« Une, deux, trois, tire la corde maintenant ! »
Thibault s’exécuta, permettant au contrepoids du trébuchet d’envoyer le rocher cent mètre plus loin. Posté sur une colline, le jeune garçon vit le projectile prendre la vie de trois lanciers impériaux, ainsi que des cinq paysans bretonniens qu’ils affrontaient.
« J’t’avais bien dit ! D’viser plus loin ! » Criait l’ingénieur improvisé à son second.
Le premier ingénieur avait permis d’assommer quelques impériaux, en se prenant les pieds dans une corde, et en décollant en même temps que le boulet. La Dame ait son âme de gueux. C’est alors le père de Thibault qui avait hérité de la machine, et qui tentait vainement de coordonner les efforts des artilleurs sous les rires des quelques paysans qui devait assurer leur sécurité.
« Allez m’garçon ! Mont’là-haut, et r’descends la corde ! Allez d’pêche-toi ! »
Thibault obéit, malgré son vertige. D’en haut, il put observer la tournure de la bataille qui se déroulait dans la vallée de Chaîsnes. Les impériaux, suivant leur tactique habituelle, s’étaient regroupés en formation serrée. Leur mur de lance empêchait la chevalerie bretonnienne de charger. Briser le hérisson impérial fut donc la tâche incombée aux vougiers bretonniens. Malheureusement, l’avantage tournait en faveur de l’ennemi. Au loin, l’explosion d’un canon fit sursauter Thibault qui faillit tomber du bras du trébuchet. Mais cela eut pour effet de le recentrer sur sa mission. Il prit la corde, et entreprit de la détacher. Il arrivait au bout quand une nouvelle explosion le fit lâcher prise d'une main, tandis que l’autre tenait encore la corde. Son hurlement ne s’interrompit que lorsque sa mâchoire s’éclata sur le sol, accompagné par le crâne qui se brisa dans un craquement sinistre. Son père regarda le cadavre, avant de déclarer :
« Au moins ce bon-à-rien à descendu la corde ! »