis, voyant l'air circonspect de Brionne, le chevalier éclata franchement de rire, les larmes aux yeux.
Cette attitude risquait de ne pas aider le vieux héraut à ramener la conversation sur un terrain plus sérieux, mais il y avait une éternité, sembla-t-il à Urien, qu'il n'avait ri d'aussi bon cœur.

Brionne avait tout d'abord froncé les sourcils, cherchant à entendre le babillage étrange qui semblait sortir de manière saisissante de la gueule même de l'animal. Au milieu de l'hilarité générale et abandonnant toute velléité de discrétion, il se résigna à jouer le jeu du sieur Crespin. Penchant le buste pour mimer une révérence exagérée, il saisit la patte de Constance pour y déposer un baise-main furtif (la masse impressionnante de la bête n'incitait guère aux contacts prolongés). Se redressant, il reprit d'une voix forte :
- Diantre, la comtesse d'Ursulae ! ... je m'attendais certes à encontrer gens de qualité en les murs du castel de la Tour, mais point à cette extrémité. Laissez-moi vous présentez mes hommages, j'ai pour nom Gondémar Lanternois, intendant du sire de Boutanche, pour vous servir. Je ne sais comment vous le faire mieux entendre, ne parlant guère la langue ursidée, mais il serait bon que nous nous retirions tous en un lieu plus discret.
Il avait martelé et articulé la fin de sa phrase à destination du seul Crespin. A ses cotés, Urien de Havras se tenait les côtes, hoquetant désormais de rire, empêchant la foule alentour d’ouïr quelqu'une de ses dernières paroles. Le vacarme s’arrêta un bref instant et Brionne redouta qu'il ne soit arrivé malheur au chevalier, mais son rire reprit de plus belle, après avoir repris son souffle un instant.
- S'il plait à votre seigneurie de nous suivre, nous pourront discuter plus à notre aise sur le pallier d'icelle chapelle.
Tournant les talons avec ce qui lui restait de dignité, Brionne prit le chemin de la sortie. Il espérait confusément que ses deux compères, comme le saltimbanque parviendraient  à le suivre sans faire trop de gorges chaudes. S'il avait trouvé autrefois que la compagnie d'un gnome braillard et paillard était peu discrète, il fallait se rendre à l'évidence : celle d'une ourse l'était encore beaucoup moins ...

L'ourse n'était pas farouche, et bien que son instinct animal lui avait crié de corriger l'imprudent, elle comprit qu'il s'agissait d'une partie du spectacle.
Crépin sembla tirailler la chaîne, mais l'ourse se mit à la tirer aussi.
"Diantre, voyez 'omme il est mal'oli, couper des nob'es en pleine discussion, j'y au'ai fait corriger par le bâ'on en mon fief !"
Constance tira d'un coup plus fort sur la chaîne et Crépin roula par terre. L'animal gloussa.
"Fais le beau pou' te faire par'onner !" ordonna-t'elle d'un ton sévère.
Crépin se mit à marcher sur ses mains, lâchant la chaîne de l'ourse.
Les spectateurs, qui riaient à gorge déployée, se prirent à frissoner lorsque l'ourse se dressa soudainement en rugissant, les deux pattes vers le haut.
Certains étouffèrent un cri en vacillant, d'autres firent quelques pas en retrait, d'autres se cachèrent comme ils le purent dans la pièce.
Crépin salua alors la foule, reprit la chaîne, et Constance se remit à quatre pattes sous les applaudissements un rien peureux, en disant "Bien, allons donc voi' ce que sieur Lanter'ois, grand ami d'Onés'me, a à nous di'e Crépin".
Et ils suivirent Brionne...

(Ça dort, par ici. Relançons tout ça. )


De l’autre bout de la chapelle, des applaudissements plus bruyants que les autres se firent entendre, et un petit groupe de gentilshommes parés de leurs plus beaux atours traversa la nef à grands pas, mené par un seigneur à l’abondante barbe brune et à la figure presque aussi rougeaude que son superbe habit de velours cramoisi.

« Magnifique, l’ami ! s’écria-t-il entre deux rires. Magnifique ! Le baron et ses hôtes te feront un triomphe, ce soir. »

Il s’avança jusqu’à Crépin et lui tapa familièrement sur l’épaule. Manifestement, le noble personnage venait à peine de quitter son siège au festin et avait déjà bu plus que sa part de vin vieux.

