Deux expos au musée du Moyen Âge

On peut voir en ce moment non pas une mais deux expositions au musée du Moyen Âge de l'hôtel de Cluny. La première, qui dure jusqu'au 7 janvier, est consacrée à un sujet peu commun, la Croatie médiévale. Elle présente en particulier de nombreuses pièces d'orfèvrerie, parmi lesquels plusieurs reliquaires, évoquant souvent la partie du corps conservée (bras, jambe, etc.). C'est une exposition assez courte (format habituel des petites expos de Cluny, occupant seulement les deux premières salles du musée), mais originale et plutôt impressionnante par la richesse des œuvres.

La seconde , jusqu'au 4 mars, s'intéresse au jeu « de Babylone à l’Occident médiéval ». Elle est stupidement intitulée « Art du jeu, jeu dans l'art » (quand vous cherchez un titre et que voulez avoir l'air très malin, prenez une expression, n'importe laquelle, et inversez-la : plaisir de l'amour et amour du plaisir, philosophie de la vie et vie de la philosophie), mais n'a pas grand rapport avec l'art et concerne à peu près uniquement les jeux de table (dés, échecs, cartes et autres -à propos : jeux de tables, tables de jeux ; je devrais me faire embaucher comme consultant en communication surpayé). C'est une exposition plus que fournie, diverse, rassemblant de très belles pièces comme des pions d'ivoire sculptés ou des cartes à jouer peintes. Il en est d'autant plus regrettable qu'elle ait été conçue par des chimpanzés.

Et je pèse mes mots. Je vois mal ce que viennent faire Babylone et l'Égypte ancienne au musée du Moyen Âge, surtout quand on est incapable de mettre en évidence leurs liens avec l'Occident médiéval. Si les pièces romaines se justifient davantage, il faut déplorer la quasi absence d'objets arabes ou persans, ne serait-ce que pour présenter l'arrivée des échecs en Europe. À part ça, pas d'ordre chronologique, une organisation en foutoir flamboyant, des vitrines kafkaïennes qui empêchent de voir correctement les pièces et où les notices ne sont pas même en face de ce qu'elles commentent (très intelligent quand on rassemble une cinquantaine de dés ou de pions d'époques diverses mais d'aspect proche). Les informations sérieuses sont noyées dans un discours pseudo-sociologique sur les symboles du jeu qui m'a plus évoqué un jargon d'enseignant-chercheur trop enthousiaste qu'une vulgarisation maîtrisée (entre les machins psychopompes et les bidules architectoniques, il y avait de quoi ricanner).

Bref, une belle expo parce qu'elle rassemble de belles pièces, mais montée avec les pieds. On sort sans avoir appris grand-chose de l'histoire du jeu d'échec, sans savoir, par exemple, que la reine aujourd'hui toute-puissante a longtemps été une pièce faible, et sans le moindre aperçu des règles du tric-trac médiéval ou de la mérelle, dont les pions sont pourtant omniprésents tout au long de l'expo.