[IYAQCDPDLDDG] Chapitre V

Resté en arrière du groupe, Din pensa qu'il pourrait mettre en déroute un ou deux soldats en les chargeant brutalement avec Beppe.
Il fit signe à ce dernier, désigna le petit groupe de 4 soldats qui émergeait du bois, et lança :

"Avanti Beppe ! Per la Tilea !"

Les deux cavaliers lancèrent leurs montures droit sur les soldats qui étaient déjà aux prises avec les autres membres du groupe de fuyards. La charge impétueuse des deux énergumènes les surprit et deux d'entre eux prirent leur jambes à leur cou, probablement moins apeurés par les chevaux écumants que par les vociférations de Din (où il était question de mères aux mœurs douteuses, de faces rondes barrées d'une raie au milieu et de mangeurs de pâtes mal cuites...).

Déjà, Din et Beppe se tournaient vers les autres soldats. Mais à ce moment, l'effet de surprise avait disparu, et les soldats étaient prêts à recevoir une nouvelle charge...

_ Ami gnome, veuillez me passer prestement ma lance, lança Fulgance à Onésime !

Avec une rapidité surprenante, le semi-homme tendit l'arme en question au jeune chevalier ; il faut dire qu'il avait rangé cette dernière de façon rapide et quelque peu négligé quand il lui avait été demandé de le faire, ce qui rendit son déballage bien plus facile. Sur sa gauche, Fulgance voyait que Din et Beppe avaient commencé une contre-attaque fulgurante, allégeant ainsi considérablement la pression sur le flanc. Mais devant, la soldatesque risquait devenir un problème s'il ne prenait pas l'initiative.

_ Otto, Urien, avec moi ! CHAAAARGEZ ! Hurla le jeune homme, semant le doute par la même occasion au sien de ses opposants qui marquèrent un temps d'arrêt, laissant ainsi le temps aux chevaliers d'abaisser leur lance et d'éperonner leur monture.

_ Vous êtes sûr que c'est une bonne idée ? Argua Onésime, mais le son de sa voix était déjà couvert par le fracas des sabots.

En voyant approcher les soldats ennemis au loin, Urien haussa les épaules et brandit son épée. Ses paroles et celles de Fulgance furent simultanées.

"Fulgance, Otto, à nous la gloire ! En avant !"

Le chevalier de la Quête, avec son inconscience habituelle, partit sans vraiment regarder si ses camarades le suivaient. Néanmoins, il eut très vite l'agréable surprise de voir du coin de la visière le jeune Fulgance chevaucher à ses côtés. Cette fois, ce dernier avait su partir avec toute la fougue que l'on pouvait attendre d'un jeune chevalier Bretonnien.

Othon leva les yeux au ciel, doublement agacé par les douteuses stratégies bretonniennes, et par le fait que tout le monde l'appelait Otto et non Othon.

-Scheisse ! Keine Erbarmen ! (note de Agilgar : ouais, c'est bien traduit grâce à la fonction traduction d'un célèbre moteur de recherche... je suis nul en allemand ) Klingenwaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaald !!, hurla-t-il.

Ce n'est qu'après coup qu'il s'aperçut qu'hurler comme un putois pouvait éventuellement attirer tous les soldats ennemis traînant dans le coin. Qu'importe, pensa-t-il, ces Bretonniens se sont déjà mis à crier comme des déments.

Il leva son épée et chargea l'ennemi.

Brionne fut surpris de voir Thomas l'édenté quitter avec autant de précipitation sa place en arrière du convoi pour voler au secours de Leustant. A croire que ce soudard prenait son métier à cœur. Ayant peu d'illusion quant à ses propres qualités de cavalier, il préféra suivre cet exemple et mettre pied à terre. Après s'être prestement jeté en arrière pour laisser passer la cavalcade de Din et Beppe, il se porta au secours de Thomas qui devait maintenant faire face seul à deux adversaires. Son intervention attira leur attention un bref instant, suffisant néanmoins pour permettre à Leustant de se remettre sur pied, de dégainer rageusement son épée et de courir sus à l'ennemi. La perte de sa monture semblait l'avoir quelque peu agacé et sa charge finit de persuader les deux soudard qu'ils avaient peu à gagner en restant céant : ils déguerpirent vers la forêt sans demander leur reste.

Voyant les soldats battre piteusement en retraite, Leustant sembla sur le point de s’élancer à leur poursuite à travers bois, mais Armand le retint.

« Ils ne mettront pas longtemps avant de tenter un autre assaut, fit-il vivement. Assurons-nous de les recevoir dignement. »

Thomas hocha la tête d’un geste sec et se mit en ligne avec Armand, épée et rondache en main, guettant le retour des hommes de Sicard de Grailhy. Derrière eux, Maillart se relevait péniblement. Le sang coulait sur son front mais sa blessure ne paraissait pas inquiétante. Il arma tant bien que mal son arbalète, puis sortit quelques carreaux de sa sacoche et les passa dans sa ceinture afin de les avoir sous la main. Brionne, tirant parti de ce bref instant de répit, jeta un regard par-dessus son épaule droite pour voir ce qu’il advenait de l’audacieuse charge d’Urien, d’Othon et de Fulgance.

