Le Royaume de Bretonnie
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 Le tournoi du Fort de Sang

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Essen
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MessageSujet: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptySam 28 Mai 2016 - 15:31

Le tournoi du Fort de Sang Tourno11


Introduction



     Au duché de Parravon, rien ne semblait avoir changé. Certains oiseaux chantaient, d’autres s’attaquaient aux semis printaniers avec leur voracité habituelle. Les nuées de volatiles narguaient les épouvantails, aussi pendant que les parents s’occupaient de dures taches ménagères, leurs enfants se voyaient décerner l’importante mission de gambader dans les champs en criant à tue-tête.
     Ces enfants-là furent récompensés de leur dur labeur par des apparitions ô combien féériques, comme tout droit sorties d’un conte : il ne se passait pas un seul jour sans qu’une petite troupe de chevaliers ne sillonne les routes campagnardes, et même la nuit certains disaient entendre le bruit de sabots en grand nombre. Las, les escapades nocturnes leurs furent interdites encore plus qu’à l’accoutumée : quelques têtes brûlées qui se sont faites prendre furent rouées de coups le jour suivant, afin de servir d’exemple. Lorsque les enfants demandèrent aux parents la cause d’une telle méchanceté, certains répondirent : « Parce que le bon duc l’a ordonné ! » et d’autres : « Parce que la nuit, il y a des monstres, encore plus de monstres que d’habitude ! »

     Le vent soufflait différemment que d’habitude, mais cela, seules les vieilles personnes le sentaient. Un vent d’ouest, humide, un brin salé. Il charriait de plus en plus souvent une épaisse chape de nuages, qui venaient se briser net contre le rempart des Montagnes Grises. Alors, le manteau céleste subsistait des journées entières, avant de se dissiper paresseusement, non sans avoir déclenché quelque bruyant orage parmi les cols et les sommets escarpés. Les nuits où une telle tempête éloignée battait une mesure irrégulière et inquiétante, les familles se réunissaient autour du feu, partageaient la soupe du soir et priaient la Dame de les protéger contre les monstres qui rôdaient aux environs.
     Le vent portait non seulement des nuages mais aussi des rumeurs. Une sanglante bataille aurait eu lieu quelque part au nord du duché, à la frontière de Montfort. Le bon duc aurait occis des monstres en grand nombre. Dans les masures, la curiosité s’éveilla : on pressa les adultes qui allaient en ville pour affaires de rapporter la moindre bribe de nouvelles, la moindre faribole. Une deuxième rumeur alla à l’encontre de la première : ce n’était plus au nord, mais au sud que l’affrontement aurait eu lieu, et le duc n’y aurait point été présent. Puis, certains prétendirent que le duché était attaqué de toutes parts… Les plus inquisiteurs voulurent connaître les affaires de l’est et reçurent tout d’un coup des nouvelles extraordinaires : tournoi, tournoi, tournoi… Sauf qu’on ne pouvait pas y entrer. L’on s’en étonna fort, questionna davantage. A force de monnaie dépensée en alcool, les langues savantes furent déliées, et les histoires à dormir debout affluèrent en grand nombre : tournoi de fantômes, sabbat de sorcières, rassemblement de chevaliers en vue d’une invasion des terres au-delà des montagnes… L’on regretta l’argent investi, tant les informations obtenues s’avérèrent absurdes et contradictoires. Toutefois le tumulte des ragots atteignit un degré tel où même les habitants des villes ne se sentirent plus dans leur assiette. Chacun y alla de ses propres moyens : doléance au seigneur, écoute aux portes, pot de vin à un garde du château ducal. Puis, subitement, la bulle éclata : un tournoi devait bien avoir lieu sur les terres de Parravon loin des yeux du peuple, car il accueillait en son sein des démons issus tout droit des pires cauchemars imaginables. S’ensuivirent deux mouvements distincts : une petite minorité ressentit une telle frayeur qu’elle s’en alla de la cité ducale, résolue à trouver fortune soit à Quenelles, soit à Montfort. Une grande majorité se réunit en foule, et alla droit au château, gronder ou supplier leur protecteur de mettre un terme à l’insupportable menace, quelle qu’elle fût.

     Lorsque le duc se présenta à la populace, tous furent éberlués : monté sur son plus beau destrier, en armure complète, le heaume sous le bras et l’épée levée haut, leur seigneur fit une sortie qui se voulait triomphale. Une colonne de chevaliers à sa suite, Baudouin de Parravon annonça haut et fort son intention d’en finir avec les monstres et les démons qui menaçaient ses sujets. Il fit signe à ses musiciens, et force coups de trompette vinrent renforcer le sérieux de ses intentions.
     Les chevaliers à sa suite l’acclamèrent, suscitant immédiatement une liesse contagieuse qui se propagea parmi les braves citadins. Leur seigneur ne les avait point laissé tomber, il était fort, beau et juste, et il allait tous les sauver de la ruine et de la désolation. Jusqu‘aux portes de Parravon la foule suivit ses vaillants défenseurs, et encouragea jusqu’au dernier petit écuyer de la colonne.

     Lorsqu’ils furent sortis de la capitale ducale, le seigneur Baudoin essuya la sueur de son front, puis s’adressa à son connétable :
     - Eh bien mon bon Bertrand, j’avais eu raison ! La rumeur a tenu le mois entier, le tournoi peut maintenant commencer ! Grâce soit rendue à la Dame !
     Le bon Bertrand acquiesça du chef et sourit dans son épaisse moustache : son bon seigneur savait bien gouverner !      

Le tournoi du Fort de Sang Parrav10


Dernière édition par Von Essen le Mer 1 Juin 2016 - 11:40, édité 1 fois
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Essen
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMar 31 Mai 2016 - 16:35

***
     
     En arrivant à l’abbaye, le duc et sa troupe ne manquèrent pas d’être impressionnés une fois de plus par la taille de La Maisontaal. Une véritable forteresse, un bastion de foi, le seigneur Baudoin songea que même son propre château était bien plus modeste.

Le tournoi du Fort de Sang Total-10
 
      Il fut accueilli par le clergé de l’abbaye, avec toutes les marques d’inquiétude auxquelles il pouvait s’attendre. En traversant les interminables couloirs et escaliers qui menaient aux quartiers qui lui avaient été réservés, il se fit narrer toutes les choses dont il avait besoin et nul besoin de savoir.
      Les jours, pourtant estivaux, se faisaient plus courts. Les nuages obscurcissaient les cieux avec une fréquence affolante, déversant souvent des pluies torrentielles, qui n’avaient rien à voir avec les courtes averses de la saison. Au contraire, le temps était souvent froid et humide, comme si l’été était déjà passé…
      Las, ce n’était pas tout : l’abbaye était harcelée, et ce en dépit de la foi inébranlable de ses occupants. La nuit, leur santé d’esprit se voyait souvent mise à l’épreuve, trop souvent. Des cauchemars effroyables visitaient même le père supérieur, alors que dire des dizaines d’orphelins qu’accueillait la sainte bâtisse… Il y eut même des victimes. La nuit, alors qu’autrefois l’on pouvait se recueillir ou se promener paisiblement dans les couloirs, la nuit était désormais crainte, car deux moines morts avaient été découverts, une expression d’horreur défigurant leurs visages… Quant à ceux qui ne trouvaient plus le sommeil, des bruits dans le noir leur furent échus. Pleurs, hurlements de désespoir, brusques froissements de chauves-souris, et parfois même l’orgue de la nef centrale s’ébranlait de quelques notes lugubres.
      Et pourtant, ils n’étaient point attaqués.

      Le seigneur Baudoin insista qu’on lui laissât une nuit de repos. Or, lorsqu’il se rendit le matin à la rencontre du père supérieur, ce dernier le vit avec des yeux cernés et l’air peu amène. Sa seigneurie venait de subir elle-même quelques fâcheuses conséquences de la folie auxquelles elle avait consenti. Entre deux bouchées de pain qu’il mastiquait hargneusement, le duc de Parravon fit comprendre à son connétable que les inscriptions pouvaient être officiellement ouvertes.


Les inscriptions


      Si La Maisontaal permettait d’héberger un vaste nombre de nobles sires et de pèlerins, elle ne disposait pas de l’espace nécessaire à une armée, et c’était une armée, une armée de chevaliers venus des quatre coins du royaume qui s’était constituée en ces lieux en l’espace d’un mois. Sur la mince plaine environnante paissaient des dizaines de nobles montures, alors que leurs nobles maîtres avaient dressé des dizaines de tentes vivement colorées, la plupart concentrées à l’ombre matinale de l’abbaye. Les chevaliers scrutaient l’est sauvage, où quelque part devaient s’abriter leurs terribles ennemis de la nuit.
      Les hérauts de Parravon arrivèrent en début de matinée et trouvèrent le vaste campement en pleine activité : d’un commun accord, les nobles sires avaient dégagé un vaste espace d’entrainement qui, avec quelques pieux plantés en ligne et reliés par une solide corde, constituait une lice rudimentaire. A peine la lumière du jour fut-elle suffisante qu’une petite foule de participants et de spectateurs se réunirent là, afin de voir les passes d’armes des meilleurs d’entre eux, montrer ses propres bottes, apprendre de ses erreurs.
      Deux chevaliers s’apprêtaient ainsi à abaisser leurs lances et charger. L’un d’eux portait d’argent à trois bandes de gueules, le second, d’azur à trois couronnes d’or. Le signal fut donné, ils donnèrent des étriers.  
      Las, le soleil levant perça à ce moment-là les éternels nuages, dardant ses rayons vers la lice d’entrainement. Pris de court, le chevalier d’azur dévia sa lance (0 T), son adversaire pénétrant immédiatement sa garde laissée ouverte ; toutefois, une lumière toute autre que celle de l’astre du jour s’interposa à son coup pourtant redoutable (3T, 2B, 0 svg, 2 Invu !!!). Sa lance se brisa dans un craquement effroyable, et tous les observateurs furent ébahis par cette intervention inattendue de la Dame : il ne s’agissait portant que d’un entrainement… Le chevalier d’azur confia sa lance à son écuyer, afin de rencontrer son adversaire, lame au vif. Le chevalier d’argent ne se fit point prier, et se rua à l’attaque ; las, ses coups ne furent guère assez puissants, comme si le choc précédent l'eut confondu l’esprit (3T, 0 B). La contre-attaque du chevalier d’azur fut fulgurante, trouvant une faille dans l’armure de son opposant (1T, 1B, 0 svg, 1PV !).
      Les hérauts du duc, au départ décidés à interrompre l’entrainement afin d’annoncer leur message, demeurèrent cois afin d’en voir la fin.
      Le chevalier d’argent ne chercha point à attaquer, tant la douleur soudaine le tenaillait (0 T) mais n’en fut pas moins efficace avec son bouclier (3T, 2B, 2 svg). Lorsqu’il résolut à repartir à l’offensive, son adversaire le reçut comme il se doit (2T, 1B, 0 svg, 1 PV !), mais fut lui-même surpris de voir sa garde faillir (4T, 1B, 0 svg, 1PV !).
      Tous les chevaliers assemblés le voyaient : le combat touchait à sa fin. Après une passe d’armes aussi faible qu’inefficace (1T, 0B contre 0T), ce fut le chevalier d’azur qui, manifestement inspiré par la Dame, prit le dessus en mettant toutes ses forces dans un déluge de coups (4T, 2B, 1 svg, 1 PV !!), brisant là les derniers efforts du chevalier d’argent (1T, 0B).
      Alors que pleuvaient les applaudissements, il retint son adversaire de tomber de sa monture ; tous deux se félicitèrent cordialement avant de se retirer péniblement de la lice. A ce moment-là, les trompettes sonnèrent :

« Oyez oyez ! Que la volonté de la Dame et de sa seigneurie soit faite !
Nous déclarons dès ce jour les inscriptions au dénommé Tournoi du Fort de Sang ouvertes !
Les participants seront priés de se rendre la cour est de l’abbaye afin que leurs noms et titres soient dûment retranscrits ! »

       A peine leur appel entendu, ils durent faire preuve d’adresse afin d’éviter tous les nobles sires qui accouraient, manifestement impatients d’en finir avec l’attente.
      Parmi eux se trouvaient les plus jeunes et fougueux, des chevaliers errants, une petite troupe ayant rejoint la « quête des morts » alors-même qu’elle ne comptait guère plus d’une vingtaine de chevaliers.
Tambourinant sur les pierres de la vénérable abbaye, les vigoureux jeunes gens arrivèrent les premiers auprès d’une grande tente ouverte, où un jeune moine chétif venait de disposer une haute pile de parchemins vierges. Il adressa un sourire candide aux chevaliers essoufflés, tout fier de la mission qui lui eut été confiée.
      - La bonne journée à… à messeigneurs ! Je suis Thi… Le frère Thibaut, je suis là pour prendre vos noms et vos… titres ! – finit-il par ajouter à la fois enjoué et hésitant.
      Plusieurs jeunes chevaliers commencèrent en même temps, réalisèrent leur bêtise en rirent de bon cœur. Auprès d’eux, le frère Thibaut entendit des jappements tout aussi joyeux : se penchant par-dessus sa table, il aperçut un chien de taille modeste, aux poils ras, aux oreilles pendantes, le pelage blanc, brun et noir sur le dos. Le noble animal regardait les jeunes sires avec intérêt, puis regarda le moine, aboya en guise de salut.
      - Colin Oméga ! – prit alors l’initiative l’un des chevaliers. – Chevalier sans terre.
      Le frère Thibaut nota soigneusement ses paroles, avant de dire subitement, comme s’il en avait toujours l’habitude : « Suivant ! »
      Colin quitta en premier la longue file d’attente qui se formait devant le jeune moine. Le chien qui remuait énergiquement sa queue le suivit immédiatement en aboyant, et son maître lui répondit :
      - Viens, Courage ! On va s’entrainer et gagner ce tournoi ! A nous deux, on est sûrs de gagner !
      En guise d’approbation, le chien dévala les escaliers menant à l’extérieur comme s’il voulait s’envoler avec ses deux oreilles.

      Pendant toute la journée, Colin s’affaira à s’entrainer au maniement des armes. Ses compagnons l’ayant rejoint sous peu, ils eurent le privilège d’user du champ de lice jusqu’à la pause de midi, pendant que les autres seigneurs s’attroupaient devant la table du frère Thibaut. Après avoir fait ripaille, le sire Oméga s’en alla cavaler dans les prés, ou plutôt dans la mince vallée compressée entre les menaçants monts des Montagnes de l’Est. La présence de Courage, toutefois, ôtait toute crainte du cœur de Colin. Etait-ce la fougue, l’inconscience ou l’espoir propre à ceux qui ont la vie devant eux, le jeune chevalier avait la ferme assurance de pouvoir remporter cet étrange tournoi, pourvu que la Dame lui accordât son aide. Le blason des Oméga, d’azur, un mystérieux symbole retourné d’argent, avec un liserai d’or, était encore inconnu dans le royaume et souvent, trop souvent moqué par ses voisins. Car sa famille a perpétrée le pire des crimes aux yeux des nobles de la Bretonnie : avoir une ascendance gueuse !
       L’adoubement avait beau remonter à quarante générations en arrière, les « vrais nobles » n’avaient point oublié, causant bien du tourment à sa famille. Les Oméga ne se sont jamais vu donner des terres, comme si tout le sang versé par ses fils ne suffisait jamais à laver la terre qui marquait leurs origines.
       Afin de gagner la reconnaissance de tous, Colin était déterminé à vaincre. Il remporterait le tournoi, épouserait une femme d’un excellent parti, dont l’une était la dame de ses pensées. Si seulement la Dame du Lac entendait ses prières…

       Il fut surpris par la tombée de la nuit ; remémorer sa famille et s’armer d’assurance tout en cavalant loin de tous, voilà qui l’avait empêché de voir le jour décroitre. Il n’était point perdu : l’abbaye se voyait de loin, ses tourelles et créneaux nettement définis sur le crépuscule. Non loin de lui se trouvait un lac aux eaux sombres, mais peut-être était-ce du aux ténèbres croissantes à l’est.
      Colin allait rebrousser chemin, quand une étrange petite lumière attira son attention.
      Au détour d’une immense falaise, de l’autre côté du lac, venait de surgir quelque chose de lumineux, semblable aux lucioles que l’on voyait près des mares. Le chevalier, intrigué, plissa les yeux, alors que sa main gauche venait trouver le fourreau de son épée.
      La lumière survola les eaux, et Colin crut sa vision le faillir : ce n’étaient point des lucioles, mais d’horribles flammèches verdâtres émanant d’une silhouette à l’apparence cadavérique. Sur les eaux immobiles du lac, un cavalier avançait à sa rencontre, armé de pied en cap, le front ceint par une immonde couronne métallique.
      Le chevalier reconnut l’un de ceux qu’il allait affronter, et dégaina. Si ce démon voulait son âme maintenant, il allait être déçu.

      Le cavalier squelettique s’arrêta à vingt pas de Colin. Ce dernier, au départ glacé par une torpeur qu’il ne pouvait expliquer, se rendit soudain compte que Courage, son chien, aboyait férocement. Avec une extrême lenteur, le cavalier plongea sa main décharnée dans les plis de sa longue cape, en sortit un parchemin abimé, qu’il déplia afin de le montrer au chevalier. Colin, à l’extraordinaire lumière malsaine qui émanait des orbites vides de son ennemi, distingua quelques lettres grossièrement tracées : Muet.
      Toujours avec cette lenteur lancinante, le « Muet » sortit de sa cape un parchemin plus grand, sur lequel était annoncé « Le Tournoy du Sang ». Il montra alors la direction à sa dextre, puis la direction à sa sénestre. Enfin, il haussa les épaules, comme pour indiquer une hésitation.
      Le cœur battant à tout rompre, Colin comprit que le démon n’avait aucune intention de l’affronter ici. Au contraire, il était dans l’embarras, demandant poliment son chemin à un passant qu’il avait eu la chance de rencontrer. Hésitant, le jeune chevalier finit par indiquer la direction de l’est. Là-bas, aux dires des nobles sires qu’il avait rencontrés, se trouvait le logis de leurs adversaires, le Fort de Sang. Courage, le chien, ne cessait de sommer le cavalier de partir dans son éloquent langage canin.
      Le « Muet » inclina sa tête, laissant entendre un léger grincement aux jointures du cou. Sa monture squelettique, dont les sabots s’accommodaient parfaitement de la surface aqueuse comme s’il s’agissait de terre meuble, inclina également son crâne allongé. Le démon offrait ses remerciements. Pétrifié, Colin l’observa pivoter sur place, atteindre la rive, puis continuer paisiblement sa route vers la montagne. Courage aboya encore et encore, jusqu’à ce que son maître se résolve enfin à tourner le dos à la terrible apparition. Il mit sa monture au trot, fut étonné de voir que celle-ci suait à grosses gouttes, comme après un long galop.
      Le vent vif de la course emportant le reste de sa confusion, Colin décida qu’au tournoi, il ne montrerait point autant de frayeur que ce soir.

      En rentrant dans sa tente, il remercia la Dame de l’avoir protégé du démon.  



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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyDim 5 Juin 2016 - 20:32

Citation :
Cette excellente présentation n'est point rédigée par ma plume  thumright





     A l’ouest du Talabecland, non loin de la frontière avec le Reikland, une étrange délégation arpentait un petit chemin de forêt, bien à l’abri des regards indiscrets. La nuit était tombée depuis plusieurs heures déjà mais l’obscurité ne semblait pas gêner la dizaine de voyageurs. Ils avançaient inlassablement, imperturbables, leurs armures rouillées par le temps clinquant doucement au rythme de leur pas cadencés.
     Au centre de la formation des guerriers squelettes se tenaient deux cavaliers. Le premier, relativement jeune, portait une robe pourpre maintenue par une ceinture de crâne de tailles diverses. Le reste de son accoutrement, qui incluait plusieurs parchemins glissés dans des rouleaux de cuir, un bâton noueux et d’autres babioles, indiquait clairement son affiliation nécromantique. Et ce n’étaient pas son air mauvais dû à son regard presque fou et ses cheveux blonds en bataille rehaussés par une petite barbiche maléfique à souhait qui allaient prouver le contraire.
     « L’idée est intéressante, - marmonnait-il dans sa barbe. Je ne saisis pas totalement dans quoi le chroniqueur s’est empêtré cette fois, mais c’est définitivement intéressant… »
     Pour s’assurer d’avoir bien compris toutes les subtilités de la chose, Anthezar sortit à nouveau le parchemin de son compartiment pour le relire. Le papier craqua quand il le déplia, la pluie du jour précédent l’avait malheureusement durcit, mais sans en altérer le contenu. Le nécromancien relu l’intégralité de la lettre patiemment, tentant de deviner un sens caché entre les lignes gracieusement écrites. Mais il n’y avait rien. C’était une simple invitation à un tournoi. Un évènement qui n’intéressait guère Anthezar, mais le prix qui en découlait était une motivation suffisante pour qu’il quitte son domaine sylvanien.
     « Une victoire de mon champion et le fort bretonnien deviendra nôtre ! - s’exclama-t-il en levant les bras vers le ciel. - Et je gagnerais ainsi ma reconnaissance tant méritée auprès des maitres vampires ! Finit l’anonymat, à moi la gloire ! »
     Anthezar ponctua sa dernière phrase d’un petit rire sadique pour rajouter un effet dramatique qu’il pensait bienvenu.
     « C’est bon ? - fit une voix aussi rauque qu’une râpe à marbre. - Tu as fini ? »
     La voix qui venait de couper net les réjouissances d’Anthezar venait de l’autre cavalier à sa droite. Sa tonalité forte et posée portait le poids des âges, accentuant encore plus sa prestance royale. Et même si elle donnait l’impression que les cordes vocales de l’intéressé étaient en pierre, on pouvait discerner une sorte d’accent étrange, comme un lointain mélange de Reiskpiel et de Norse. Mais si cette voix sortait de l’ordinaire, on ne pouvait en imaginer une autre sortir des lèvres du personnage en question. Enfin, si tant est qu’un crâne puisse avoir des lèvres.
     Le squelette faisait facilement une tête de plus qu’Anthezar.  Il portait une armure de plaques noire ainsi qu’une cape en fourrure de bonne facture qui cascadait sur son dos à partir de ses épaulières. Mais si le manteau était un symbole de richesse autrefois, il ne le représentait guère plus à présent. Dépenaillé et sali par les éléments, il n’était plus qu’un vague souvenir obscur de sa gloire passée, un peu comme son propriétaire.
     « Alors autant le début était inspiré, autant sur la fin – très honnêtement, ne le prends pas mal - mais tu avais l’air un peu benêt.
     - Tais-toi ! Tu ne peux pas comprendre mon génie et ma maitrise des arcanes nécro…
     - Oui, oui, - fit le revenant en agitant sa main cliquetante. - Je la connais ta rengaine. D’ailleurs puisqu’il est si doué, le ‘maître des arcanes’ va bien nous indiquer la route ? »
     Le nécromancien releva la tête de sa lecture pour s’apercevoir qu’ils étaient en face d’une intersection. Il indiqua la gauche en réprimant un juron à l’encontre de son serviteur… Serviteur ? Est-ce que ce mot avait encore un sens dans la situation actuelle ? Les mains d’Anthezar se crispèrent sur le parchemin. Ce revenant lui tapait sur le système depuis deux jours. Un mois de préparations et de désenchantements difficiles de runes sur le tertre de l’ancien roi guerrier... Tout ça pour se faire insulter par le revenant qui, à peine réveillé, lui avait reproché de l’empêcher de dormir ! Inadmissible ! Impensable ! Et aussi inquiétant… Pour le moment, il avait réussi à calmer la forte tête et à l’amener où il voulait, mais Anthezar doutait de sa capacité à contrôler son nouveau serviteur… En plus, il n’avait pas encore pu voir de quel bois était fait le revenant et donc ne connaissait pas ses capacités. Finalement, il se mit à se demander s’il n’avait pas visé trop haut avec un tel tournoi…


     De son côté, le défunt guerrier soupira d’un long râle éthéré. Décidément, Anthezar était incorrigible. Il fallait toujours qu’il en fasse des tonnes. Le roi revenant indiqua à sa monture de continuer son chemin, la lance de cavalerie à son flanc ballotant au gré du trot. D’ailleurs le cheval était bien vivant, lui. C’était une des petites manies du revenant, il voulait garder un semblant de normalité malgré sa condition surnaturelle. Et de plus, un cheval squelettique était tout sauf confortable, trop anguleux.
     Celui que l’on connaissait autrefois sous le nom d’Oldrick le seigneur des batailles se retourna à nouveau vers le nécromancien. Le pauvre tout de même, se dit-il. Ce magicien de pacotille qui avait déjà du mal à garder un régiment de squelettes debout faisait vraiment pitié à voir. Il n’avait même pas comprit que les runes sur sa tombe étaient complément bidons et n’étaient là que pour de la décoration… Mais c’est justement parce qu’il était complètement incapable que le revenant avait finalement décidé de le suivre. Il y avait quelque chose qui attirait la sympathie chez Anthezar, un petit je ne sais quoi…Peut-être de la pitié ? Bon sang, il devait vraiment aimer les causes perdues, se reprocha Oldrick, mais il s’en serait voulu de laisser mourir bêtement le pauvre hère qui s’était décarcassé à le ramener à la vie. C’était important de payer ses dettes.
     Mais pour le moment, autre chose occupait les pensées d’Oldrick.
     « Dites. - Oldrick put entendre Anthezar rouspéter à son encontre quand il lui adressa la parole. - Est-ce qu’on pourrait reparler de mon patronyme ?
     - Comment ça ? s’exclama Anthezar. Mortiferus le dément est un nom diabolique à souhait ! Pourquoi veux-tu le changer ?
     - Eh bien, parce que c’est diabolique justement. Je vais participer à un tournoi, pas au massacre d’un orphelinat. Alors, je souhaiterais concourir sous mon vrai nom.
     - Mais de quoi parles-tu Mortiferus ? Il n’y a pas à discuter, le sujet est clos !... Esclave !
     - Hmf.  Esclave. Pour changer tiens, - grommela intérieurement Oldrick.
     Anthezar venait apparemment d’arriver à court d’arguments et se remit à lire son parchemin.
     - Et je suppose que pour les cornes ce n’est toujours pas négociable ? - tenta Oldrick.
     - NON ! hurla Anthezar. Tu es MALEFIQUE, bordel de merde ! Agis en tant que tel ! »
     En effet, comme si ses orbites habitées d’une lueur rougeâtre n’étaient pas assez dérangeantes, le crâne blanchâtre du revenant était surmonté de deux bois de cerf imposants. En vérité, une mauvaise manipulation d’Anthezar avait fait fusionner la couronne de l’ancien souverain avec l’os de son crâne. Mais, selon le nécromancien, le résultat amplifiait le côté menaçant du guerrier mort-vivant alors Anthezar avait décidé de le garder tel quel. Au grand dam d’Oldrick qui trouvait le résultat plus que ridicule.
     Cette obsession pour le « Mal » avec un grand M était définitivement un autre grand défaut du nécromancien, il s’attachait bien trop aux apparences, pensait Oldrick. A force de vouloir se donner un genre, il se ridiculisait… Mais le revenant pardonna cette nouvelle excentricité à son ‘maître’. Ce n’était pas la première et ça ne serait pas la dernière non plus.
     Et d’ailleurs ce tournoi… Oldrick ne comprenait pas vraiment pourquoi Anthezar voulait à tout prix y participer, c’est à peine s’il lui avait dit où ils allaient. Mais le nécromancien semblait tellement y tenir que le revenant s’était dit qu’il allait faire de son mieux pour lui faire plaisir. Et puis, quelques duels ne pouvaient pas faire de mal, même si il n’avait que peu de souvenirs de sa vie passée, il savait qu’il aimait ça dans le temps…


     L’étrange délégation continua donc sa route. En arrivant au niveau du Reik, ils finirent par arriver dans une clairière qui menait à un pont leur permettant de traverser. Elle aurait pu faire valoir son charme champêtre si elle n’était pas occupée par une douzaine de soldats.
     « Oh merdre… grommela Anthezar. Ce n’était pas prévu ça. »
     De l’autre côté de la clairière il y eu de l’agitation. Si le capitaine qui dirigeait l’escouade ne s’attendait pas à voir arriver un nécromancien avecque sa garde mort-vivante, il n’en laissa rien paraître et ordonna immédiatement aux soldats d’attaquer. Une scène bien trop courante quand un mage noir arpente les terres impériales, mais Anthezar essaya de rester digne et envoya ses troupes en incantant des menaces à l’encontre des impériaux. Peut-être arriverait-il à les faire fuir de peur ?
     Malheureusement pour lui, ses squelettes se firent rapidement mettre en pièces. Ils n’offrirent que peu de résistance contre les miliciens en surnombre. Ces derniers, mit en confiance par leur victoire, ricanèrent à l’attention d’Anthezar et le chargèrent. Le nécromancien, paniqué, perdit toute sa contenance et chercha du regard son serviteur, l’implorant de faire quelque chose pour sauver la situation. Oldrick lui rendit un regard qu’on devinait excédé.
     « Vite serviteur ! Tue ces vils cloportes ! » Mais devant l’absence de réaction d’Oldrick, Anthezar rajouta : - S’il vous plaît… ?
     - Rhaa… Bon d’accord. »
     Oldrick éperonna sa monture en dégainant sa lame et il chargea les miliciens à bride abattue. Sur le chemin, Oldrick se dit qu’il devait avoir l’air « méchant » ou quelque chose du genre, le jeunot l’avait tanné à ce propos durant presque tout le voyage. Il agita alors son épée dans tous les sens en hurlant son cri de guerre ancestral : « Ceci est mon épée, la  marchande de douleur ! Mort à mes rivaux, car Vengeance est son nom ! ». Sa voix s’était déformée et s’était emplit d’une profondeur mortuaire. Sa cape se transforma en ombres qui s’étirèrent, lui donnait ainsi l’apparence d’un cauchemar ailé ambulant et il continua sur sa lancée.
     Les miliciens, face à un tel spectacle, stoppèrent net leur avancée, trop terrifiés par l’apparition pour avancer. Plusieurs d’entre eux tirèrent à l’arbalète ou au tromblon sur le roi revenant, mais la cape d’ombre absorbait les projectiles, les rendant inoffensifs. Oldrick rentra dans leurs rangs, coupant littéralement en deux un soldat au niveau du buste. Les autres se mirent à fuir pour leur vie. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, l’escarmouche était terminée et les impériaux couraient dans les sous-bois. Oldrick, qui était plutôt content du résultat, fit retourner sa cape à son état d’origine et se tourna vers Anthezar. Le nécromancien était bouche bée et regardait le roi revenant avec un mélange d’effroi et d’admiration.
     « Un peu de prestance que diable ! Et fermes-moi cette bouche, tu vas finir par avaler une mouche. »
     Oldrick éperonna sa monture en roulant des orbites. Il y avait du potentiel chez ce gamin, mais il allait falloir qu’il lui apprenne deux ou trois trucs  pour qu’il s’améliore…
     « Heu… je… Oui ! se reprit Anthezar. Bien serviteur, très bien ! Continuons. Le tournoi nous attend ! »
Anthezar était aux anges, son serviteur était plus qu’impressionnant. Finalement, ce tournoi s’annonçait bien.
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyLun 6 Juin 2016 - 13:57

***


     Un matin gris et pluvieux se leva sur la Maisontaal et ses environs. Le froid et l’humidité décidèrent bien des hommes à ne point montrer le bout du nez dehors, aussi les couloirs de l’abbaye furent un peu plus animés que la veille.
     Bien des chevaliers visitaient l’édifice pour la première fois, s’émerveillaient à la vue de ses voûtes complexes, ses multiples colonnades, ses petites cours intérieures, ses fontaines ornées de statues à l’effigie de divinités. Parfois, les nobles sires liaient conversation avec les moines, échangeant leurs impressions, leurs craintes et leurs espoirs, éveillant l’envie tantôt de prendre les armes pour les uns, tantôt de se tourner vers la prière pour les autres.
     Ainsi se promenaient le duc Baudouin de Parravon et le père supérieur Ruben, également Grand Prêtre de Taal. Ils étaient suivis à distance raisonnable par le connétable Bertrand, qui lui sentait que quelqu’un le suivait mais n’en pouvait jamais attraper la vision.
     Le père supérieur était inquiet et agissait en conséquence. Il eut été fidèle aux engagements du clergé qu’il supervisait, il eut offert pitance et logis à bien des chevaliers qui allaient concourir au maudit tournoi. Las, le mauvais temps qui persistait le forçait à prendre des mesures nécessaires afin que l’abbaye eût les réserves habituelles pour l’hiver.
     Il s’étonna fort, par conséquent, quand le duc lui opposa quelques réserves à contribuer au ravitaillement du tournoi par le biais des greniers ducaux.
     - J’ai une raison qui peut vous être fournie sur le champ, père Ruben, pourvu que ce soit dans un endroit plus discret.
     Le père supérieur, droit et honnête homme depuis sa naissance, affectionnait peu les secrets. Il respecta néanmoins la volonté du noble seigneur qu’il connaissait raisonnable et juste. Baudouin, quant à lui, fut agréablement surpris quand l’endroit élu par le prêtre s'avéra une haute tour occupée par un pigeonnier : en dépit de la forte odeur propre à un tel lieu, le duc affectionnait ces créatures utiles et gracieuses ; bien des messages d’une importance capitale étaient véhiculés par ces messagers ailés.
     Des dizaines d’oiseaux gris et brun emplissaient l’espace de leurs roucoulements, peu disposés à affronter l’averse au dehors. Le connétable du duc fut admis à la confidence, dont il connaissait déjà le fin mot, et la conversation reprit :
     - Père Ruben, mes greniers seront bientôt bien plus entamés que les vôtres. Dans l’entreprise qu’est ce tournoi inqualifiable, j’ai appelé au secours de sa Majesté le Roy.
     Comme traversé par la vision de l’auguste souverain, le père supérieur eut une expression de ferveur affectueuse. Il pria le duc de poursuivre.
     - Sa Majesté a répondu à mes attentes, et envoie cinq dizaines de lances en renfort à mes propres troupes. Il y a deux jours, ils sont arrivés au duché, et sont désormais entretenus à mes frais.
     Si le Grand Prêtre savait le plan final du seigneur de Baudouin, la purge des morts, il n’avait point été averti d’un tel soutien. Cinquante lances signifiaient au moins autant d’hommes d’armes, sans compter les serviteurs. Parravon allait nourrir une armée à ses dépens, mettant en danger ses propres réserves hivernales.  
     Le son d’un cor les tira de leurs inquiétudes ; quelqu’un venait d’arriver à l’abbaye.  