« Quelques amuseurs de tes amis, je présume ? demanda-t-il, jetant à peine un regard à Brionne, Othon et Urien. La bienvenue à La Tour, mes bons drôles, au nom de notre bien-aimé baron. Je suis Charles de Lézac, c’est moi qui ai fait venir votre ami pour le Nouvel An -çà, je crois bien avoir tout lieu de me flatter de mon choix. J’étais venu te dire, l’ami, de te préparer à monter à la grande salle. Je gage que d’ici la moitié d’une heure, ce sera à toi de nous faire voir tes tours.

- C’est grand merveille de voir un freluquet comme toi mener cette ourse ainsi par le bout du museau, s’étonna l’un des gentilshommes. S’il lui en venait la fantaisie, elle pourrait te briser en deux d’une bourrade ! Mais présente-nous donc, Charles.

- J’y venais, répondit le sire de Lézac. Mes compagnons tenaient à voir ta bête de près avant ton spectacle. Voici Bertrand de Maufort (il désigna le grand homme blond qui venait de parler), Aymon de Casteljau (un jeune chevalier rondouillard leur adressa un sourire cordial) et Luc de Gresfol. »

Le dénommé Luc de Gresfol inclina nonchalamment le chef, mais alors que les trois autres seigneurs ne quittaient pas l’ourse des yeux, lui jetait à la dérobée ses regards sur Urien, Othon et Brionne.

« Qu’as-tu donc, Luc ? le moqua Aymon de Casteljau. Tu fais une tête si pensive qu’on jurerait qu’on t’a vendu des pois qui ne veulent pas cuire !
- Ce n’est rien, répondit Luc de Gresfol avec un rire un peu forcé. Je… cette bête est impressionnante, vraiment. Je ne crois pas en avoir vu jamais de telle.
- Allons, mes amis, nous nous attardons, déclara Charles de Lézac. Remontons à la fête sans tarder. Et ne tarde pas toi non plus, Crépin, mon ami. Va tout droit aux cuisines : c’est par là qu’on te fera entrer dans la salle, en même temps que les plats.
- Oui, remontons, s’enthousiasma le chevalier de Casteljau, qui devait souvent avoir quelque peine à rentrer dans son armure. On dit qu’il y a un pâté de lièvre au poivre à se mettre à genoux, et un mirifique château en pâte d’amande avec des fruits confits de Tilée. »

Les quatre gentilshommes repartirent aussi vite qu’ils étaient venus.

La simple évocation des plats qui allaient être servis sous peu à la table du baron fit vagabonder l'imagination de Brionne. Depuis combien de temps n'avait-il pas gouté pareille pitance ?
Il ne saurait dire assurément ; plus que souhaitable, à tout le moins !

La conversation des trois gentilshommes le tira de ses rêves d'agapes. La réaction de Luc de Gresfoil ne laissait pas place au doute : un nom de plus à ajouter à la liste des complices de de Clairac. Il aurait eu vent de leur venue et partait sur l'heur ameuter le sorceor. Leur récente célébrité au sein de la malemaisnie fit éclore un fugace sourire sur les lèvres du maitre d'arme : trois misérables hommes d'épée et un gnome sans soutient ni appui qui faisaient frissonner de peur une organisation tentaculaire étendue jusqu'aux plus hautes sphères du duché.   
Il fut tenté un moment d'apostropher le sire de Gresfol d'un vigoureux : "à moi, comte, deux mots !".
La chose n'aurait, certes, pas manqué de panache, mais une esclandre devant témoins ne servirait guère leurs desseins. Mieux valait laisser courir et attendre la pluie de horions qui ne manquerait pas de tomber sous peu, telle grêle d'Avril.

Le palier où ils se trouvaient était, pas extraordinaire, désert. Il en profita pour saisir le bras du dénommé Crépin afin de lui parler à l'oneille ...mais le relâcha bien vite : il lui semblait avoir vu l'ourse hausser un sourcil menaçant.  
Prenant un peu de champ pour surveiller dans le même temps son interlocuteur et l'animal, il commença son explication :
- Nous sommes compaing du sieur Onésime Priou. Il se trouve ici même dans la barrique que poussent mes deux compères.
Il désigna d'un geste le tonneau, principalement poussé par Othon Von Klingenwald, Urien, hilare, étant trop occupé à reprendre son souffle.
- Nous avons nécessiteusement besoin d'être introduit auprès du baron de la Tour. Nous savons des choses qu'il ignore et qui mettent en péril cette ville, cette baronnie, ce duché même.
Las, nous ne pouvons nous rendre auprès de lui tout soudain, alors que nous sommes animés des meilleures intentions du monde, car c'est de sa maison même que vient la menace.
Souffrez donc que nous vous accompagnions aux cuisines, avant que d'entrer avec vous en la salle de festin. Nous feindrons d'être nous aussi bateleurs. Et ne soyez pas surpris si, d'ici peu, nous sommes pris à parti par quelques nobles, hommes d'armes ou même sorceor. Nous sommes coutumiers du fait...
...Et si ce passage en cuisine permettait de gouter au délicieux pâté de lièvre au poivre, ce ne serait pas un mal.