Les trois cavaliers lancés ensemble à travers le chemin étaient une vision impressionnante, et qui devait l’être encore davantage pour les soldats du sire de Grailhy. Ils commencèrent par reculer lentement, puis trois d’entre eux bondirent hors du sentier aussi vite qu’ils le purent, esquivant la charge. L’un d’eux ne fut pas assez rapide et eut le dos broyé par le cheval d’Othon. Deux seulement tentaient de faire front, armés de longues guisarmes effilées qu’ils pointaient devant eux dans l’espoir d’arrêter les cavaliers. Le courage du premier lui fut fatal ; la lance de Fulgance, expertement maniée, lui perça le flanc. Malgré le manque d’élan de la charge, le coup était terrible. L’homme fut traîné sur le sentier au bout de la lance, ce qui ralentit l’allure du chevalier et le privait de son arme. Le second soldat, resté en retrait de son camarade, évita de justesse la lourde lame d’Urien, qui fit tinter son chapel de fer, et parvint à enfoncer de ses deux mains sa guisarme entre les jambes du cheval de Fulgance, à l’endroit où le caparaçon ne le gardait pas des coups.

Le fer disparut presque entièrement dans le poitrail du destrier emporté par son galop. Le soldat reçut au passage un violent coup de patte, mais Fulgance avait payé cher son fait d’armes. Sa monture s’effondra en avant sur le sentier et Fulgance, retenu par les étriers, heurta violemment le col de l’animal. Onésime, quant à lui, projeté en l’air depuis la croupe du cheval, exécuta sous les yeux d’Othon et d’Urien un magnifique vol plané aboutissant en plein dans un buisson heureusement touffu, sur le bord du chemin.

Fulgance se dégagea de son mieux de ses étriers afin de n’être pas estourbi par les derniers soubresauts de son infortuné Flamme, mortellement touché. Il tirait l’épée quand il vit les soldats rescapés se regrouper, restant à l’abri des arbres.

Plus loin en arrière, la ligne de défense improvisée tenait ferme face à une nouvelle attaque.



Le large écu d’Armand faisait dévier sans cesse les coups hâtifs des hommes d’armes et Brionne parvint à percer la cuisse de l’un d’eux d’une botte habile, le mettant hors de combat. Il se découvrit un compagnon plus fiable que prévu en Thomas ; s’il restait manifestement un soudard de la pire espèce, l’homme savait ferrailler avec calme et discipline dans les pires situations.

Un cri de panique fit tourner la tête malgré lui au héraut d’armes.

Quatre autres soldats venaient de surgir de l’autre côté du sentier, dans leur dos. Maillart semblait avoir décoché un carreau de son arbalète en vain sur eux et rechargeait fébrilement son arme. Ils étaient armés qui de vouges, qui d’arcs. À quelques pas de Maillart, la silhouette de Marius se balança de gauche à droite sur sa selle, puis tomba lourdement au sol, effrayant sa monture qui s’éloigna de quelques pas. Le corps du herrimault était percé de deux longues flèches fichées dans son torse.



(Je crois que ce RP restera dans les mémoires au moins pour une chose : ses plans moisis. )

Urien ne put s'empêcher de ricaner en voyant le gnome traverser les airs comme une hirondelle attardée. Revenant rapidement à des considérations plus importantes, il prit un instant pour observer la disposition de ses "troupes". C'était là l'occasion qu'il avait attendue depuis le début s'ils ne pouvaient forcer le passage par les armes. Ses camarades étaient tous occupés par des ennemis et nul ne semblait en mesure de s'opposer à sa fuite. Il avait devant lui un véritable couloir... en partant au galop, il pouvait traverser les rangs de ses alliés, "bousculer" Maillart et partir sur le petit sentier qu'ils venaient de dépasser.
Alors qu'il allait amorcer son mouvement, il vit le regard ébetté de Fulgance qui tentait de se redresser l'arme à la main et l'air déterminé d'Othon, manifestement décidé à vendre chèrement sa peau.
Le chevalier de la Quête, capitaine de cette troupe de bras-cassés, soupira et haussa les épaules. Après tout, il était le plus fin bretteur du lot et n'était pour autant parvenu qu'à manquer sa cible. Il ne pouvait partir ainsi, et puis, dans le fond, il s'amusait bien trop à l'heure actuelle pour quitter la scène qu'il avait lui-même dressée.
Il désangla son heaume qui commençait à l'étouffer et vint s'interposer au trot entre Fulgance et les nouveaux assaillants qui approchaient. Un large sourire aux lèvres, il envoya son heaume cornu à l'un des soldats de Grailhy qui l'attrapa in extermis, dans un réflexe assez hasardeux.
Dans la seconde qui suivit, Urien lècha le fil de son épée d'une manière obscène et leva haut la main droite, le majeur dressé à l'intention de ses ennemis.

_Peste soit de la vouge, maugréa Fulgance qui se relevait péniblement, encore étourdi du choc, mais assez conscient pour réaliser ce qui venait de se passer : il venait de perdre un précieux compagnon, le fier destrier Flamme. L'équidé avait été son plus fidèle compagnon, et souvent le seul, depuis sa fuite du domaine familial.