     « Ouvrez les portes au seigneur Valmond de Mélinor, marquis de Couronne ! »
     L’appel n’eut point à être répété, les portes furent ouvertes, accueillant une petite troupe de chevaliers à l’abri des remparts. A leur tête chevauchait un noble sire de belle prestance, et la pluie ne semblait point lui courber l’échine, ni ternir ses atours. Son heaume exempt de cimier, les paladins en faction purent voir le visage d’un homme déterminé, au regard perçant. Son bouc taillé indiquait un âge avancé, sur sa joue gauche se trouvait une ancienne cicatrice. La longue cape du seigneur étonna les curieux, tant les couleurs y étaient variées : on eut dit un pittoresque assemblage de bannières, et certains se demandèrent s’il ne s’agissait là de trophées de guerre.
     Des palefreniers accoururent afin de s’occuper des montures, souhaitant la bienvenue au noble sire de Mélinor et aux siens. Ils furent rapides à la besogne, tant la pluie battante encourageait hommes et bêtes à se mettre à l’abri, et bientôt les chevaliers furent accueillis dans une vaste antichambre généreusement éclairée. Un frère supérieur présidant un petit groupe de moines souhaita la bienvenue au noble sire, alors que de part et d’autres des chevaliers qui passaient par là venaient observer les nouveaux venus. Les murmures enflèrent, les politesses s’enlisèrent…
     - BIEN ! – l’assemblée baissa d’un ton, étonnée par la portée de voix du seigneur.
     Valmond de Mélinor, nullement réputé pour des manières de courtisan, détestait ce genre de situation.
     - Maintenant, si vous avez fini de bénir moi, mes hommes et nos chevaux, j’aimerais savoir si c’est bien ici qu’a lieu le tournoi du Fort de Sang !
     Le frère supérieur, nullement réputé pour une vivacité d’esprit, balbutia quelque chose comme « Ouimonseigneurmaisnousnevoulions pointvous… »
     Trempé jusqu’aux os, impatient de savoir s’il était bien arrivé à destination, le seigneur de Mélinor jugea bon d’interrompre sévèrement cet empoté de clerc :
     - Bien ! Que l’on inscrive mon nom et mon titre, et que l’on me conduise à un bon feu avant que je ne meure sur place.
     Rouge d'une confusion mêlée d’indignation, le frère supérieur sembla néanmoins retrouver ses repères et envoya quérir un certain « frère Thibaut ». Il invita ensuite le seigneur et ses hommes à le suivre, et toute l’assemblée s’ébranla en direction d’une vaste cantine commune, chauffée par deux feux de cheminée et quelques braseros. Ce fut là que les chevaliers se délestèrent de leurs armures, quoique le sire Valmond refusa de se séparer de sa cape multicolore. Ce fut également là qu’arrivèrent ceux que le sire voulait voir : Baudouin de Parravon et le père supérieur. Les formalités furent extrêmement écourtées par le seigneur de Couronne, dont l’état encore humide ne rendait que plus sec dans ses paroles. Alors que quelques dizaines de moines et de paladins prêtaient l’oreille à leur prochaine conversation, le sire Valmond frappa du poing sur la table et les sermonna si sévèrement que tous se dispersèrent aux quatre vents après une cascade d’excuses.
     Il vit qu’un jeune moine demeura sur place, serrant contre son torse une pile de parchemins et un petit pot en terre cuite. D’abord agacé, puis intrigué, Valmont comprit qu’il s’agissait des inscriptions.
     - Seigneur Valmond de Mélinor, marquis de Couronne, - lui dit-il.
     Le jeune scribe s’empressa de s’installer sur la longue table de cantine afin de noter l’identité du noble bretonnien. Le père Ruben et le duc de Parravon se dévisagèrent rapidement, agréablement impressionnés par la prestance du nouveau venu. Fort vigoureux en dépit de ses cheveux blancs, le sire de Mélinor était l’image même de la force liée à l’expérience.
     - Vous avez fait… - commença le duc.
     - Un très long voyage, oui. J’espère que tout ceci va aboutir à quelque chose, car pour le moment, eh bien, il n’y a rien eu à part cette foutue pluie !
     - Bientôt, sire marquis, bientôt, - Baudouin comprit qu’il fallait en venir aux faits. – Nous sommes tous saisis d’attente céans, je vous en donne ma parole.
     Valmond le scruta attentivement, comme essayant de voir dans son esprit.
     - J’ai une question pour vous : de nuit ou de jour ?
     - De…
     - Les combats auront lieu la nuit ou le jour ?!
     - Euh…
     - Vous ne savez pas ?!
     Le duc se trouvait bien en peine de lui répondre, réalisait son erreur. Le marquis, cependant, eut l’air consterné :
     - Et c’est bien vous qui gouvernez le duché ?
     Piqué au vif, Baudouin retrouva vite ses moyens.
     - Ils auront lieu de jour.
     - Ah ?
     - Que le titre de duc me soit ôté s’il en sera autrement.
     Valmond le jaugea une fois de plus, sans gêne aucune. Il parut alors plus satisfait.
     - Et le lieu du tournoi ?
     - Dans la vallée vers l’est, le champ de lice est presque terminé, des hommes de confiance y veillent.
     - Avez-vous vérifié le sol ?
     Le seigneur de Parravon se sentit irrité pour être autant pressé de questions obscures.
     - Quel sol ?
     - Parbleu, le sol du tournoi. Avez-vous vérifié s’il y avait des cadavres ?
     Une telle investigation touchait au sacrilège et à la démence, ce qui fit pousser un « Oh ! » indigné au père supérieur. Le duc n’était pas moins stupéfait. Il voyait le sire de Mélinor les regarder, le prêtre et lui, avec une sorte de condescendance.
     - Vous n’avez pas vérifié ? Alors il faut vérifier, - martela le marquis de Couronne.
     Le père Ruben se rappela des récits de charmes impies qui réveillaient les morts et les dressaient contre les vivants. La cantine lui parut soudain bien plus froide qu’auparavant. Le duc, de son côté, se lamentait intérieurement sur son manque d’expérience dans ce domaine qui s’avérait délicat.
     - Vérifiez aussi les points d’eau, et l’herbe qui y pousse, et… - Baudoin l’interrompit par un signe de main.
     - Seigneur de Mélinor, - dit-il, - je m’incline, je n’ai rien fait de tout cela. C’est une insulte aux bonnes manières que l’on doit aux invités, mais pourrais-je vous demander de prendre en charge toutes ces choses dont vous parlez ? Vous auriez carte blanche et une complète mainmise sur mes sujets pour cette noble tâche.
     Le marquis de Couronne l’examina une troisième fois, sourit.
     - Là, messire le duc, nous parlons enfin de choses sérieuses.
     Le frère Thibaut attablé non loin, que les trois hommes avaient oublié, regardait le sire de Mélinor avec de grand yeux ébahis, à la fois effrayé et admiratif.  
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMer 8 Juin 2016 - 12:36

***


    Journal de bord de Von Essen, chroniqueur



     Cher journal,

     De retour au Fort de Sang, je constate que les préparatifs avancent comme il se doit et que les participants s’annoncent nombreux. Notre aimable prisonnière s’obstine à vouloir vaincre le monstre qu’est le sire Ulrich. Le sire Ulrich, à ma surprise que je crois partagée par d’autres, semble ne point se fatiguer de ces combats, et le tintement de leurs épées est devenu quotidien (ou presque : la dame se serait foulé la cheville il y a deux semaines, avec une semaine de convalescence). Dame Arken et moi avons constaté un certain manque d’hygiène et un régime alimentaire imparfait : conséquences inévitables quand le fort est à moitié en ruines et que les végétaux comestibles y sont une légende. Ce brave Ulrich a beau lui ramener du gibier, il a sans doute oublié bien des choses de sa vie antérieure.
     Toujours est-il que des mesures ont été prises sur le champ : une mortelle des environs a été prestement enlevée par mes bons soins. Chargée de veiller à la bonne santé de dame Penthésilée, elle a fait preuve d’une grande faiblesse d’âme avant que sa nouvelle maîtresse ne l’apaise quelque peu par son courage intarissable. Dame Arken se demande si je n’ai pas fait une bêtise en enlevant l’une des servantes de la comtesse von Liebwitz. D’ailleurs, la proximité avec une capitale impériale (Nuln) m’a facilité l’accès à quelques victuailles pour la charmante prisonnière. Je suis maintenant quasiment certain de la rendre saine et sauve aux siens, si jamais je participe et gagne le tournoi. Oui. Bon. Vu l’acabit des participants…


     - Le scribe !
     Quelqu’un venait l’interrompre alors qu’il écrivait ses pensées. Sans doute un chevalier de sang. Von Essen s’empressa de refermer son petit grimoire et se tourna vers celui qui venait de l’interpeller. Il s’agissait en effet d’un des vampires résidant au fort et soi-disant appartenant à l’ordre chevaleresque maudit, Ordo Draconis.
     - Un autre vient d’arriver ! – déclama-t-il.
     - Et… Il ne vient pas ici ?
     Le chroniqueur avait endossé le rôle particulier d’inscrire les participants de la non-vie, rôle que personne ne voulut lui disputer. Complexe ou ennuyeuse, la tâche n’attirait visiblement pas les guerriers immortels. La table d’inscriptions fut installée dans une salle d’armes qui servait aussi de salle d’entrainement : le lieu était fréquenté par les combattants, que Von Essen affectionnait d’observer. Les inscriptions furent houleuses au départ, certains vampires luttant pour la gloire d’être le premier de la liste, et le chroniqueur dut faire preuve d’inventivité afin de calmer les plus sanguins : plusieurs listes furent créées (ce qui pour le scribe ne signifiait que du gaspillage de parchemin). Depuis, il n’y eut plus d’incident notable.
     Le vampire qui venait d’interrompre la rédaction du journal fut subitement confus :
     - Euh… Je l’ai vu arriver et…
     Et il n’avait pas pris le temps d’en voir plus, pressé d’annoncer la nouvelle. Von Essen retint son agacement.
     - Fort bien, - dit-il en quittant son siège et s’emparant d’une lourde sacoche où il fit glisser son grimoire, sa plume et un pot d’encre cacheté. – Allons-y de suite.
     Les deux immortels descendirent un escalier en bois (dont certaines marches manquaient à l’appel) pour atteindre une modeste antichambre qui donnait sur la cour du fort. Ils ignorèrent le froid mordant, mais durent faire preuve d’une certaine adresse afin d’éviter quelques larges flaques boueuses qui s’étaient accumulées au fil des intempéries. Von Essen portait ses vêtements civils de riche bourgeois sylvanien, alors que le chevalier était de ceux qui ont toujours un gilet de maille par-dessus leurs atours quotidiens. Le chroniqueur balaya la cour du regard, aperçut alors une silhouette qui lui était inconnue : en armure rutilante parsemée de pointes sur les épaulières, avec une épée dans le dos et une à la ceinture, l’individu venait manifestement de descendre de sa monture squelettique, aux flancs de laquelle pendaient un large bouclier et une lance de cavalerie. A la lumière bleutée qui émanait de ses orbites, Von Essen reconnut un revenant, le troisième qui venait se présenter au tournoi.
     Il s’avança nonchalamment à sa rencontre, suivi de près par le guerrier vampire passablement intrigué par le nouveau venu.
     - La bienvenue au Fort de Sang, messire ?...
     - Euron, émissaire des Von Abyss.
     Le chevalier de sang cligna des yeux, mais le chroniqueur eut l’air ravi.
     - Ah ! Portez-vous des nouvelles de l’amiral ?
    - Le commandant de la Flotte Maudite vous salue. Il s’excuse de ne point pouvoir participer, des devoirs plus urgents le retiennent.
     - Tout à fait, tout à fait. Séjournerez-vous céans ?
     - Non, j’ai jeté l’ancre près de la lice. Je viens m’inscrire au tournoi.
     - Mais naturellement.
     Von Essen chercha des yeux un pupitre, ne trouva que le vampire qui l’accompagnait. Nullement décontenancé, il plia à sa volonté l’un des squelettes qui parcouraient inlassablement le chemin de ronde sur les remparts. La créature mort-vivante descendit dans la cour, tituba jusqu’au chroniqueur. Ce dernier lui fit présenter son bouclier et le maintenir solidement, afin qu’il puisse y coucher les écrits nécessaires.
     - Votre nom et titres ?
     - Euron, capitaine des revenants de la Flotte Maudite, Emissaire des von Abyss.
     Lorsque cela fut fait, Euron s’enquit subitement au sujet du chevalier de sang qui le regardait d’un air mauvais.
     - Il participe, lui ?
     Nettement courroucé par l’attitude du revenant, le vampire répondit pour lui-même :
     - Et comment que je participe ! Mon nom est…
    - Si je te vaincs sur la lice, je t’accroche la monture aux pieds et je te jette dans un lac. Tu verras, c’est très beau.
     Refusant la joute verbale, le guerrier furieux dégaina sa lame et chargea le revenant. A sa grande surprise, ce dernier n’esquiva pas, et le métal de l’épée vint s’écraser sur le métal de l’armure. Euron pencha légèrement la tête en direction de la lame qui venait d’enfoncer son épaulière.
     - Pas mal.
     Il s’écarta ensuite, manifestement peu enclin à répondre à la frappe. Le chevalier de sang fulminant fut retenu à grand peine par le chroniqueur : après tout, ils allaient pouvoir régler ça au tournoi… Les deux vampires observèrent Euron se remettre en selle, leur adresser un salut muet puis quitter le fort avec panache.    



***


     Ils étaient quasiment certains d’avoir pris le chemin le plus court. Ils craignaient également qu’il ne s’agisse du plus dangereux. De l’épaisse forêt qui recouvrait les Montagnes Grises, seuls les plus hauts sommets surgissaient, souvent dissimulés par un épais linceul nuageux. Sous les frondaisons, hautes pour les arbres feuillus et basses pour la plupart des conifères, deux cavaliers arpentaient l’une des pentes assez raides de la chaine montagneuse. L’humidité rendait le tapis de feuilles encore plus glissant que par temps sec, ce qui leur avait déjà valu une mauvaise chute pour le cavalier qui ouvrait la voie. Fort heureusement, ni la monture ni le maître n’en souffrirent, et leur route eut peu reprendre, non sans quelques remarques vindicatives sur le terrain accidenté.
     Leurs atours simples et leurs armures ouvragées indiquaient une provenance impériale, il en allait de même pour l’équipement sobre mais efficace de leurs montures. Tout cet attirail cliquetait, étrange bourdon que les bêtes sauvages ne reconnaissaient pas. Les chevaliers virent d’ailleurs souvent passer des chevreuils, croisèrent la route d’un couple de renards, virent au loin une famille de lièvres d’éloigner à leur arrivée. Pendant toute leur traversée, des oiseaux faisaient pleuvoir leurs gazouillis incessants depuis les hautes et basses branches de la végétation.  
     Leur marche silencieuse faisait foi d’une solide habitude des longs voyages. Leur corpulence développée était celle de deux hommes endurcis et infatigables. Quoique d’excellente facture, leurs armures portaient de multiples plaques manifestement rajoutées par-dessus des avaries dans le métal.
     Grand fut leur soulagement lorsque la pente qu’ils longeaient se mua en coude aplati, où le risque de dégringolade devenait exclus. Un vent fort remua les cimes des arbres, envoyant des myriades de grosses gouttes sur les voyageurs, impassibles. Lorsqu’en revanche la forêt céda la place à un espace herbeux, tous deux s’animèrent d’une vigueur nouvelle.
     Scrutant impatiemment les environs, l’un d’eux fut le premier à pousser une exclamation de joie :
     - Là ! Là ! Là, je crois que nous l’avons enfin trouvé !
     Il pointait du doigt une direction où l’espace herbeux se prolongeait. Au loin, à l’ombre d’un imposant pic rocheux, se dressait une construction aux formes anguleuses et désordonnées. Un tortueux chemin, escarpé de part et d’autre, y conduisait.

Le tournoi du Fort de Sang Mounta10

     L’autre homme, qui semblait plus âgé, plissa les yeux, puis son visage s’éclaircit, il sourit et acquiesça du chef.
     - Le Fort de Sang ! – dit-il, - Les dieux m’ont entendu, nous ne l’avons point manqué.
     - Comme dans vos souvenirs, ou voyez-vous un changement ?
     L’homme regarda ailleurs, comme fouillant dans sa mémoire.
     - Non, - déclara-t-il finalement, - toujours…
     Sa brusque interruption rendit son compagnon perplexe, ce dernier le questionna du regard. L’homme plus âgé observait attentivement le fort.
     - Ah… Eh bien…
     Son compagnon se joignit à l’observation. L’instant d’après, il écarquilla les yeux, remarquant la même chose que son mentor : un infime mouvement sur les remparts. Tout d’abord interloqué, l’apprenti reprit aussitôt un air assuré.
     - Cela confirme le tournoi, non ?
     - Cela encourage en effet à croire que ce voyage n’a pas été vain, je l’admets, - dit le mentor sans détacher son regard de l’ancien fort. – A la bonne heure, à la bonne heure… Eh bien au galop, mon cher Erwin ! Le dernier arrivé s’occupe des montures !
     Il eut à peine terminé sa phrase que son destrier se rua dans une course effrénée ; chose étonnante, la surprise ne lui accorda qu’un léger avantage sur son élève, fulgurant à lui emboiter le pas.
     Le vent siffla dans leurs oreilles, la secousse des montures éveilla tout leur être, ils se sentirent revivre après la pénible traversée des bois ; quatre paires de sabots foulèrent l’herbe basse, rencontrèrent quelques plaques de neige éparses, avant d’atteindre un terrain plus rocailleux et plus enneigé. Le pic surplombant le fort était superbe, les rochers escarpés – envoûtants. Maître comme élève profitèrent autant qu’ils le purent de l’insaisissable ivresse de chevaucher pour la première fois dans un endroit aussi splendide.
     Arrivés aux portes (le maître eut finalement gagné la course), ils appelèrent pour que l’on vienne leur ouvrir. Sur les remparts, de terrifiantes sentinelles décharnées montaient la garde, mais la vision ne troubla point les deux voyageurs.
     - Par le sang d’Ulric et les plumes de Morr !! – le maître était aussi échaudé que son apprenti. – Nous ouvrirons cette porte nous-mêmes s’il le faut ! Mon élève a la tête assez dure !
     Erwin, le plus jeune des deux, rit de bon cœur à cette boutade.
     - Maître, vous êtes bien dur avec moi, - lâcha-t-il avec un air amusé.
     Alors qu’ils apaisaient leur impatience par des invectives tantôt pressantes, tantôt distrayantes, deux silhouettes s’ajoutèrent à celles, guère bavardes, des squelettes : l’une était fine et élancée, une personne féminine avec de longs cheveux noués, l’autre était massive et imposante, le crâne rasé ; un homme dont personne ne voudrait s’attirer les foudres.
     - C’est pour le tournoi ? – interrogea-t-il d’une voix épaisse, mais respectueuse.
     Les deux voyageurs l’assurèrent qu’il en était ainsi. L’homme se tourna vers la jeune femme, lui disant quelque chose comme « Tu as vu ? C’est pour toi. Décidément les gens t’apprécient ! » Les portes furent ouvertes, les cavaliers franchirent l’arche de l’enceinte.  

     Interrompu une fois de plus au beau milieu de ses mémoires, Von Essen s’empara vivement de son encrier, tenté de s’en servir comme projectile. Le liquide noir étant toutefois à peine moins précieux que le sang, sinon autant, il retint son geste. Le chroniqueur ne se permit guère plus de réprimander le chevalier de sang par trop enthousiasmé par le tournoi : il n’était point chez lui et traitait avec des alliés de circonstance. Patient, digérant sa rancœur que de toute manière cet illettré ne comprendrait guère, Von Essen lui fit comprendre que cette fois-ci, il préférait attendre à l’intérieur.
     Le guerrier vampire allait protester, quand un bruit de bois brisé indiqua qu’une nouvelle marche de l’escalier venait de céder. Le chroniqueur fut le premier alarmé : êtres ô combien imprévisibles et mesquins, certains vampires étaient capables de rebrousser chemin pour moins qu’une planche pourrie. Il s’empressa donc d’aller à la rencontre des nouveaux venus, ignorant le chevalier de sang un peu ahuri.
     A travers la pénombre de l’escalier, Von Essen distingua deux individus vêtus d’imposantes armures : pas étonnant que le bois eut fini par céder…
     - Que messeigneurs excusent le délabrement de ce lieu ! – lança-t-il, - Mon nom est Von Essen, je présume que vous êtes là pour le tournoi ?
     Deux regards rougeoyants se tournèrent vers lui, confirmant qu’il s’agissait bien de seigneurs de la nuit.
     - En effet, - le chroniqueur entendit une voix d’homme âgé, - nous sommes ici pour cela. L’un des vôtres nous a envoyé céans pour les inscriptions.  
     - HANS !
     Subitement interpellé, le chevalier de sang répondit présent. Von Essen, étonné lui-même par son ton impérieux, lui ordonna immédiatement de ramener le nécessaire d’écriture, et son ordre fut suivi à la lettre. Le chroniqueur descendit alors le maudit escalier, invitant aimablement les deux guerriers dans un endroit plus facile d’accès. Le vampire Hans demeura sur place, éberlué par l’étonnant changement d’attitude du scribe.

     - Erwin von Loenen, dragon de sang.
     Cela fut soigneusement inscrit, et les nouveaux venus se virent proposer de loger au Fort, où la place ne manquait pas. Ses résidents habituels étaient souvent absents, continuellement en quête de combats et de massacres.
     Lorsque cette proposition fut acceptée, Von Essen en profita pour s’enquérir des origines des deux vampires : originaires du Nordland, Erwin était l’apprenti et Knut était le maître, ce dernier éludant la question sur son village de naissance. Le chroniqueur apprit seulement que tous deux arpentaient les routes impériales depuis des temps immémoriaux, et que la nouvelle du tournoi leur parvint en Sylvanie, auprès d’un von Carstein qui les accueillait en son castel.
     Exprimant leur envie de voir le champ de lice, ils firent comprendre à leur hôte fort courtois qu’il n’en saurait guère plus pour le moment, et se retirèrent.    
 

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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMer 8 Juin 2016 - 22:31

***


Citation :
Intro par un auteur que vous connaissez bien  Wink

     Avachi dans la salle du trône de sa forteresse encore en chantier (le bâtiment et les délais, n’est-ce pas ?), Nicolas de Lorraine attendait... Une missive était arrivée quelques jours auparavant, annonçant une obscure campagne contre les Comtes Vampires de l’Est. Une rumeur circulait déjà dans la région ; cette vermine sanglante se serait réunie à la Maisontaal, ce qui expliquait l’appel du Duc de Parravon. Le sieur de Lorraine n’avait aucune expérience des Vampires. D’ailleurs, il n’avait guère d’expérience du combat tout court. Sa dernière joute au tournoi de Havras lui avait laissé un arrière-goût amer…
     - Monseigneur ?
     De Lorraine fut tiré de sa torpeur par son invité. Gabriel de Saint-Ange était un chevalier réputé, mais à la morale et à l’honneur tout relatifs. Cependant, il était un guerrier de talent, prompt à combattre toute engeance non-Bretonnienne qu’il croisait. Beaucoup pensaient que si Saint-Ange avait fait serment de la Quête, il serait Chevalier du Graal depuis des lustres. Mais une fois de plus, sa vision des choses était assez exotique. De Lorraine l’appréciait malgré tout : c’était un ami fidèle, sans peur… et même plutôt terrifiant, quand on y pense…
     - Gabriel ! Merci d’être accouru si promptement ! J’ai une mission à te confier. Une mission qui aura pour conséquences cris, sang, démembrement, et mort. Cela te tente-t-il ?
     Avec un sourire digne du Sanguinaire, Gabriel de Saint-Ange répondit :
     - Réponse C, cher ami, réponse C.



Citation :
Suite par votre humble serviteur  Smile

     Quelques jours plus tard, c'est-à-dire deux jours après l’arrivée du sire de Mélinor, un autre chevalier se présenta devant le duc de Parravon et le Grand Prêtre de Taal.
     C’était un soir d’orage, sous un ciel d’encre : presque tous les moines et moult paladins priaient sous la grande nef, trouvant leur courage dans la communion.
     Le chevalier fut vite mené auprès d’un foyer, bien servi, puis questionné sur sa provenance et son bien-être. Alors même qu’ils l’observaient, Baudoin et le père Ruben ne purent retenir une légère impression de malaise : le nouveau venu riait en douce, visiblement peu sensible au fracas incessant du tonnerre.
     - Vos braves gens, - expliqua-t-il, - ils m’ont pris pour l’un des démons !
     Le duc songea aux ornements si particuliers de l’armure du sire Gabriel ; il conclut intérieurement qu’à la place des gardes, il n’aurait point hésité à tirer.
     - Ils m’ont même arrosé de leurs flèches !
     Le noble sire semblait prendre la chose sur le ton de la plaisanterie, aussi ses illustres hôtes déconfits se contentèrent d’excuses polies, que le chevalier balaya négligemment.
     - Sottises, sottises ! A leur place, j’aurais fait de même. Cela prouve qu’ils replissent bien leur besogne. Messeigneurs, le souper…
     - … sera bientôt servi, - l’assura le père supérieur, - nos frères s’en occupent.
     - Serons-nous seuls ?
     - Pardi, non, la pitance sera servie céans, pour toutes les bonnes âmes qui voudront bien nous rejoindre.
     Ils se trouvaient dans la même cantine où naguère avait tempêté le sire de Mélinor. Le sire de Saint-Ange regarda tout autour de lui avec intérêt.
     - Ma foi, ce lieu est fort bien fait. Et quand pourrai-je m’inscrire ?
     Le duc et le Grand Prêtre se dévisagèrent. Ce dernier répondit :
     - Le frère Thibaut finira bientôt la prière commune, nous le solliciterons sur le champ.
     - Fort bien, fort bien. Et quand les réjouissances commenceront-elles ?
     Le duc soupira intérieurement, tant cette question lui eut été souvent posée.
     - Dès que les démons le décideront, - dit-il avec une trace de fatigue dans la voix. – Ah, et dès que le sire de Mélinor aura fini son… sa… sa quête d’inspection.
     Le chevalier de Saint-Ange voulut en savoir plus, et sa curiosité fut satisfaite.
     - Loge-t-il ici pendant la nuit ? – s’enquit-il.
     - Pensez-vous ! Il refuse catégoriquement d’abandonner la lice jusqu’au début des joutes !
     - Le brave bretonnien ! – le sire Gabriel quitta précipitamment son siège. – Je m’en vais le rejoindre.
     Stupéfaits, Baudoin et le père Ruben l’interrompirent alors qu’il appelait pour son armure.
     - Etes-vous fou ?! – la fatigue rendait le duc irritable.
     - Restez-donc pour la nuit, - tenta le père supérieur. – Le temps est propice aux démons ce soir, et…
     Le chevalier les regarda avec l’air de celui qui n’avait peur de rien.
     - Par la Dame, sus aux démons et aux orages ! Allons !


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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyVen 10 Juin 2016 - 14:16

Citation :
Présenté par son suzerain, le héros arrive enfin  Smile

     L'effervescence avait pris possession de l'Abbaye de la Maisontaal. Depuis plusieurs jours, majestueux chevaliers, intrépides têtes brulées et nombre de sires réputés se rejoignaient en ce lieu, tous réunis par cet improbable tournoi. Les motivations de chacun divergeaient : d'aucuns y voyaient une occasion de se mesurer à des vampires dont la réputation martiale était reconnue ; d'autres pensaient pouvoir éradiquer pour l'occasion ces maléfiques créatures ; les derniers enfin gardaient à l'esprit le secours à apporter à la gente dame retenue prisonnière de ces êtres maléfiques. Pour autant, tous étaient galvanisés par la perspective d'un bon tournoi et cela se traduisait par une série de passes d'armes stimulant l'ardeur des futurs combattants.

     Loin de ce tumulte, isolé dans une des cellules de l'abbaye, un homme dans la force de l'âge, équipé de pied en cap, était agenouillé devant un vitrail coloré. Il tournait le dos à la porte, en proie à une profonde méditation. Son écu, portant sable de lys d'argent, ainsi que son épée, reposaient contre le mur droit de la pièce à côté d'une petite table. Sur celle-ci attendaient une écuelle remplie d'un repas et un gobelet d'eau.

     Cet homme était Silvère de Castagne, celui qui avait provoqué bien malgré lui tout ces évènements. Rongé par les remords et l'amertume, il trouvait du réconfort dans la prière et la dévotion. Ses pensées étaient focalisées sur la personne de Penthésilée de Gransette qui avait été enlevée par le fourbe vampire Von Essen. Cette péripétie avait clairement enflammé la rancune que le chevalier nourrissait à l'égard des vampires. Aussi priait-il la Dame depuis plusieurs jours, demandant de lui donner la force de mettre à bas tous les vils seigneurs de la nuit qui se présenteraient face à lui sur le champ de lice.

     - Vous devriez penser à vous sustenter, noble Sire, - déclara soudain une voix féminine, rompant le silence de la pièce. - Si vous ne le faîtes point, toutes vos prières à la Dame ne suffiront point à affermir votre lance si vous n'êtes pas en pleine forme !

     Ainsi parla Dame Gaea de Grunere, qui était assise sur le lit de la pièce. Elle était entrée discrètement dans la cellule de Silvère et l'avait observé pendant quelques minutes avant de décider d'interrompre son recueillement. Elle portait dans ses bras un tissu blanc finement brodé qu'elle tenait avec grâce. Souriant au chevalier qui sortit de sa torpeur, elle adoucit sa voix et reprit la parole avant que celui-ci ait pu manifester sa surprise ou son agacement.

     - La Dame comprend vos inquiétudes, Noble Silvère. Vos prières sont entendues, et sa bénédiction vous est tout acquise. Néanmoins, je vous mets en garde en son nom. Les créatures que vous allez affronter sont terrifiques, Leurs prouesses martiales sont surnaturelles, quand il ne s'agit pas de la nature maléfique de leurs lames. Aussi vous inviterai-je à rassembler vos forces afin de pouvoir remplir vos vœux !

     Silvère de Castagne se releva lentement, son corps endolori par les heures de prière immobile. Il sourit tristement à la servante de la Dame.

     - Je vous remercie de me rappeler à la réalité, je n'ai point mangé depuis deux jours et je sens effectivement mon estomac me torturer. Hélas, cette douleur n'est rien comparée à mon inquiétude pour la pauvre sœur du Seigneur de Gransette. Sa situation est par trop terrifique et je prie qu'il ne lui soit rien arrivé d'irrémédiable. Face à une telle perspective, ma fureur à l'égard de ces monstres n'en est que plus grande !

     - Votre fureur est juste et légitime. La Dame place ses espoirs en votre ardeur et votre piété. Et Elle garde sous sa divine protection le sort de cette jeune femme pour laquelle vous vous inquiétez tant. Ainsi, ne vous laissez point dépérir.

     Ce disant, elle se leva et, saisissant le bras de Silvère, elle l'entraina vers la table, pour le pousser à s'asseoir devant cette dernière, sur un petit tabouret de bois.