"Sans fouloir fous commander, il serait bénéfique que fous m'aider à porter le tonneau avant que son contenu ne se répande par terre ; le vin sera bien mieux dans les gidouilles des hauts sires que sous les pieds des chongleurs." lâcha Othon en jetant un regard noir à Urien.
Il n'osait pas trop communiquer ; les vêtements du groupe étaient déjà bien assez voyants, inutile de leur rajouter en plus en accent étranger suspect. Heureusement, l'ourse attirait suffisamment l'attention de l'assistance pour que trois hommes portants des capes et des vêtements de voyage passent relativement inaperçus. Crépin l'avait toutefois entendu ; le Marienburger espérait que le ventriloque feigne la sourde oreille et ne pose pas trop de questions en public.

Urien eut quelques difficultés à revenir à des sujets plus terre-à-terre, mais la situation semblait l'imposer.
Luc de Gresfol, proche parmi les proches du sieur de Clairac, venait de les repérer. Ses regards appuyés n'avaient laissés aucun doute: leurs ennemis les savaient à présent dans la place et ne tarderaient sans doute pas à agir.
De mauvaise grâce, Urien aida Othon à transporter le tonneau à l'extérieur, vers un corridor désert où les suivirent probablement Brionne et l'homme à l'ourse... toutefois, pris par sa charge bien encombrante, le chevalier n'avait nulle intention de se retourner pour vérifier cela.

Crépin avait courbé la tête devant les gentilshommes de la cour, il craignait tout autant leurs bastonnades que leur humeur changeante. Leur hilarité du moment pourrait très bien, tout à l'heure, se faire colère, et il faudrait alors supplier leur clémence. Crépin avait fait profil bas, et comprit bien que ses nouveaux camarades étaient dans une mouise sans nom.
Une fois la troupe éloignée, il fit un geste vers Constance. Celle-ci saisit la barrique qu'Urien et Othon semblait peiner à porter, bousculant ainsi les deux chevaliers, et elle secoua la barrique "avec grâce" et "en douceur".
Crépin toqua la paroi ensuite, comme pour vérifier l'histoire qu'on lui avait décrite. Il semblait tout de même circonspect quant aux motivations et au déroulement des événements. Lui n'avait rien demandé, et c'était prendre un gros risque que de les aider.

"Hé ! Le Paron ne sera pas content si le vin qu'on lui lifre est tout secoué !". Le prétexte semblait un peu stupide, et Othon n'avait que peu de compassion pour le gnome douteux, prisonnier de la barrique, au milieu des lames. Mais il tenait à sa vie et sa liberté, et il avait très distinctement entendu des bruits métalliques dans le tonneau, ainsi qu'une bordée de "Pissemerdre !", "Trous à merdre !" et autres jurons.


[note d'Agilgar ; ouais, j'ai enfin trouvé une belle image pour mon perso]

« Il sera encore moins heureux de voir l'aspect de cette cuvée», déclara Urien en ricanant.
Il retira alors le couvercle du tonneau par l'encoche qu'il y avait faite durant leur trajet en charrette et révéla à la vue de Crépin un gnome étourdi, le cul en l'air, au milieu d'un monceau d'armes en tout genre.

Crépin jeta un œil à l'intérieur du tonneau, et eut un mouvement de recul lorsqu'il réalisa que l'histoire à dormir debout que lui avait conté ces sires n'était nulle autre que la réalité. L'Onésime, celui-là même qui lui avait ôté quelques piastres il y a de cela des lunes, était en ce tonneau, fort à l'étroit.
Il fit signe à Constance de poser le tonneau, mais celle-ci ne le comprit pas en ce sens, et posa bien le tonneau sur le sens, mais avec le côté ouvert sur le sol !!!
Crépin eut un geste vers l'avant, mais trop tard, le fracas du gnome et des armes sur le sol, même étouffé par le tonneau, avait résonné dans toute la pièce. Il scruta alors les alentours pour voir les réactions...