Encore sous le choc des coups et de l'émotion, le jeune chevalier avait bien du mal à se dresser, mais l'ennemi avait pris peur de la charge des trois cavaliers et les survivants s'étaient réfugiés dans les bosquets, bien trop loin pour profiter de la faiblesse passagère de Fulgance. Le seul qui eusse pu en jouir était le même qui avait occis son cheval, mais le fier animal avait, dans une ultime ruade, réglé le sort du malandrin, se montrant ainsi efficient jusqu'en ses derniers instants.

Mais Fulgance ne pouvait se permettre de s’affaisser dans le deuil alors que l'ennemi n'avait pas encore dit son dernier mot. C'est à ce moment que, contre toutes ses attentes, Urien vint faire barrage pour le protéger alors qu'il finissait de se remettre sur pieds.
_ L'aurois-je si mal jusgé ? Pensa-t-il avant que tout le crédit de cette action héroïque ne soit effacé par l'effarante vision d'Urien léchant sa lame avec un regard d'aliéné. Cependant, l'action de son "capitaine" lui permit de finir de se rétablir et de se préparer à la prochaine action de l'ennemi.

Othon regarda autour de lui. Apparemment, il était trop loin pour pouvoir aider le gros de la troupe, et Fulgrance et Urien auraient tôt fait de règler leur compte aux deux manants restant. Il décida donc de jeter un coup d'oeil du côté où Onésime était tombé, afin de regarder si ce dernier était encore vivant après sa magnifique chute. Non qu'Othon ne fût particulièrement attaché à cet étrange personnage, mais le Murienburger avait toujours pensé que leur "ami" courtaud serait prêt à les trahir à peu près n''importe quand et pour à peu près n'importe quoi.

La cavalerie (ou ce qui en restait ) semblait bien peu désireuse d'aider l'arrière garde, pourtant en fort mauvaise posture. Brionne s'adressa brièvement à Leustant et Armand qui luttaient à ses cotés :
- Tenez bon, je vais assurer vos arrières.
Puis, plus fort
- Thomas sus aux archers ; Din le vougier au bassinet ; je prends l'autre.
Il espérait que trois épées suffiraient pour venir à bout de cette piétaille qui semblait bien décidée à les mortir tous.
Faisant un moulinet avec son épée à senestre, il sortit discrètement sa dague de la dextre. Il comptait parer la lame du vougier de son épée pour l'entreprendre ensuite à la dague.
- Sus à l'ennemi ! Vengeance pour Marius !
Sans attendre la réponse de ses compaings, il s'avança vers l'adversaire qu'il s'était choisi, cherchant son regard sans ignorer la pointe de son arme qui balançait en sa direction.

"Le vou quoi ?" dit Din en réponse à l'injonction de Brionne ?
Il regarda Beppe, espérant que celui-ci avait compris, mais le brave non plus n'avait pas compris et le regardait d'un air bête.

Alors, Din se décida à charger les hommes qui venaient de sortir du bois et avaient occis Marius.

"Avanti, Beppe, con me !" et il s'élança vers le groupe, espérant échapper aux flèches et profiter, une nouvelle fois, de l'impat de la charge.
Beppe le suivit aussitôt, et s'il avait eu une voix, tous l'auraient entendu crier "ZBUZZAGRILLIIIIIII !!!"
...

Une flèche siffla au-dessus de la tête de Din, mais le tir était trop hâtif pour atteindre sa cible. Les deux cavaliers furent en un clin d’œil sur les soldats qui eurent grand peine à esquiver les sabots de leurs montures. En se penchant en avant sur sa selle, la lame tendue, Din parvint à expédier l’archer qui venait de le manquer. Il roula sur le chemin, le dos transpercé par la rapière du Tiléen.

Beppe eut moins de bonheur dans son assaut. L’un des archers fut assez leste pour éviter son cheval et saisir le muet à la ceinture, l’arrachant à ses étriers et le précipitant au sol. L’archer tira une hache d’armes alors que Beppe se relevait et en eût fait sinistre usage si Brionne n’était arrivé à la rescousse, talonné par Thomas. À eux deux, ils tinrent ferme face aux gens de Grailhy, mais la partie devenait rude. Maillart tira un carreau de son arbalète aux soldats, mais il se ficha dans le bouclier d’un des vougiers.


Plus loin sur le sentier, Othon eut le soulagement tout relatif de constater que le gnome Onésime n’était pas en grand péril. Si sa chute n’avait pas dû lui faire beaucoup de bien, le mercenaire de Marienburg comprit vite qu’il était bien vivant ; de toute évidence, il faisait le mort pour éviter de se mêler des combats. Othon n’eut cependant pas le temps de prolonger ses réflexions sur l’éventuel manque de loyauté d’Onésime. Les soldats qui avaient échappé à la charge s’avançaient prudemment hors du couvert des armes. Dès que Fulgance et Urien firent mine de s’en prendre à eux, ils reculèrent. Othon se joignit à ses compagnons et quelques coups furent échangés, mais les hommes d’armes battirent bientôt en retraite parmi les arbres. Il devenait évident qu’ils ne cherchaient qu’à gagner du temps…

Un cri retentit : Saint Lambard ! Ce cri, les trois cavaliers ne l’avaient que trop entendu et n’oublieraient sans doute jamais qu’il s’agissait du cri de Sicard de Grailhy et de ses gens. Une cavalcade se fit entendre et quatre hommes déboulèrent au détour du sentier, lance baissée. Deux sergents d’armes accompagnaient le sire de Grailhy et Amaury, son parent.