     - Maintenant mangez et reprenez vos forces. Vous en aurez grandement besoin pour l'épreuve qui vous attend.

     Silvère se laissa docilement attabler et commença à engloutir le repas, tandis que Dame Gaea reprenait place sur le lit. Bien que passablement refroidie, la potée qu'il avala lui procura un bien fou. Une fois ce repas terminé, il se tourna vers la Damoiselle.

     - Je vous suis gré de m'avoir ainsi rendu visite, Dame Gaea. Mais mon for intérieur me dit que vous n'êtes point seulement venue interrompre mes prières pour me rappeler à mes nécessités matérielles. Quels autres impérieux motifs me valent le plaisir de votre compagnie ? Répondez, ma Dame, je mets mon épée à votre service !

     L'enchanteresse s'esclaffa :

     - Vous n'avez point tort, Messire Silvère. En effet, je viens également vous apporter un présent.

     Et ce faisant, elle tendit au chevalier le tissu blanc qui était resté sur le lit. Ce dernier s'en saisit précautionneusement et le déplia lentement, faisant déployer une cape finement brodée. Celle-ci scintillait d'une énergie ésotérique qui fut ressentie comme chaleureuse par Silvère.

     - Cette cape a des vertus protectrices remarquables, - énonça Gaea. - Avec elle, le porteur se trouve prémuni face aux poisons et permet également de contrer les redoutables effets des lames spectrales que nos adversaires emploient. Je vous la confie pour ce tournoi, afin que vous puissiez accomplir votre souhait.

     - Ma Dame, je ne sais comment vous remerciez, ce présent que vous me faîtes est inestimable. Ses pouvoirs inestimables me seront d'un grand secours. Je jure par le Graal que j'en prendrai grand soin, et que grâce à lui je sauverai Dame Penthésilée des griffes de ces démons !

     - Un avertissement cependant ! Je tiens à vous avertir que ce présent ne vous est accordé que pour ce tournoi. Votre quête initiale est louable, noble chevalier, mais elle est hélas très tortueuse et comme je vous l'ai dit il y a quelques jours, il se pourrait qu'elle soit source de malheur, tout comme elle puisse déboucher sur une issue positive. Méditez mes paroles et mesurez bien vos décisions. Elles pourraient vous mener à votre perte si vous n'y prenez garde.

     Silvère s'assombrit à ces paroles, et répondit avec une pointe d'amertume.

     - Cette épreuve qui s'annonce me le rappelle que trop bien. Hélas, par quelle insouciance ai-je pu laisser ma fougue entrainer cette innocente dans les bras de ma Némésis ! Mon devoir est de réparer mes torts, et ce tournoi en sera l'occasion.

     Acquiesçant du chef sans mot dire, Gaea resta pensive quelques temps. Puis, se levant, elle salua Silvère :

     - Le devoir m'appelle en d'autres lieux, noble Silvère. Aussi prends-je congé de vous.

     Puis, passant la porte de la cellule, elle marqua un arrêt et s'adressa une dernière fois à Silvère :

     - Il me semble ne pas avoir vu votre nom dans la liste des inscrits. N'oubliez pas d'aller vous inscrire auprès de frère Thibaut. Il serait regrettable pour vous d'assister aux joutes depuis les tribunes !

     En s'éloignant, elle entendit Silvère se maudire à haute voix et sortir précipitamment pour aller s'inscrire.
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptySam 11 Juin 2016 - 2:44


***


     Longue, éprouvante escalade pour quelqu’un d’affaibli, d’amoindri par des années de cachot. Tout semble plus dur, plus amer, et ce en dépit des modestes objets qu’il a reçus en partant. De la nourriture qu’il avait reçue, censée suffire pour une semaine, il n’en resta rien après trois jours, il n’eut pas su s’en priver. Ses vêtements chauds ne suffisaient pas à retenir des frissons constants ; il tremblerait ainsi tous les jours, trop habitué au toucher glacial de la pierre, dans le noir.
     Deux jours pour y arriver, plusieurs jours, des dizaines peut-être, à survivre aux environs, à la recherche d’un moyen d’entrer. Entrer sans se faire prendre. Mais ce n’était pas possible.
     Jour et nuit, entre chien et loup, il avait tout essayé. A tout moment, les « choses » veillaient, les « sentinelles » gardaient les murs, sans nulle relève, sans relâche, sans jamais s’assoupir. Jusqu’à maintenant, il avait espéré. Jusqu’à maintenant, il croyait pouvoir trouver un passage, un angle mort, un tunnel, n’importe quoi, mais rien. Les « choses » étaient partout, suffisamment nombreuses pour repérer tout intrus. Alors, elles s’approchaient, alors, il fuyait, fuyait et recommençait ailleurs. Un nombre infini de jours à chasser, à subir le froid et la pluie et le vent, un nombre infini de tentatives toutes se terminant de la même manière : il était repéré.
     Il avait tant réfléchi la veille : fuir, quitter le pays pour l’étranger, devenir brigand, devenir soldat ou mercenaire, tout sauf ça… L’occasion était toutefois unique, incroyable. S’il réussissait, tout changerait, tout, jusqu’à son propre nom. Adoubement, voila ce qui l’attendait s’il réussissait. Nom, terre, renom jusqu’à la fin de ses jours. Alors quitte à en mourir, il allait essayer, essayer une dernière fois, en forçant le passage.
     Il eut choisi l’endroit le plus aisé pour grimper : une partie du mur était effondrée, les prises étaient nombreuses. Les « gardes » étaient là.
     Le jour était levé et, malgré les nuages, la pluie ne tombait pas ; ils étaient parfaitement visibles, secs, maigres, sales, dangereux. Trois, quatre d’entre eux se mirent à l’approcher, il fut prompt à réagir : brandissant un solide gourdin, il fracassa un crâne, évita un coup mal ajusté, se mit à courir. Descendant la pente de gravier, il fut derrière le donjon. Guère muni pour affronter la falaise qui y conduisait, il courut en quête d’un autre accès, qu’il découvrit en contournant l’imposante construction : la roche était taillée en un large escalier, conduisant à de lourdes portes en bois et en fer.
     Plus rien n’importait, il ouvrit l’un des battants après avoir monté l’escalier en coup de vent. A l’intérieur, un autre escalier central, taillé en colimaçon carré, ouvrait sur plusieurs niveaux. Se sentant déjà plus mort que vivant, il monta les marches quatre-à-quatre, sans s’arrêter. Il aboutit à un niveau ouvrant sur un austère balcon, avec un dernier escalier montant au sommet du donjon. Pourquoi continuait-il à monter ? Les contes pour enfants disaient toujours que la dame est gardée dans la plus haute tour.
     Il faisait sombre, seules des meurtrières permettaient à la lumière d’éclairer la montée. Dans son épuisement, il ne remarqua pas le bruit de paroles échangées, et n’aperçut qu’au dernier moment une grande silhouette se tenant dans l’ouverture de la dernière porte.
     - … ne devriez pas autant vous emporter. Et vous entrainer.
     - Sortez donc ! Ce. Sera. Bientôt. Guéri !
     - Je voulais vous faire remarquer pour votre dernier mouvement d’hier : il était bien pensé, honnêtement, je ne dois ma victoire qu’à mon entrainement supérieur. C’est bon signe !
     Un homme parlait à une femme. Il lui faisait dos, la femme était à l’intérieur. Poignard, vite !
     Il sortit la petite lame du fourreau aussi vite qu’il le pût, l’enfonça violemment entre les deux omoplates de l’individu.
     Sans réussir à le faire tomber, ni même à le faire bouger, sans parler de réagir d’une quelconque manière. Illusion ? Faiblesse ? Défaut dans la dague ?
     - Demoiselle, on vient de me planter un coutelas dans le dos !
     Nul signe de souffrance. Ça n’allait pas. Pas du tout.
     - Ne… Ne le tuez pas !!!
     Des bruits de pas. Elle accourait. Il la vit soudain, eut du mal à reconnaitre une dame, tant sa tenue était équivoque. La grâce de son visage et sa longue tresse l’assurèrent toutefois qu’il s’agissait de celle qu’il devait sauver.
     - S-suivez moi !! – parvint-il à articuler, la gorge sèche.
     L’homme poignardé bougea tout d’un coup, se retournant vers lui et arrachant ainsi la dague de ses mains. Il était énorme et menaçant, quoique ses traits demeurassent peu visibles.
     - Suivre où ça ? – gronda-t-il brusquement. – Et le surin dans mon dos, qu’est-que j’en fais ?
     - Partez !!! Qui que vous soyez, fuyez !!! – entre ordre et imploration, le ton de la demoiselle était fort étrange.
     Il demeura interdit, incapable de comprendre comment un homme pouvait-il vivre avec une lame de couteau dans le dos. Pris d’une torpeur inattendue, les voix des deux personnes en face de lui lui semblèrent soudain lointaines et confuses. Cela lui parut durer une éternité, sa tête se mit à tourner, tout devint noir. De retour au cachot ? Un rêve ? De retour au cachot ? Un rêve. Tout n’était qu’un rêve. Lui-même, sa propre vie, tout…

     - Êtes-vous réveillé ?
     Une voix douce, à peine un murmure, quelqu’un de bien, sans doute.
     - Ah… Qui suis-je ?
     Penthésilée de Gransette se détourna de lui, une main contre son front. Deux larmes, deux larmes brûlantes s’écoulèrent sur ses joues.    






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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyDim 12 Juin 2016 - 11:18

Citation :
Magnifique intro, point de ma plume  Very Happy


         Le retour en Athel Loren fut mouvementé. Parti seul sur un cheval bretonnien, l’elfe fut pris dans un terrible orage, un de ceux qui détruisent les villages et semble éveiller les fleuves dans la colère. Alors qu’il pressait sa monture en haut d’une pente, son cheval glissa dans la boue et se cassa un frein et une pédale l’antérieur gauche. Le cavalier s’en tira presque entier, l’épaule blessée lors du choc, mais sans autre réelles conséquences. La blessure qu’il ramenait du tournoi ne se rouvrit heureusement pas. Par chance, la forêt n’était plus très loin, et le dernier jour de voyage se fit à pied sans autre problème que la pluie qui ne tarda pas à se calmer.

         L’arrivée à la limite du royaume des humains se fit le soir, alors que le soleil, déjà bas sur l’horizon laissait filer vers la terre quelques traits filtrés par de fins nuages errants. L’elfe s’avança en marchant vers les arbres jusqu’à ce que les plus hautes branches remplacent le ciel au dessus de lui. C’est alors qu’il ressenti un souffle de vent, accompagné d’un parfum qui ferait tourner la tête du plus sage des hommes. L’elfe se retourna et fut soudain pris dans un tourbillon de pétales et de petites feuilles. Avant d’être totalement dépassé par la nuée, il attrapa la dernière voile végétale. En quelques instants, une jeune créature se forma à partir des autres particules, l’elfe retenait la main d’une dryade florale, comme si celle-ci courrait l’instant d’avant.

         « - Où allez-vous ainsi, délicate messagère ? L’orage approche, et vous risquez plus que moi cette tempête…

         - Lâchez-moi, le nord nous apporte une menace des plus étranges. Il faut que j’aille prévenir la clairière royale !

         - C’est si grave que cela ?

         - Des morts marchent impunément autour de l’abbaye de Maisontaal. Lâchez-moi maintenant.

         - Des morts ? Comment cela ?

         - Des armures noires pleines d’ossements et des êtres pâles comme la lune saluent des chevaliers humains. Ils sont passés en nombre près du champ où je pousse.

         - Je vous suis ! Deux histoires de nécromancie en si peu de temps, c’est deux fois trop de hasard.

         - Je ne vous attendrai pas… La chose est trop pressante.

         La dryade se rechangea en nuée mais ne distança pas l’elfe de beaucoup. À peine une centaine de mètres plus loin,  il entendit rire des farfadets, comme des centaines de clochettes de cuivre et de cristal. Pressant le pas, il vit une scène étrange tout autant qu’amusante : Sur le sol, deux jeunes filles de feuilles tentaient de retrouver leurs esprits. Il semblait que leurs trajets se soient rencontrés et que, d’une bourrasque, leurs feuilles se soient mélangées. Les pétales bicolores glissaient vers l’une ou l’autre des dryades recomposant pour l’une le reste de la cheville, pour l‘autre les traits du visage. La nouvelle fleure avait des cheveux bien plus raides, ses pétales étaient très petits et d’un vert plutôt clair, mais ses feuilles étaient plus larges et très foncées.

         - Une, bonne fortune, deux, prie les dieux.

         - Épargnez nous vos proverbes elfiques, passant, répondit sèchement la seconde dryade en se remettant debout.

         - À vrai dire, Mademoiselle Lierre, je ne faisais pas que passer. J’accompagne la demoiselle que vous venez de rencontrer vers la cour.

         - J’en venais.

         - Sont-ils au courant pour la Maisontaal ? Intervint la première plante.

         - Vous parlez des morts ? Oui, ils le savent. D’ordinaire, je suis sur les murs de Fort-le-Sang. C’est moi qui ai donné l’alarme. Où sont tes racines ?

         - Je suis dans un pré près devant l’abbaye.

         - Il y a surement plus de soleil et moins de rumeurs là-bas…

         La discussion entre les deux esprits s’arrêta tout à coup : des bruits de sabots raisonnèrent, venant du sud. La fleure des champs poussa un bref cri de peur et s’évanouit encore une fois en partant dans la direction opposée. L’elfe jeta rapidement son carquois à terre, compta ses flèches et prit son arc. Puis il se mit en position, la main gauche tenant son arc et quelques traits, sa dextre tenant la corde, Mais les deux mains restaient à la ceinture, prêtes à saisir son épée. Il aurait aimé pouvoir mettre son masque, mais celui-ci était attaché dans son dos. La seconde dryade siffla et disparut à la suite de sa congénère.

          Ceux qui émergèrent des buissons entourèrent Ethgrì Wyrda en un instant, leurs lances pointant toutes au centre de leur formation. Les chevaux étaient tous recouverts de feuilles en tout genres, notamment des fougères, sans doute arrachées au passage par le galop des montures. Quant aux cavaliers, c’étaient visiblement des elfes d’un clan d’equos, reconnaissables en plus de leurs chevaux par leurs quelques talismans en crin accrochés aux étranges casques des habitants d’Athel Loren. Celui qui semblait être le chef du groupe rentra dans le cercle des cavaliers, fit le tour de l’archer et s’arrêta devant lui. Puis, il planta sa lance au sol et poussa la hampe vers l’autre, ce qui est la coutume en Athel Loren quand un cavalier souhaite dialoguer avec un marcheur.

          - Bonne soirée, Eralthis de Carponel. Tu viens de faire partir deux ravissantes et timides dryades. Ça fait combien de temps qu’on ne s’est pas vu, une dizaine d’années ?

          - Ça fait surement très longtemps, et j’espère que la prochaine fois sera bientôt, et pour plus longtemps. Tu repars immédiatement au nord.

          - Comment ça ? C’est à cause des vampires ?

          - Cela même. Voilà le message de la dame des brumes.

          Il tendit un parchemin scellé par une racine à l’archer qui le prit et le lut sur le champ, inquiet.


         À Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral et d’Edur Edoc’sil


         Vous trouverez avec cette lettre un courrier envoyé par un noble bretonnien à son roi. Un tournois va avoir lieu entre l’abbaye de Maisontaal et Fort-le-sang. Comme vous le savez, ces deux bastions sont les clefs du passage entre le royaume des chevaux et celui de la poudre, allié des nains..
         Les termes exacts de la victoire sont ainsi : « si un bretonnien est vainqueur, il remportera le fort. Si la Bretonnie se voit refuser la victoire, le castel Sanglac deviendra une place vampire». Actuellement, le passage par le col est sûr pour nous, Rien ne peut venir par là, ni orque, ni homme, ni nain. Mais si le castel tombe aux mains des morts, je ne crois pas qu’ils soient suffisamment nombreux et puissants pour tenir deux forteresses face aux hommes. C’est pourquoi je vous envoie à ce tournoi. Ne me décevez pas, la Géorgie est déjà une tache sur votre étendard…


    La reine Ariel, puisse-t-elle encore régner pour des siècles, est surement déjà au courant de l’évènement, mais je ne sais rien de ses intentions.


Que la chance soit dans le vent





           L’elfe enroula la lettre et la mit dans sa cape.

           - N’as-tu rien d’autre pour moi ?

           - Si, bien sûr. Amenez-les lui, et laissez lui la monture ! Ordonnât-il à sa compagnie.

           L’un des cavaliers fit demi-tour au trot et revint quelques instants plus tard en tenant un coursier elfique par la bride. Celui-ci portait une sacoche et un long étui battait à son côté, contenant une lance. Celle-ci était de bois sombre, parcourue par des sillons ocre vif ou rosés. Sa pointe, rattachée à la hampe par un fil lumineux, était  d’une longueur inhabituelle et miroitait et renvoyait de temps à autre un éclat d’or. Sous certains angles, on y voyait aussi la lune ou des étoiles d’argent.

           - La lance du crépuscule ! Notre suzeraine ne fait pas les choses à moitié !

           - Tu as fais des merveilles avec contre les gors. Si ça ne te suffit pas pour la rassurer…

           - Je suppose aussi qu’elle a donnée une recommandation, sinon le cheval serait venu seul avec la missive.

           - C’est exact, vu que tu n’es pas bretonnien, si tu gagnes, il risque de se passer deux choses : ou bien rien de bouge, ou bien les vampires considèrent que les bretonniens se sont vu retirer la victoire et ils attaqueront.

           - Je dois devenir bretonnien ?!

           - Il y a aussi une demoiselle en détresse à sauver, - dit le cavalier en faisant volte-face. Le problème est résolu !

           - Mais… comment… enfin…

           Ethgri wyrda n’eut pas le temps de trouver ses mots, la troupe avait quitté les alentours au galop, le laissant seul avec son cheval, sa lance, son masque, ses farfadets, et une furieuse envie de noyer cette affaire dans le jus de poire.
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyLun 13 Juin 2016 - 2:14



***


     Éclairé par un modeste chandelier, Von Essen était attablé, ou plutôt avachi, la tête à plat contre les listes, les mémoires et les poèmes. Un massif oiseau noir était juché sur son épaule et semblait tout aussi léthargique.
     - Le scribe !
     Paniqué, le corbeau battit des ailes, provoquant un grognement étouffé du chroniqueur. Hans le chevalier de sang entra, agité comme à son habitude.
     - Un autre, et il arrive ici !
     - Damned et par les neuf Nagashs de Mortarch…
     Le guerrier vampire se sentit reculer, tant l’aura qui émanait subitement du scribe était menaçante. Il le vit se relever, puis se pencher, puis extirper de sous la table un élégant pistolet, une corne à poudre et un petit sachet. Le chroniqueur se mit à charger l’arme, ignorant royalement tout ce qui pouvait se passer alentours.
     - Euh… Le scribe ?
     - Qu’il entre, qu’il entre.
     Le chevalier de sang discerna sans mal toute la fausseté de la quiétude apparente du scribe. Ne sachant trop que dire ni que faire, il opta pour une rapide retraite de la salle d’armes. Il rencontra au passage le nouveau venu.
     Droit, sûr dans sa démarche, son armure était ornée de fleurs de lys noires ; pris de curiosité, Hans finit par entrer à sa suite.
     - Malkir de Mousillon, paladin du duc maudit, - dit le nouveau venu après un bref salut.
     - Fort bien, - répondit le chroniqueur. – Autre chose ?
     Le vampire qui lui faisait face avait gardé le visage d’un jeune et bel homme, la mort ayant seulement blanchi ses longs cheveux. Il sourit aimablement.
     - Puis-je voir la demoiselle promise au vainqueur ?
     - Ma foi… Hans ! – le chevalier de sang tressaillit. – Il fait nuit dehors ?
     - Oui, messire.
     Von Essen se retourna vers le paladin.
     - Vous la verrez demain.
     Le sire de Mousillon insista :
     - Par le sang, serait-il fâcheux que j’éveille la belle ?
     - Oui, - le ton du chroniqueur était devenu sec, - la « belle » se repose d’une longue journée, elle enchaine les combats demain, je vous prie donc de ne point troubler son sommeil.
     Le sourire de son interlocuteur s’effaça pour former un mince rictus méprisant. Au-delà de l’ineptie qu’était une femme au combat, ce petit lettré osait lui manquer de respect.
     - Je ne tolérerai pas un tel refus d’un larbin de vostre espèce ! – siffla-t-il en libérant sa lame de son fourreau.
     Von Essen l’observa, apathique.
     - Noble seigneur, connaissez-vous les armes à feu ?
     Nullement interloqué par la question, jugée stupide et déplacée, le sire de Mousillon s’enflamma :
     - Dernier avertissement ! Conduisez-moi à dame Penthésilée de Gransette ou –
     La détonation s’ensuivit d’une fontaine de sang, de cervelle et de bouts de crâne. Le chroniqueur abaissa l’arme, souffla la fumée qui échappait du fut.
     - Disqualifié, - cracha-t-il en observant la carcasse raccourcie d’une tête, qui s’effondra.
     Un long silence succéda au vacarme.

     - Hans ! – le guerrier vampire le regarda, - muet comme une carpe. – Si tu ne m’aides pas à ranger ce déchet et remettre la salle en état, je te tue.
     Hans savait qu’un pistolet ne tirait qu’une seule fois mais ne protesta pas. Le « scribe » lui sembla subitement plus dangereux qu’une chimère des montagnes.
     Le corps fut jeté dans un précipice ; Von Essen attela des squelettes au nettoyage des immondices. Le chevalier de sang, de fait, n’avait rien à faire.
     - Euh… Messire ?
     - Eh quoi ! – les yeux du chroniqueur s’embrasèrent. – Il l’avait cherché !
     Il était de nouveau attablé mais semblait sur le point de renverser la table.
     - Hans ! – dit-il soudain. – Mon esprit torturé est en proie à un nouveau tourment : ma dame, ma gente dame est absente, et sans elle, sans elle, eh bien, rien n’est pareil.
     Le guerrier vampire, peu habitué à entendre de telles complaintes, demeura bouche bée. Le chroniqueur reprit, aussi triste qu’il semblait en colère :
     - Des affaires, m’a-t-elle dit. De nouvelles terres à explorer, un nouveau monde, qu’il parait. « Azérotte », qu’il s’appelle. Elle envoie des nouvelles, mais… - il fixa ses prunelles sur Hans qui regardait ailleurs…, - mais ce n’est pas pareil.
     Parfaitement désemparé, le chevalier de sang aurait préféré être face à son maître de sang en plein entrainement que dans la même pièce que cet étrange individu. Il savait la rumeur, les von Carstein étaient des fous indignes, mais à ce point… Le « fou indigne » continuait cependant son soliloque :
     - Tu ne dis rien, Hans ? En fait, tu as raison, il n’y a rien à dire, il faut agir ! C’est vrai en plus, elle m’a tant assuré avant de partir qu’elle aurait voulu rester auprès de moi…
     Le vampire eut à ce moment-là une telle expression d’affection que Hans préféra continuer de regarder ailleurs.
     - Et elle revient bientôt, bientôt… Ha, pour un immortel, dix jours, ce n’est pas si long après tout… Attends, Hans, pourquoi je l’ai abattu, le paladin de tout-à- l’heure ?
     - Il… - comme le scribe donnait des signes de santé mentale, Hans jugea sage de répondre. - … il vous avait manqué de respect, messire.
     - Ah ! Bah j’ai bien fait, - le chevalier de sang sentit comme un tremblement involontaire le long de son échine, - il n’avait qu’à pas me manquer de respect, et la demoiselle ne mérite pas un rustre comme lui, par tous les livres du Grand Patron. Pas vrai, Hans ?
     Subjugué par il ne savait quoi, le guerrier vampire se contenta de hocher la tête. Cela sembla améliorer l’humeur du scribe, qui lui demanda alors :
     - Mais tu participes au tournoi, toi aussi ! Rappelle-moi ton nom !
     - Hans… von Randohm, messire.
     - Von Randohm, c’est bien ça ! Eh bien mon cher Hans, je vais participer aussi ! Et mon cher Hans, je te propose un marché : que préfères-tu, la dame ou le castel ?
     Ce dernier commençait à voir où le chroniqueur voulait en venir.
     - Le castel…
     - Ça, c’est ce que ton ordre te dicte de préférer. La dame, n’est-ce pas ?
     Le guerrier vampire sembla rater une respiration.
     - Non, le castel.
     - Une telle loyauté à son ordre de chevalerie est admirable. Damned, Hans, si je gagne, le castel et la dame seront à toi ! J’ai déjà le manoir au pays, et…
     « Et une dame de ses pensées, » - songea Hans, un brin exaspéré par la soudaine familiarité du chroniqueur.
     - Messire ? – il tira Von Essen de sa rêverie. – Je gagnerai moi-même, la victoire m’importe avant tout. Vous garderez les récompenses si la victoire vous revient, c’est comme ça que ça se fait ici, dans l’ordre.
     Il vit que sa réplique fit son impression, tant le scribe l’observa longuement, visiblement ébahi.
     - Damned, Hans, - lâcha-t-il enfin, - gagne ce tournoi, et… Gagne ce tournoi. Maintenant… Va, va t’entrainer ailleurs.
     Le chevalier de sang quitta la salle, passablement secoué mais content de lui-même.  



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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMar 14 Juin 2016 - 11:38

Citation :
Présentations de leurs créateurs respectifs, petits ajouts personnels   study  

***


Quinzième jour après le début des moissons  
An de Grâce 1567 après le couronnement de Gilles le Breton
Cité de Couronne, région de Couronne.


     Dans la vaste et poussiéreuse salle des écrits, deux moines copistes aux tonsures blanchies par les décennies s’affairaient. Certes, l’un était plus jeune que l’autre, mais que pouvaient signifier vingt ans de différence, alors que le doyen affirmait avoir vécu autant qu’un chêne de la chênaie royale ?
     Tous deux n’en semblaient pas moins animés d’une vigueur tranquille, leurs plumes glissant adroitement sur le papier, traçant les lettres précieuses afin de préserver la mémoire des âges révolus. En silence ils travaillaient, satisfaits d’une bonne nuit de sommeil et d’un bon repas matinal, zélés et insensibles à l’immensité de leur tâche.
     Il s’agissait d’une requête : deux jours s’étaient écoulés depuis qu’un messager était parvenu à la cour, portant le désir d’un jeune seigneur de comprendre des faits qui s’étaient déroulés autrefois. Lui-même, à ses dires, n’eut été alors qu’un nourrisson, tétant encor le lait de sa mère ; maintenant que les années avaient formé son corps et son esprit, c’était un fort vaillant homme, ayant maintes fois prouvé sa bravoure dans des batailles contre des orques.
     Clovis, fils de Lothaire, était son nom, et sa requête portait sur le tournoi du Fort de Sang.    

     Le moine plus vieux, étonnamment rapide, finit sa page plus vite que son « jeune » collègue et passa à la suivante.
     Ce dernier, de fait, trainait sa plume d’oie dans une main de plus en plus engourdie, car les récits du passé avaient le don de l’emporter hors de soi, vers un monde que certains auraient nommé « le miroir du passé ». Il ne pouvait simplement recopier, il lisait :

La Geste de Castagne, par Martin Delatour, escuyer:

     Sa plume s’était arrêtée ; l’œil vif et le souffle court, le moine tourna fébrilement la page. A son côté, le doyen glissait sa plume avec un air absent, lui-même peut-être en proie à quelque songe d’un jour d’été.



***



     Sur la route :
     Depuis quelques jours, le vieux chevalier était sur les routes en compagnie de Dame Drunehilde, et la Maisontaal n’était plus très loin.
     Les deux cavaliers échangeaient quelques paroles seulement par courtoisie, car Drunehilde était la Jouvencelle à laquelle devait référer Claudbert dans ses activités graaleuses ; aussi le respect faisait barrière autant que les généreuses formes de la jeune femme qui impressionnaient facilement.
     Soudain Drunehilde apostropha le graaleux centenaire.

     « - Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi vous avez accepté de participer à ce tournoi ?
     - Toutes les chapelles ont reçu l’appel de Parravon.
     - Oui mais tous les chevaliers du Graal n’ont pas répondu à l’appel… Regardez Léonard il est bien resté là bas lui ?! Et en plus avec votre peur des pénitents vous nous avez fait prendre des routes plus qu’improbables…
     - Laissez Léonard, il ne fait que qu’obéir à la Dame… Et puis honnêtement vous l’auriez vu dans ce tournoi ?
     - Non, il est vrai qu’il est assez étrange pour un chevalier sanctifié…
     - Il n’est pas le plus apte que je connaisse mais ce garçon est inspiré : il ne parle que de la Dame à longueur de temps, il a même eu une vision où elle m’ordonne de partir avec vous. D’après Léonard, la Dame ne veut surtout pas laisser un chevalier du graal seul dans ce guêpier ! C’est pourquoi il m’a demandé au nom de la Dame d’insister auprès de vous pour m’accompagner.
     - Oui, il m’en a parlé… Il parait que la Dame à d’autres projets pour lui… C’est vraiment étrange, comme si on cherchait à m’éloigner de Léonard… Je l’ai entrainé, musclé, je lui ai fait reprendre sa vie en mains et maintenant il est même capable d’affronter des monstres ! Ne le prenez pas mal, mon ami, mais c’est lui qui à le plus besoin de moi, ma place est auprès lui.
     - J’en conviens chère Demoiselle mais les voies de la Dame sont impénétrables… »

     Pendant ce temps là, à la chapelle… :
     Léonard était assis en face de Nawenn qui le regardait avec une expression d’autorité ferme mais bienveillante.
Léonard hésitait à prendre la parole en premier :
     « - J’aurais pu y aller aussi hein…
     - Non ! J’ai dit que toi tu restais ici avec moi…
     - Mais heu… Et Drunehilde elle y est bien allée elle ?
     - Elle sera plus utile là-bas, je trouve qu’elle à une mauvaise influence sur toi… Ses regards, ses sourires, toujours en train de minauder… Et puis ses vêtements… Elle pourrait être un peu plus habillée, non ?!
     - Ben vous non plus quand on regard…
     - Mes habits ne sont pas en cause : je suis la Dame du Lac ! Non, tu es mieux ici sans eux et avec moi, point ! »

 drapeau  


Dernière édition par Von Essen le Mer 15 Juin 2016 - 0:28, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMar 14 Juin 2016 - 21:18


-


     La nouvelle acheva de se répandre dans tout le royaume, provoquant cris et émois de toutes parts. Enflant jusqu’à prendre des allures d’appel à la croisade, la rumeur colportée dans tous les bourgs alarma les seigneurs et galvanisa les pénitents, dont la plupart allèrent jusqu’à croire que la sainte abbaye était en ruines et que des démons émergeaient des crevasses dans la terre. Les routes furent bientôt animées de cantiques et de louanges à la Dame, et bien peiné fut le voyageur qui eut songé à les éviter.
     Au-delà des frontières, les échos répercutés dans les comptoirs pouilleux et les cours suaves déformèrent la réalité à tel point que certains crurent à la Fin des Temps tant présagée, et des fanatiques de tout poil défilèrent dans les rues en scandant allégeance à tous les dieux réels et irréels. Seuls quelques précieux dirigeants furent avertis des faits exacts, fruit d’une correspondance efficace du duc Baudouin avec ses voisins.
     Nul ne fut cependant davantage affligé par la nouvelle que les sires et les dames du castel Gransette.
     Plusieurs semaines avant, des chevaliers de la maisonnée furent arrivés, portant l’horreur de la disparition de dame Penthésilée, et l’espoir dû à son frère Charles-Hubert, parti la retrouver avec ses meilleurs compagnons. D’interminables journées d’attente s’écoulèrent, jusqu’à ce que l’improbable annonce du tournoi maudit parvînt au castel : la fille du seigneur était bel et bien aux mains de démons, instrument et victime de leur abjecte vilénie.
     C’en fut trop pour les habitants du domaine ; les anciens n’eurent guère le temps de débattre que les plus jeunes sellaient déjà leurs montures pour s’en aller au galop au secours de leur dame bien-aimée. Le comble fut atteint lorsqu’une petite foule de paysans se présenta au château, affirmant qu’ils suivraient leurs seigneurs jusqu’à la mort s’il le fallait, pourvu que la demoiselle fût arrachée aux griffes des démons. Personne n’eut le cœur de leur refuser.

     Il fut ainsi qu’en plus de tous les fous qui affluaient à l’abbaye pour y rester prier ou apprendre à manier les armes, le père Ruben dut accueillir et accommoder les forces vives du castel Gransette. Il n’y avait plus désormais de plus grand ost bretonnien qu’à la Maisontaal, si bien que par-delà les montagnes, certains impériaux peu malins préparaient des défenses pour une offensive imminente.
     Une longue discussion eut lieu entre le duc Baudouin, Silvère, le père Ruben, le sire Charles-Hubert et le maître d’armes Brionne, qui dirigeait les troupes du castel Gransette. Les autres nobles sires qui y assistèrent se souviennent encore de l’orageuse controverse que ce fut, jusqu’à ce que dame Gaea, prophétesse du Graal, ne vienne apaiser les esprits des hommes.
     Il en résulta que le sire Charles-Hubert participerait au tournoi (ce qui avait été chose entendue le jour-même où les inscriptions furent ouvertes), et que si jamais les bretonniens étaient vaincus à la lice, alors il n’y aurait plus à réfléchir : ils chargeraient les démons comme des imbéciles.