Urien attendit la nouvelle bordée de "pissemerdre" et autres jurons horrificques qui suivit le retournement du tonneau avant de toquer du doigt contre la paroi de l'objet.
« Onésime... ne touchez pas l'arme de Brionne, si vous le pouvez», lança-t-il d'un ton bien moqueur.

Sous les ricanements du chevalier de Havras, Onésime faisait tous les efforts possibles pour se sortir du tonneau, mais en vain. Il ne parvenait qu’à le faire se balancer légèrement, agrémentant ses tentatives de jurons divers et heureusement peu compréhensibles. Irritée, semble-t-il, par tous ces gigotements, Constance envoya à la barrique un coup de patte qui n’était pour elle qu’une chiquenaude, mais qui suffit à la renverser. Le contenu se déversa élégamment sur le sol. Les compagnons jetèrent un regard autour d’eux, mais au milieu de l’agitation qui régnait ce soir-là au château de La Tour, un tonneau rempli d’épées et d’un petit personnage très laid passait tout à fait inaperçu. Deux jeunes valets qui passaient alors qu’Onésime titubait, frottant son vilain nez en forme de courge, se le montrèrent en riant, le prenant sans doute pour un saltimbanque répétant quelque bouffonnerie.

Le malheureux gnome s’appuya lourdement contre un mur, lissa maladroitement sa barbe en bataille, avant de faire un bond frénétique pour s’écarter du mur, s’apercevant un peu tard qu’il s’agissait en fait de la patte de l’ourse.

« Bonjour, Constance, fit-il la voix un peu tremblante, quand il se fut assuré que l’animal ne nourrissait pas à son égard d’intentions hostiles. N’est-ce pas que tu te souviens de ton bon ami Onésime ? Reste bien sage. Je te donnerai de la phynance.

Le bonjour, Crépin, mon ami, fit-il au ventriloque. Pissemerdre, c’est une histoire un peu confuse, vois-tu, et moi-même j’n’ai pas tout compris, mais je vais essayer de tout bien t’expliquer. Faut que tu saches que, pour ainsi dire, on aurait plus ou moins besoin de quelqu’un qui nous aide à nous faufiler auprès de ce baron de mes oneilles. Parce que, si j’ose dire… »

Avec des airs de comploteurs passablement grotesques, il jeta le regard de droite à gauche comme pour guetter des oneilles indiscrètes et se mit à chuchoter.



« À ce qu’y parait, y aurait comme qui dirait quèqu’chose de pourri dans le duché de Gasconnie. Les beaux seigneurs ici présents avec moi ont éventé une horrifique conspiration pour mettre le pays à feu et à sang et tuder tout le monde et prendre la phynance. Ouais. Comme je dis. Rien de moins. »

Onésime hocha vigoureusement la tête pour appuyer le sérieux de ses propos. Constance, qui avait tendu l’oneille comme tout le monde pour écouter le gnome, le regarda d’un air incrédule.

« Y a anguille sous roche, monsieur mon ami, et c’est le comte de Fontanes qu’est l’anguille, et aussi un sale paroissien qui s’intitule Florian de Clairac. Y-z-ont un plan d’malheur avec des hommes-bêtes, des mutants, des morts qui s’relèvent la nuit et des chèvres pour envahir la baronnie d’La Tour et nous couper à tous les oneilles, voire pire, et c’est pas de la blague. Tels que tu nous vois, on revient de la prévôté, et Florian de Clairac (j’ai oublié de te dire que c’est un sorcier et un conjurateur de démon et un voleur d’enfants, si tu m’suis) nous avait tendu un piège et il a fait un geste cabalistique et toute la pièce s’est remplie de feu et le pauv’ archidiacre est mort, et voilà.

J’espère que c’est clair, pissemerdre.

En tout cas, cornes-à-merdre, on se trouve bien dans le besoin, et le baron, il ne sait rien de rien et aussi il y a plein de gens autour de lui qui font semblant d’être honnêtes et propres sur eux mais ce sont tous des traîtres. Alors il faut que tu nous aides à lui toucher un mot de tout ça. »

Très content de lui, Onésime afficha un large sourire optimiste.