« Toujours à trop en faire, celui-là», pensa Urien en entendant Sicard de Grailhy s'époumoner. Le seigneur local aurait mieux fait, d'après lui, d'adopter une attitude plus sobre et réfléchie comme il seyait à un vrai chevalier (NdB: On ne rit pas, s'il-vous-plaît ).

« Dans la masse ! Cria le chevalier de la Quête à ses deux acolytes. Ils seront contraints de nous affronter à égalité une fois arrêtés.»

Il tendit la main à Fulgance pour le faire monter en croupe, mais ce dernier ne put y parvenir à temps. Les cavaliers étaient presque sur eux. Après lui avoir conseillé de se jeter dans les fourrés, Urien fit signe à Othon de partir en direction de Brionne et des autres, avant de s'élancer à son tour, avec Sicard sur ses talons. La cavalcade fut vive et les quelques mètres qu'ils parcoururent semblèrent incroyablement longs au chevalier de Havras. Alors qu'ils allaient atteindre les autres aventuriers, Urien fit tournoyer son épée d'un mouvement de poignet, arma son coup et visa la tête d'un homme d'arme...

Sicard, lui-même, leur faisait l'honneur de se montrer. Fulgance avait bien envie de s'élancer en avant pour aller à sa rencontre, mais sans monture, cela risquait être dangereux. La colère bouillait en lui, si bien qu'il fallut qu'Urien s'y reprenne à deux fois avant qu'il ne réalise qu'il lui proposait de monter en croupe. Ce temps perdu rendit caduque la proposition du chevalier de la quête, l'ennemi se rapprochant trop rapidement, et Urien changea son discours, invitant Fulgance à se jeter dans les fourrés tandis qu'Othon et lui-même s'éloignaient. Dans un éclair de lucidité au milieu de son ciel de rage, Fulgance réalisa que cette solution était la seule qui lui restait : faire face à quatre cavaliers alors qu'on est à pied avec une simple épée était proche du suicide ; même si toutes les fibres du corps du jeune chevalier criaient leur colère, Fulgance courut dans les buis épais : ici, un cavalier perdrait beaucoup des avantages d'être monté. De plus, il allait les forcer à se séparer, au moins l'un deux allait le suivre, ne pouvant se payer le luxe de laisser un ennemi pouvant les prendre à revers.

Enfin, leur plus grand ennemi... Othon sentit la colère monter en lui tandis qu'il se rappelait comment ce ladre avait loué les services de la compagnie avant d'en massacrer une partie et de mettre en fuite l'autre. Hélas, il ne pouvait l'affronter tout de suite ; il lui fallait revenir vers le gros de la troupe. Son coeur se serra lorsqu'il se rappela qu'Onésime et Fulgrance étaient restés en arrière, faute de chevaux, à la merci de l'ennemi si jamais celui-ci, d'aventure, les découvrait... Il se demanda tout à coup pourquoi Onésime était venu charger avec eux. Le gnome n'avait après tout ni la férocité d'Urien, ni l'impétuosité de Fulgrance, ni l'adresse et la rapidité d'Othon... Une fraction de seconde plus tard, chassant ces pensées confuses, Othon se reconcentra sur la bataille et fit faire volte-face à son cheval. Il leva sa rapière et tenta de frapper un homme d'armes d'estoc.

Brionne surveillait du coin de l’œil les cavaliers qui évoluaient sur le chemin. Si une charge devait venir en sa direction, il faudrait promptement l'éviter. Il comptait même profiter de la diversion pour percer la gigedouille du soudard qui lui faisait face.

Le héraut d’armes n’était pas seul à avoir compris que tout risquait de se jouer dans ce brusque assaut : autour de lui, les combattants jetaient des regards nerveux par-dessus leur épaule pendant que résonnait le grondement de la cavalcade. Deux soldats commencèrent à reculer prudemment, redoutant la confusion à venir. L’un d’eux manqua d’être estropié par Brionne alors qu’il tentait de se dégager de la presse.

Le choc fut bref mais terrible. Fulgance, l’écu levé, reçut le premier coup lorsque l’un des sergents le prit pour cible en passant. La lance érafla largement le bouclier avant de voler en éclats. Le jeune chevalier tint ferme sur ses jambes, mais de justesse. Le sergent lâcha le tronçon de lance et tira son épée.



Ironiquement, Urien et Sicard, les deux ennemis mortels, ne firent que se croiser sans dommage, de si près cependant que leurs chevaux faillirent se jeter à terre l’un l’autre. La rude bousculade fit manquer de peu son coup à Sicard, qui tenait sa lance fermement pointée en direction d’Othon. Urien, lui aussi malmené par le choc, ne pouvait plus guère espérer atteindre la tête du sergent à qui il destinait sa lame, mais abattit son épée malgré tout. Il mit un instant à se rendre compte que l’homme venait de le dépasser sur son cheval toujours lancé au galop, la tête à demi tranchée au niveau de la tempe. Quoique le spectacle fût aussi ignoble que grotesque, le douteux chevalier sembla le goûter en connaisseur. Son visage affichait encore un large sourire lorsqu’Amaury, le cousin de Sicard, le heurta de plein fouet de sa lance. Urien fut arraché de ses éperons et vola par-dessus la croupe de sa monture avant de s’abattre sur le dos d’un infortuné soldat.