***


     Si le seigneur de Parravon se désespérait de plus en plus sur l’état de ses greniers, il se consolait tout du moins de l’apport militaire non négligeable dont bénéficiait son duché. Les chevaliers désœuvrés sillonnaient les prés et les forêts, les montagnes et les rivières, débusquant toute créature malfaisante qui pût s’y trouver. Dans les cols et les ravines retentirent les cris de guerre de moult vaillants sires, et les peaux vertes qui s’y frottèrent furent décimés jusqu’au dernier, provoquant une vague (WAAAGH ?!!) de violence dans les Montagnes Grises.
     Dès lors, attirés par la bagarre comme les abeilles par le miel ou comme les mouches par le purin, les orques des environs nord et sud convergèrent vers le lieu du tournoi, tout ce pour n’y trouver que la mort aux mains des « zoms qu’ont la po dure ». Les moins chanceux croisèrent la route de créatures autrement plus dangereuses : le Roi Muet, glissant seul parmi les ombres en quête de cibles d’entrainement ; Oldrick le seigneur des batailles, désireux de former son « maître » face aux menaces les plus élémentaires du Vieux Monde ; Euron le capitaine des revenants, dont la démarche consistait à essayer plusieurs armes différentes sur les infortunés orques qu’il rencontrait. Trois apparitions que les peaux-vertes apprirent à craindre à la seule vue.
     La « Mortelle Cavalcade », meute de chevaliers de sang assoiffés de massacres glorieux, sillonnait également les environs en quête de victimes, mais jamais ne se joignirent à eux les deux dragons de sang, Knut et Erwin, qui disparaissaient au plus profond des montagnes pour revenir au Fort avec leurs armures déchiquetées et un sourire satisfait aux lèvres.

     Au nord de l’abbaye, une traque acharnée se préparait. Si les orques étaient faciles à débusquer et à attirer en terrain découvert, il en allait tout autrement avec les mutants ignobles que l’on nommait « hommes-bêtes ».
     Comme ayant flairé la menace, ces êtres malfaisants se terrèrent au plus profond des forêts. Introuvables le jour, l’entreprise de leur chercher querelle de nuit fut formellement désapprouvée même par les plus fortes têtes, et l’on songea longtemps à quelque miraculeuse solution au problème. Une fois le mot « miracle » prononcé, quelqu’un eut l’idée de consulter la prophétesse et, alors même qu’elle fut parfois aussi insaisissable que le vent, il se trouva cette fois-ci que dame Gaea surveillait la noble assemblée tout simplement dans l’ombre d’un arbre. Tous la saluèrent, tous furent émerveillés par sa beauté, tous écoutèrent ses paroles mystiques : « Partez demain à l’aube, nobles sires. La Dame apporte son soutien à ceux dont le bras est fort et la cause et juste. Il vous faudra Courage et du courage. » Elle inclina sa tête en guise de salut, et prit congé de l’assemblée indécise : la prophétesse avait-elle encore joué sur les mots ?
     Le soleil se levait au-dessus des montagnes quand la troupe de chevaliers atteignit l’orée des bois ; nombre d’entre goûtaient au plaisir de la chasse, et tous savaient à quel point la chasse en ce jour serait dangereuse. De fins limiers flairèrent les sous-bois, entrainant leurs maitres sous les frondaisons émeraude, une légère brume se baladant encore entre les branches. Bon nombre de gibier croisa leur route, mais ils retinrent leurs ardeurs prédatrices, car l’ennemi pouvait être proche…
     Las, ils entendirent les cloches de l’abbaye sonner midi, et toujours nul mutant en vue, nulle créature à occire dans les environs. L’on craignit de devoir trop s’enfoncer et se voir obligés de revenir à l’heure du crépuscule. Pour ne rien arranger, les chiens tournaient sur place, partaient dans toutes les directions, comme si les traces tant convoitées étaient brouillées par les meilleurs pisteurs qui soient. Ce fut alors que l’un deux gambada droit devant, la truffe à terre.
     - Messeigneurs ! - dit son maître avec entrain. - Courage a retrouvé la piste !
     Les réactions furent partagées : certains l’acclamèrent vivement, et s’apprêtèrent à le suivre ; d’autres intimèrent plus de prudence et insistèrent sur l’heure qui tournait. Or, subitement tous se souvinrent des saintes paroles de dame Gaea : « Courage et du courage… »
     Les doutes des plus sceptiques furent noyés dans l’engouement général : tous les chasseurs louèrent le chien comme le maître, et suivirent ce dernier qui ouvrait désormais la voie.

     Ils déjeunèrent sans s’arrêter, remerciant le ciel, quoique voilé, de ne point déverser de pluie sur leur brave équipée. La piste les conduisit dans une vallée fort étroite, creusée par un vif ruisseau au fil des millénaires : il fut de plus en plus ardu de progresser à cheval, et la région devenait propice aux embuscades. Au bout d’un certain temps, l’un des chevaliers décida d’interrompre leur marche, et s’adressa aux autres :
     - Messeigneurs, - dit-il, - nous courons droit dans le guêpier là. Si ça continue, eh bien… Nous serons bien gras comme porcs prêts à rôtir, pour les bestioles qui nous attendent.
     On le pressa d’étayer ses propos par des propositions, et celle de rentrer revint dans la bouche de certains.
     - Non ! – trancha-t-il. – J’ai un plan !
     Les nobles sires tendirent l’oreille. Personne ne le connaissait, cet homme grand et dégingandé, avec une peau pâle et des cheveux sombres. Il était glabre, et son visage avait un côté maladif, qui lui donnait parfois des airs d’un être tout droit sorti de la tombe. Nul ne le croyait toutefois mort-vivant, tant les précautions prises à l’abbaye furent nombreuses, après qu’un insolent démon eut été débusqué en train de se passer pour l’un des leurs.
     Robin Osbourne était son nom ; il se disait bretonnien, mais venait de loin, arrivant sur le continent depuis la lointaine Albion, où son suzerain avait établi une colonie nommée Rottingham.
     - Je pars devant seul, - lança-t-il, - mais il me faudra le chien !
     Les nobles sires, Colin Oméga en premier, furent étonnés d’ouïr une telle annonce.
     - Courage et moi marchons ensemble, - dit le chevalier errant. – Si vous avez besoin de lui, vous avez aussi besoin de moi.
     Le sire Robin n’y opposa point de refus, cependant leurs nobles compagnons voulurent en savoir plus.
     - C’est simple, - dit le chevalier, - je contourne ces saligauds, puis je fous le feu à leurs fesses ! Ils seront ben forcés de quitter leur repaire, et fonceront droit dans vos bras ouverts !  
     Tous les chasseurs furent stupéfaits ; un long conciliabule s’ensuivit, où les uns soutenaient la chose alors que d’autres la rejetaient. Après un long moment sans accord, l’un d’eux finit par couper court à la dispute : le jour déclinait…
     Ils étaient au beau milieu des bois, et le temps leur manquerait pour rentrer avant le crépuscule… Tentant le tout pour le tout, ils se résignèrent au plan du sire Robin, qui, tout optimiste, se mit en route, suivi du sire Oméga et de son chien.

     Le shérif (fonction qu’il occupait en Albion) de Rottingham imposa à son compagnon une montée aussi rapide qu’abrupte : ils crapahutèrent le long de la petite vallée, se démenant à gagner de l’altitude, pour une raison que seul le sire Osbourne comprenait. Ils mirent bien sûr pied à terre, tenant leurs montures hésitantes par la bride, et continuèrent pendant de longs moments à affronter le flanc boisé de la montagne. De temps à autres, il sembla à Colin d’entendre de sourds coups de tambour en contrebas, mais il n’y prêta pas attention, déterminé à suivre son guide jusqu’au bout.
     La grisaille se fondait dans l’ombre lorsqu’ils atteignirent ce qui devait être le bout de la vallée. Au-delà d’épaisses broussailles, les chevaliers entendaient des tambours battre une mesure irrégulière, parfois des cris, des jappements et d’autres bruits plus étranges encore.
     Robin prit sa besace, en sortit deux belles flasques métalliques, dont l’une il tendit à son compagnon de route :
     - C’est le tord-boyaux de chez moi, je le fais moi-même pour… Des fois, quand j’en ai besoin. Tu sais ce que tu dois en faire ? T’as de quoi faire du feu ?
     Aguerri à l’errance, Colin acquiesça. Le sire Osbourne (un air de démence dans le regard) lui précisa alors le fin mot de son plan : ils partiraient chacun de son côté, répandant ça et là le précieux alcool albionnais. Dès que Colin verrait du feu au loin, il allumerait le sien, et ils se retrouveraient à l’abbaye. Le jeune chevalier déglutit, mais accepta. Ils se séparèrent.

     Un sourd grondement éveilla les nobles sires, engourdis par l’attente et angoissés par la nuit tombante. Au loin, des lumières rouges et jaunes commençaient à s’agiter, mordant le noir à pleines dents. Puis, l’incendie se propagea, et des hurlements bestiaux parvinrent distinctement aux chasseurs qui formèrent un demi-cercle à la sortie de l’étroite vallée.
     Le feu grandissant au loin embrasa leurs cœurs.
     Les cris devinrent de plus en plus proches.
     Les mutants, affolés et hargneux, surgirent, et la mêlée s’engagea.

     Colin ne se rappelait pas comment il fut rentré à l’abbaye pendant la nuit ; ayant encouru la mort plus d’une fois au cours de l’audacieuse tactique du sire Osbourne, il loua la Dame de l’avoir préservé une fois de plus. Le matin venu, toutefois, il s’avéra que tous les chevaliers, ou presque, furent rentrés sains et saufs, ramenant la nouvelle du succès de leur exploit. L’on alla retrouver le chevalier errant et son étrange ami albionnais, et l’on loua haut et fort leur ruse et leur courage, ainsi que Courage, le chien qui avait débusqué l’ennemi.        


     
   

 
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyJeu 16 Juin 2016 - 13:33




Il y eut un orage tel que la terre elle-même trembla ;
                       Au plus profond de la nuit, les plus obscures ténèbres se déchiraient
                             par d’aveuglants éclairs. Les bretonniens furent incapables de sommeil.
                                   Il y eut du mouvement à l’est, tout au long de la nuit ; le sire de Mélinor
                       le comprit : les morts convergeaient au tournoi. L’alerte fut sonnée et
                 des messagers galopèrent à bride abattue vers l’abbaye, mais les morts,
           arrivés à la lice, n’attaquèrent pas, se figèrent dans la nuit, leurs murmures
     annoncèrent le début du tournoi.


Spoiler:


     Le matin suivant, les forces se mirent en marche : des forces de foi, de valeur, de courage, de bonnes armes et d’admirables chevaux. Beaucoup chantaient, presque tous chantaient, et la vallée de Frugelhofen résonna de leurs chants de bravoure, atteignant même les cieux voilés. Ainsi, lorsqu’ils virent la lice et les morts, personne ne trembla, car même les plus peureux se sentaient protégés par la Dame. Les moines les regardèrent s’éloigner, bénirent leurs pas, s’en allèrent prier. Tous étaient convaincus de leur imminent succès, frère Thibaut en premier. Ses registres listaient la fine fleur de la chevalerie.

     Il y eut en revanche bien des déçus lorsqu’il fut clair que la lice n’accueillerait guère d’aussi innombrables spectateurs. Par la grâce des esprits malins, ils s’en accommodèrent, se disant qu’il aurait bien assez de combats pour que chacun eût pu voir au moins une joute du tournoi.

     Le sire de Mélinor et le sire de Saint-Ange ne savaient que penser. Ils eurent fouillé chaque recoin, chaque lopin de terre de la vallée, et pourtant, les morts étaient légion : toute les partie est de la vallée semblait regorger de leurs carcasses décharnées, de leurs armes délabrées et de leurs bannières déchirées. L’explication s’invita d’elle-même lorsque les bannières furent identifiées : le Wissenland voisin devait avoir pris bien peu soin de ses morts pour permettre ainsi que des nécromanciens s’en emparent aussi aisément.
     Les immortels, de leur côté, se félicitaient de cet atout en mains, tant l’ost bretonnien dépassait toutes leurs estimations.

     Chaque armée envoya force émissaires ; l’on convint d’un pacte de non-agression, accord tacite désormais scellé par le sang, et pour la première fois, l’étrange tribune fut investie par ceux à qui elle eut été destinée : les nobles sires et les seigneurs de la nuit.
     Le vent charria l’odeur des cadavres. Les vivants s’en offusquèrent, mais la chose était décidée : les joutes allaient commencer.

     Le duc Baudouin fit face à un sinistre individu, qu’il reconnut pour l’architecte de toute la folie qui prenait place en ce jour. Von Essen reconnut un haut dignitaire bretonnien, et son âme noire se gorgea d’orgueil à pouvoir ainsi lui faire face impunément. Chacun portait les listes des inscrits, tous deux convinrent qu’il fallait commencer maintenant. Et les joutes commencèrent.

Le tournoi du Fort de Sang Mylye10

     Sept jours durant, lances se brisèrent contre boucliers, heaumes furent brisés, côtes furent fêlées, il y eut même des chutes mortelles. Les nobles sires se battaient avec toute la force de leur foi. Las, il s’avéra bien vite que les guerriers maudits ne sauraient être vaincus par le premier chevalier venu.
     Dix fois, vingt fois supérieur avait été le nombre d’inscrits bretonniens et pourtant, ce nombre s’amenuisa, les immortels semblant se rire de leurs armures. Cavaliers spectraux et chevaliers au teint lunaire, ils surpassaient le commun des mortels en adresse et en endurance, et un vent d’hésitation souffla sur l’ost bretonnien, plus ardentes encore devinrent leurs prières.

    Au huitième jour, il ne restait que seize participants.


Colin Oméga (Calidus5)
Spoiler:

Valmond de Mélinor (MagnanXXIII)
Spoiler:

Gabriel de Saint-Ange (Nicolas de Lorraine)
Spoiler:

Claudbert, chevalier du Graal (Chevalier Rouergue)
Spoiler:

Silvère de Castagne (Lord del Insula)
Spoiler:

Charles-Hubert de la Bath de Gransette de Baisebaule (Toison d'Or)
Spoiler:

Dangorn de Castagne (Dangorn de Castagne)
Spoiler:

Robin Osbourne (Agilgar de Grizac)
Spoiler:

Ethgri Wyrda, le seigneur venu des bois (Ethgri Wyrda)
Spoiler:


Le Roi Muet (Gromdal)
Spoiler:

Oldrick le seigneur des batailles (Kaops)
Spoiler:

Euron, capitaine des revenants (Nyklaus von Carstein)
Spoiler:

Erwin von Loenen, dragon de sang (Ulflefoufurieux)
Spoiler:

Von Essen, chroniqueur des von Carstein (Arken)
Spoiler:

Hans von Randohm, chevalier de l'Ordo Draconis (Von Essen)
Spoiler:

Wilhelm Kruger, ancien chevalier de l'Ordo Draconis (Arcanide Valtek)
Spoiler:



Chevalier  Chevalier  Chevalier



     Et pendant ce temps là, en lointaine terre d'Azérotte :
     - Ah, les hommes... - soupira Dame Arken.


Dernière édition par Von Essen le Dim 3 Juil 2016 - 10:32, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyJeu 16 Juin 2016 - 22:52

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     Penthésilée de Gransette était là, aux tribunes, à la vue de tous ceux qui étaient venus lui porter secours. Elle souffrait, souffrait de sentiments aussi désordonnés que contradictoires. Auprès d’elle se tenait Ulrich von Stromdorf, geôlier improbable qu’elle eut appris, malgré elle, à respecter pour sa simplicité et sa patience.
     Des semaines durant, elle l’eut affronté, défié, provoqué parfois, mais jamais le guerrier vampire n’eut baissé sa garde, ni même perdu ne serait-ce qu’une once de son apparente quiétude. « Vaincs moi une fois, et je t’emmènerai où bon te semble. » Etrangement, la demoiselle avait la conviction qu’il n’aurait guère manqué à sa parole, si seulement elle l’avait vaincu.

-

     Von Essen et le duc de Parravon gardaient toujours une dague à la ceinture, aimable précaution commune lorsqu’ils se retrouvaient afin de confronter leurs listes. Si l’un était toujours accompagné par connétable Bertrand, l’autre venait seul, au mépris du danger, convaincu que son otage éviterait aux mortels tout guet-apens ou autre bassesse.

     Baudouin eut longtemps attendu, mais le jour fatidique du début des joutes, il eut compris que son plan avait échoué. Le criminel qu’il avait engagé pour enlever l’otage avait perdu : sur les tribunes, il servait le repas à dame Penthésilée, ainsi qu’une autre femme dont il ne connaissait le nom. Le duc adressa une prière à leur sainte protectrice, plaçant toute sa foi dans l’habilité des bretonniens.

     Au soir du septième jour, il retrouva le chroniqueur une fois de plus, pour une conversation qui s’avéra des plus houleuses…
     - Il y a un problème, monseigneur… - glissa le vampire en arrivant à la tente ducale. – un probabilité qui, bien que moindre, doit être étudiée et discutée.
     Baudouin de Parravon le scruta d’un œil torve.
     Von Essen, nullement intimidé, poursuivit :
     - Si nos combattants éliminent les vôtres, il a déjà été convenu qu’ils continueront à se battre pour le prix du vainqueur. Et vos mortels, nobles seigneurs, que feront-ils si jamais les nôtres sont éliminés ?
     Il y avait de la provocation dans sa voix. De jour en jour, les forces bretonniennes fondaient, des hommes forts et braves, pourtant aguerris à la joute.
     - Vous céderez le Fort de Sang et la demoiselle…
     - Mais à qui, noble duc, à qui ?
     - Cela vous importe-t-il ?
     - Oui.
     Le face-à-face devint silencieux. Mort comme vivant se fusillaient du regard, mais le seigneur savait qu’il fallait jouer doucement.
     - Pourquoi y tenez-vous ?
     Le chroniqueur eut un sourire mauvais.
     - Pour savoir qui sera maudit sur mille générations jusque la Fin des Temps.
     - Raison de plus pour vous brouiller les pistes –
     - Raison de plus pour nous, - Von Essen s’appuya contre la table du duc, - de retenir la dame sous notre grâce, car nous voulons savoir lequel de vos mortels est le meilleur bretteur. Il y a de grands seigneurs qui s’intéressent à cette information.
     Pour la dix-millième fois, Baudouin maudit intérieurement l’engeance mort-vivante.
     - Passons aux combats de demain, - trancha-t-il.
     - L’affaire est-elle entendue ? – insista le vampire.
     - Oui ! Et soyez maudits, vous et votre race !

     Mais l’affaire ne fut pas entendue. Pressant son avantage, à force d’éloquence et  de sophismes, le chroniqueur obtint ce qu’il voulait obtenir dès le départ : les joutes fratricides. Mortel contre mortel, mort contre mort, il concéda toutefois qu’un tel combat n'aurait lieu que s’il y eut déséquilibre entre vivants et morts.
     Lorsqu’il quitta la tente ducale, Baudouin fit mander deux chevaliers, afin de les avertir de leur mauvaise fortune.







Grandes joutes
Premier jour




Valmond de Mélinor (MagnanXXIII) contre Erwin von Loenen (Ulflefoufurieux)


     Valmont leva le regard vers les tribunes et reçut moult acclamations dûment méritées. Depuis le début des joutes il avait marqué les esprits : nulle lance ne disposait de sa faveur, aussi longue affutée qu’elle fut, et c’est en tournoyant un redoutable fléau d’armes que marquis terrassait ses ennemis.
     Dans sa jeunesse, il avait vu son père mourir aux mains d’un être malfaisant de Mousillon : l’instant suivant, ce dernier fit connaître le même sort à l’un de ses meilleurs amis d’alors. La créature fut alors abattue, mais le courroux vengeur du jeune seigneur survécut aux années : il récupéra l’arme de son ami, et s’en servit pour décimer l’engeance vampirique pendant des décennies, s’en allant jusqu’à les chercher au duché maudit.
     Ce tournoi, s’il lui interdisait de mettre ses ennemis à mort, il laissait la joie de les humilier en leur faisant mordre la poussière.
     Le sort de la jeune demoiselle ne lui était pas non plus indifférent.

     De l’autre côté de l’arène, Erwin abaissa sa visière. Tout le long des joutes, son maître l’observa, procurant des conseils, repérant ses erreurs qui auraient pu être fatales. Son maître portait le surnom « Nattfekter », « escrimeur de la nuit », et si la nuit n’avait que pour objet de mériter sa préférence, escrimeur, Knut l’était, de jour comme de nuit. Erwin vénérait ses conseils comme l’on vénère les paroles d’un saint.

     - Qui que tu sois, – lança le sire de Mélinor, – prends garde à tes canines, félon !
     Le dragon de sang ignora la pique, attentif au signal. Valmond, cependant, poursuivit :
     - Tu vois ces croix sur mon bouclier ? Ce sont tous ceux de ton engeance que j’ai déjà massacrés ! Dommage que je devrai te laisser la vie sauve !
     Ecartelé de gueules et d’argent, surmonté de croix de sable, l’écu du chevalier attirait les regards de la foule.
Blason du marquis:
     Le vampire demeura aussi muet qu’une tombe. Il partit telle une flèche lorsque le signal fut donné. Nullement surpris (test de peur réussi !), le marquis éperonna sa monture à son tour. Erwin abaissa sa lance, Valmont fit siffler son fléau.
     Précision, force et adresse avaient jusque là conduit le dragon de sang à des victoires immédiates. Une fois de plus, sa charge fut redoutable (2T + 1T, 3B, 1 svg, 1invu, 1 PV !), mais une parade stupéfiante du chevalier dévia la pointe (Valmont : 2T (arme détruite), 2B, 2 svg) et explosa la lance en mille copeaux. Rejetant le manche devenu inutile, Erwin dégaina et s’abattit tel un ouragan sur Valmont.
     Blessé, le marquis ne perdit pas ses repères (test de peur réussi !), mais eut du mal à parer l’assaut fulgurant du vampire (3T + 1T, 3B, 2 svg, 1 PV !) et sentit l’acier froid mordre son avant-bras. Cruellement atteint, il ne parvint guère à percer la défense d’Erwin (1T, 1B, 1 svg).
     De terribles souvenirs s’insufflèrent à lui (test de peur raté avec un double six !   Sad  ), il lut dans le regard ennemi un instinct prédateur et glacial. Mortellement précis, le dragon de sang le visa à la tempe (3T, 1B, 0 svg) quand un éclair aveuglant s’interposa entre eux (1 invu relancée, 1 invu !!!  Shocked  ), obligeant le vampire à reculer. Dans la foule, un cri de stupeur, puis de joie, s’éleva… Las, le marquis était trop affaibli pour riposter efficacement (1T, 1B, 1 svg).
     L’intervention de la Dame regonfla le cœur du vieux bretonnien (test de peur réussi !), qui se prépara à l’assaut ennemi. Erwin von Loenen ne se fit pas prier, froid et méthodique (2T + 1T, 1B, 0 svg, 1 invu !), mais une deuxième fois, une force s’interposa ; létal, le dragon de sang frappa du bouclier (invu relancée, 1 PV !!!  Twisted Evil  ) et assomma le chevalier, qui s’effondra en perdant connaissance. Des murmures inquiets parcoururent la foule alors que des écuyers accouraient, accompagnés de la prophétesse.
     Le dragon de sang soutint le regard de Dame Gaea sans ciller ; il avait remporté le combat, sans user d’artifices.  






Ethgri Wyrda (Ethgri Wyrda) contre Euron (Nyklaus von Carstein)


     L’humeur des nobles sires et des paladins devient aussi grise que le ciel au dessus de la lice. Gabriel de Saint-Ange se rongeait le gant : il avait fort apprécié les jours passés en compagnie du chevalier vétéran, et les premières joutes l’avaient convaincu de son invincibilité. Il fut toutefois distrait, toute la foule fut distraite de son désarroi, lorsque les combattants suivants entrèrent dans l’arène.
     L’un d’eux était un revenant, cadavre que la mort refusait pour une sombre raison, engoncé dans une armure dorée aux atours barbaresques. L’on disait de celui-là que sa bannière était des plus étranges : de sable, un crâne d’argent sur deux épées croisées d’argent ; personne n’y trouvait guère de sens, mais tous craignaient sa vue, et lors des joutes, celui qui se faisait appeler Euron eut mérité la renommée d’un adversaire brutal et imprévisible.
     En face de lui se tenait un être… différent, sinon l’exact contraire. Haut et fin, à la longue chevelure soyeuse, c’était un habitant des bois, venant de la Forêt Enchantée, et un grand seigneur parmi les siens, à ce qui semblait. Lorsqu’il se présenta à l’abbaye, personne n’en crut ses yeux, et le frère Thibaut, même vingt ans plus tard, se souvenait encore de cette rencontre improbable avec l’elfe.
     Et lui aussi, depuis le début des joutes,
     Se jouait des morts qui croiseraient sa route.

     Au signal, tous deux s’élancèrent, le revenant rugissant : « Pas de quartier !!! »
     Ethgri pointa sa lance droit vers la gorge ennemie, visa juste (3T + 1T, 4B dont un Coup Fatal ! 3 PV !!!   Shocked  ), mais le capitaine n’entendit pas ce genre de poésie (2T + 1B Coup fatal ! 2 PV !!!  Laughing  ). La pointe elfique ripa sur la rondache ennemie, alors que l’elfe dut se pencher pour éviter un coup redoutable. Tous deux se dépassèrent, se retournèrent aux côtés opposés de la joute. La foule retint son souffle.
     Euron chargea, décidément énervé par les petits êtres qui tournaient autour de l’elfe, quand ce dernier fut près de lui en un clin d’œil (2T + 2T, 4B, 4 svg (quadruple six !!!  Cool  ).
     Incrédules, les nobles sires les virent se croiser à nouveau (Euron : 0T), la lance de l’elfe fichée dans la poitrine du revenant. Le capitaine se retourna, empoigna la lance et l’extirpa de son corps, sous les regards ébahis.
     - C’est pour moi ? J’apprécie beaucoup !
     Ethgri, lui, n’apprécia guère. Y avait-il vraiment quelqu’un dans cette armure dorée ?! Il fonça sur l’ennemi, curieux et résolu à voir dedans.
     Euron, de son côté, jeta négligemment la lance et dégaina… un sabre d’abordage.
     - Décidément, ‘y a rien de mieux.
     La foule vit une mêlée impitoyable : l’elfe dégaina une deuxième lame, feintant et tranchant, mais le revenant opposa une défense insurmontable (3T, 1B, 1svg). Il riposta, mais de petits êtres guère plus gros que des moineaux se nichèrent dans ses orbites vides (0T), aveuglant le capitaine.
     Ethgri réitéra l’assaut, mais crut vraiment que l’ennemi était creux à l’intérieur (3T, 1B, 1 svg), alors que le revenant peinait à se défaire des nouveaux résidents de son crâne (1T).
     Ils se fixèrent ainsi sur une danse mortelle, où l’elfe tentait vainement de disséquer le revenant et le revenant tentait de vaines frappes à l’aveuglette :
     3T, 2B, 2 svg contre 1T ;
     3T, 3B, 3 svg contre 0T ;
     4T, 3B, 3 svg contre 1T, 1B, 1 PV !
     Le coup chanceux mais maladroit d’Euron fendit l’élégant cuir elfique, laissant une longue entaille sur le torse de l’elfe. Meurtri dans sa fierté, Ethgri tenta de le décapiter (3T, 0B), mais sa hardiesse lui valut une riposte aussi soudaine qu’inattendue (1T, 1B, 1 PV !!!). La taille du sabre mordit le flanc exposé de l’elfe, lui arrachant un cri de surprise, et le revenant pressa son avantage.
     Trop affaibli, Ethgri leva la main ; les farfadets ayant quitté les yeux d’Euron, ce dernier vit le signe, cessa le combat.
     L’elfe refusa le secours des écuyers, les petits êtres s’occupant déjà de sa sévère blessure, récupéra sa lance et s’en alla de l’arène. Au-delà de son cuisant échec, il voulait à tout prix savoir s’il y avait quelque chose dans le revenant.
     Euron salua les tribunes, ignorant les huées provenant des mortels, quand tout d’un coup il fut interpellé par la voix claire de son ennemi :
     - Eh ! – l’elfe était sur le point de partir. – Est-ce que tu es vide à l’intérieur ?
     Le capitaine fut manifestement désarçonné par la question.
     - Euh… Je ne sais plus, - avoua-t-il, sincère.





Robin Osbourne (Agilgar de Grizac) contre Hans von Randohm (Von Essen)


     Atterrés par ces deux échecs successifs, les bretonniens faillirent perdre espoir. Les plus sages d’entre eux intimèrent aux autres d’avoir la foi : après tout, la Dame défendait ceux dont le bras était fort et la cause était juste.
     Midi était passée, des rations de pain et de viande séchée circulaient librement parmi les spectateurs. En face, les morts dédaignèrent ces besoins minables, et observèrent avec entrain les deux nouveaux venus sur l’arène : le premier était un noble chevalier dont ils ne connaissaient le nom, et qui se présenta comme le sire Robin d’Osbourne, shérif de Rottingham. Lui faisait face un adversaire à la gloire naissante : personne parmi les chevaliers de sang ne s’attendait à voir le « von Randohm » aller si loin en joute.
     En apparence simplet, le jeune vampire s’avéra redoutable avec la lance, comme si la joute fut faite pour lui. Partant du fait que de telles choses étaient fort rares au Fort, le tournoi orchestré par Von Essen révéla un talent, une pépite qui regagnait l’estime de ses maîtres au fur à mesure des combats.
     De leur côté, les nobles sires savaient Osbourne comme un gaillard retors, et d’aucuns se dirent : « Pourquoi pas lui ? Il est bien arrivé jusque là ! »

     Les lances furent abaissées, les chevaliers foncèrent au contact. Vivants comme morts, tous furent à nouveau ébahis par l’adresse du vampire (4T, 4B, 1 svg, 1 invu, 2 PV !!), mais comme si les prières de l’abbaye venaient d’atteindre la Dame, le pire fut évité ; mieux : tout le monde vit Hans serrer son flanc et grogner de douleur (Robin : 2T + 2T, 4B, 2 svg, 1 invu, 1 PV !). Serrant les dents, tous deux se retournèrent, mais si le vampire libéra son épée, Robin, lui, sortit un fléau.
     Ils se retrouvèrent dans un épouvantable choc, la lame de Hans subitement arrêtée par les chaines du fléau (Hans : 4T, 1B, 1 svg) ; il ne vit pas la boule crantée filer droit vers sa tête, mordant son casque et projetant le chevalier à terre (3T (arme brisée), 3B, 1 svg, 2 PV !!   cheers  ).

     Une clameur nouvelle s’empara de la foule ; tous se levèrent, tous applaudirent, tous louèrent Albion, son vin et son fromage, aussi immondes qu’ils fussent. Le sire Osbourne s’inclina galamment, souriant et songeant aux prochains combats. Dans les tribunes adverses, quelques mâchoires grincèrent…





Colin Oméga (Calidus5) contre Claudbert (Chevalier Rouergue)


     Etonnant paradoxe, la dernière joute de la journée fut comme un baume aux cœurs meurtris des nobles sires. A l’aube du même jour, il leur fut annoncé qu’un combat fratricide serait désormais chose non exclue, et que deux chevaliers allaient s’affronter sur la lice, alors même que leur but était le même. Tous crièrent au scandale, mais au renfort du duc vint Dame Gaea, Dame Drunehilde et les chevaliers concernés.
     S’ils luttaient en ce jour, c’était pour voir lequel était plus apte à porter lance contre les morts. Un jeune dont les moustaches dataient de peu, un vieux dont les années avaient blanchi les cheveux. D’aucuns s’insurgèrent, car la Dame guidait sans doute celui à qui le Graal fut accordé, et la Dame ne se trompait jamais.
     Alors Claudbert, passablement énervé d’être ainsi contredit, affirma haut et fort que la Dame lui indiquait cette voie, ce qui calma les fortes têtes.
     Colin, de son côté, ne savait que penser ; Claudbert lui conseilla de s’en remettre à la Dame.

     Le soir venu, tous deux furent pareillement encouragés ; la Dame élirait son champion, et de toute sorte, le gagnait de cette joute serait un bretonnien.