« Mais te fais pas de mouron. Ça va être du gâteau. J’ai un plan. Le baron, dès que j’le vois, je lui parle de mon invention. Tu sais, la pompe à merdre. J’ai fait des essais, depuis, et j’suis sûr qu’ils auraient réussi si j’avais eu le bon matériel. Alors j’m’en vas lui dire comme ça : « Holà, cousin, tu n’aurais pas besoin d’une pompe à merdre, avec tout ce que tu te fourres dans la panse ? parce que tu dois en chier des pas menues ! » et là, il me dit : « Une pompe à merdre ? C’est tout ce dont j’ai toujours rêvé ! » et il nous prend sous sa protection, et il nous donne des titres et des terres et de la phynance et on lui explique le coup des démons et du comte de Fontanes et des chèvres. »

Othon, atterré et hilare à la fois, réussi tant bien que mal à rester impassible et se contenta de jeter un regard à Urien et Brionne. "Faites-le taire, Scheisse" dit-il du bout des lèvres à l'intention de ses deux compagnons.

Glissant de deux pas de côté en direction de Brionne alors que le gnome déblatérait ses âneries, Urien avait glissé un discret « Nous l'assommerons quand il fera sa présentation au baron. Il nous en saura gré, soyons-en sûrs.»

La proposition qu'Othon fit alors lui sembla tomber fort à propos; le chevalier s'approcha de l'odieux nabot et lui posa vigoureusement la main sur l'épaule.

« Inutile de révéler tous vos plans pour l'instant, maître gnome. Vous allez gâcher toute surprise pour la suite.
Dame Constance, ce que notre cher ami Onésime a raconté, malgré ses élans un peu trop enthousiastes, est vrai. Aussi, si jamais vous preniez la décision de ne pas nous venir en aide, vous devriez considérer l'idée de vous cacher loin de ce château avant que les choses n'y dégénèrent durant les réjouissances du nouvel an.»

Brionne acquiesça discrètement à la proposition du BaronPaBis d'Hurien : décidément, cette entrevue avec le baron de la Tour s’annonçait riche d'émotions.   
Il se baissa au dessus du tas formé par leurs armes et entreprit d'en extraire délicatement la lourde épée autrefois portée par Albaran de Sauvan, soulagé de constater qu'elle était toujours emmaillotée. Il la passa à la ceinture avant de la camoufler, vaille que vaille, de sa cape négligemment posée sur le bras.

Imitant Brionne, Othon se pencha pour ramasser sa rapière, sa dague et ses pistolets. Il prit soin de rester éloigné autant que faire se pouvait de la lame maudite. Enfin, il récupéra son chapeau et le plaça sur sa tête.

Urien sembla hésitant. Il n'était pas certain de pouvoir dissimuler sa longue épée bâtarde s'il venait à s'en équiper et se dit qu'il valait mieux attendre qu'un plan d'actions soit défini avant de prendre une décision. Devaient-ils tenter une approche frontale ? Après tout, il suffisait qu'ils convainquent l'assistance de demander à Florian de Clairac de retirer son gant pour prouver sa corruption... la chose pouvait être tentée même sans se faire passer pour des saltimbanques.
La truffe humide et chaude de l'ourse le tira de ses tergiversations. L'animale semblait avoir finalement remarqué l'épaisse fourrure de plantigrade que le chevalier arborait sur ses épaules et reniflait la parure avec intérêt et curiosité. Pas très rassuré, Urien recula d'un pas, se heurtant au mur.
De tous les périls que comportait ce château, la bête de Crépin lui sembla subitement être le plus redoutable.

Crépin manqua de rire devant les explications d'Onésime, mais comprit que le petit être était tout dévoué à cette quête, et bien qu'il n'en comprit le traître mot, il allait faire son possible pour aider son ami.
Il fut soulagé que les événements ne dégénèrent pas : la bourde de Constance lui mit la chair de poule, et il n'était pas prêt de s'en remettre ! Il éloigna l'ours de la troupaille, sachant qu'elle avait la fâcheuse tendance à devenir agressive face à une arme, l'instinct animal sans doute.
"Bien, si Messeigneurs sont p'êts, nous pourrions sans doute entrer en scè'e... Préparez-vous donc, car là-haut il y a 'ort à faire !" susurra Constance.
Et il tira la bête vers l'entrée qui menait aux cuisines, veillant à ce qu'elle ne fixe point les épées dorénavant moins camouflées.