Othon, ayant échappé à la lance de Sicard, espérait encore se débarrasser de l’un de ses hommes, mais le soldat parvint à parer son coup d’un revers d’épée, et dépassa Othon. Celui-ci ne perdit pas un instant et tendit brusquement le bras pour lui envoyer un grand coup sur la nuque qui lui fit vider les étriers.

Plus loin, la confusion régnait. L’élan de la charge était perdu, mais deux cavaliers ennemis sur quatre étaient encore prêts à en découdre, alors que face à eux seul Othon était encore monté. Sicard avait lâché sa lance et fendu d’un revers de lame le crâne de Maillart, piétinant au passage le cadavre de Marius et de l’un de ses propres soldats. L’autre chevalier, Amaury le secondait efficacement et à deux, puissamment armés et déterminés, ils redonnaient du cœur à l’ouvrage aux gens d’armes.



« Messire Urien, réveillez-vous… »

Urien n’avait pas de temps à accorder à ces niaiseries. Il avait une mission ô combien plus importante : il devait au nom de la Dame se baigner nu dans une cuve de bordeleau avec douze damoiselles de haute naissance.

« Messire Urien, pissemerdre ! »

Le visage d’Onésime se superposa instantanément à son rêve embrouillé, apparaissant au-dessus d’épaules nues et d’une gorge claire. Urien recula d’horreur. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits. La moitié de son corps devait être couverte de bleus et il avait une terrible douleur à la main gauche qui lui faisait craindre d’avoir une phalange brisée, mais son armure avait fait son office : il était secoué, mais bien vif.



(S désigne évidemment Sicard de Grailhy, et Am Amaury, l’autre chevalier. Il y a eu pas mal de gens démontés, ce qui suppose qu’il est éventuellement possible de se saisir de l’un des chevaux esseulés, que je n’indique pas sur mon plan. Et en guise d’étrennes, je laisse les deux premiers joueurs qui répondront à ce message tuer (ou mutiler, ou ce que vous voulez ) un soldat ennemi de la façon qui leur semblera la plus plaisante. )

« Merdre ! Futre ! Vomi d'Yssoudun ! Fiotte à futre de foutre de vomi d'Yssoudun de ma merdre !» jura Urien en tentant, tant bien que mal, de se relever. Désormais debout, mais toujours extrêmement sonné, il fit trois pas chancelants en arrière alors qu'il escomptait aller vers l'avant. Les yeux rivés sur sa main gauche, il constata que son annulaire était plié dans le mauvais sens à partir de la deuxième phalange. Hébété par cette vision épouvantable qui, il faut le dire, l'amusait bien moins qu'une tête à moitié tranchée, le chevalier de la quête considéra qu'il devait faire quelque chose pour régler ce problème car, par malheur la gauche était sa main directrice.
Le souffle court, les dents serrées, il serra son extrémité meurtrie dans la paume de sa main droite et, dans un craquement sourd, redressa son doigt d'un seul coup.
La douleur qu'il ressentit alors fut bien plus vive qu'il ne l'escomptait et il ne put retenir un cri et quelques larmes alors qu'il tombait à genoux.

Concentré sur son problème, le chevalier de la Quête venait de passer plus d'une minute sans prêter la moindre attention à ce qui l'entourait. L'erreur manqua de lui être fatale. Un vougier avait profité du moment pour lui passer dans le dos et tentait à présent de l'étrangler avec sa hampe. La lutte qui s'engagea alors fut bien loin des magnifiques faits d'armes décrits dans les gestes. Les deux hommes, enivrés par la rage et la haine, luttèrent comme des chiffonniers dans les flaques de neige gadouilleuse et la boue.
Le chevalier était sur le point de suffoquer, les arbres au dessus de lui dansaient et tournoyaient. Dans un dernier élan, un geste désespéré, il porta un coup de coude dans l'abdomen de son agresseur qui desserra un instant la prise. Animé par l'implacable energie conférée par l'envie de vivre, Urien fit passer son adversaire cul par-dessus tête pour le faire atterrir sur le dos, juste devant lui.

L'un tentant de reprendre son souffle, l'autre choqué par son acrobatie, les deux combattants ne purent profiter des secondes qui suivirent pour prendre l'avantage.
Se relevant tous deux péniblement, ils se firent bientôt face une nouvelle fois, prêts pour un nouvel assaut.
L'homme d'armes sembla le plus rapide et prit l'initiative de l'attaque. Ce fut une erreur. Son coup ayant manqué sa cible, le chevalier agrippa sa hampe aussi fortement qu'il le put de sa main blessée et porta de la droite un violent coup transversal qui fit tomber le nez du malheureux guerrier sur son menton. Le coup suivant, d'estoc, transperça la gorge du pauvre bougre, mettant un terme définitf à ses hurlements et à sa triste existence.

A travers le rideau que formaient ses longs cheveux ruisselants de sueur et de neige fondue, le regard d'acier du chevalier chercha Sicard dans la foule...