     Le signal fut donné : tous deux se recommandèrent à la Dame, et chargèrent.
     Pour leur gloire commune, aucun n’était déterminé à rendre les choses faciles à l’autre : Claudbert ajusta son coup, et asséna une belle estafilade à l’épaule du jeune sire (1T + 3T, 4B, 3 svg, 1 PV !) ; Colin ne fut pas en reste, et manqua de renverser le centenaire de sa monture (3T, 2B, 0 svg, 1 invu, 1 PV !). Dans les tribunes, dame Drunehilde songea : « Ah non ! J’ai fait tout ce voyage ! Ma Dame, ne me faites pas revenir si tôt dans ce coin paumé ! »
     Les deux chevaliers défouraillèrent leurs fidèles épées, échauffés et souriant l’un à l’autre. En ce jour pourtant morne, leurs blessures leur semblèrent vivifiantes.
     Lorsque les lames se croisèrent, il devint vite évident à Claudbert qu’il n’aurait pas l’ascendant : l’âge eut raison de son bras pourtant aguerri à l’escrime (2T). Colin pressa son avantage, déboussolant l’ancien chevalier, et entaillant son haubert au niveau de l’aisselle (2T, 2B, 1 svg, 1 PV !). Vraiment mal en point, Claudbert dut renonçer à la riposte (0T), mais gagna nettement en protection (Colin : 2T, 2B, 2 svg).
     S’engagea alors une impitoyable mêlée où l’un comme l’autre rivalisèrent de force et d’adresse, sans parvenir à y voir le bout : se sentant faible, Claubert fut fort prudent (1T, 1B, 1 svg) et Colin – fort imprudent, au point de frapper sans jugement (2T, 1B, 1 svg). Claudbert tenta une botte bien ajustée, mais n’y trouva que bon acier (2T, 2B, 2 svg). Les efforts de Colin se brisèrent contre un roc (2T, 1B, 1 svg), mais le « roc » ne fut guère plus adroit (1T, 1B, 1 svg).
     Les bretonniens scrutaient la scène avec une sorte d’affection profonde : tous deux se battaient vaillamment, tous deux étaient dignes, jeune comme vieux, d’être élu par la Dame. De l’autre côté, les morts se disaient que le vieux mourrait avant le jeune, mais de vieillesse…
     Les lames s’entrechoquèrent dans une gerbe d’étincelles, Colin visant la tête de Claudbert (2T, 1B, 1 svg), mais ne parvint qu’à faire voler le heaume poli du chevalier. La tête à l’air, Claudbert huma le vent, ragaillardi, et asséna avec entrain une série de coups puissants, mais hélas peu probants (3T, 1B, 1 svg). Dans sa grande hâte, il aperçut trop tard le plat de la lame qui venait par la droite, et crut entendre les cloches de l’abbaye quand le sire Oméga l’assomma prestement (2T, 2B, 0 svg, 0 invu, 2 PV !!  thumright  ).

     L’on recueillit le vénérable Claudbert avec tous les honneurs dus à son rang, ignorant royalement les quelques mesquineries provenant des tribunes vampiriques. Colin fut applaudi pour sa prestance et, rougissant, accepta sa victoire, se disant qu’après tout, les voies de la Dame sont impénétrables.  
     


***


Dernière édition par Von Essen le Sam 18 Juin 2016 - 16:41, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyVen 17 Juin 2016 - 23:06

Chevalier


     En fin de journée, le seigneur Valmond de Mélinor se réveilla dans une tente à l’arrière du campement bretonnien, non loin des tribunes du tournoi. Une prêtresse de Shallya se tenait à ses côtés, finissant d’appliquer des bandages sur son avant-bras meurtri. Voyant que le seigneur de Mélinor venait de revenir à lui, elle lui indiqua fermement de rester couché pour ne pas rouvrir ses blessures. Le vieux seigneur grommela, mais obéit. Il savait d’expérience qu’il valait mieux écouter les prêtresses, ces dernières lui ayant sauvé la vie plusieurs fois déjà. Et il n’était plus si jeune, ses blessures n’allait pas se refermer par magie… Il regrettait juste de voir que sa cape de drapeaux était déchirée par endroits.
     Quand elle eut fini, elle indiqua à Valmond que quelqu’un souhaitait lui parler. Quelque peu surpris par cette information, le seigneur accepta de voir ladite personne. La prêtresse sortit et revint avec un chevalier armuré de pied en cap. Ce dernier faisait une demi-tête de plus que la moyenne des chevaliers bretonniens et son casque ailé amplifiait d’autant plus son côté imposant, il portait sur lui plusieurs haches de tailles diverses et son tabard portait les couleurs noires et blanches de Brionne.
     « Cédric ! - s’exclama Valmond qui venait de retrouver ses forces subitement. - Mon bon vassal ! Tu es venu venger ma défaite sur la lice contre ces maudites engeances démoniaques ?
     - Salutations monseigneur, - fit Cédric dit le Normand en  s’inclinant légèrement. - Il se trouve que…
     - Attends une minute, que fais-tu ici ? - le coupa Valmond. Je te croyais parti pour Havras ! »
     Cédric soupira longuement à l’évocation de son long voyage.
     « Oui, et j’en suis revenu. Avant que vous ne me posiez la question, j’ai perdu à ce tournoi mais non sans défendre mon honneur en passant les premiers tours. Mais j’ai été retenu pendant un temps par une quête… disons, pour le moins improbable.
     - Bien, bien fort bien, tu me raconteras tout cela plus tard, - fit le seigneur fébrile. - Tu es bien plus compétent que moi dans le domaine du duel, que dirais-tu de reprendre ma place dans ce tournoi maudit ?
     - Mes excuses, monseigneur, mais cela me semble être à l’encontre des lois du tournoi. Et votre fief a besoin de vous, des attaques de peaux-…
     - Il n’y a pas de règles contre les créatures de la nuit ! - le coupa Valmond. - Seulement la mort et la traitrise fourbe !
     - A ce qu’on m’a dit, votre adversaire a gagné à la loyale. »
     Valmond vit ses ardeurs refroidir subitement avec la remarque de Cédric, mais il tenta néanmoins de garder sa contenance.
     « Heum, oui… Peut-être… Mais qui sait avec ces engeances quels tours ils ont bien pu utiliser ! »
     Cédric se passa une main sur son heaume en soupirant. Décidément son seigneur était incurable. Il allait falloir sortir les grands moyens s’il voulait le ramener au château.
     « Il se trouve que quelqu’un d’autre souhaitait voir sa seigneurie…
     - Ah ? - demanda Valmond. Qui donc ? »
     En devinant le regard désolé derrière le heaume de son vassal, le seigneur de Mélinor perdit toutes ses couleurs. Un bruit de pas léger se fit entendre à côté de la tente et la toile se leva pour dévoiler une dame dont les cheveux grisonnants ne détérioraient en rien sa beauté. En revanche, si elle dégageait une impression de calme et de sérénité en permanence, ses yeux n’étaient que fureur.
     « Valmond Ambroise Eudes de Mélinor… commença dame Constance sur un ton sec. J’ai à vous parler.
     - Par la d… Ouuuiii, ma douce ? »
     Avec sa voix chevrotante et mielleuse, on avait du mal à croire qu’il s’agissait du même seigneur guerrier tueur de vampires qui était apparu précédemment sur la lice.
     De son côté, Cédric préféra s’éclipser discrètement à reculons pour ne pas subir les foudres de la compagne de son seigneur et resta à l’entrée de la tente. Leur disputes n’étaient pas houleuses, avec forces cris et pleurs. Au contraire, dame Constance gardait un ton neutre, jovial et proprement terrifiant qui vous glaçait le sang par sa gentillesse. Et le seigneur de Mélinor, lui, se contentait généralement d’hocher la tête en se regardant les pieds d‘un air benêt.
     En arrivant au château de Mélinor quelques jours auparavant, Cédric, épuisé par son long voyage, avait retrouvé une dame Constance furieuse et un seigneur Valmond absent. Il ne fallut pas longtemps au chevalier pour faire le lien et il partit peu de temps après avec la dame pour retrouver son mari. Le château avait été attaqué deux fois par des peaux-vertes en l’absence de leur seigneur et il devait absolument retourner en son fief pour régler cette affaire au plus vite. Du moins, c’est ce que dame Constance souhaitait…
     Après une dizaine de minutes de remontrances silencieuses, dame Constance sortit de la tente avec son air poli habituel et son petit sourire jovial. Derrière elle, le seigneur de Mélinor trainait des pieds avec un air penaud, mais il tenta de se reprendre et bomba quelque peu le torse.
     « Nous partirons dans deux j… - commença Valmond qui s’adressait à Cédric.
     - Une heure, - le coupa dame Constance.
     - Heum... Oui ! Une heure ! - s’exclama-t-il, hésitant. »

     Valmond prit le temps de passer voir Gabriel de Saint-ange pour lui donner des conseils sur des techniques anti-vampires tout en lui affirmant qu’il irait bien. Il quitta le chevalier avec regret, car il avait enfin trouvé quelqu’un qui considérait ses mesures extrêmes à leur juste valeur… Les chevaliers arrivés avec le seigneur de Mélinor restèrent au tournoi mais sous le commandement du Duc Baudoin. Ils repartirent tous les trois pour les marches peu de temps après avoir fait leurs adieux.
      Cédric quitta l'endroit avec une petit touche de nostalgie, car il eut aperçu et salué en passant plusieurs combattants du tournoi de Havras. Apparemment, tout comme lui, ces pauvres bougres étaient destinés à se retrouver dans les pires situations... Le chevalier adressa une prière silencieuse à la Dame, espérant que la damoiselle de Gransette puisse être sauvée par un des chevaliers ici présent... Et il se remit au trot pour garder un œil sur son seigneur et l’empêcher de retourner au tournoi.














Grandes joutes
Deuxième jour


     Il eut passé la nuit au plus profond du Fort, caché dans une crypte noire dont par des artifices il dissimula l’accès. Le chroniqueur se penchait longuement sur ses listes, voyant et revoyant les participants restants, imaginant mille combats, mille issues possibles à chacun, car la pure arrogance dont il avait fait preuve jusque là eut été ébranlée la veille. Il avait tant confiance en les capacités de Hans…

     Le jour suivant, comme à l’accoutumée, le ciel était couvert, mais une fine bruine s’écoulait, transformant l’arène en une mare visqueuse et opaque. Au loin à l’ouest toutefois, une mince ligne bleue se profilait, et nombreux furent les bretonniens à le remarquer et à en rire de joie. Leurs prières matinales accomplies, ils déjeunèrent avec entrain, le sire Charles Hubert mangeant autant que quatre : trois cruches de vin, trois miches de pain et cinq bonnes pommes pour être certain d’être en forme lors de la joute.
     Parmi les tentes qui étaient innombrables, Silvère se promenait, mangeant pensivement sa ration de pain. La pluie l’inquiétait peu, il s’en moquait ; il songeait aux ennemis qu’il pourrait rencontrer lors de la joute. Des vampires, des revenants… Si seulement ils pouvaient les terrasser sur place une fois vaincus ! Le visage triste de dame Penthésilée lui vint en tête, et le sire de Castagne serra les poings, déterminé à…
     - Sire Dangorn !
     Silvère plongea derrière une tente. « Sire Dangorn ?! » S’agissait-il du…
     - Sire Dangorn !
     Il entrevit un écuyer se pencher sous l’un des assemblages d’étoffe et de piquets, comme hélant la personne qui s’y trouvait.
     - Sire Dangorn ! – dit-il, - Les joutes vont bientôt reprendre, tout le camp est déjà levé sur pieds !
     Une voix étouffée lui répondit : « Et alors, oh ! Que n’ai-je point droit à un repos dû à mon rang… »
     Il n’y avait aucun doute : c’était bien lui, c’était bien son… cousin. L’écuyer, entretemps, quitta la tente du chevalier pour raviver un feu qui brûlait à côté.
     - Sire ! Je vous fais cuire un œuf à la braise ?
     Lorsque le sire émergea de son logis, Silvère se cacha tout entier.
     - Un œuf ?! Mon bon Martin, voulez-vous donc ma mort ? Du vin ! Que l’on m’apporte du vin, et pas du pire ! – Dangorn scrutait les environs comme s’il scrutait un futur champ de bataille. – Et prends garde, Martin, que tu n’ailles pas en boire toi-même sans mon accord, je te connais !
     Silvère ne le vit pas, mais Martin leva les yeux au ciel et se mit en route ; ce fut pour cela que lorsqu’il vit un homme passer près de lui, Silvère sursauta ;
     - AH !
     - AH ! – sursauta l’écuyer à son tour. – Démon !!
     - Démon ? – se fit entendre le sire Dangorn. – Près de ma tente ?!
     Silvère comprit que la plaisanterie deviendrait fort mauvaise, et s’empressa de sauver les meubles :
     - Comment que tu me prends pour un démon, maraud ! – fit-il, joignant à sa parole une claque fort ajustée qui envoya danser le pauvre Martin.
     Il se retourna alors, s’en allant d’un pas large et vigoureux, comme un noble seigneur prenant une souveraine retraite.

     - Eh bien, Martin ? Il n’y a guère plus de démons céans que de vin dans ma coupe !
     Silvère entendit l’écuyer se justifier piteusement de sa méprise. La Dame soit louée, il eut évité le pire.


***





Dangorn de Castagne (Dangorn de Castagne) contre le Roi Muet (Gromdal)


     Lothaire le Vénérable fut stupéfait en voyant arriver Silvère : heaume sur le cap, visière baissée, il ne le reconnut qu’à son blason et sa démarche. Le sire de Castagne le salua, ils lièrent conversation en montant aux tribunes, heureusement abritées des gouttes qui tombaient dru.
     - Et donc, ce heaume, c’est pour se protéger de la pluie ?
     - Vous avez bien compris, messire, je le préfère ainsi.
     - Mais nous sommes sous couvert maintenant, vous pourriez… Non ?
     Silvère, bien que gêné dans ce mouvement, hocha la tête en signe de négation.
     - Il me plait ainsi.
     Le vieux seigneur n’insista pas, trouvant cet entêtement peu sage, mais bien inoffensif.

     Lorsque le sire Dangorn fut annoncé, en revanche, tous les regards se tournèrent vers le sire à la cape blanche.
     - Est-ce donc votre parent ?
     - Un frère ?
     - Un gendre ?
     - Un fils ?
     Cela devint si alarmant que le chevalier y coupa court : « C’est mon cousin ! » ; il supplia la Dame que le vent emporte sa voix, et la Dame l’entendit.


     Le sire Dangorn, fort joyeux, salua les tribunes. Il faisait beau, il faisait chaud, il avait bu, et le vin avait été fort bon. Disons, ce n’était point du Bordeleaux, mais…
     En face de lui, un spectre se tenait, droit dans sa selle. Une couronne ornait son front, le vent remuait des bribes de cape ; il était immobile, comme si de tous les temps il eut été céans.
     - Hardi, Patapaton ! Patapatons cet odieux larron ! – lança Dangorn à sa fidèle monture.

     Le Roi Muet, lui, le scrutait avec une humeur déconfite, autant que ce fut possible pour un spectre : il tombait dru, et le revenant avait appris à détester la pluie. Et le chevalier l’irritait : pourquoi cet homme ne tremblait pas à sa seule vue ? (test de peur automatiquement réussi) Pourquoi cet homme si audacieux lui rappelait davantage un joyeux drille inoffensif ?
     « Mais finissons-en au plus vite ! » - pensa-t-il pour lui-même.

     Le signal tant attendu fut donné, et il chargea sans perdre un seul instant. L’ennemi en face fit de même, poussant un « Que trépasse si je faiblis ! » terrifiant.
     Dans les tribunes, Martin, son écuyer, se mit une claque : le vaillant sire chargeant encore avec sa lame ! En joute ! Il se cacha les yeux pour ne pas voir le pire… Une exclamation de la foule le fit regarder : tous deux eurent traversé la lice sans dommage… (Dangorn : 2T ; le Roi Muet : 1T, 1B, 1 svg).
     Le roi revenant maudit son emportement, qui lui avait coûté une victoire rapide. Plantant sa lance dans le sol, un dégaina son arme, antique vestige d’un âge révolu. De l’autre côté, Dangorn se contenta de rugir et de charger, fut-ce face à lui la mort elle-même !
     - Aussi rapide que le vent, aussi rapide que l’éclair ! – lança-t-il dans sa fougue (test de peur réussi).
     - Aussi stupide que le paon, aussi stupide que… - le roi ne trouva pas la seconde rime, trop occupé à rencontrer l’ennemi.
     La distraction lui coûta cher, car le chevalier, quelque fût son état, trompa sa garde, frappa… fût aveuglé par une vive lumière (1T, 1B, 0 svg, 1 invu !).
     Depuis le début des joutes, les nobles sires se demandaient si ce n’était pas la Dame qui fût à l’œuvre avec ce mort, Dame Gaea assurant tout net que ce n’était point le cas.  
     Désireux de lui faire passer le goût de la poésie, le Roi Muet assaillit vivement son adversaire, mais le sire Dangorn semblait comme transporté par une force venant d’un autre monde (Le Roi Muet : 1T).
     « Bordeleaux, jamais d’eau ! » - lança-t-il dans le vent, provoquant quelques francs éclats de rire parmi les bretonniens (test de peur réussi !). Il réitéra ses coups, mais cette fois-ci, le revenant l’attendait (Dangorn : 3T, 1B, 1 svg).
     Ils échangèrent quelques passes impitoyables (Le Roi : 3T, 0B ; Dangorn : test de peur réussi, 2T, 0B) sans qu’aucun des deux n’eusse l’ascendant.
     « Tu es à moi ! » - le revenant frappa d’un puissant revers de bouclier, sa lame s’abattant sur le cou du seigneur (3T, 2B dont un Coup Fatal !) quand subitement sa lame s’empêtra dans la cape du chevalier, qui s’agita… Furieux, le Roi Muet trancha dans le vif, déchirant le tissu enchanté (Coup Fatal annulé, 1 svg, 1 PV !), trouvant enfin la fente séparant le heaume de la cotte de mailles.
     Le coup fut heureusement bien affaibli, et Dangorn, hargneux, riposta avec une efficacité redoutable (test de peur réussi, 3T, 3B, 2 svg, 1 PV !), obligeant le mort à reculer sous le déluge d’estocades. Las, le revenant semblait apprendre de ses erreurs : visant le même point faible, il escompta la cape trop abimée pour entraver sa lame, plaça une frappe vicieuse (2T, 1B Coup Fatal, annulé, 0 svg, 1 invu !!!) quand un trait de foudre tombé droit du ciel s’interposa, affolant les montures et brisant les desseins du mort. La foule priait assidument, alors que Von Essen se demandait comment briser un tel pouvoir. Erwin et Knut observaient le mort attentivement, Euron réfléchissait.
     La mêlée peina à reprendre, les deux combattants intimidés l’un par l’autre mais aussi par le cratère fumant que la pluie gorgeait d’eau désormais. L’audace cédait la place à la patience, Dangorn ayant compris que tout béni qu’il fût, il devait remporter ce combat pour remercier la Dame de sa bonté :
     Test réussi, 1T, contre 1T, 1B.
     Test réussi, 2T, 1B, 1 svg contre 2T.
     Test réussi, 3T, 1B, 1 svg, contre 2T, 1B, 0 svg, 1 PV !
     « S’il faut de la patience, je patienterai, » - ricana pour lui-même le roi revenant, trouvant une autre faille inattendue dans la défense ennemie. Ce combat en devenait divertissant, le mort ayant trouvé un adversaire à sa mesure, sans pour autant sembler difficile à occire.
     Grande fut sa surprise de voir soudain le chevalier s’illuminer d’un faible halo doré. Il sentit même une chaleur forte, mais douce émaner de lui, semblable son propre talisman, mais ô combien plus apaisante.
     « Ma Dame, guidez mon bras, je vous en conjure, » - pensa Dangorn, s’immergeant entièrement dans une ferveur nouvelle (test de peur réussi !)
     Il s’élança, tel un ange de foi, sur un revenant qui n’eut que le temps de dresser son écu ; un coup d’une puissance terrifiante manqua de lui faire vider les étriers, fit voler son écu en mille éclats, avant de s’abattre sur l’épaule et trancher net les os qui retenaient son bras (Dangorn : 4T, 3B, 1 svg, 2 PV !!). D’une étrange manière, le roi qui ne sentait rien sentit une douleur abominable, comme si la blessure de la lame bénie avait tranché nom pas son corps, mais son esprit qu’il renfermait.
     Hurlant de rage sans qu’on l’entende, il fit siffler sa lame que retenait son bras encore valide, oubliant toute retenue, frappant pour tuer (2T, 2B dont un Coup Fatal, annulé par la cape, 1 svg, 1 invu (à 3 !!!)), mais son coup fut doucement amorti par la lumière dorée qui émanait du chevalier.      
     Ce n’était pas la peur, mais la conviction qu’il fallait changer de tactique. Le Roi Muet pressa son destrier, qui cavala autour du sire de Castagne. Tous deux furent bien gênés dans leurs essais de blesser l’autre, mais pour le Roi, celait revenait à rétablir ses chances :
     Test réussi, 3T, 2B, 2 svg contre 2T, 1B, 1 svg.
     Test réussi, 1T contre 2T, 1B, 0 svg, 1 invu (à 3 ??!!!)
     Sa botte pourtant parfaite fut à nouveau comme embrassée par la lumière protectrice.
     Test réussi, 3T, 2B, 2 svg contre 2T, 1B Coup Fatal annulé, 1 svg.
     Si le mot était découragement, alors il ne serait guère en faute de l’employer céans : si sa tactique se révélait efficace, ses coups devaient faire rire les tribunes, tellement ils ne cessaient de rater leur cible. Le sire Dangorn, lui, brusquement, chargea le mort ; il eut juré lire la surprise dans le regard éteint de son ennemi, mais nulle surprise ne put le défendre contre la lame vengeresse du sire de Castagne (test réussi, 3T, 3B, 2 svg, 1 PV !!!) et le revenant, vaincu, ne put s’en relever.





Silvère de Castagne (Lord del Insula) contre Wilhelm Kruger (Arcanide Valtek)


     La foule fut en délire, clamant « Saint Dangorn !! » à s’en rompre les poumons. Le sire Charles-Hubert beuglait « OUAAAIS ! OUAAAIS ! », se penchant tellement par-dessus les tribunes qu’il risquait d’en chuter. Tout le monde chercha le brave cousin du vaillant sire, mais ne le trouva pas : Silvère venait de descendre à l’arène, déterminé à montrer sa valeur autant qu’en fit le sire Dangorn. Son adversaire ne se fit guère attendre et surgit à son tour.

    Silvère reconnut un vampire, très solidement bâti, dont l’armure écarlate indiquait son appartenance au Fort de Sang. Il portait le heaume sous le bras, comme s’il voulut que son ennemi le voie, ou que quelqu’un le voie depuis les tribunes. Grand, aux cheveux bruns coupés court, il avait les traits droits et la mine sévère.

     - Hé ! Là-bas !
     Le sire de Castagne vit que son ennemi lui adressait la parole, mais ne l’entendit guère. La foule en liesse l’en empêchait.
     Wilhelm Kruger, de son côté, soupira. Il était venu pour quelque chose de dur, d’éprouvant même, il avait traversé mille lieues depuis la lointaine Estalie, ayant entendu la rumeur. La nuit où il parvint à Parravon fut terrible, mais il parvint à contourner l’abbaye et retrouver l’armée des morts en marche. Une inscription de dernière heure lui fut accordée, et depuis, il s’affairait à montrer ses talents en lice, stupéfait par l’animation qui se tramait au Fort.
     Ce n’était qu’une ruine, il y a fort peu…

     Fin prêts, les deux chevaliers s’élancèrent sous les cris déchainés des nobles sires et des paladins. Silvère eut un dernier regard pour Dame Penthésilée, qui l’observait avec inquiétude. Une rage toute fraiche et bouillonnante le prit au ventre, monta aux tempes, guida le bras, le tout rendant sa charge aussi dévastatrice que la chose fût possible (6T, une T annulée, 3B dont 2 Coups Fatals, 2 PV !!!) ; l’écu du sire Kruger vola en miettes ; lui qui montra au cours des joutes une étonnante capacité à encaisser les charges fut éjecté de sa monture, sa charge pourtant mortelle rebondissant sur le sable et la lys d’argent de l’écu de Silvère (3T, 3B, 3 svg à 6 !!!).
     Terrassé, peinant à se relever, Wilhelm demeura un instant comme pétrifié. Lorsque des squelettes arrivèrent pour lui porter assistance, il fut déjà assis, à même la terre, et d’un revers de bras il broya les pantins nécromantiques, puis se releva.  
     Non loin de lui se tenait le chevalier, alors que les tribunes se vidaient de têtes brûlées accourant pour acclamer leur héros ; retrouvant sa monture, Kruger se retira dignement de l’arène, blessé dans sa fierté mais satisfait au fond de lui-même : il y avait donc encore de vrais guerriers parmi la faible race des mortels.





Charles Hubert de la Bath de Gransette de Baisebaule (Toison d’Or) contre Oldrick le seigneur des batailles (Kaops)


     L’arène en proie à un public fougueux, même déchainé, la joute peina à poursuivre, au grand dam des morts qui voulaient leur revanche.
     En dépit de tous ses déboires, Penthésilée se rendit compte qu’elle riait aux éclats, tant la journée venait de faire honneur aux siens, et décuplait l’espoir de son salut. Ulrich von Stromdorf, le colosse, applaudissait de bon cœur : depuis longtemps il n’eut été autant diverti, et les regards noirs que lui jetaient ses comparses n’allaient rien y changer.
     Von Essen enfonçait ses longs ongles dans les accoudoirs de son siège, conscient qu’après la prochaine joute viendrait inévitablement son tour. Avait-il peur ? Mais non, voyons.

     Des braséros furent allumés en face : les morts passablement frustrés observèrent les mortels s’armer de piques, de broches et de victuailles, et faire de belles grillades croustillantes sous leur nez. L’on porta même des tonneaux de vin, et l’on trinqua à la santé des deux cousins, qui, bizarrement, ne parvenaient guère à se retrouver parmi la foule.
     Poussé à bout, le chroniqueur se leva soudain.
     - Des coupes pour mes invités !
     Obéissants, les squelettes apportèrent de précieux récipients dorés, et chaque vampire présent en fut muni. En face, l’on ne remarquait guère l’affaire.
     Un ordre informulé, et des mains squelettiques saisirent soudain la femme qui servait dame Penthésilée. Elle glapit de frayeur mais fut trainée de force vers le vampire, qui sortit une dague de sa ceinture. Il se rapprocha d’elle, la lame près du visage.
     - Si tu veux vivre, - glissa-t-il en reikspiel, - je te suggère… de crier. Peut-être qu’ils t’entendront, et te sauveront.
     Terrorisée, la femme poussa un cri strident.

     Tous les visages se tournèrent vers la scène ; tous songèrent à leur demoiselle, mais virent que ce n’était pas le cas. Von Essen, satisfait, cria à leur encontre :
     - Si vous souhaitez qu’elle vive, je vous suggère de reprendre les combats, sinon mes invités et moi, eh bien… allons nous joindre à vous ! Qu’il y ait du sang et de la joie commune !
     - Mensonge !
     Il fallut un moment pour que les chevaliers comprennent d’où venait cette voix. La prophétesse se tenait sur le toit de la tribune, sous la pluie… Les vampires parurent étonnés par cette apparition.
     - Mensonge ! – répéta Dame Gaea. – Car votre noire cruauté ne saurait tuer cette innocente personne.
     - Ah oui ?! –Von Essen asséna un coup, le métal crissa… passa sans laisser ne serait-ce qu’une éraflure.
     Le vampire s’écarta de la servante, abasourdi et fulminant.
     - Laissez cette femme en paix, qu’elle accomplisse son rôle et que reprennent les combats !
     Le chroniqueur fit un rapide calcul, et accepta. Les squelettes relâchèrent leur proie, qui s’effondra par terre ; Penthésilée s’en occupa, aidée par son nouveau valet : le bretonnien qui avait perdu la mémoire…

     - Je ne l’aime pas, c’ vampire, - tonna Oldrick le revenant.
     - Que – hein ?? – Anthezar faillit s’étrangler. – Maismaismais il, il est génial ! C’est un génie ! Un génie du Mal, un… un génimal !!!
     Pour ce néologisme, une lourde main gantée le cogna durement, le projetant par terre.
     - Aïeuh ! – Mortiférus !! – le jeune sorcier se prit le crâne entre deux mains, palpant une sévère bosse.
     - Là, je rigole pas. C’est de la violence gratuite, pas de la baston comme ça doit l’être.
     Le nécromant émit encore quelques couinements de protestation, mais se tut. Oldrick descendit les marches des tribunes : il était le prochain à se battre.
     De son côté, Wilhelm Kruger lâcha la coupe broyée entre ses doigts. Avant la fin, il défierait le scribe infâme et lui ferait payer son manque de galanterie.


     Charles-Hubert se tenait fermement en croupe d’un musculeux palefroi, présent inestimable du héraut Brionne, donc en fait un cheval venant droit de chez lui. Il fut salué, quoique la foule fût refroidie par l’intimidation de Von Essen, mais le sire de Gransette ne se laissa point démonter. Il aperçut son adversaire monter en selle, un revenant à l’allure effrayante : des bois de cerf dépassaient de son crâne, lui conférant un air sauvage et redoutable.

     Le signal fut donné, accompagné d’un « Ecrase-le, Mortiférus !!! » affligeant. La cape noire d’Oldrick se déploya, telles les ailes d’un oiseau de proie ; le colossal chevalier poussa un puissant cri de guerre : « Taillaut ! » et s’élança tel un boulet de canon (test de peur automatiquement réussi).
     Le crâne d’Oldrick lança des étincelles par les orbites ; Charles-Hubert rugit ; tous deux s’entrechoquèrent ; une lumière vive naquit de cette rencontre. A demi-aveuglés, morts comme vivants les virent se croiser, indemnes et s’arrêter non loin l’un de l’autre (Charles-Hubert : 4T, 1B, 1 svg ; Oldrick : 4T, 4B, 3 svg, 1 invu !)
     « Damnée bénédiction, » - pensa le roi revenant. Mais il savait que sa réelle colère ne provenait pas de là.
     Le chroniqueur le faisait C**** !!!    

     Le sire de Gransette vit subitement une ombre s’abattre sur lui : la cape, image de la fureur d’Oldrick, fut soudain d’une taille énorme, étouffant la lumière, décuplant les ténèbres ; une peur animale s’empara de son cœur vaillant, et il sentit son bras lui faillir (test de peur raté sur un double six !!!)
     Tout en se jetant sur l’ennemi, le revenant jura qu’il viendrait faire la peau au chroniqueur ; ces pensées étrangères amoindrirent ces attaques (2T, 1B, 1 svg), alors que Charles-Hubert, lui, rassembla toutes les miettes de courage qu’il lui restait (1T, 1B, 1 svg).
     Le visage de sa sœur lui revint en mémoire, et le colosse eut honte de sa frayeur (test de peur réussi !). Il retenta une passe, sans résultat (1T, 1B, 1 svg), alors qu’Oldrick semblait définitivement ailleurs (2T, 0B).
     La cape du revenant se mit à murmurer, un vent glacial souffla, mettant le chevalier à rude épreuve (test de peur raté !), mais il ne cessa de lutter (1T, 1B, 1 svg), ne trouvant que l’écu de son ennemi. Le seigneur des batailles frappa de taille, blessant le sire de Gransette à l’avant-bras (3T, 2B, 1 svg, 1 PV !)
     « Ouii ! Bousille-le, Mortiférus ! » - brailla le nécromant depuis son siège, en joie de voir enfin le sang couler.
     Charles-Hubert jura, comme tiré d’une cruelle torpeur (test réussi !), et fit soudain siffler sa lame avec toute sa force de buffle (3T, 2B, 1 svg, 1 PV !), repoussant un Oldrick passablement surpris (1T, 0B).
     - Un vrai guerrier ?! – plaça-t-il en reculant, - Parfait !!
     La lame spectrale dévia l’épée d’acier, et le vaillant sire ne dut son salut qu’à l’armure qui le protégeait (Oldrick : 2T, 1B, 1 svg), lui-même se trouvant dépassé par la contre-offensive (test raté, 0T).
     Hargneux, le sire de Gransette riposta (test réussi, 3T, 0B), reprenant le dessus (Oldrick : 0T), puis Oldrick feinta par la gauche (3T, 0B), ne trouvant qu’une défense parfaite (Charles-Hubert : test réussi, 1T, 0B).
     Parmi la foule, l’on retenait son souffle ; personne ne pouvait voir l’issue d’une lutte si acharnée :
     Test réussi, 3T, 3B, 3 svg contre 1T (le roi para les attaques du mortel)
     Test réussi, 1T contre 0T (leurs lames se croisèrent)
     Test réussi, 3T, 2B, 2 svg contre 2T, 1B, 1 svg (regards fixés l’un sur l’autre, les deux colosses frappèrent avec une brutalité égale)
     Test réussi, 3T, 2B, 2 svg contre 0T (rageur, le sire de Gransette fit reculer Oldrick)

     - Tu commences vraiment à me plaire !
     Comme pour prouver ses dires, la cape noire tendit ses longues franges vers le chevalier, s’emparant de ses bras avec une force sournoise, et le courage du noble sire faillit (test raté sur un double six !!!) ainsi que son bras (0T), mais le mort peina à percer sa cotte de mailles (2T, 1B, 1 svg).
     Avec un formidable entrain, le sire de la Bath fit jouer ses muscles surpuissants, se libérant de ses entraves (1T) et bloquant l’offensive du revenant (3T).
     - Et moi, – Charles-Hubert chargea son ennemi, - Je vais te –
     Oldrick lui asséna un violent coup que le chevalier, trop lent, ne parvint à contrer (2T, 1B Coup Fatal ! 1 PV !!) et le vaillant sire ne put que tomber de son cheval.

