Musée du Moyen âge, les nouveautés

Un petit message pour signaler le retour des 6 tapisseries de la "Dame à la licorne" au musée du moyen âge, à Paris.
http://onditmedievalpasmoyenageux.fr/la-dame-a-la-licorne-depoussieree/
J'y suis allé aujourd'hui, tout émoustillé par les énormes panneaux devant le musée : "les Dames à la licorne dans leur nouvel écrin". Je passe en trombe le début du musée, pressé d'arriver à mes tapisseries favorites et là, grosse déception.   
D'abord la pièce de présentation est moins sympa : exit la grande rotonde, l'espace pour pouvoir contempler les tapisseries, les sièges au centre pour un repos en beauté. A la place, une simple salle rectangulaire où les tapisseries s'alignent côte à côte. Une partie de l'ancienne rotonde a été transformée en corridor où s'étalent trois citations fumeuses   .
C'est vrai que, retour des dames et gratuité du musée obligent, il y avait foule et qu'on se marchait un peu dessus. C'est sans doute plus calme en temps normal.
La réfection a sans doute retendue les tapisseries, mais elle a enlevé également un léger relief qui différenciait les zones claires (couleur de peau, pelage des lions et des licornes et certaines robes notamment). Du coup les tapisseries ont pas mal perdu en lisibilité, en contraste. La seule qui s'en tire bien, c'est la grande tapisserie "à mon seul désir" qui me semble aussi belle qu'avant. C'est peut être aussi dû à la lumière, que j'ai trouvé plus froide et un peu moins forte qu'avant.
Du coup, j'étais un peu énervé, en train de me dire que le "nouvel écrin" était surement profitable pour les tapisseries elles-même qui seront surement mieux conservées (c'est déjà pas mal ...  ), mais pas du tout pour les visiteurs  .
Heureusement, j'ai étudié les deux panonceaux d'explications plastifiés disponible sur des présentoirs. Là, par contre c'est le sans faute. Des informations intéressantes sans être rasoir, des remarques et des indices qui éveillent la curiosité et font rêver sur ce chef d’œuvre médiéval.
Le coté positif, c'est que ce premier "réaménagement" doit déboucher sur une refonte complète du musée, avec entre autre, une mise en valeur des thermes gallo-romains qui sont pour l'instant juste massacrés (à l'image du "pilier des Nautes", sculpture fascinante reléguée dans un coin du frigidarium sans aucun panneau d'explication). Pourvu que cette refonte soit plus enthousiasmante que le "nouvel écrin" des Dames ... 
Je vous tiens au courant ...

Et, hop, un gros coup de nécromancie pour signaler la bonne surprise de mon après midi. Vu le froid de loup qui s'est abattu sur la capitale, j'ai décidé d'aller faire un tour pour me réchauffer au musée de Moyen-âge. Je comptais juste me frayer un chemin jusqu'aux "Dames à la licorne", histoire de voir si j'avais pas changé d'avis. L'exposition temporaire est consacré au "Verre, un moyen âge inventif" et, franchement, je comptais y passer en coup de vent. Bah, j'avais tort !
L'expo commence par un petit film qui traite de la fabrication du verre et des différence entre le sud (Italie et Moyen Orient) et le nord (France, Allemagne). C'est intéressant, bref et bien conçu. On attaque ensuite le vitrail, avec quelques très belles pièces. Certains des vitraux de la basilique de Saint Denis qui, selon Suger, ont englouti la moitié du prix total de l'édifice !
Il faut dire que le secret de la fabrication du verre a été perdu depuis l'antiquité et que le verre bleu (un bleu clair, superbe) doit être importé du moyen Orient. Je sais pas vous, mais moi, cette matière tellement fragile et précieuse fabriquée à des centaines de kilomètre d'ici qui voyage à travers les périls et aléas des transports de l'époque juste afin que des artisans puissent éclairer la basilique, ça me fait rêver.


Là, il s'agit d'un vitrail plus tardif de la sainte chapelle, mais on va pas chipoter ...  

Ensuite on attaque le verre civil, avec les fenêtres (seuls quelques fenêtres du XVIème sont présentées : il semble qu'aucune croisée de moyen âge n'ait survécu), les premières incrustations de verre sur les monuments ou objets d’orfèvrerie et une grosse collection d'objets de formes et de destination très variées, tous en verre. On a droit aussi à de belles illustrations, aussi bien venant de gravures ou de manuscrits que de très beaux tableaux. C'est instructif et jamais rasoir.