Le bras encore engourdi du terrible choc qu'il venait de parer, Fulgance se précipita sur le sergent qui venait de l'agresser ; ce dernier, qui venait à peine de sortir son épée, fit cabrer son cheval. Dans un réflexe salvateur, Fulgance fit un saut rapide en arrière, se mettant par la même hors de portée des sabots du bourrin. C'est alors que l'inespéré arriva : le sergent, visiblement moins bon cavalier qu'il ne l'eusse souhaité, n'était pas à l'aise tandis que sa monture était sur ses pattes arrières, et quand elle retomba, il perdit son équilibre sur sa scelle. Fulgance était quant à lui fin cavalier et il perçut donc la maladresse de son adversaire.
_ c'est maintenant ou jamais, pensa-t-il en s'élançant de toute ses forces.

D'un bond, il dépassa la tête du cheval tout en jetant son épée au sol ; il enroula le cavalier de ses bras afin de le jeter à terre, mais Fulgance fut présomptueux : s'il est vrai que le soldat n'était guère à l'aise sur sa monture, il n'en restait pas moins solidement arrimé par ses étriers et le mettre à bas allait se révéler bien plus complexe que prévu, surtout que le garde ne comptait pas se laisser faire. Il fit un grand moulinet avec son épée et pour abattre Fulgance, mais il semblerait que la Dame veillait sur le jeune chevalier, la lame se prenant dans une branche heureusement placée. Ébahi par cette malchance, le sergent perdit sa concentration pendant quelque secondes, ce laps de temps fut plus que suffisant à Fulgance pour le désarçonner et le jeter brutalement à terre. Le pauvre hère déjà étourdi par la chute ne put rien faire quand le gants de mailles rencontra avec force sa mâchoire lui faisant perdre conscience et quelques dents.

Fulgance se releva, ramassa son épée et approcha du cheval soudainement sans propriétaire. Celui-ci recula et hennît bruyamment de peur, mais Fulgance avait l'habitude des chevaux et le calma en murmurant des mots apaisants, ce qui était suffisant pour que le jeune chevalier s'empare des rênes. Monter sur la bête ne fut plus qu'une formalité. Fulgance était de nouveau monté et il jeta un coup d’œil en direction des combats : il était temps d'aller rejoindre ses compagnons et d'en finir une bonne fois pour toute.

Soudain, Din fut pris d'un élan.
Il héla Brionne et, afin de ne pas se faire comprendre par l'ennemi, lui cria en Tiléen :

"Signor Brionne, con me ! Passiamo tra di loro e andiamo sul signore !"

L'idée était de passer au travers des cavaliers lui faisant face afin de se frayer un chemin droit sur Sicard. Din se disait qu'en le submergeant, on en viendrait plus facilement à bout. Et qu'une fois leur seigneur à terre, les hommes d'armes auraient peut-être moins de cœur à l'ouvrage.

"Beppe, segui !"

Et il s'élança, rapière au vent. Beppe le suivit de près, les yeux criant ce que la bouche ne pouvait émettre.
Brionne avait-il compris et le suivait-il aussi ?

Brionne était mal à l'aise en ce behourd. La survie y reposait plus sur force ou bonne fortune que sur l'adresse. Il comptait rester prudemment à l'écart pour aider un compagnon ou achever un ennemi imprudent lorsque le cri de son compaing le persuada de n'en rien faire.
Résigné, il agrippa résolument ses deux armes et s'apprêta à entrer dans la mêlée. Adoptant une garde haute pour parer aux coups des cavaliers, il se retrouva vite coincé entre les montures qui dansaient une mortelle giguedouille autour de lui. L'espace d'un instant, il aperçut la cuisse d'un cavalier simplement protégée d'une cotte de maille. Sans hésiter, il projeta un puissant coup d'estoc avec sa dague.

Brionne, hélas, manqua son estocade. À sa décharge, il était difficile à présent de porter ses coups autrement qu’au jugé, en priant pour qu’ils atteignent un ennemi et non un ami. La confusion régnait.



La lame de Brionne, passée à deux pouces de la jambe du cavalier, perça le tapis de selle et s’enfonça profondément dans le flanc du cheval. La bête rua si violemment que l’arme fut arrachée des mains de Brionne et demeura plantée jusqu’à la garde. Le cavalier fut projeté en avant et manqua de briser le dos du malheureux Beppe sur qui il retomba. Mais c’était peu de choses à côté de la confusion qui allait s’abattre sur la mêlée. Brionne, seul à être vraiment averti de ce qui se tramait, put battre en retraite à temps pour éviter les coups de sabots frénétiques du cheval, affolé par la douleur. Un soldat fut heurté de plein fouet, un autre eut la main écrasée malgré son gantelet, et Armand, qui s’était avisé trop tard du danger, fut piétiné par la bête furieuse ; il fut sauvé par son large écu qui tint bon sous le poids du cheval, fit glisser ses sabots et en fin de compte le fit s’effondrer au sol. Armand, dont on ne pouvait dire s’il était indemne ou gravement blessé, resta piégé sous le corps du cheval.