     « OUII ! Mortiféruuus ! » - le nécromant sautait sur place, tant ce combat l’eut tenu en haleine.
     Les nobles sires exprimèrent leur colère, chacun croyant aux chances du colosse, quand plus d’un crut que sa vision lui jouait des tours : le revenant démonta, s’approcha de l’ennemi et le souleva de terre par le bras qui était valide.
     Des écuyers hardis s’en approchèrent, craignant une trahison, mais toute l’attitude d’Oldrick les convainquit qu’il n’en serait rien. Le sire fut recueilli, le roi quitta l’arène.

     « On se reverra, je pense, » - pensa-t-il pour lui-même. Cette joute extraordinaire (qui commença si mal) lui laissa des souvenirs qu’il jugea bons, très bons d’ailleurs. Il se dit : « Une victoire serrée vaut mieux que tous les triomphes du Vieux Monde. »




Gabriel de Saint-Ange (Nicolas de Lorraine) contre Von Essen (Arken)


     Gabriel de Saint-Ange loua la Dame pour l’avoir mis sur cette bonne terre, car en ce jour, il allait purger le monde d’une de ses pires créatures. Enfin, - reconnut-il, - il n’allait pas l’occire, mais le noyer dans la boue serait sans doute comme mort pour un vampire si noir et arrogant.

     Von Essen surgit sur l’arène, en armure lourde rutilante. S’y réfléchit la lueur des éclairs,  éclairs que lui-même invoqua, furieux tel l’orage maléfique.

     - Allons !
     - Qu’on en finisse !

     Le signal fut donné presque à la hâte, car les deux cavaliers, mus par la haine, fondirent l’un sur d’autre tels deux scorpions dans le désert (pas de test de peur).
     « Je GAGNE ce tournoi ! »
     Les pupilles rouges du vampire fixèrent les yeux du chevalier. A mi-distance, il tenta d’imposer sa volonté au vaillant sire, mais le sire rétorqua :
     « Non, tu le PERDS ! »
     (Test réussi)
     Le chevalier de Saint-Ange chargea telle une flèche tirée d’un arc, droit et mortel ; parieur, il risqua même sa propre perte (Von Essen : 2T, 2B, 1 svg, 1 PV !) ; son coup n’en fut que plus dévastateur (3T, 3B, 0 svg, 1 invu, 2 PV !!!)
     Soufflé, le chroniqueur fut projeté hors de sa selle, pour s’effondrer au loin, glissant jusqu’au bout de l’arène. Gabriel galopa vers lui, relevant sa terrifiante visière pour mieux toiser son ennemi vaincu.
     - Non, tu le perds ! – dit-il, et s’en fut de l’arène.



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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptySam 18 Juin 2016 - 21:33

study


     Von Essen se releva, sonné, mais retrouva rapidement ses repères : sa cible, sa proie, cette chose qu’il devait terrasser s’éloignait au loin, hors de portée, invulnérable… Il sentit mille regards posés sur lui, puis beaucoup de bruit : l’on acclamait chaudement le vainqueur… Ah, par le sang, il avait donc perdu…
     Le chroniqueur fit venir son palefroi mort-vivant et remonta en selle. Il sortit de la lice qui se vidait, et nombre de vampires croisèrent sa route ; les mines narquoises de ces messieurs furent suffisantes pour lui montrer le haut degré de respect dont il bénéficiait.  
     - Alors !! On fait moins le fier, hein, scribe !!
     Quel rustre ! Il était de ceux les moins doués qui furent jetés de selle bien avant lui, avant les grandes joutes. La jalousie, ah, quel joli défaut…
     - Ho ! Le scribe !
     - Ah ça ! – il fallait bien répondre, ne serait-ce que pour ne point les énerver, - C’est sûr que n’étant point guerrier, j’ai trouvé mes limites !
     Comme il s’y attendait un peu, il ne fit qu’empirer les choses… Le vampire fort bavard se mit à l’injurier de toutes les sortes, moqueur et parodiant comment le chroniqueur avait trouvé sa fin.
     - Oui… - glissa Von Essen. – Et tu seras incinéré sur place si tu ne fermes pas ton bec immédiatement.
     Ils étaient au milieu des tentes, sous un ciel presque noir ; le chevalier de sang et quelques autres s’arrêtèrent, leur orateur semblant calculer la menace. L’aura qui émanait du chroniqueur ne présageait rien de bon.
     - Ouais ! Tiens ! Je perds tout mon temps avec le scribouillard !
     Il tourna les talons, et la petite foule des immortels acheva de se disperser.





Intermède I







    Dans le campement des seigneurs de la nuit, un jeune gringalet en robe courait en tous sens, hurlant des insanités et laissant exploser sa joie à tout va. Un spectacle grotesque que les non-morts regardaient avec la déférence qui leur était toute naturelle, mais avec une petite touche de dédain en plus.
    « Ouiiii, ça y est ! Mortiférus est invincible !! - chantait à tue-tête Anthezar le nécromant. »
    Le jeune mage noir s’approcha d’un seigneur vampire assis à une table qui dégustait tranquillement une coupe. Il le toisa de haut en bombant le torse.
    « Vous avez dû voir la victoire de mon serviteur il y a peu ?  N’est-il pas fantastique ! Meilleur que vous en tout caaAAAS… »
    Anthezar s’envola presque quand Oldrick le souleva par le col et l’amena devant lui, de telle sorte que le revenant se trouvait entre le seigneur de la nuit et le nécromant.
    « Dis-moi, l’instinct de survie, tu connais ? - grommela Oldrick.
    - Mais de quoi parles-tu Mortiférus ? -s’indigna Anthezar. Ce pitoya… »
    Cette fois, la voix d’Anthezar mourut lentement dans sa gorge. Les orbites d’Oldrick brillaient d’un feu si puissant que son regard devait être équivalent à celui d’Archaon lui-même. Le revenant lâcha le col de son « maître » et plaça lentement un doigt ganté sur le crâne chétif d'Anthezar.
    « Encore un mot de ce genre et je te perfore le crâne. »
    La menace avait été annoncée sur un ton neutre et froid comme une tombe, le tout alors qu’Oldrick souriait de toutes ses dents (comme à son habitude, un crâne ne peut en faire autrement). Anthezar enleva le gant du revenant d’un revers de la main d’un air qui se voulait dédaigneux alors qu’il déglutissait.
    «Heum… Oui. Haha…
    - Maintenant,… »
    Un couteau ouvragé se planta dans la cuirasse dorsale du revenant et l’empêcha de continuer. Oldrick se retourna à moitié et il se retrouva nez à nez avec un vampire enragé qui découvrait ses crocs en un signe de menace, sa rapière dégainée et prête à frapper. Le revenant regarda le vampire de haut en bas et s’adressa à lui sur un ton presque excédé.
    « Dites, je parle à mon maître là…. Merci. »
    Et Oldrick se retourna tranquillement vers Anthezar, le couteau toujours planté dans son dos. Ce qui ne plût pas vraiment au vampire qui considérait cette dernière insulte à son rang comme étant celle de trop. Voyant que le revenant serait bien trop résistant, le seigneur de la nuit se déplaça sur le côté d'un bond et tenta d’embrocher le nécromant insolent d’un coup d’estoc. Le coup fut stoppé par la cape en fourrure du revenant… mais la lame ne traversa pas le manteau. La cape se déploya tel un serpent et agrippa les bras et les jambes du vampire qui se retrouva incapable de bouger. Alors qu’il se débattait, Oldrick se tourna lentement vers le vampire. Dans ses orbites ne se trouvaient que deux petits points rouges. Deux condensés purs de rage qui s’ouvraient sur l’enfer et vous vrillaient le cerveau quand vous les regardiez.
    « La première fois, je te l’avais pardonné parce que cela était la faute d’Anthezar. Mais là, en plus du poignard dans le dos tu y ajoutes une attaque contre mon maître ? »
    Oldrick leva sa main et agrippa la cuirasse du vampire pour l’approcher de lui, leurs visages étaient presque collés l’un contre l’autre.
    « Soit tu t’excuses, soit je t’arrache toutes tes dents et je te les replante dans les yeux. Une par une. »
    Le vampire eu une moue qui semblait être un mélange de rage et de dégoût. Mais il finit par détourner les yeux en crachant. Ce fut suffisant pour Oldrick qui le lâcha.
    « Ouais, et qu’on ne t’y reprenne plus ! - fit la voix fluette d’Anthezar. »
    Oldrick plaqua son gant sur la bouche de son maître en entreprit de le traîner derrière lui. Anthezar tenta vainement de se dégager en tapotant férocement sur le gantelet, sans plus d’effet.
    « Mais je vois que tu as encore beaucoup d’énergie malgré l’heure tardive ! Que dirais-tu d’aller te confronter à des hommes-bêtes. Tu n’en as point encore vu je crois ?
    - HMmmMMGmmRmfm, - furent les seules paroles qu’Anthezar réussit à produire.
    - Je prends ça pour un oui, - dit-il comme toujours en souriant à pleines dents »
    Si cet exercice nocturne avait pour but d’entrainer le jeune mage ainsi que de calmer ses ardeurs infantiles, Oldrick comptait s’en servir aussi pour se calmer les nerfs. Le simple fait qu'il se fût emporté contre ce vampire à l'instant démontrait qu'il était en train de perdre son sang-froid.
   Entre les ennuis qu’Anthezar ramenait en permanence, les menaces des bretonniens alors qu’il faisait tout pour se montrer respectueux envers ces braves guerriers et ce maudit lâche de Von Essen… Le revenant avait bien besoin d’une petite balade dans les bois. Il espérait juste ne pas rencontrer trop de monstres sur le chemin, il tenait à avoir un peu de tranquillité tout de même.

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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyDim 19 Juin 2016 - 22:38

 Chevalier  




     Wilhelm Kruger trouva sans peine la tente rouge et noire de celui que l’on appelait « le scribe ». Il entra prestement, sans s’annoncer, et déposa son gantelet devant le chroniqueur, sur son bureau.
     - A quoi dois-je cet honneur ? - l’accueillit Von Essen sur un ton peu aimable.
     - A votre inacceptable impolitesse envers les dames, fussent-elles mortelles.
     Le chroniqueur leva les yeux, ne vit que la silhouette noire du vampire qui le défiait en duel.
     - Seigneur Kruger, si je ne me trompe pas ? J’accepte. J’ai besoin d’exercice.
     - Si vous perdez –
     - Je ferai pénitence pour mes méfaits, bien entendu. La libération inconditionnelle de ma victime vous convient-elle ?
     - Dans la nature sauvage ? C’est se moquer du monde.
     - Je serais bien en peine de m’éloigner si loin du lieu de la joute. Et si je la remets aux bretonniens ?
     - Je vous le concède.
     - Bien, et si je gagne ?
     - Je vous ferai mes excuses. Vous aurez mon estime en tant que guerrier.
Wilhelm vit Von Essen pondérer brièvement sa réponse.
     - Fort bien, - dit-il en y ajoutant un soupir, - l’estime est plus rare que l’or de nos jours. Quand voulez-vous croiser le fer ?
     - Cette nuit m’y semble propice.
     - Je vous suis, messire Kruger.

     Contrairement aux journées immanquablement sombres, les nuits s’avéraient souvent claires et lumineuses. Ils traversèrent le camp des morts sous une lune scintillante, tenant leurs montures par la bride, comme s’ils avaient tout le temps du monde. Ainsi, personne ne les suivit.

     Armés, ils se placèrent chacun d’un côté de la lice ; Wilhelm avait un écu de rechange, le sien ayant cédé sous une lance ennemie. Le chroniqueur et lui prirent quelques longs moments pour jouir de la quiétude nocturne des tribunes. Un corbeau croassa, ils se mirent en mouvement.
     Von Essen retenta l’hypnose ; il n’était nullement disposé à perdre une seconde fois :
     « LA NUIT EST MIENNE ! »
     Le sire Kruger vit subitement les yeux du chroniqueur briller de mille feux ; en détacher le regard lui parut un supplice insurmontable (test raté). Alors il visa entre les deux yeux (2T, 2B double Coup Fatal, 2 PV !!!  Shocked ) mais sentit néanmoins un choc épouvantable au flanc (3T, 1T annulée, 1B, 1 PV !). Le chroniqueur vida les étriers.

     Von Essen émit un hurlement de rage qui fut aussi bref qu’atroce ; il se tourna ensuite vers le chevalier de sang.
     - Bien… Parole d’honneur, messire, les dames seront la dernière chose à laquelle je manquerai de respect dans mon éternité. Et comme notre prisonnière a un valet, je pense que je peux congédier la femme. Elles se comprenaient à peine, de toute façon.
     Wilhelm Kruger ne put retenir un sourire d’amusement.
     - Vous aurez beau convaincre vos ennemis de leur faiblesse, messire, sachez que les réflexes sont dans le corps, et non l’esprit.
     - Parole d’honneur, seigneur Kruger, il est temps pour moi de me retirer.
     - Faites, messire chroniqueur, j’en ai fini.
     Il tourna sa monture vers la sortie, songeant « Voila une bonne chose de faite », puis disparut de la vue de Von Essen.
 

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     Des pillages, des combats, l'odeur de la poudre... Tout cela se mélangeait dans son esprit tandis que des souvenirs venaient s'ajouter : un combat contre un être étrange, un elfe sylvain déguisé en chevalier, accompagné de farfadets qui ne firent que le gêner durant ce tournoi. Il se revit sortir lui-même étonné d'en être sorti de justesse face aux nombreux coups portés par cet elfe, Ethgri Wyrda... "Je me souviendrais de ce combat encore longtemps et de ton nom encore plus ! Tu es peut-être un être de la forêt mais tu es capable de résister aux fureurs de l'océan !" D'autres souvenirs affluèrent à son esprit : un vampire qui l'avait regardé de travers et il avait d'ailleurs promis de lui en faire baver, le plonger dans la mer, attaché aux pieds mais ce dernier n'avait pas tenu... Euron se releva, délaissant la position qu'il avait prise pour laisser son esprit vagabonder. Il vit ensuite ses serviteurs qui réparaient sa lance en vue de la suite du tournoi tandis que d'autres s'occupaient de son sabre d'abordage, arme si précieuse à ses yeux. Euron quitta alors sa tente, passant devant ses compatriotes des ténèbres.
     Deux autres revenants étaient présents : un roi revenant avec qui il avait essayé de faire la conversation mais qui était muet. Il avait donc délaissé la voix et avait continué par écrit tout en tentant d'atteindre son esprit, parlant directement par la pensée, dans le but de lui remonter le moral. Un autre revenant, cette fois ci avec des bois de cerf sur la tête, apostrophait son nécromancien, à se demander qui était le maître et le serviteur entre les deux.
   
     Euron partit ensuite dans les bois à la recherche d'Hommes-Bêtes pour se défouler. Par chance, il trouva un groupe de Gors, une dizaine environ, pour s'amuser. Juste avec son poignard, il les élimina un par un, visa les muscles et les tendons à chaque fois avec une précision remarquable. À la fin, tous les Gors étaient immobilisés à terre et vivants, ne pouvant plus se déplacer. Euron les prit alors, et les emmena près d'un lac, où un bateau était installé. Par un parchemin, il téléporta tout le groupe d'Hommes-Bêtes ainsi que lui même sur le bateau. Le premier fut attaché au mât et Euron sortit un Chat à Neuf Queues auquel étaient accrochés au bout des morceaux de verre. En quelques coups, le dos du Gor avait tous ses muscles à vif. Des squelettes arrivèrent ensuite et jetèrent un tonneau de sel sur les plaies. Le Gor réagit instantanément : alors que les cris à chaque coup de fouet étaient déjà perçants, celui-ci devint déchirant et du sang sortit de sa bouche en réponse. Les neuf autres subirent d'autres tortures pires les unes que les autres. Lorsque tous furent tués, leur sang fut recueilli dans un grand chaudron en fer noir sur lequel était sculptée une effigie de Stromfels, dieu requin. Les squelettes présents dans sa tente apparurent alors sur le pont, transportant son sabre ainsi que sa lance. D'autres l'aidèrent à se dévêtir de son armure. Tout son attirail de guerre fut ensuite introduit dans le chaudron : le sang recouvra entièrement les équipements. Une personne s'avança ensuite, son corps enveloppé d'une robe d'un bleu sombre presque noire avec, aux extrémités, des motifs rouges en formes de vagues. Ce dernier prononça une incantation dans un langage oublié mais un mot ressortit, commun à la langue de l'Empire, et répété plusieurs fois : "Stromfels"... La sculpture se mît alors à dégager une lumière d'un bleu spectral tandis que dans le chaudron, le sang bouillonnait, prenant de plus en plus d'ampleur...

     Quelques minutes s'écoulèrent avant que l'homme ne baisse les bras, ce qui stoppa net l'événement magique. Il ne dit qu'une phrase avant de repartir dans l'ombre du navire : "C'est prêt". Les squelettes sortirent ensuite l'équipement d'Euron du chaudron, duquel le sang tombait de manière abondante sur le pont du bateau. Euron sortit ensuite un autre parchemin et lut la formule à haute voix, ce qui le fit apparaître dans sa tente ainsi que tous les squelettes qui lui portaient son attirail. Il était de nouveau prêt à combattre pour le tournoi.
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMar 21 Juin 2016 - 15:49

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     Après sa victoire contre le chevalier du Graal, et sachant qu'il n'aurait pas à combattre le lendemain, Colin Oméga alla fêter sa victoire comme il se doit avec les autres chevaliers errants. Ils occupèrent donc la taverne du campement une très large partie de la nuit. Ils y rencontrèrent l'elfe qui s'était fait servir un échantillon de tous les alcools du pays, et essayait de déterminer le meilleur.

     À l'aube Colin et ses compères partirent à l'écart du campement bretonnien pour rendre à la nature son dû. Ils furent interrompus dans leur besogne par Courage, le chien de Colin, qui accourait joyeusement vers son maître avec dans sa gueule un fémur de cheval (qui ne semblait pas trop vieux au regard des lambeaux de chair qui restaient). Il déposa l'os au pied de son maître et aboya gaiement, ce qui équivalait à lui demander poliment de briser l'os à fin qu'il se régale de la moëlle. Son maître allait s'exécuter, lorsqu’un jeune nécromancien essoufflé arriva encadré d'une escorte de quatre squelettes. En voyant le chien, le nécromancien s'exclama tout en s’élançant vers sa proie :

     - Te voilà enfin sale cabot ! Sale voleur ! Je vais t’écorcher vif ! T’arracher les yeux ! Te faire mourir lentement ! Te …

     La voix du sorcier mourut lorsqu'il s'aperçut qu'il se tenait face à une vingtaine de chevaliers errants bourrés de surcroît. Il se reprit néanmoins et pointa un doigt accusateur sur le chien en déclamant d'une voix peu assurée :

     - Ce chien m'a volé un fémur de cheval. Et j'en ai besoin pour remettre en état les montures des concurrents. Car vous comprenez, avec les rudes conditions d’un tournoi, on a des problèmes d'usure prématurée, de pièces cassées et les pièces de rechange deviennent rares. Alors s'il vous plaît, si cela ne vous dérange pas, serait-il envisageable que je puisse récupérer mon fémur de cheval ?

     Le nécromancien, pourtant naturellement très pâle, le devint encore plus en s'apercevant que les jeunes Bretonniens l'avaient encerclé avec visiblement l'intention de le tabasser à mort. L'adepte des arcanes interdites perdit tellement son sang-froid que les quatre squelettes qui l’escortaient s'effondrèrent dans un cliquetis d’os.

     - Ne… Ne m'approchez pas ! S'il m'arrive malheur, la prisonnière en subirait les conséquences !

     Les jeunes chevaliers exprimèrent à haute voix leur déception : « Ah zut ! », « Même pas drôle ! », « C'est pas juste !» ou encore « Fait chier ! ». Voyant que sa menace avait fait l'effet escompté, le nécromancien prit ses jambes à son cou et s'en retourna au campement des morts en maudissant tous les vivants.

     Colin et ses amis allèrent quant à eux fêter l'événement à la taverne. Et ce fut complètement saouls qu'ils allèrent assister au tournoi. Toutefois, ils ne profitèrent pas des combats, car ils dessaoulèrent pendant tout l'événement. Le soir venu et souffrant de terribles migraines, Colin se jura de ne boire que de l'eau jusqu'au lendemain.

 

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     Malgré ses efforts pour conserver la tête froide, Gabriel de Saint-Ange ne pouvait s’empêcher d’afficher un petit sourire de jubilation. Sourire qui tendait plus tard vers un rictus carnassier : la vermine vampirique lui avait infligé une blessure, certes légère, mais qui pouvait cependant l’handicaper lors de sa prochaine joute s’il n’y prêtait pas attention.

     Fort heureusement, il avait une expérience des vampires suffisamment importante pour ne pas se laisser aller. Ne voulant pas risquer d’être victime d’une quelconque traîtrise, Saint-Ange s’installa auprès de ses compagnons d’armes, pansa sa plaie lui-même et songea.

     Il maudit les fourbes qui autorisèrent deux preux chevaliers à combattre l’un contre l’autre. Certes, il ne restait que le meilleur des deux, mais toute lance Bretonnienne, quelle qu’elle soit, était indispensable à l’annihilation de l’engeance vampirique. Il priait de ne pas être le seul, au sein de l’assemblée, à voir le danger que représentaient ces seigneurs du sang… Valmond de Mélinor semblait partager son point de vue... Mais quelle pitié de le voir ainsi défait !

     Sauver une Demoiselle en détresse… Certes, pourquoi pas ? Mais Gabriel de Saint-Ange ne comprenait décidément pas pourquoi ses semblables n’étaient pas plus attirés par la justice ou la vengeance…

---------------------



Retour vers le passé, un mois avant les Grandes Joutes...
Citation :
 
***


    Le val était désert en cette heure de la nuit, tous les jouteurs bretonniens s’étant retirés dans leurs campements à la Maisontaal, et le vieux roi muet en profita pour aller examiner l’endroit de où se tiendrait leur lice.
    Le roi revenant entra par le côté bretonnien de l’emplacement, et traversa seul les tentes à moitiés montées, leurs étendards richement décorés déjà dressés sur de hautes piques, avant d’arriver au champ de joute lui-même.
    De part et autre de l’arène se tenaient deux hautes tribunes, l’une pour les morts et l’autre pour les vivants, et derrières elles s’étendant les tentes qui abriteraient les participants attendant leurs combats, et que le roi revenant venait de traverser du côté des chevaliers.
    Un bruit attira son attention. Il lui semblait que quelqu’un tapait au marteau du côté des tentes des morts. Curieux, il emmena son cheval dans la direction du bruit, et contournant la tribune adjacente, il put découvrir que le champ grouillait d’activité : çà et là, squelettes et cadavres animés dressaient les abris, plantant des piquets, et transportant toiles et poteaux à dresser. Les bretonniens s’installaient le jour, et les morts la nuit, sans contact entre les deux partis.
    Les pantins animés, eux, ne prêtèrent aucune attention au roi revenant qui traversait le camp, fasciné par les morts qui s’agitaient dans un semblant de vie : c’était la première fois qu’il voyait d’aussi près un tel spectacle de ses propres yeux.
    Dans son dos, une voix grave, aux accents roulant comme les pierres chutant dans les montagnes, le héla haut et fort. Tournant sa monture, le roi revenant put, à sa grande surprise, voir un nain lui faire un grand signe de main. Aucunement dérangé par les morts qui s’affairaient autour de lui, la petite créature à l’impressionnante barbe rousse louvoyait entre les poteaux et les tentes, une lourde sacoche de voyage passée par-dessus une cotte de maille rutilante. Le squelette, qui n’en croyait presque pas ses yeux, nota tout de même les muscles saillants de ses bras garni de bracelets dorés, et sa lourde hache à deux mains. Il jura même voir un petit éclair en parcourir la lame, mais cela était peut-être un tour de lumière dû à la lune blafarde.
    Arrivé devant lui, le nain s’arrêta et lui adressa la parole, un grand sourire aux lèvres :
    « Dites-moi mon brave, sauriez-vous où je pourrais trouver le sieur que l’on nomme Von Essen ? On m’a dit que c’était lui qui avait la charge des inscriptions des comtes vampires. »
    Le roi revenant abasourdi haussa les épaules pour signaler son ignorance : il n’avait pas du tout idée de ce dont le nain parlait. Ce dernier insista :
    « Vous ne pouvez pas le confondre avec un autre : vampire, grand, ténébreux, toujours un sourire narquois aux lèvres, parfois accompagné d’un gros corbeau. Il se parle parfois à lui-même, et écrit beaucoup. Non, vous ne voyez pas ? »
    Le squelette secoua la tête. Ce « Von Essen » lui était inconnu. En fait, c’était la première fois qu’il entendait le mot « vampire »... serait-ce le nom que l’on donnait à ceux qui relevaient les morts de leurs tombes ? Mais il n’eut pas le temps d’y réfléchir d’avantage, car le nain lui adressa de nouveau la parole :
    « Vous ne l’avez donc point vu... Par les saintes bottes de Grungni, mêmes les morts ne savent pas où il se trouve ? » Il semblait contrarié par la réponse du squelette, et se retourna encore une fois vers ce dernier : « Si jamais vous le croisez, dites-lui que Gromdal Drekgiti, de Karak Grom, est à sa recherche. Il saura, lui, me trouver. » Dans un tintement de mailles, le nain inclina la tête et le remercia pour son temps avant de repartir.
    Le roi revenant regarda le petit personnage s’éloigner en grommelant. Il réussit à entendre quelques bribes de ce qu’il murmurait, telles que « ...ne règle pas ses dettes », « ...triche pour un cruche de mélomel » et « pas assez d’orcs à chasser dans ses foutues montagnes ». Il y eut également une plainte à propos de la qualité de la bière de la région, puis le nain disparut de son champ de vision au détour d’une tente.
    Un bien étrange personnage, se dit le squelette.
    Resserrant son emprise sur sa bride, il reprit son chemin.

    Il lui fallut le reste de la nuit pour atteindre le fond de la vallée, et c’est avec le lever du soleil que le roi revenant atteignit le Fort de Sang. L’arrogant édifice à l’architecture torturée, partiellement en ruine, siégeait sur un éperon rocheux dominant la forêt en contrebas, et un chemin étroit bordé de part et d’autre de pentes escarpées menait à son unique entrée, une grande porte dans la muraille jadis défendue par une barbacane aux murs à présent à moitié effondrés.
    Il faisait grand jour, mais une lourde chape de plomb semblait s’être installée autour des pics environnant, et cachait le Fort aux rayons du soleil. Malgré cela, le revenant put discerner de l’activité à travers les fenêtres des hautes tours, et de nombreux squelettes aux longues lances parcouraient le chemin de ronde.
    Alors qu’il allait passer sous la grande porte, un bruit de combat attira son attention et, levant la tête, il put apercevoir, évoluant sur les remparts entre les créneaux aux moellons fendus, deux hommes d’épées se livraient un étrange duel. En réalité, le plus frêle des deux se révéla être une jeune femme aux traits délicats et tirés. Le vieux squelette en fut fort surpris, d’autant plus qu’elle se défendait honorablement face à un adversaire bien plus grand et robuste qu’elle ne l’était, parvenant même parfois à placer quelques bottes qui le mettaient en difficulté.
    Curieux, le roi revenant pressa sa monture sous le porche dans l’espoir de pouvoir les observer plus longuement une fois de l’autre côté, mais alors qu’il mettait pied à terre dans la cour du château, un guerrier en lourde armure pourprée vint à sa rencontre et lui demanda s’il venait pour le tournoi. Le vieux squelette hocha la tête, et son interlocuteur l’invita à le suivre. Il lui emboîta le pas, légèrement réticent, et jeta un dernier regard aux deux combattants avant d’entrer à la suite du guerrier : le combat était fini, et la jeune dame désarmée avait chuté en travers du chemin de ronde. Mais son adversaire lui offrit son bras pour l’aider à se relever, et ils reprirent leur échange avec une intensité renouvelée.
   
     Sa curiosité finalement satisfaite, le vieux roi entra à son tour dans le bastion. Il emprunta ainsi un large escalier, puis un couloir de pierre rouge et humide, à la suite du guerrier qui s’était emparé d’une torche. Même à la chaude lumière de cette dernière, le teint de l’homme était étonnamment pâle, et il semblait au revenant que ses yeux renvoyaient un éclat anormalement rougeâtre.
    Quelques images passèrent devant les yeux du squelette, souvenirs de ses longues années d’asservissement, et il se remémora des yeux qui brillaient d’une terrible lueur dans les ténèbres, d’un teint d’albâtre et d’un sourire dément aux canines démesurées. Ainsi se rappelait-il maître. Était-ce donc cela, un « vampire » ? Le vieux roi scruta attentivement le visage de l’homme, mais ce dernier ne desserra pas les lèvres de tout leur voyage.
   
    Ils s’arrêtèrent finalement devant une lourde porte de bois, et le revenant fut invité à entrer.
    « Le scribe ! Un roi revenant ! » lança le guerrier en entrant après lui.
    Écrivant furieusement avec une large plume, courbé au-dessus d’une multitude de parchemins parsemés sur un large bureau qui faisait face à la porte, se tenait un homme aux longs cheveux noirs, vêtus de riches vêtements. Il releva la tête et son visage aux traits fins se fendit d’un sourire, et il souhaita la bienvenue au revenant, qui inclina la tête en retour.
    Le scribe trempa sa plume dans un encrier et sortit un parchemin qui ne portait encore qu’un seul titre. Il s’adressa de nouveau au vieux roi, poliment : « S’il-vous-plait, donnez-moi votre nom, que je puisse vous inscrire au tournoi. »
    En réponse, le squelette mit la main à sa ceinture et sortit le parchemin sur lequel était écrit en grosses lettres : « Muet ». Von Essen regarda un moment la feuille, amusé.
    « Vous êtes muet ? Point d’inquiétude, vous pouvez toujours m’écrire votre nom... »
    Mais le roi revenant haussa les épaules en signe d’ignorance : il n’avait aucun souvenir de ce qu’il avait été lors de sa vie mortelle. Il préféra sortir un second parchemin, sur lequel il avait hâtivement écrit dans la nuit, peu après sa rencontre avec le mystérieux nain et il le tendit à Von Essen, qui lut les quelques mots maladroitement tracés :
    « Sieure Von Essenne, Gromdal de Carac Grome vou rescherche. »
    Le regard du scribe s’éclaira, et il se fendit d’un sourire encore plus large que le précédent.
    « Ça alors, par le sang ! Gromdal est ici ! Il faut que je pense à inviter Gilgalad aussi, et... » Il sembla réfléchir un moment, puis se leva brusquement, envoyant voler des parchemins à travers toute la pièce et prenant son compagnon à la torche par surprise, et il s’exclama d’un ton enjoué : « Qu’à cela ne tienne ! Hardi, par Nagash, il me semble que je dusse faire un petit détour parmi les vivants, une taverne m’attend ! »
    Il fallut toute la volonté de son compagnon à la torche pour le convaincre de rester. C’était à lui d’inscrire les morts, et il ne pouvait se permettre de s’absenter ne serait-ce qu’une seule journée. Son entrain nullement entamé, Von Essen se rassit, se saisit de sa plume, et aller griffonner quelques mots sur un parchemin lorsque le roi revenant, curieux, retourna sa propre feuille pour y écrire hâtivement un seul mot avec un bout de charbon : « Dettes ? ».
    Von Essen regarda le mot pendant un moment, les sourcils froncés. Puis son visage s’éclaira et il éclata d’un rire franc.
    « Bien sûr, cela doit sûrement concerner le château. Décidément, et par bien des manières, ce tournoi se révèle fort intéressant ! » Il donna un coup de coude à son compagnon debout à côté du bureau. «Vois-tu ? Maintenant, en plus des centaures bretonniens, il nous faudra gérer des nains, superbe ! » L’homme le regarda, interloqué. Visiblement, l’idée d’être poursuivi par une sorte de créancier nain, alors même que de l’autre côté de la vallée, des centaines de bretonniens se préparaient à les écraser dans un tournoi, ne l’enchantait pas autant que le scribe.
    Von Essen, désinvolte, se retourna vers le revenant :
    « Enfin, je ne vais pas vous importuner avec cette affaire. Tenez, je vous inscris : Le Roi Muet. Cela vous convient-il ? »
    Le vieux roi acquiesça en silence, et le scribe griffonna quelques mots sur un parchemin. Satisfait, le squelette prit le chemin de la sortie.  Arrivé sur le pallier, il se retourna une dernière fois vers le scribe et de son guide, et, sortant de sa gorge desséchée, les deux vampires purent clairement entendre une voix caverneuse leur adresser la parole.
    Fort bien. Je vous remercie de m’avoir accordé un peu de votre temps, sieur d’Essen.
    Et la porte se referma sur lui.
    Il y eut un moment de silence une fois le Roi Muet reparti. Puis le guerrier se retourna vers Von Essen, le visage empreint de surprise.
    « N’avait-il pas dit qu’il était muet ? »
    Mais le scribe, perdu dans ses pensées, ne lui prêta pas attention.

