GÉANT CADAVÉREUX
(tiré du supplément Géants, suite du texte publié dans ce groupe le 02/06/20 #fluff #géants #bestiaire #ConclaveVampirique #mortsvivants)
« C’estoit épourable, m’segneû, j’avions rén jamais vu d’tel. J’estions là enrocher el' paûre Guiamet, un bon hardi bonhomme saivez-vous, jamais ène mavaise pairôle, lui qu’avoit tourjous ramanché les galloches des p’tits effants pou rén. Estchusez-moi, segneû, j’estions en plin prâtche, el’ pére Joseph il a tourjous les bonnes pairôles pou les maux temps comme cela. Et vlà que tot d’un cop el’ solage s'soulève et qu’de grosse doigts sourdgissent d’intre les tombes. ‘L estoit vraimaint colèré, j’l’a vu sur sa goule, jusse aivant qu’il n’dérache l’djambe d’la vèye Nichan avô ses dents. »
Vous épargneroi le reste de ce discours en patois local. C’estoit là la plus grande excitation qu’eût jamais connue la cour de Villach. De fait, point ne m’estois attendu à ce que mien nouveau poste ne présentât pareille curiosité que cette affaire de Mornebourg. À l’en croire, l’ancien protecteur de cette bourgade estoit un géant trépassé depuis des siècles, que les villageois, en leur simplicité, avoient enterré au cimetière dudit bourg, avec tous les honneurs dus à un chevalier. Le jeune duc, en cette première année de son règne, estoit affalé sur son trône, l’air, le devine-t-on, fort las. S’apprêtoit à congédier le vilain, lorsque forte voix se fit ouïr à l’arrière de la salle.
« Je ne rebuterois pas si aisément, Sire, les paroles de cet homme. Me nomment le paladin Dagaric, à votre service. À l’injonction de la Dame, suivé-je depuis plusieurs jours la piste d’un vil nécromancien se terrant en cette contrée. Ai l’intention de débusquer cet être ignoble, peu importe jusqu’où s’étend sa putréfaction. Le cadavre d’un géant seroit certainement prise remarquable pour ce misérable, ayant déjà collecté maintes âmes de géants par le passé. Je crois que ce manant ne parle vrai. Prieroi votre Seigneurie de bien vouloir mander une compagnie de chevaliers à fins de me prêter concours dans les efforts entrepris pour nettoyer vos terres. »
Ne pus m’empêcher de noter l’irritation du duc Rémi à cette intervention inopinée, mais même de loin, la lueur du zèle estoit visible en les yeux du nouveau-venu, semblable au feu purificateur qui ardait derrière ses paroles soigneusement choisies. Nul homme sain d’esprit ne peut contrarier paladin dans l’accomplissement de son devoir, pas même un duc en son propre fief. C’est donc ainsi que débuta la quête de représailles pour la délivrance de l’âme de « Sire Prodigieux ».
– Contes de Villach : histoires d’un scribe de la cour, par André Pierlot