Les combats avaient cessé un instant, alors que chacun fuyait les coups de sabots. Din fut le plus rapide à reprendre ses esprits, tandis que le cheval blessé gesticulait encore dans le vide. Il lança sa monture à travers la presse jusqu’au sire de Grailhy, qui jurait à n’en plus finir, ordonnant à sa troupe de reprendre la bataille. Il esquiva sans peine une pique maladroitement brandie en travers de son chemin, et atteignit directement le peu recommandable Sicard. C’était jusque-là une action admirable, mais le duel qui s’engagea prit vite un tour inquiétant. Din, malgré toute son habileté, était en grand péril face à un chevalier armé de pied en cap, qu’une rapière aurait les pires difficultés à abattre. L’armure de Sicard le dispensait presque de se protéger de son écu, et il envoyait à Din de larges coups de taille que celui-ci peinait à arrêter avec sa propre lame, peu adaptée à la situation.

Brionne tâchait de secourir de son mieux son compagnon. Beppe n’était pas parvenu à le suivre et luttait au côté de Leustant et Thomas. Din était seul, et risquait d’être coupé des autres. Brionne s’élança, mais un homme en armure l’empoigna et tenta de le jeter à terre. Brionne parvint à se dégager de son étreinte et engagea le combat d’une manière plus élégante. Son adversaire n’était autre qu’Amaury, le cousin de Sicard, dont il venait d’estourbir la monture ; le chevalier avait quelque raison de lui en vouloir…

De son côté, Din faisait honneur à la réputation de bretteurs implacables des Tiléens, mais la partie était plus qu’inégale. Sous une armure complète, même un adversaire de peu de valeur eût été redoutable ; or Sicard savait sans aucun doute se battre. Din étouffa un cri lorsque l’épée du chevalier lui entailla cruellement l’épaule droite. Les dieux cependant devaient avoir goûté sa valeur, car il ne lâcha pas son arme et parvint à esquiver le coup suivant, destiné cette fois à sa tête.

Din fit un violent effort pour reprendre le combat, mais il en fut dispensé. Fulgance, à présent en selle, était à grand peine parvenu lui aussi jusqu’à Sicard et faisait pleuvoir les coups sur son dos. Cette fois, les deux adversaires étaient aussi lourdement armés l’un que l’autre, et les lames tintèrent en frappant les plates. Non loin de là, Othon faisait de son mieux pour empêcher les soldats de Sicard de porter secours à leur seigneur.



L’assaut inattendu de Fulgance commençait à porter ses fruits. Sicard peinait à reprendre l’ascendant, ayant été pris au dépourvu par le jeune chevalier. Fulgance se sentait toucher au but, mais Sicard, malgré tout le mépris qu’il lui inspirait, était un adversaire à craindre. Enfin, il parvint à lui porter un coup en plein sur la tempe qui lui arracha le heaume de la tête. Malheureusement, l’épée de Sicard s’abattit elle aussi, et fendit l’acier du gantelet de Fulgance. Sa main gauche en fut si profondément éraflée qu’il lâcha les rênes et manqua de vider les étriers. Sicard, quant à lui, tomba pour de bon, sérieusement sonné.

Din, serrant les dents, la rapière toujours fermement tenue, était sur le point de s’élancer derechef, voyant que Sicard, toujours armé lui aussi, se relevait de sa chute. Mais le sire de Grailhy fut arrêté net et resta bien malgré lui agenouillé sur le sol, n'osant plus faire un geste. La pointe d’une épée bâtarde le narguait, se balançant juste sous son nez, au risque de l’éborgner. À nouveau, les combats cessèrent alors que tous les yeux se braquaient sur la scène. Le regard de l’infortuné seigneur suivit lentement le fil de la lame qui le menaçait jusqu’à la poignée, pour avoir la très désagréable surprise de la voir tenue par Urien de Havras.

Fulgance profita de l'accalmie pour regarder autour de lui, il pouvait s'estimer heureux de n'avoir qu'une main endommagée et diverses contusions, surtout après avoir combattu un adversaire aussi terrible que Sicard de Grailhy : gisaient sans vie les cadavres de Marius et de Maillart lui rappelant la chance qu'il a d'être toujours vivant. Il lança également un regard vers Din, ce tiléen qu'il connaissait encore mal mais qui méritait le plus grand respect pour le courage qu'il venait de montrer en s'en prenant au comte de Grailhy avec une lame assez inappropriée, acte héroïque mais un peu fou, car si lui-même n'était pas arrivé entre temps, le pauvre homme aurait pu se retrouver encore plus amoché qu'il ne l'est actuellement. Puis Fulgance regarda vers Sicard et Urien, attendant avec impatience ce que ce dernier va décider.

Reprenant doucement son souffle, et heureux de voir que Beppe était toujours vaillant, Din ne put réprimer un frisson en pensant à ce qui venait de se passer.
Sa charge dans le tas avait eu le mérite de jeter une confusion bien à propos dans les rangs ennemis, mais elle avait bien failli lui valoir un laisser-passer sans retour vers les terres où repose depuis longtemps sa sœur bien aimée. C'est donc avec une reconnaissance infinie qu'il croisa le regard de Fulgance, auquel il fit un bref signe de tête pour le remercier.

Sa main lui faisait mal, mais il la sentait encore assez forte pour tenir jusqu'à une halte ultérieure où il pourrait la panser comme il se doit.