    De retour dans la cour, le roi revenant fut déçu de voir que les étranges duellistes avaient disparu, et il contempla la place désolée un moment. Ainsi donc, il n’avait plus rien à faire dans ce bastion à moitié en ruine. Dans sa réflexion, il se souvint avoir remarqué de nombreuses traces d’orques lors de son voyage parmi les montagnes environnantes.
    Sa décision prise, le squelette se saisit de sa lance et monta sur son destrier.
    Il allait lui falloir s’entraîner à la lance, et les haïssables peaux-vertes se révèleraient sûrement meilleurs que des pantins de paille et de bois immobiles au milieu d’une cour. Lançant son cheval au galop, le roi revenant sortit en trombe du château, et disparut bientôt dans la forêt.


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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMer 29 Juin 2016 - 13:33

***

     Toute la soirée qui suivit sa victoire expéditive, Silvère fut introuvable. Tous le monde le cherchait afin de le convier lui et les autres vainqueurs de la journée à un banquet organisé au sein de l'Abbaye. Bien que les frères habitant le lieu ne soient pas coutumiers de célébrations fastes, le père Ruben avait accepté l'idée, conscient que cela pouvait remonter le moral des chevaliers bretonniens, constamment éprouvés en présence des viles créatures de la non-vie. Certains chevaliers jugèrent toutefois l'initiative déplacée étant données les circonstances, Dame Penthésilée étant toujours aux griffes de l'ennemi.

     Pour autant, la perspective d'un tel banquet accueillit l'adhésion du plus grand nombre. Mais alors que les sires Dangorn de Castagne, Gabriel de Saint-Ange et Robin Osbourne goutaient aux plaisirs des hourras, Silvère demeurait introuvable. Colin Oméga avait quant à lui décliné l'invitation, préférant célébrer l'évènement avec ses compagnons d'armes. Étonné par cette absence peu opportune, le vénérable Clovis de Tharravil s'enquit de la chose auprès de Dame Gaea qui lui répondit de manière énigmatique :

     Le passé des hommes peut parfois les poursuivre jusqu'à la tombe, pour peu qu'ils ne prennent pas garde à la portée de leurs actes.

     La magicienne refusant d'en dire davantage, Clovis en fut quitte pour une introspective réflexion. Peut-être devait-il aborder le sujet avec ce fameux Dangorn ?

__________________________________________________________________________________________________________

     Non loin de l'abbaye, dans une clairière reculée de la forêt, se trouvait une Chapelle du Graal en ruine. Cette dernière avait dû être abandonné de toute présence humaine depuis des siècles. Elle était actuellement occupé par deux créatures : Silvère priait à genoux devant une statue de pierre passablement érodée, tandis que son destrier paissait tranquillement quelques pousses d'arbres.

     Silvère priait la Dame de pouvoir laver les fautes qu'il avait commis. Son échec de défendre le village que lui avait confié Dangorn restait pour lui une source de honte infinie. Jamais plus depuis il n'osait se retrouver devant son cousin, à moins de n'apporter la tête décapitée du vampire qui avait mené ce funeste assaut. Il ne s'accorderait aucun repos tant qu'il n'aurait pas retrouvé ce tourmenteur.
     Mais en attendant, il devait se concentrer sur le sauvetage de Dame Penthésilée. Par sa faute, cette dernière était captive de l'engeance vampirique. Cette amère expérience lui rappela les mises en garde de Dame Gaea, et il se maudit intérieurement.

     Je la sauverai des griffes de ces démons ! Et ensuite, ce Von Essen sera à ma merci. J'aurais le loisir de le questionner sur l'identité et la localisation de ma proie. Et ainsi, je pourrai enfin laver mon honneur sans plus mettre d'honnêtes gens en danger !


***


     L’orage maléfique survécut à la tombée de la nuit et s’éternisa. Dans l’une des tentes des non-morts, une modeste lumière signifiait la présence d’un ardent braséro.
     Sur l’épais tissu éclairé, deux ombres se profilaient : une personne debout, une personne assise. L’apprenti discutait avec le maître.
     - … celui-là sait se servir d’un fléau.
     L’apprenti ne répondit pas, le maître reprit :
     - Ah, les fléaux… Cela fait fort longtemps que je n’en ai pas brandi. Par Morr, m’en suis-je seulement servi une fois, Erwin ?
     - Je me rappelle d’une seule fois, maître : le siège de Wolfsburg, où votre épée avait cédé.
     - Vraiment ? Que je sois manchot et cul-de-jatte si je m’en souviens. Mon épée avait cédé, dis-tu ?
     Erwin fut légèrement amusé.
     - Maître, c’est vous qui m’aviez alors tout raconté. Votre épée s’est brisée à force de coups répétés sur des armures du chaos.
     - Ha, c’était moins risqué que de viser les fentes et les jointures ! – répliqua le maître avec vivacité. – Ces gaillards-là m’auraient abattu à la moindre fausse manœuvre ! Ils ne s’attendaient pas en revanche –
     - … à ce que votre force dépasse la leur. Oui, maître, c’est comme vous m’aviez dit alors.
     - Morr de Morr, belle mémoire, Erwin. Et le fléau dans tout ça, alors ?
     - C’était l’un des leurs qui trainait par terre. Vous avez abattu deux guerriers avec, puis leur chef est arrivé.
     - Une minute. Où étais-je exactement ? Sous la herse ?
     - Oui, maître. Et moi, j’étais sur les murailles.
     Knut Nattfekter appuya son bras entre le genou et le menton, tapotant distraitement des doigts sur sa joue. Son tabouret grinça un peu.
     - Belle histoire, belle histoire… - marmonna-t-il. – Oui, ça me revient maintenant. Il ne restait plus que moi sous la herse. Et je causais bien du fil à retordre à l’ennemi ! Ha, leur chef n’a pas du apprécier…
     Voyant qu’Erwin ne disait rien, Knut ajouta :
     - Un sacré combat que ce fut.
     Son apprenti s’obstinait à garder le silence, et le maître y vit le signe d’un tourment particulier et important.
     - A quoi penses-tu ?
     - Maître, - Erwin avait les mains jointes derrière le dos, pensif, - ce n’est pas le fléau qui m’inquiète le plus, mais la lance.
     - Laquelle, Erwin ?
     - Il se nomme « Saint-Ange ». C’était le dernier combat d’aujourd’hui.
     - Eh bien ?
     - Il est érudit, maître, bien plus érudit que tous les autres.
     Le dragon de sang vit son maître rayonner de bonheur.
     Une pensée le frappa soudain :
     - Vous vous attendiez à ce que j’en parle ! Une autre mise à l’épreuve, n’est-ce pas ? Tout ce discours sur le « fléau », c’était pour me distraire ?
     - Erwin, - son maître le fixa droit dans les yeux, - tu es capable de l’emporter haut la main, j’en suis certain. Maintenant, parlons donc un peu de cet « Ange de la Mort… »






Grandes joutes
Troisième jour


     Baudoin de Parravon quitta sa tente à l’aube, désireux de respirer la quiétude du matin nouveau. Il fut agréablement surpris par la vue du ciel : quelque éclaircies lacéraient les nuages, et l’horizon à l’est paraissait même propice à laisser apparaitre le soleil au moment où ce dernier s’élèverait au dessus des montagnes.
     Un parfum d’herbe mouillée chatouilla ses narines, et le duc s’étira avec délice. Quelque chose au fond de lui-même lui disait qu’en ce jour, les bretonniens ne connaîtraient pas la défaite.





Robin Osbourne (Agilgar de Grizac) contre Silvère de Castagne (Lord del Insula)


     Le sire de Castagne avait réalisé des exploits de ruse et d’adresse qui, s’ils n’avaient pas eu pour but d’éviter son cousin, auraient pu être chantés à la cour royale. Il fit preuve d’une telle malignité que personne ne le remarqua, et s’en fut sain et sauf loin du campement, afin de passer la nuit dans une fervente prière.
     Il fut convié au petit matin à la tente du duc, épuisé mais content de lui. Las, lorsqu’il rencontra dans la demeure ducale un autre chevalier participant au tournoi, il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que le destin l’avait choisi pour croiser le fer avec l’un des siens. La Dame allait-elle le choisir ? En était-il vraiment digne ?

     Robin avait passé le plus clair de la nuit à festoyer en compagnie de quelques compagnons qu’il avait pu acquérir au cours des joutes. Le respect que lui vouaient ses pairs était tempéré par l’étrangeté de son caractère : dans un élan de hardiesse, il avait proposé de brûler les tribunes des squelettes, afin que dans le chaos ambiant, la demoiselle Penthésilée fût secourue par quelque bretonnien chanceux. A son grand chagrin, le plan ne fut pas retenu, et il était passé au plan B, à savoir continuer à vider des coupelles d’un bon vin qu’on lui offrait de bon cœur. Après tout, n’avait-il pas vaincu l’un des plus redoutables chevaliers de la non-vie ?
     Lorsque le duc lui annonça qu’il allait affronter un bretonnien, il ne s’en offusqua pas plus que son honneur lui imposait : il injuria l’engeance vampirique dans un langage que même les paysans auraient considéré comme inconvenant, et attendit impatiemment celui qui serait son adversaire.
     Silvère de Castagne ? Hardi ! La Dame saurait bien déterminer son champion !

     Dans les tribunes des morts, l’on observa muettement l’affrontement, comme s’il n’en valait guère la peine…

     Le signal fut donné, la foule des nobles sires retint son souffle. Tous deux s’élancèrent, grisés par le vent frais et l’envie de vaincre, réduisant leur distance en un instant… Le choc fit se lever bon nombre de seigneurs : les deux lances se brisèrent, chacun des participants ayant frappé juste et fort, chacun pareillement inébranlable (Robin : 3T+1T, 3B, 3 PV !!!  Silvère : 2T, 2B dont 1 Coup Fatal, 3 PV !!!). Parmi les morts, Ulrich von Stromdorf poussa un « Oh ! » admiratif, Von Essen grinça des dents et bien des vampires s’éveillèrent d’une légère torpeur qui s’était emparée d’eux. Les revenants, eux, affichaient des crânes mines insondables.

     Les deux nobles sires reçurent chacun une nouvelle lance, chargèrent une seconde fois. Silvère, qu’un inexplicable tracas eut empêché de tromper la garde du sire Osbourne, visa juste cette fois-ci (4T, 3B dont 1 Coup Fatal, 3 PV !!!) ; le vaillant shérif, que l’effort de la charge précédente eut meurtri le bras, ne fut pas si redoutable au second impact (3T+1T, 3B, 1 svg, 1 invu, 1 PV !).
     Dès lors, lorsqu’il lui arrivait de narrer ce combat à son village de Rottingham, il ne manquait jamais d’affirmer haut et fort qu’il eut bien vu un rayon de soleil nimber son adversaire d’une lumière divine.
     Il ajoutait alors : « Juré, mes amis, la Dame avait alors choisi son paladin ! ».





Colin Oméga (Calidus5) contre Euron (Nyklaus von Carstein)

     Parmi les immortels, des murmures d’appréciation mêlée de mépris éveillèrent les esprits. Celui-là était adroit avec sa lance, peut-être même trop adroit. Nombre d’entre eux gloussèrent d’anticipation : la pensée d’en faire l’un des leurs passa pour une plaisanterie d’un goût parfaitement mauvais, et le chroniqueur distingua nettement un complot visant à offrir le baiser de sang aux plus méritants des chevaliers, à l’instar du sire de Castagne.
     « C’est mon chevalier, - se dit-il, - c’est MOI qu’il est venu pourfendre. Humain il demeurera, humain il me pourchassera… »

     Lorsque le capitaine des revenants se présenta sur l’arène, un tremblement involontaire parcourut les mortels. Il se dégageait de ce cadavre ambulant une infecte odeur de charnier et de sang, et bien des vaillants sires le trouvèrent bien plus terrifiant que la veille.
     Colin Oméga ne fut point de cet avis (test de peur réussi !). Il eut juré à la Dame de ne plus jamais craindre les démons, et entendait bien tenir parole. En ce jour, il allait prouver que la Dame avait bien fait de le choisir, ôtant même de son chemin l’un de ses plus valeureux défenseurs, un chevalier du Graal. Sans doute avait-elle de plus grands projets pour ce très saint et vénérable seigneur…

     Le jeune chevalier chargea en même temps que son abominable ennemi. Si l’un se rappelait de tout ce qu’il y avait de bon en ce monde, l’autre pensait au formidable pouvoir qui coulait en son armure depuis le sombre rituel perpétré la veille.
     Croyant en sa bonne étoile, Colin visa juste (3T, 3B, 2 svg, 1 régen à six !) et arracha une épaulière au revenant, convaincu de l’avoir blessé grièvement. Déséquilibré, Euron se retint à grand peine de vider les étriers, mais parvint finalement à l’autre bout de la lice, dépité (1T). Il scruta la chair grisâtre de son épaule, puis se tourna subitement vers Colin, ricanant.
     Stupéfait, le chevalier errant vit les os et les tendons pousser à neuf, alors qu’un inexplicable artifice faisait petit à petit revenir le métal de l’épaulière arrachée. Il pria la Dame, et chargea courageusement ce redoutable ennemi :
     « OMEGAAA !!! » - rugit-il.
     (test de peur réussi !)
     Le revenant dégaina son sabre favori, toujours ricanant, et croisa sa lame avec celle du chevalier sans la moindre crainte. Grand mal lui en prit, car il fut subitement repoussé avec une telle véhémence que son destrier squelettique recula (Euron : 3T, 0B), et le revenant ne parvint à repousser l’assaut qu’à force de chance et d’endurance impie (Colin : 1T, 1B, 1 svg).
     Impitoyable, la mêlée s’engagea (Colin : test réussi), et le capitaine des revenants cessa de rire. Subitement plus véloce qu’un serpent, il fit siffler son sabre entre le heaume et le haubert du vaillant sire, tranchant le devant de son cou sans aucune retenue (2T, 2B dont 1 Coup Fatal, 3 PV !!!). Le sang gicla, souillant les armures des deux ennemis, et sur les tribunes, des cris affolés retentirent.

     Morts comme vivants furent stupéfaits de voir dame Gaea accourir sur l’arène, comme dépouillée de son austère et mystérieuse quiétude habituelle. Faisant fi du revenant montrant fièrement son arme écarlate aux morts-vivants, elle se pencha sur le mourant, appliquant sa main contre sa blessure, murmurant des paroles inaudibles.
     Les railleries des vampires se mêlèrent aux tonitruantes menaces des bretonniens. Penthésilée s’était penchée contre le bord de la tribune, affligée par un tel acte de trahison, quand subitement elle sentit le tranchant d’une lame sur son propre cou.
     - Navré, chère dame, - vit-elle prononcer son colossal geôlier, Ulrich, - mais il le faut pour calmer vos amis.  

     Colin retrouva soudain la vue, réalisa qu’il respirait un air vicié, et que sa bouche était remplie d’un goût amer. Il se redressa brusquement, scrutant les alentours, voyant la prophétesse agenouillée auprès de lui, qui était assis par terre. Tout autour, des cris de toutes parts lui vrillaient les tympans.
     - Dame Gaea ? – put-il dire seulement.
     - Hélas, noble sire, vous avez perdu, - put-elle seulement répondre.

     Euron, quant à lui, nettoya vivement son sabre avec un bout d’étoffe et s’en alla triomphalement de l’arène. L’assurance de ce jeune mousse avait éveillé sa colère, et chez les requins de Stromfels, la colère ne valait rien de moins que la mort.



 
Gabriel de Saint-Ange (Nicolas de Lorraine) contre Erwin von Loenen (Ulflefoufurieux)

     Seule la menace d’exécuter leur précieux otage évita aux morts une émeute des vivants. Que la victime du revenant eut survécu, bien peu en avaient cure, mais presque tous eurent apprécié de pouvoir ainsi goûter à la détresse si particulière des mortels. Mortels…

     Les deux adversaires qui se firent face étaient parmi ceux qui ne goutaient guère à la plaisanterie, et qui n’allaient pas se dépenser en vaines paroles. Le sire de Saint-Ange abaissa sa visière ; le dragon de sang en fit de même ; tous deux se positionnèrent de part et d’autre de la lice, silencieux et pareillement redoutables. Une telle tension émanait de leur face-à-face que peu à peu, elle enveloppa la foule dans son étreinte sauvage, prélude à un affrontement digne de chants, digne de contes effrayants. Un semblant de quiétude s’imposa, jusqu’à ce qu’un insoutenable silence ne précède le signal tant attendu. Le sire Gabriel chargea, froid comme l’acier (pas de test de peur).

     Aguerri par les conseils de son maître, le dragon de sang se révéla aussi surprenant qu’invulnérable. Il dévia crânement la lance de son ennemi (Gabriel : 1T), leur course les fit se croiser, quand au dernier moment le sire de Saint-Ange sentit un violent coup dans le dos du crâne, avant qu’un éclair blanc ne l’aveugle ; il parvint à l’autre bout de la lice secoué, sentant une affreuse douleur lui massacrer la tête (Erwin : 0T+3T, 3B, 2 svg, 1 invu relancée, 1 PV !).
     Le vampire faillit perdre son sang-froid. La botte qui consistait à frapper du bout opposé de sa lance eut échoué, elle ne suffit qu’à affaiblir l’ennemi qu’il devait supprimer au plus vite.
     Il se reprit, conscient de la présence de son maître à la tribune, et dégaina sa longue épée qui avait vu plus de cent batailles.

     La foule oublia presque l’injure précédente : l’échange de coups qui s’effectua sous les yeux des nobles sires fut aussi rapide que s’il s’agissait d’ombres sur un cours d’eau. Erwin dut mettre en œuvre tout ce qu’il savait afin de contrer les coups du sire Gabriel (Gabriel : 4T, 1B+1B, 2 svg), mais ce dernier, souffrant d’un mal terrible, ne put en faire autant (Erwin : 2T, 1B, 1 PV !).
     Rentrant dans une sorte d’état second, Erwin fit virevolter sa lame comme s’il ne s’agissait que d’une plume ; grande fut sa colère lorsqu’une lumière blanche vint à nouveau le priver de sa victoire (3T, 1B, 0 svg, 1 invu relancée, 1 invu !!!). Le sire de Saint-Ange, lui-même quelque part entre douleur et délire, frappait comme un forcené sur le bouclier du vampire (3T+1T, 2B+1B, 3 svg).
     Tous les regards étaient fixés sur ce terrible affrontement, comme si plus rien au monde n’existait. Beaucoup priaient, beaucoup essayaient de comprendre ce qui se passait, beaucoup se disaient que jamais ils n’atteindraient une telle adresse ; la foule respirait au rythme des coups.
     Le sire de Saint-Ange retrouva peu à peu sa clarté d’esprit, et stupéfia son ennemi en déviant ses coups avec une habilité inégalée (Erwin : 3T, 0B) ; le dragon de sang ne put que dresser son bouclier à chaque estocade du chevalier, se disant que la dernière fois qu’il avait rencontré un tel ennemi remontait à des temps anciens… (Gabriel : 3T+1T, 3B+1B, 3svg+1svg).
     Le souvenir d’un tel combat foudroya le vampire : il ne vaincrait pas son ennemi par l’habileté, mais par la force.
     Un revers de bouclier d’une puissance inconnue aux mortels percuta le sire Gabriel qui, déjà mal en point, ne put le contenir et perdit l’équilibre ; Erwin pressa son avantage, obligeant le chevalier à tomber sur le côté, les pieds quittant bientôt les étriers (Erwin : 1T, 1B, 0 svg, 1 invu relancée, 1 PV !!!)

     Un grognement de détresse parcourut la foule des bretonniens. L’on s’assura que la chute ne fût point mortelle, mais l’on ne se désola guère moins de la défaite du vaillant sire de Saint-Ange. Dans les tribunes des immortels, l’on jubilait, l’on ricanait ; beaucoup, toutefois, craignaient la tranquille figure du maître dragon de sang, qui observait l’arène les bras croisés, le sourire aux lèvres et le regard fier.





Dangorn de Castagne (Dangorn de Castagne) contre Oldrick le seigneur des batailles (Kaops)

     Midi était passé, mais personne parmi les vivants ne songeait à faire ripaille. Seul le sire de Gransette fit venir une grosse miche de pain, non pas pour apaiser son ventre, mais sa colère qu’il peinait à contenir.
     Le ciel demeurait étrangement lumineux, les nuages maintenant seulement une ombre permanente sur les tribunes. Certains se dirent alors que les morts les narguaient. D’autres, plus rares, y virent le signe qu’il fallait garder espoir. L’arrivée du sire Dangorn sur l’arène raffermit leur foi.

     Du côté des immortels, le seigneur des batailles descendait la tribune d’un pas lent et pesant, suivi de près par son « maitre » Anthézar…
     - Mortiférus, - disait le frêle sorcier, - tu peux le faire, Mortiférus, hein, tu m’entends, Mortiférus…
     - Pourquoi c’est moi qui me tape le saint… - lâcha Oldrick d’un ton agacé.
     Il savait parfaitement l’importance de cette dernière joute, et sa question, rhétorique, visait surtout à évacuer une légère inquiétude.
     Le nécromant, lui, craignant un quelconque nouveau caprice de son indomptable serviteur, recommença son habituel mélange de paroles mielleuses et impérieuses ; elles rebondirent sur le roi revenant comme des flèches sur une plaque de fer.
     - Bon, au moins je suis sûr que ce sera intéressant, - conclut-il pour lui-même une fois monté sur son destrier.
     Il ignora Anthézar (qui décidément ressemblait parfois à un gros moustique ennuyeux) et rejoignit la lice sous un tonnerre d’applaudissement des vampires.

     Le sire de Castagne sentit des dizaines de regards fixés sur lui, des regards lourds d’attente, insistants. Il se demanda qu’est-ce que ce serait lorsqu’il deviendrait chevalier du Graal… Le signal interrompit sa méditation, et en bon bretonnien, Dangorn chargea tout droit comme un imbécile :
     « Que trépasse si je faiblis ! » (test de peur automatiquement réussi)

     Tous les spectateurs assistèrent alors à un phénomène innommable : le manteau enchanté du sire Dangorn s’anima d’une vie propre en même temps que la lourde fourrure du revenant, brisant les coups de chacun et laissant les deux combattants parfaitement indemnes (Dangorn : 3T, 2B, 2 svg ; Oldrick : 1T, 1B Coup Fatal annulé ; 1 svg !)
     Un vent fort se leva, remuant les pans du tissu enchanté des deux habits.
     - Un combat de cape et d’épée ! – lança le bretonnien. – Parfait ! (test de peur réussi !)
     Oldrick dégaina sa lame, convaincu que cela allait être pour le moins ardu.
     - Ceci est mon épée, la  marchande de douleur ! Mort à mes rivaux, car Vengeance est son nom ! (pas de test de peur, mais une détermination terrifiante)

     Ils se rapprochèrent au grand galop, chacun déterminé à vaincre ; Dangorn frappa en premier, mais le revenant s’avéra subitement aussi adroit qu’un escrimeur royal (Dangorn : 0T), parvenant sans peine à tromper la garde du chevalier (2T, 1B, 0 svg, 1 invu !). Seule l’intervention de la Dame secourut le vaillant sire, qui se jura de bâtir une chapelle à Frugelhofen si la victoire était sienne.
     - Pour la Daaame !!! – s’exclama le sire de Castagne face au danger (test réussi !)
     Le seigneur des batailles songeait à une réplique quand une série d’audacieuses estocades l’obligea à rester muet (Dangorn : 3T, 1B, 1 svg) ; il riposta avec fougue, mais ne trouva point cette fois ci l’ouverture de naguère (1T, 1B, 1 svg).
     Les prochaines passes furent aussi furieuses qu’elles ne causèrent aucun dommage :
     Test réussi, 3T contre 0T.
     Test raté, 0T, contre 2T.
     Dangorn se remit d’une légère frayeur d’un coup qui le rata de peu (test réussi) ; il s’appliqua à marteler le revenant, sans résultat (2T), mais ce dernier fit preuve une fois de plus d’une belle adresse à faire envier moult seigneurs bien vivants (1T, 1B, 0svg, 1 PV !).
     « Comme quoi, quand on économise sur les bonnes armures… », - se dit Oldrick à lui-même.
     - Même pas mal ! – lança le vaillant sire en assénant soudain de si féroces attaques que le revenant ploya et ouvrit sa garde (test réussi, 4T, 2B, 1 svg, 1 PV !) sans pouvoir lui-même répliquer efficacement (2T).
     - Ah oui ?! – tonna le seigneur des batailles, repartant à l’assaut tel un ours enragé (1T, 1B, 0svg, 1 PV !). Le sire de Castagne, grognant de douleur, ne put riposter comme il faut (2T, 1B, 1 svg).

     « Ma Dame, bénissez votre serviteur, » - pensa le chevalier avec toute la foi dont il était capable. Le soleil perça à travers les nuages, et Dangorn fut nimbé d’un doux halo de lumière dorée. De son côté, Oldrick se prépara, sa cape enveloppant son épée dans un étrange semblant de fourreau noir…
     Le vaillant sire attaqua avec fougue, mais ses coups ne purent qu’entailler l’écu de son ennemi (3T, 1B, 1 svg). Le seigneur des batailles frappa brutalement... pénétrant la protection divine sans difficulté (3T, 2B, 1 svg, 1 PV !!!).
     Les nuages reprirent soudain leurs droits, la lumière s’éteignit, et en même temps l’espoir de la tribune bretonnienne.

     Aussi pâle que la mort, Silvère de Castagne sentit l’attention de tous ses pairs se tourner vers lui.  
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Essen
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyVen 1 Juil 2016 - 17:32

Intermède II

   


     Les combats terminés, le Roi Muet resta un long moment assis dans les tribunes, son regard vide perdu quelque part dans l’arène. Il revoyait dans sa tête le combat qui avait opposé l’adversaire bretonnien qui l’avait battu au premier tour et le roi revenant aux bois de cerfs.
     Pour tout dire, le vieux revenant jubilait de la victoire du dénommé Oldrick sur Dangorn. Le fourbe chevalier avait été jeté dans la boue comme il le méritait, sa vaine lumière brisée en même temps que son aplomb.
     L’insolence avec laquelle l’avait traité le bretonnien avait profondément humilié le Roi Muet, qui  jugeait un tel comportement impropre à un véritable guerrier. C’était sans parler des techniques lâches et sans honneur que l’homme avait dévoilées pendant leur affrontement : le roi revenant s’était senti spolié d’un vrai combat, où seules la force, la volonté et l’expérience des guerriers faisaient foi. Ainsi devrait l’être tout duel digne de ce nom, et que son adversaire le lui refuse l’avait irrité, et dégouté, au plus profond de son âme.  
     Avec cela, sa défaite avait été comme une flèche empoisonnée logée dans son esprit. Il avait passé ces journées à fulminer contre le bretonnien,  et il s’était retenu à grand peine d’aller quérir un nouveau duel, épée en main, dans le camp des vivants. Dans la forêt toute proche, les cadavres des nombreux orques témoignaient de la fureur du roi revenant.
     Ainsi, le revers que l’humain avait subi des mains du Seigneur des Batailles l’avait empli de satisfaction, et s’il avait eu de la chair sur ses vieux os, son visage se serait fendu d’un large sourire triomphal face à la vision du chevalier gisant sur le sol.
     En plus de cela, le roi revenant, Oldrick, l’avait profondément impressionné. Il se dégageait du vieux guerrier une aura dans laquelle le Roi Muet semblait se reconnaître : celle du guerrier expérimenté et honorable. Autant de valeurs que le squelette muet respectait. Au fond de lui, il chérissait l’idée de pouvoir un jour l’affronter : rencontrer un tel adversaire était une occasion unique, et elle ne se répéterait pas de sitôt. D’autant plus qu’il préférait combattre le propre vainqueur de Dangorn, et ainsi triompher de lui à travers le squelette, que d’avoir à affronter l’insolent chevalier une seconde fois.
     Et quand bien même, le seigneur des batailles semblait plein de renseignements : il semblait au Roi Muet l’avoir entendu converser avec le jeune homme en robes pourpres qui lui tenait souvent compagnie, et le roi silencieux pourrait, enfin, trouver grâce à lui quelques réponses à ses questions sur sa nature de revenant.
     Se frottant ainsi les mains à l’idée d’en apprendre plus sur sa condition, le vieux revenant se leva et jeta un dernier coup d’œil à l’arène. Un sourire apparut dans son esprit. Le fourbe chevalier était désormais derrière lui, éclipsé par sa défaite et la découverte d’un guerrier à son niveau, sinon supérieur, qu’il pourrait respecter et apprécier.
     Le cœur léger, le Roi Muet quitta les tribunes et se dirigea vers le camp des morts, à la recherche du Seigneur des Batailles.


* * *


     Oldrick sortit de l’arène en tenant son destrier par la bride. Le pas lent, il flattait l’encolure du cheval pour le calmer, la pauvre jument n’étant pas encore habituée aux combats de joutes. Il profita d’être encore au niveau de l’arène pour aller récupérer un peu de foin à donner à sa monture. Ce qu’il fit non sans pester contre l’absence totale de fourrage dans le camp des non-morts, mais en même temps il devait bien être le seul là-bas à avoir une monture encore en vie… D’ailleurs, il faudrait qu’il trouve un nom pour ce noble animal.
     En entrant dans la partie bretonienne des campements, Oldrick sentait les regards que les bretonniens lui lançaient. Ils étaient tels des vrilles dans sa nuque squelettique qui l’accusaient silencieusement d’avoir osé vaincre deux de leurs seigneurs. C’en était à un point où un écuyer fut sur le point de cracher sur le foin qu’il récupéra, mais tout bon bretonnien ne pouvait se résoudre à laisser un cheval mourir de faim et ils n’empêchèrent pas le roi revenant de se servir. Oldrick repartit dans son camp après un merci abyssal qui - s’il fit trembler quelque peu les vivants - les étonna plus qu’autre chose. A vrai dire, Oldrick espérait gagner un peu de respect de la part des bretonniens, il n’avait après tout aucune raison de les haïr. Mais cela semblait mal parti.

     En revenant dans le camp des non-morts, une furie gesticulante dénommée Anthezar lui rentra littéralement dedans, effrayant le cheval.
     « La victoire est proche Mortiféruu… !
     - Assez ! - tonna Oldrick. - Apprends à te tenir et à avoir un comportement respectable ! Tu fais honte à ton statut, nécromancien ! »
     Anthezar fut interloqué par l’explosion soudaine de ressentiment de son serviteur. Il recula d’un pas, comme inquiet à l’idée qu’il eût pu perdre le contrôle sur lui. Oldrick se reconcentra sur sa monture et l’apaisa.
     « Mais Mort… »
     Les poings crispés, Oldrick se retourna vers Anthezar, le regard brûlant.
     « Pour la dernière fois, mon nom est OL-DRICK !  Quand vas-tu enfin le comprendre ?! – le revenant fourra le licol du destrier dans les mains tremblantes d’Anthezar. - Va t’occuper de ma monture, cela t’apprendra l’humilité, tiens !
     - On en vient à se demander qui est le maître ! - se moqua un vampire qui s’était rapproché. Tu devrais apprendre où est ta place, esclave ! »
     Il s’agissait du vampire de la dernière fois. Ce dernier envoya un soufflet du revers de la main sur le crâne d’Oldrick, juste pour l’humilier.
     Cette fois, c’en était assez. Le revenant venait d’atteindre sa limite. Son poing ganté parti tel un trait de baliste dans le visage du vampire qui se retrouva à faire un vol plané de toute beauté qui se termina dans une tente voisine. Mais si Oldrick rêvait de broyer le visage méprisant de ce nobliau, il se retint et resta debout, sur place, les poings toujours fermés. Son regard s’éteignit, comme s’il fermait les yeux et il poussa un léger râle qui pouvait s’apparenter à un soupir. Il reprit la bride de sa monture et l’emmena avec lui.
     « Anthezar, retourne à la tente, - fit-il d’une voix que l’on sentait fatiguée. - Je... Je t’y rejoindrai plus tard. »
    Le nécromant n’eut pas le courage de protester. Personne dans l’assemblée non plus d’ailleurs. Si cet affront envers un vampire était inacceptable pour beaucoup, certains devaient reconnaître qu’Oldrick n’avait fait que se défendre tandis que les autres ne souhaitaient pas vraiment affronter un des demi-finalistes du tournoi… Le roi revenant traversa alors le champ de tentes, imperturbable face aux regards qu’on lui lançait. Finalement, il n’était le bienvenu nulle part.