L’improbable petite troupe qui se mit en marche parmi le va-et-vient incessant des valets et saltimbanques ne passait guère inaperçue. Constance à elle seule suffisait à encombrer les couloirs les moins spacieux, et lorsqu’il fallut grimper un étroit escalier en colimaçon, elle fut forcée d’avancer la tête rentrée dans les épaules pour ne pas se la cogner.



Dans l’ombre immense de l’ourse, Onésime trottinait gaiement pour suivre Crépin, ce trio mal assorti provoquant rires et plaisanteries sur son passage. Deux jeunes pages se mirent à suivre le groupe de près, montrant sans arrêt le gnome du doigt en ricanant. Ils battirent prestement en retraite lorsqu’un Urien excédé leur adressa son regard le plus malsain.

Crépin n’était l’hôte de Fulcrand de La Tour que depuis deux jours, et retrouver son chemin jusqu’aux cuisines n’était pas pour lui une mince affaire tant l’architecture de la forteresse était peu rationnelle, si bien qu’il fallut parfois qu’un garde ou domestique le remette sur la voie. Le château d’origine avait été agrandi de façon joyeusement anarchique par des générations de barons plus soucieux de confort et d’ostentation que d’ordre et de clarté.



Certaines ailes étaient à l’évidence très anciennes, faites de voûtes larges et sobres et de portes basses, aux murs percés d’archères ; d’autres étaient plus récentes et luxueuses, avec de lumineuses fenêtres donnant sur des cours, des tourelles et des chemins de ronde en contrebas. Passant près de l’une d’elles, ils purent apercevoir au loin, voilée par la nuit, l’orée de la forêt de Sombrefeuille. Les deux lunes presque pleines baignaient les arbres d’une lueur irréelle.

À mesure qu’ils gagnaient les étages nobles de la place forte, ils se virent de toute part cernés par de lourdes tapisseries et des lustres armoriés débordant de chandelles. Au milieu de ce luxe écrasant passaient des écuyers en cotte de velours ou de soie, portant tonnelets et vaisselle d’argent pour le festin, et quelques dames et seigneurs qui s’attardaient parfois à contempler l’ourse de Crépin, mais n’accordaient pas un regard à Urien, Othon ni Brionne.

Tandis qu’ils traversaient une nouvelle salle, un jeune homme surgit d’une porte latérale et s’approcha vivement d’eux. Il sembla un instant passer en revue du regard les compagnons avant de s’adresser à eux d’une voix qui peinait à cacher son malaise.

« Pardonnez-moi, messeigneurs, mon maître, messire de Gresfol, qui vous a rencontré tantôt, m’a chargé de venir vous trouver. Il désire grandement s’entretenir avec vous privément et vous invite à venir le rejoindre dans ses appartements. Voudriez-vous m’y suivre ? Votre ami pourra de son côté se rendre au festin, où je crois qu’il est attendu. »

Brionne failli éclater de rire au nez du jeune homme : Luc de Gresfol, qu'il pensait compter au nombre de ses ennemis, les invitait céans à une entrevue privée, la belle affaire !
Sans doute voulait-il éviter un combat dans les couloirs du château, il préférait les attendre en bonne compagnie : une douzaine d'homme d'arme, pour le moins, accompagnés, pour faire bonne mesure, du sire de Clairac et de quelque autre sorceor !
...
Il resta un instant pensif : et si le sire de Gresfol était la personne de fiance à laquelle s'était confié l'archiprêtre avant que de trépasser ?
A la réflexion, cette manière de les approcher lui semblait trop peu subtile pour y voir le jeu de de Clairac. Il se tourna vers ses compaings pour leur mander :
- Pourquoi ne pas voir de quoi ce Luc de Gresfol veut nous entretenir ?
Nous pourrions laisser notre ami Crespin entrer en scène et le rejoindre sous peu. Si les choses tournent mal, il pourra lors nous prêter main forte ... ou pattes fortes, à sa convenance.

Une nouvelle fois, Crépin était spectateur des événements, ce qu'il détestait au plus haut point. Il était ravi que son ours attire plus l'attention que ces sires, car il craignait que des hommes en armes accompagnant des saltimbanques ne causent de forts désagréables ennuis. Mais la chance leur avait souri, et plus que quelques mètres les séparaient de la salle du banquet. S'il n'avait tenu qu'à Crépin, le page aurait vite été expédié, histoire d'en finir avec cette histoire sans queue ni tête une fois pour toute !