Une corne à boire retrouvée dans un tombe mérovingienne.

Plusieurs vitrines sont consacrées aux émaux (visiblement, c'est un peu du "verre opaque" et la technique est très semblable : encore une découverte !) dont le musée possède une très belle collection, notamment de Limoge.
Dans une autre vitrine ont été rassemblés plusieurs outils retrouvés en fouille. Voir "en vrai" les outils décrits dans la vidéo d'introduction est assez émouvant. Mais la palme de l'émotion revient à ce moine qui a laissé entre les pages d'un manuscrit sa paire de bésicles (les mêmes que Sean Connery dans "le nom de la rose"). Les bésicles ont laissées une trace qui se voit encore distinctement aujourd'hui !



Bon, je suis sorti de là avec des étoiles dans les yeux et l'impression d'avoir appris plein de chose sur le verre, ce qui m'a fait m'intéresser de manière complètement différente aux vitraux présents ailleurs dans le musée. Musée où je me suis un peu perdu : les travaux avancent mais c'est loin d'être terminé et le parcours de visite est alambiqué et cahotique.
Si certains d'entre vous passent par la capitale et veulent y faire un saut, ça mérite vraiment ; surtout si le thème vous intéresse !
De mon coté, je pensais être complètement imperméable et suis sorti enchanté !

Nouvel exercice de nécromancie pour parler d'une exposition vraiment intéressante au musée du moyen âge. Faudra aussi que je fasse un petit point sur les nouveautés depuis la refonte du musée en 2022 mais là, il y a urgence : l'expo est super et il faut pas la louper (je pense y retourner avant qu'elle ne se termine, le 16 juin !


Déjà, le thème promet du lourd pour tout amateur du XVème siècle : Charles VII, Jeanne d'Arc, les bourguignons et les armagnacs qui s'entretuent avec les anglais au milieu, c'est une période riche en évènements mais aussi passionnante au niveau artistique. On voit en effet apparaitre en France les premiers artistes, qui signent leurs œuvres, alors que, précédemment, les dessinateurs étaient considérés comme des artisans plus ou moins doués. C'est aussi le moment ou se fait la synthèse entre l'art hollandais (et la peinture à l'huile) et l’italien (avec les prémices de la Renaissance).
Au sein de l'expo on aborde donc le coté historique (avec un des rares, sinon le seul, croquis de Jeanne d'Arc fait à l'époque) et le coté artistique avec de très belle pièces rassemblées là et venant des provinces de France (à l'exception de la Bourgogne ... et pourtant il y avait de la matière ).
Il y a deux niveaux d’intérêt à cette expo : on peut y aller juste pour la beauté des objets (le dais de Charles VII, certaines enluminures entre autres) et on peut aussi s'intéresser aux commentaires apposés sur chaque œuvre et qui éclairent les rapports passionnants entre commanditaires et artistes. Il explique également que les artistes d'alors avaient souvent plusieurs cordes à leur arc et savaient aussi bien peindre un cadre qu'une enluminures. On y apprend donc les correspondance entre les enlumineurs, souvent désignés par un nom d'usage (ex : maitre de Bedford, maitre de Dunois) et les peintres de chevalet dont le nom véritable est souvent plus connu (Jean Fouquet, Jean Haincelin ...). Sont également abordé les rapports artistes et commanditaires qui restent souvent ensembles plusieurs années.

Quelques photos de l'expo :

Le fameux dais de Charles VII (normalement au Louvre) :


Une statuer présumée de Dunois, le compagnon de Répanse de Lyonesse euuh, non, de Jeanne d'Arc


Une monstrance de cristal


Un armorial particulier, qui présente également des dessins des villes ou châteaux :


Une miniature -assez magique- de Jean Fouquet


Le "livre des tournois" du roi René, un manuscrit assez extraordinaire.


Un tapisserie, elle aussi, assez fantastique, qui doit venir de Rouen, je crois



Bref, c'est passionnant, et si vous avez l'occasion de passer par Paris, hésitez pas !
En plus la présentation du nouveau musée est très réussie et vaut le déplacement à elle seule.

... Et le musée est toujours gratuit le premier dimanche du mois !