Maintenant, il attendait, lui aussi, les mots qu'Urien ne manquerait pas de prononcer en ce moment si intense...

Et déjà, il se promit qu'aussitôt en lieu sûr, il préparerait un de ces festins de gnocchi dont toute la Bretonnie se souviendrait encore dans mille ans !

Urien avait retrouvé son plus beau sourire. Il se mit bientôt à fredonner un petit air bien enjoué en faisant tourner doucement le bout de sa lame devant les paupières de Sicard.

« Ordonnez à vos hommes de lâcher leurs armes sans délai.» finit par lâcher le chevalier de Havras.
Les deux hommes se regardaient fixement. Aucun des deux ne semblait vouloir plier.
Les secondes qui suivirent semblèrent durer une éternité. Il régnait à présent un silence que nul ne semblait vouloir briser. Le vent lui-même avait cessé de souffler.
Sans un mot, Sicard finit par faire signe à ses hommes d'obtempérer. Il avait perdu cette manche.


« Voilà qui est sage ! Maintenant, je veux que vous imitiez le cochon !» s'esclaffa le chevalier de Havras, mais Sicard, le regard injecté de sang et les dents fermement serrées, ne semblait pas vouloir se prêter au jeu. Devant l'insistance d'Urien, Sicard resta de marbre. Il semblait avoir trop de fierté pour cette humiliante mise et scène et méritait donc une correction, songea le chevalier de la Quête.


« Je vais vous apprendre à entraver la noble Quête d'un chevalier en recherche du Graal, dit Urien sur un ton grave. Vous et moi allons régler ceci par un dernier duel.»

A cette nouvelle, Sicard se mit lui aussi à sourire. Le chevalier de la Quête était trop confiant et risquait de le payer cher. Toutefois, Urien n'avait rien précisé quant aux modalités du duel et il se sentait bien trop fatigué pour combattre à la loyale.
Assuré que ses compagnons tenaient en respect leurs adversaires désarmés, il enfonça la pointe de sa lame dans l'œil droit de Grailhy qui poussa un cri déchirant avant de recevoir dans la figure le genou d'Urien.


« En garde, sac à merdre !»

Le duel avait commencé et ressemblait à une cruelle execution. Les hommes de Sicard, en particulier Amaury, s'agitaient déjà.

Othon regarda Urien d'un air désapprobateur. Il décida que son comportement était indigne d'un gentilhomme, et surtout, d'une grande stupidité. Il décida d'intervenir :

-Arrêtez ! Fous que fous êtes ! lança Othon au chevalier de Havras. Ils nous est pien plus utile vivant que mort ! Et si fous l'exécutez, comment vont réachir ses soldats, messire ?

Au fond de lui, une petite voix lui dit qu'il venir peut-être de faire une grosse, très grosse bêtise.

« Executer ? Quelle execution ? Ceci est un duel !» répondit Urien en mettant un coup de pied dans les côtes de Sicard qui n'était pas encore parvenu à se relever.

« Ses soldats sont vos prisonniers. S'ils bougent, faîtes ce que vous avez à faire et ne m'interrompez pas dans mon combat !»

"Magnifique duel, l'égalité des chances est parfaitement respectée", fit remarquer Othon avec ironie. Il s'en retourna vers les captifs, et, s'adressant à ses compagnos : "Prenez leurs armes, ach", il choisit pour lui-même un écu, une épée et une lance, au cas où. Puis il jeta un oeil vers les cadavres, dans l'intention de voir s'il n'y avait pas sur eux quelque butin à ramasser. C'était en majorité des roturiers, semblait-il, et leur équipement laissait fortement à désirer.

Brionne ne quittait pas Amaury du regard. Il avait, d'un coup de pied, éloigné l'épée que ce dernier avait laissé tomber avec un grognement de dépit et maintenant sa propre lame tenait en respect le cousin de Sicard qui ne perdait rien de ce duel relativement ... inégal.
Ne pouvant distraire un instant sa surveillance, il demanda à Beppe de venir en aide au pauvre Armand, toujours coincé sous le cadavre de cheval.

Déjà estomaqué par le geste indigne que venait de faire Urien, le sang de Fulgance ne fit qu'un tour, il s'était préparé à se jeter entre les deux belligérants, quoiqu'il eusse été plus juste de parler d'un bourreau et de sa victime, au moment où Othon intervint. Il espérait que l'intervention du mercenaire redonna une lueur de vertu à Urien, mais il semble que le chevalier de la quête soit au-delà de tout salut. Fulgance avait beau haïr le comte, toutes les fibres de son être hurlait que ce qui se passait sous yeux était mal !

Sicard fût aisément jeté à terre par un Urien possédé qui s’apprêta à porter le coup de grâce, c'en fut trop pour le jeune Fulgance ! Il se jeta avec une rapidité surprenante entre Urien et sa victime et para le coup fatidique destiné au sire de Grailhy !

_ Il suffit, sieur de Havras, fit-il ! Les vilénies de ce sinistre sieur ne vous donne point le droit de vous comporter de mesme . L'homme est vaincu, ce combat n'a plus lieu d'estre ! Montrez-vous digne de vostre rang et cessez de faire honte à la Dame !