     Après avoir tourné pendant quelques minutes, il repartit vers la lice qui était abandonnée depuis la fin de la journée. Il laissa paître la jument et s’assit donc sur le tronc d’un arbre tombé non loin. Les deux coudes posés sur les genoux, il se passa la main sur le visage. Le gant crissa sur l’os. Un bruit abominable s’il en est qui n’aida point le guerrier à se reposer.
     Oldrick allait grommeler une série d’insultes à l’encontre du monde histoire de se passer les nerfs quand il remarqua que quelqu’un se trouvait à côté de lui, un roi revenant portant une couronne et aux orbites occupées par deux flammèches vertes. Oldrick se tourna vers le nouveau venu d’un air interrogateur tout en restant sur la défensive, ce n’était pas son jour et tout le monde semblait lui en vouloir alors autant être prudent. Mais le roi revenant salua respectueusement un Oldrick abasourdi et il sortit un petit parchemin sur lequel était écrit « Muet ».
     Quoique surpris, le seigneur des batailles se reprit bien vite et il reconnut enfin celui que l’on surnommait le Roi Muet. Les flammes dans ses orbites se calmèrent et Oldrick lui rendit son salut d’un mouvement de tête sincère et il lui indiqua qu’il pouvait prendre place à ses côtés.
     « Pardonnez ma réaction, j’ai eu… Une journée difficile. »
     Le Roi Muet leva les deux mains, paumes ouvertes vers Oldrick, tout en hochant la tête. Il indiqua ensuite l’emplacement de ses défunts yeux puis il pointa Oldrick.
     « Donc vous avez tout vu, - soupira Oldrick. - Un bien triste spectacle si vous voulez mon avis. »
     Ce à quoi le Roi Muet répondit avec un haussement d’épaules compatissant, puis indiqua une table non loin, délaissée depuis quelques heures. Il tapota son parchemin, faisant semblant d’écrire. Oldrick acquiesça et laissa le Roi Muet mener la marche. Sur le chemin, le Seigneur des Batailles aperçu la monture squelettique de son congénère, elle trottait fièrement et venait taquiner de son museau blanc sa monture. La jument ne s’offusqua pas de l’état peu naturel de l’animal en face d’elle et elle partit gambader avec son nouveau compagnon de jeu. Une vision bien étrange se dit Oldrick, mais diablement cocasse.
     Reprenant ses esprits, Oldrick rattrapa le Roi Muet qui installait tranquillement son matériel d’écriture sur la table. Ils s’assirent donc l’un en face de l’autre. L’un avait le dos droit et les deux mains rassemblées au-dessus d’une feuille de papier tout en tenant une plume. L’autre avait posé son coude gauche sur la table dans une posture nonchalante et décontractée tout en laissant reposer sa main libre sur le pommeau de son épée, par habitude. Et les deux souriaient évidemment à pleines dents, mais pouvaient-ils seulement en faire autrement ?
     Deux personnalités bien différentes et pourtant, pour un œil extérieur, les deux revenants émanaient chacun à sa manière de cette aura qui nimbe habituellement les rois guerriers, une sorte de mélange détonnant de prestance et de charisme implicite.
D’un geste de la main, Oldrick laissa la « parole » au Roi Muet qui, après un hochement de tête, se mit à griffonner sur son parchemin. Après quelques secondes, il leva le papier sur lequel on pouvait lire « Beau combat ».
     « Eh bien, merci. A vrai dire, à part Anthezar, vous devez être le premier à me faire le compliment. » Oldrick prit un moment pour se gratter la mâchoire, encore une autre habitude tenace, du temps où il avait une barbe. « C’était un combat… Particulier, c’est le cas de le dire. Le bretonnien en face n’avait pas l’air de prendre la chose au sérieux. »
     Le Roi Muet se remit à griffonner subitement, on pouvait sentir qu’il canalisait sa colère dans la plume qui crissait plus fort qu’auparavant. Il releva le parchemin qui disait : « C’était un lâche. »
     « Je ne sais pas si j’irais jusque-là. Après tout, je ne l’ai point vu fuir le combat. En revanche, il faisait tourner la situation au ridicule avec ses jeux de mots à la mords-moi-le-nœud… »
     Frappant subitement du poing sur la table, le Roi Muet leva les bras vers Oldrick comme pour le remercier. Les flammes vertes dans ses orbites semblaient consternées qu’ils ne soient apparemment que deux à partager ce sentiment. Le revenant parodia avec force cliquetis le rire du chevalier, et se frappa le front d'un air excédé.
     « Eh bien, je vois que vous ne le portez pas dans votre cœur, - gloussa Oldrick qui aurait esquissé un sourire en coin s’il avait pu, - mais je vous comprends, vous n’êtes point le seul à être à bout de nerfs à cette table. »
     D’un haussement d’épaule interrogateur suivi d’un geste de la main qui intimait à Oldrick de continuer, le Roi Muet indiquait qu’il s’enquérait de la nature du problème.
     « Oh, un peu comme d’habitude ces derniers temps, - grommela Oldrick. - Mon « maître » n’en fait toujours qu’à sa tête et ne fait que s’attirer des ennuis. Ennuis que je dois forcément régler… »
      Le Roi Muet griffona le mot « Maistre » et simula des guillemets avec ses doigts pour rajouter un point d’interrogation.
     « Oui, autant dire que je n’en ai pas. A vrai dire, il est presque plus symbolique qu’autre chose, il faut dire qu’il n’est pas très doué le pauvre. M’enfin, au moins j’ai mon libre-arbitre avec lui alors autant rester avec. Et puis j’ai une dette envers Anthezar, il s’est tout de même décarcassé pour me réveiller. » Oldrick eu un instant d’hésitation et regarda le Roi Muet droit dans les orbites, curieux : « Mais d’ailleurs, où est votre maître ? »
     Une envolée de main de la part du Roi Muet et un non de la tête appuyèrent le fait qu’il n’avait plus vraiment de maître à proprement parler pour le moment.
     « Eh bien cela nous fait un point commun, - concéda Oldrick en rigolant. - Mais c’est étonnant de voir que vous pouvez continuer à aller et venir sans un nécromancien pour vous maintenir en ‘vie’. »
     Comme subitement intéressé par les dires d’Oldrick, le Roi Muet indiqua à son congénère de continuer.
     « Vous voulez que je développe ? » Hochement de tête. « Sur le lien entre les nécromanciens et revenants ? » Hochement de tête plus vigoureux et air perdu sur la question. « Eh bien, à vrai dire je n’en sais pas forcément plus que vous sur là-dessus. Si ce n’est qu’il faut qu’un pratiquant de la magie noire nécromantique pour relever votre cadavre par le biais de sortilèges. Normalement, le revenant n’est qu’un pantin aux ordres de son maître, mais nous sommes à l’évidence des exceptions à cette règle. »
     Le Roi Muet prit un air satisfait d’en avoir appris quelques bribes de plus sur sa condition, tout étant un peu déçu de ne pas en savoir plus.
     « Ne prenez pas cet air dépité. Un ‘Roi Revenant’ comme ils nous appellent était un grand guerrier ou roi important en son temps. C’est plutôt flatteur d’en être arrivé là. D’ailleurs vous avez un quelconque souvenir de votre passé ? »
     Un griffonnage plus tard, le parchemin disait « La guerre, estre Roy. » Cette fois, c’est Oldrick qui afficha une mine dépitée.
     « Ah dommage… Apparemment je ne suis pas le seul à avoir peu de souvenir de ma vie d’antan. Je me souviens juste de ma condition royale, de l’origine des objets que je porte et de quelques autres bribes comme mon cri de guerre et mon panthéon. Rien de plus. » Le regard d’Oldrick se perdit dans le vague à la mention de ces souvenirs lointain, mais il se reprit et continua. « Mais si notre passé est perdu, le futur nous est ouvert ! Que souhaitez-vous faire après le tournoi ? »
     Les mots « Un Roy doit avoir un Fief » apparurent sur le parchemin après un court instant.
     « Oh, un nostalgique à ce que je vois, - gloussa-t-il amicalement. - Je peux comprendre. »
     Quelques secondes passèrent durant lesquelles les deux revenants se jaugeaient presque du regard.
     « Dites, je viens d’avoir une idée. » - lança subitement Oldrick. - « Je sens que je peux vous aider à avoir quelque chose… Donc puisque je suis toujours dans la course du tournoi, que diriez-vous de parier le château de Sanglac ? Si je gagne le tournoi et que vous remportez le pari, il est à vous. Ce n’est pas comme si j’en avais besoin et je préfèrerais attendre un peu avant qu’Anthezar se retrouve sur le devant de la scène vampirique. »
     Intrigué, le Roi Muet plaça son menton dans le creux de sa main. Oldrick reprit sur un ton faussement négligent.
     « Évidemment… tout cela devra se résoudre par le biais d’un duel honorable. Entre rois, rien de plus normal, non ? »
     Cette fois, la lueur au fond des orbites du Roi Muet prit de l’intensité. Apparemment, le Seigneur des Batailles lisait dans ses pensées. Après qu’il ait donné son accord, les deux seigneurs se levèrent d’un seul homme et partirent chercher leurs montures qui se rapprochèrent d’elles-mêmes en voyant leurs maîtres arriver. Plus déterminés que jamais, les deux revenants étaient aux anges.

     Nullement pressés par le temps, les deux immortels se placèrent à bonne distance l’un de l’autre, au beau milieu d’un pré séparant le camp des morts de la forêt des montagnes. Le vent du soir penchait les herbes et les fleurs des champs, remuant également les lambeaux de tissu qui paraient les armures des revenants.
     Il y avait bien deux longueurs de la lice habituelle entre eux ; sans signal, tacitement, ils firent avancer leurs montures au pas. Le destrier squelettique du Roi passa au trot, imité peu après par le palefroi bien vivant d’Oldrick. Leur vitesse atteignit le galop dans un crescendo harmonieux, et les deux combattants abaissèrent leurs lances, ravis d’être les seuls spectateurs de cette joute.

     Ce fut à peine s’ils sentirent leurs lances frôler leurs boucliers : chacun dévia le coup de l’autre sans peine, et tous deux chevauchèrent jusqu’à se retrouver au même endroit qu’avant (Le Roi : 1T ; Oldrick : 1T annulée).
     - Hein ? – Oldrick n’en revint pas. – Non, allez ! Cette fois-ci on s’y met !
     Le Roi acquiesça du chef, et tous deux foncèrent l’un vers l’autre au galop.

     Fidèle à sa parole, le seigneur des batailles ajusta sa lance et frappa fort (4T, 1T annulée, 3B dont 1 Coup Fatal, 1 invu, 1 svg, 1 PV !) ; surpris par la lumière blanche de son amulette, le Roi Muet manqua cruellement de précision (1T).
     Les deux revenants se tournèrent l’un contre l’autre : le Roi Muet fit un signe du doigt, indiquant le chiffre « un ». Oldrick le comprit : avant de dégainer, son adversaire souhaitait une dernière charge afin de racheter ses deux échecs précédents.

     Pour la troisième fois, ils reconduisirent leurs montures à la bonne distance et se firent face. La lumière diurne décroissait rapidement, mais cela ne gênait en rien les deux revenants. Tels deux vagues sur une mer déchainée, ils chargèrent, mais hélas, la déferlante d’Oldrick l’emporta une troisième fois (3T, 2B, 1 svg, 1PV ! contre 0T). Le Roi Muet, bien qu’insensible à la douleur, n’en fut pas moins blessé à l’orgueil.
     Intrigué néanmoins, il scruta son arme, tentant d’y distinguer une éventuelle avarie. Rien. La pointe émettait la même faible lueur et la même légère vibration que lorsqu’il l’avait trouvée. Oldrick se rapprocha alors :
     - Un souci avec votre arme ?
     En signe d’hésitation, le Roi Muet hocha les épaules.
     - Elle est à vous ? Forgée pour vous ?
     Le Roi Muet hocha négativement la tête.
     - Bretonnienne ? Un trophée de guerre ?
     Le seigneur des batailles vit son adversaire acquiescer.
     - Hm, vous l’avez faite examiner ? – en voyant son interlocuteur lui faire comprendre que ce n’était pas le cas, il ajouta : - Si cette arme a été bénie ou enchantée, il se peut qu’elle porte malheur à ses ennemis.
     Le Roi Muet, intérieurement stupéfait par cette nouvelle, fut ensuite courroucé au plus haut point. Si cela était vrai, alors cet impétueux bretonnien lui causait du tort même après son trépas, alors même qu’il avait reçu une digne sépulture ! Un cairn, que de ses propres mains le revenant eut bâti pour honorer sa dépouille et apaiser son âme !
     Furieux, il planta la lance dans la terre, indiquant qu’il s’en occuperait plus tard. Les blessures que venait de lui infliger Oldrick étant superficielles, il dégaina sa lame antique, proposant de poursuivre ainsi leur combat. Le seigneur des batailles reconnut là une épée d’un autre âge, qui serait sans doute plus fidèle à son possesseur.

     Le Roi Muet sentit comme un fourmillement dans ses vieux os, tant la prise de son épée lui sembla familière et rassurante ; alors qu’ils se jetèrent l’un sur l’autre, cabrant leurs montures, le Roi lui-même s’étonna presque de l’aisance qu’il semblait retrouver, trompant sans peine la garde d’Oldrick, ajustant un coup effroyable (3T, 3B dont 1 Coup Fatal, CF annulé !, 2 svg) qui, à la surprise des deux combattants, ne fut contré que par les étranges bois de cerf qui ornaient le crâne du seigneur des batailles. Ce dernier ne put qu’assister à l’habileté soudainement retrouvée de son adversaire, qui para chacun de ses coups (Oldrick : 3T, 0B).
     Bien qu’il ne comptât pas s’en servir, Oldrick vit sa cape noire s’animer comme naguère : elle reconnaissait un combat périlleux. Le revenant assaillit son adversaire, mais ne trouva que son écu (1T), quand subitement la lame rouillée du Roi Muet le mordit durement à l’avant-bras (le Roi : 2T, 1B, 1 PV !).
     Dans la nuit noire, la cape maudite s’agita frénétiquement, surprenant les deux combattants et empêtrant leurs membres (Oldrick : 2T ; Le Roi : 2T) ; elle libéra son maître en premier, qui fut libre d’asséner une formidable frappe qui fit voler l’épée du Roi Muet hors de sa main (2T, 2B dont 1 Coup Fatal, 3 PV !!!).
     - AH ! Saloperie ! Même quand je lui ordonne, elle n’en fait parfois qu’à sa tête, - tonna le seigneur des batailles. – Attendez, ne démontez pas !
     Le Roi Muet, perplexe, sentit tout d’abord la cape lâcher ses bras, puis l’un des pans noirs s’allongea, s’emparant de l’épée gisant dans l’herbe et la redonnant à son propriétaire.
     - Reprenons, si vous le voulez bien. Par Ulric, vous êtes habile à l’épée, et je désirerais en voir un peu plus.
     Son adversaire acquiesça, et ils se mirent en garde. Après quelques passes de plus en plus rapides, Oldrick se vit à nouveau dominé par le Roi Muet, qui dans une botte stupéfiante dévia ses meilleurs coups et pointa sa lame contre sa gorge (Oldrick : 3T, 0B ; Le Roi Muet : 2T, 1B Coup Fatal, 3 PV !!!).
     « Là, vraiment, je revis !! » - se dit le Roi Muet avec une pointe d’ironie.
     - Elle était belle, celle-là ! – lança le seigneur des batailles.
     Son adversaire acquiesça et, sur un accord tacite, ils repartirent dans un cordial échange d’estocades :
     2T, 1B, 1 svg contre 1T.
     2T, 1B, 1 svg contre 1T, 1B, 1 svg.
     3T, 1B Coup Fatal !
     Après une lutte acharnée, à son tour, Oldrick trompa la garde de son adversaire et plaça son épée contre sa gorge. Ce dernier acquiesça, montrant son approbation.
     - Bon, encore une fois. Mais cette fois, ne risquons pas d’être dérangés.
     Joignant le geste à la parole, le seigneur des batailles défit la boucle qui retenait sa cape, qui tomba lourdement par terre.
     - Je vous dois bien ça, vous êtes tombés sur la mauvaise lance.
     D’abord indécis, le Roi Muet se laissa convaincre, et la mêlée reprit de plus belle :
     2T, 0B contre 2T, 0B.
     1T, 0B contre 2T, 0B.
     2T, 1B Coup Fatal contre 2T, 0B.
     Un violent revers de bouclier désarma le Roi Muet, Oldrick pointant sa lame vers sa poitrine.
     - Hm…
     Nullement décontenancé, le revenant vaincu alla retrouver son épée et remonta en selle, puis recula. Un coup sec de la lame sur son écu suffit à faire comprendre qu’il souhaitait avoir sa revanche. Bien décidé à ne pas la lui donner, le seigneur des batailles se rapprocha au contact.
     Quelle ne fut pas sa surprise lorsque le Roi Muet lança lui-même sa monture au petit trop. Puis il rit et lança la sienne au galop, aussitôt suivi par le destrier squelettique de son adversaire. Les épées hautes, ils se préparèrent à une dernière charge. Chacun de son côté, les rois revenants se sentaient heureux, pris dans l’instant présent, et presque à nouveau vivants.
     Puis vint le choc, terrible, les épées mordant le bois des écus et le fer des armures sans distinction aucune. Dans un fracas de métal, les deux guerriers vidèrent les étriers et chutèrent lourdement à terre, accompagnés par les bouts de bois et de métal que leurs coups avaient arrachés à leurs équipements.

     Il y eut un moment de silence alors que les chevaux, encore frémissants, se calmaient de part et d’autre du champ, et les revenants se relevèrent péniblement : l’écu du Roi Muet n’était plus qu’une ruine, et l’épaulière du Seigneur des Batailles avait disparu dans les hautes herbes. Les combattants, découvrant leur adversaire respectif à terre lui aussi, se regardèrent un instant sans bouger, pris de court par la situation.
     Puis un son guttural sortit de la bouche d’Oldrick, et ce dernier se mit bientôt à rire de vive voix. Même le Roi Muet le suivit, ses dents claquant pour marquer son amusement.
     Le seigneur des batailles ramassa son arme, et pour une fois la lumière qui dansait dans ses orbites n’était pas emprunte de menace.
     - Eh bien, je pense que nous pouvons nous arrêter là-dessus... Voilà un combat que je n’oublierai pas de sitôt, - dit-il, un sourire toujours dans la voix.
     En face de lui, le Roi Muet laissa tomber son écu avant d’acquiescer et de s’incliner. Un excellent combat en effet. Et je ne l’oublierai pas non plus, - pensa-t-il. Mais le Seigneur des Batailles n’en avait pas fini, et il s’avança vers lui :
     - En tout cas, je saurai tenir ma parole : Foi d’Oldrick, si jamais je gagne ce foutu tournoi, le château sera à vous !
     Le Roi Muet pencha la tête d’un côté, visiblement perplexe : il n’avait après tout véritablement gagné qu’une seule passe de tout l’échange. Mais le revenant aux bois de cerf n’en avait cure, et il balaya l’hésitation du squelette silencieux d’un haussement d’épaule :
     - Qu’à cela ne tienne ! Vous avez bien gagné mon respect, c’est tout ce qui m’importe. – Il héla son cheval et, ayant rattrapé la bête, se retourna une dernière fois vers son adversaire d’un moment : – Maintenant, si vous le voulez bien, je vais me retirer. Si jamais je tarde, Anthezar est encore bon pour s’attirer les pires ennuis possibles.
     Et il remonta à cheval d’un seul mouvement. Alors qu’il s’éloignait, Oldrick salua son adversaire, et le Roi Muet lui rendit son salut.

     Le vieux roi silencieux resta un moment immobile à regarder le Seigneur des Batailles disparaître derrière les tentes, avant de se baisser pour ramasser sa fidèle épée.
     Il restait profondément satisfait de cet échange. Enfin, il avait pu rencontrer un adversaire dont l’expérience et l’adresse à l’épée lui était égale, voire supérieure. Cela faisait des années, des siècles peut-être, qu’il n’avait pas vécu un combat aussi intense, et qui l’avait autant sollicité.
     Face à un tel adversaire, chaque faux pas était fatal, et il s’y était donné tout entier. À sa grande satisfaction, le Seigneur des Batailles lui avait répondu de la même manière : jamais pendant les petites joutes, et encore moins pendant son unique combat des Grandes Joutes, il n’avait été poussé aussi loin dans ses retranchements, ni avait rencontré de technique si élaborée.
     Oui vraiment, croiser le fer avec un tel adversaire avait été un véritablement don du ciel. Brièvement, presque superstitieusement, le vieux roi leva ses orbites vides vers la voute étoilée, mais seule la lune solitaire lui rendit son regard. Même Morrslieb  n’était visible nulle part, cachée dans les nuages.
     Le revenant haussa les épaules. Qu’importe, ce seul combat justifiait à lui seul sa venue au Tournoi du Fort de Sang, et il était bien décidé à rester jusqu’au bout pour voir le Seigneur des Batailles y combattre.
     Se dirigeant vers son cheval, il tomba sur sa lance, laissée là parmi les hautes herbes. Se rappelant les paroles de son adversaire, il la scruta suspicieusement.
     Mais la pointe vibrait toujours doucement, indifférente au regard inflexible du revenant fixé sur elle.
     Le vieux roi finit finalement par se lasser et la ramassa. Après tout, il n’avait pas mieux pour le moment.
     Son destrier attendant patiemment dans le champ, le Roi Muet le prit par la bride et retourna au camp. Une fois revenu à leur table, il l’attacha non loin et s’assit à la douce lumière des quelques torches, plantées là dans le sol, à côté du chemin. Seul le bruissement nocturne des insectes vint lui tenir compagnie.
     Non, ce soir, il n’irait pas traquer les orques des montagnes. Même les morts, parfois, aspirent au repos, et c’est ainsi qu’il s’adossa à son siège et, croisant les bras sur son torse, il laissa son esprit vagabonder librement.


* * *


     Oldrick retourna dans le camp avec un sourire majestueux sur son crâne, comme toujours, sauf que cette fois-ci il était sincère.
     Le Roi Muet aura été un adversaire valeureux qui lui a donné beaucoup de fil à retordre et il n’en espérait pas moins du revenant silencieux. Cela lui avait fait réellement plaisir de discuter et d’affronter quelqu’un de respectueux pour changer. C’est ce genre de combats qui méritaient d’être menés, se disait-il vigoureusement, pas ces mascarades teintées de haines qui se déroulaient au tournoi…
     Oldrick adressa une prière, par habitude, à ses dieux tutélaires pour souhaiter bonne chance au Roi Muet. Et intérieurement, il savait qu’il avait bien envie de le rencontrer à nouveau à l’avenir.
     En arrivant au niveau de la tente qu’il occupait avec Anthezar, il se fit accueillir par ledit nécromancien. Ce dernier se rongeait les sangs depuis un moment mais quand il vit arriver son serviteur il ne put contenir sa joie mêlée d’inquiétude.
     « Aah ! Morti… Oldrick, - se reprit-il. - Où étais-tu passé ?!?
     - Oh, s’il te plaît n’en fait pas… "Oldrick ?" - s’étonna le seigneur des batailles. »
     Au moment où Anthezar allait s’expliquer, une voix moqueuse s’éleva non loin. Il s’agissait encore et toujours du même vampire qui avait fait une fixation sur le duo depuis sa première humiliation. Sauf que cette fois-ci il n’était pas seul, car une demi-douzaine de vampires l’accompagnait.
     « Réglons-cela ici et maintenant misérables clo…
     - Ah non mais MERDRE maintenant ! - explosa Anthezar qui se laissait porter par ses émotions contenues depuis plusieurs heures. - Je commence à en avoir marre de tes conneries alors tu dégages avec tes danseuses ou j’envoie mon serviteur te massacrer ! Et au cas où tu l’aurais oublié, ça a déjà marché deux fois, donc si t’en veux une troisième y’a qu’à d’mander ! »
     Un silence de mort s’installa, enfin encore plus que d’habitude dans le campement des non-morts. L’adrénaline qui parcourait le corps d’Anthezar commença lentement à disparaitre et le nécromancien finit par lentement réaliser qu’il venait d’insulter un groupe de vampires en colère. Et il en était aussi fier qu’il en était terrorisé en même temps. Mais les vampires grommelèrent entre eux et finirent par se disperser en jetant des regards mauvais au nécromancien et à son garde du corps.
     « Ouais et ne revenez pas ! disait Anthezar qui avait repris sa voix tremblotante habituelle alors que ses genoux tremblaient et qu’une goutte de sueur perlait de son front.
     - Eh bien, tu m’avais caché ce penchant de ta personnalité, - gloussa Oldrick. - Mais pour en revenir à la question : "Oldrick" ?
     - Oui, tu avais quelque peu raison sur ce point… Après tout, heu… en utilisant le… le vrai nom de mon serviteur, cela permet d’amplifier les liens! »
     Oldrick voyait bien que cette piètre tentative d’excuse pour l’appeler par son véritable nom avait été inventée il y a quelques minutes. Mais même si son maître essayait encore de ne pas perdre la face, Oldrick apprécia l’effort. Comme quoi, le jeunot essaie d’apprendre de ses erreurs. Tout n’est peut-être pas perdu finalement, - gloussa-t-il pour lui-même.
     Tandis qu’il laissait son maître vaquer à ses occupations, Oldrick s’assit sur une chaise, le regard perdu vers les montagnes environnantes. Finalement, elle n'était pas si mal cette journée.



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Dernière édition par Von Essen le Sam 2 Juil 2016 - 19:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyDim 3 Juil 2016 - 20:45

***

     L’air de la montagne était frais et humide en cette matinée d’un lendemain de joute, surtout aux abords de l’éperon sur lequel se dressait le Fort de Sang, et le soleil à peine levé n’arrivait encore qu’à lécher les plus hautes tours par-delà les montagnes. Le silence régnait dans la vallée plongée dans la brume en contrebas, et le seul son que les sentinelles squelettiques du Fort pouvaient entendre était le piaillement de quelques oiseaux alentours, principalement des corbeaux et corneilles.
     « VON ESSEEEEEEEN !!! »
     Le cri fut immédiatement accompagné des coups puissants portés contre la grande porte. C’était une voix puissante, grave et rocailleuse, et elle avait retentit comme un coup de tonnerre dans les montagnes. Ses échos roulèrent longtemps dans les montagnes pendant que les oiseaux alentours en profitaient pour s’éloigner à tire d’aile.
     Les squelettes les plus proches sur le chemin de ronde qui se penchèrent par-dessus le parapet purent voir un nain à la barbe rousse vêtu d’une cotte de maille rutilante et d’une cape de voyage de tissu vert foncé, une lourde sacoche de voyage passée à l’épaule et une longue hache dans sa main droite.
     Ce dernier tambourina de plus belle à la porte.
    « VON ESSEN, ESPÈCE DE LÂCHE !!! JE SAIS QUE TU TE CACHES ICI !!! VIENS, AVANT QUE JE NE DÉCIDE DE SÉPARER TA TÊTE DE SALE FOURBE DE SES ÉPAULES !!! »
     Puis il avisa les crânes qui le scrutaient depuis les murs, presque avec curiosité. Un poing leur fut promptement brandi :
     « Et vous, qu’est-ce que vous attendez ! Ouvrez-moi cette satanée porte, où je jure par Grungni –louée soit sa barbe– que je m’y taillerai moi-même un passage par la force de mes bras et avec le tranchant de ma hache ! »
     À son ton et à l’expression de son visage, l’on voyait aisément que le nain ne plaisantait pas. Les squelettes se regardèrent : ils n’étaient pas faits pour s’occuper d’une telle créature teigneuse.

     Lorsque Hans von Randohm descendit finalement dans la cour, la porte tremblait toujours sous les coups renouvelés du nain. L’humeur du vampire était maussade : en dépit de l’éclatant succès des morts au tournoi, il ne faisait plus partie des concourants et n’aurait peut-être plus jamais de telle occasion dans sa non-vie.
     Il fut rapidement rejoint par Ulrich Von Stromdorf et celle que l’on pouvait presque appeler sa protégée, Penthésilée de Gransette. Les évènements semblaient plus amuser que déranger le musculeux  vampire, et il guettait les réactions de Hans avec un petit sourire aux lèvres. Derrière lui, la demoiselle de Gransette observait la scène avec curiosité, se demandant bien ce que son ravisseur avait encore manigancé : il ne semblait pas y avoir de fin à ses sombres farces.
     « Que faisons-nous du nain ? » demanda Ulrich à Von Randohm. « Il semble bien déterminé à voir le scribe. »
     Mais le chevalier de sang secouait la tête, une main à sa tempe.
     « Laissons-le entrer, qu’il voie le scribe si c’est ce qu’il souhaite ! J’en ai plus qu’assez d’avoir à l’entendre marteler l’entrée ! »

     Les lourds battants s’ouvrirent en grand, et le petit nain entra fièrement dans le bastion. Disparue son attitude belliqueuse : un grand sourire ornait son visage lorsqu’il s’avança dans la cour, aucunement dérangé par la trentaine de guerriers squelettes qui le cernaient, les deux vampires et Penthésilée en face de lui. Le nain ne semblait pas avoir l’envie de combattre et, s’il marchait fermement, son expression était tranquille, une main passée dans sa ceinture.
     Cependant, si son attitude était reposée, il se dégageait du guerrier cette aura de confiance en soi qu’ont les combattants expérimentés, et son autre main tenait toujours fermement le manche de sa hache, prête à frapper si nécessaire.
     La tension palpable de l’atmosphère ne l’empêcha pas de saluer les deux vampires d’un air amusé, et il adressa la parole à Hans, derrière lequel se tenaient ses deux autres compagnons.
     « Pas trop tôt ! » fit-il d’un ton enjoué. « Je n’aurais vraiment pas apprécié avoir à abîmer du si bel ouvrage... »
     Puis il avisa Penthésilée, qui regardait la curieuse créature qui s’était avancée sans peur aucune dans la gueule du loup. Sa barbe ondula lorsqu’il s’inclina devant elle.
     « Vous devez être la damoiselle Penthésilée de Gransette... Vous me voyez bien désolé de voir ce qui vous avez à subir à cause de ce fourbe de Von Essen. » Il lui adressa un petit sourire en relevant la tête : « Mais, vous savez, ce n’est pas un mauvais bougre, il faut juste savoir le rappeler à l’ordre de temps en temps... Comme je vais le faire à présent. Vous allez voir... » Le nain rit et resserra sa main sur sa hache : une étincelle s’était allumée dans son regard, et il sembla à Von Stromdorf qu'un petit éclair parcourut fugacement le tranchant de l'arme. Au cas où, le chevalier de sang posa sa main sur le pommeau de son épée. Mais le nain ne fit que saluer à nouveau la jeune dame. « Enfin, montrez-vous patiente, et je suis sûr qu’il ne vous arrivera rien de plus grave le restant du tournoi. »
     Puis il se retourna vers Hans Von Randohm
     « Allons, montrez-moi où se trouve ce sacré Von Essen... Nous avons à parler, tous les deux, et d’affaires importantes ! » Le regard du nain transperça le vampire qui se retint à peine de reculer. « C’est d’or qu’il s’agit, après tout. »
     Le chevalier de sang s’apprêta à parler, mais le nain ne lui en laissa pas l’occasion et repartit de plus belle en avisant la porte ouverte du donjon :
     « J’imagine que c’est par ici... Par les saintes boucles de Valaya, pas de temps à perdre ! »
     Et il fonça vers l’entrée du donjon, abandonnant un Von Randohm pris de court.
     Il y eut un petit moment de silence alors que les trois compagnons, figés, regardaient la porte à travers laquelle le nain venait de disparaître. Puis une tête réapparut derrière cette dernière.
     « Eh bien, sieur vampire, dépêchons-nous ! »
     Le chevalier de sang sortit enfin de sa torpeur pour s’avancer à la suite du nain. Hans secoua la tête : une fois le tournoi finit et Von Essen partit, il ne voudrait plus jamais, au grand jamais, entendre parler du maudit scribe.

     Les squelettes reprirent leur ronde après le départ de Von Randohm, laissant Von Stromdorf et Penthésilée seuls au milieu de la cour du château. La jeune dame contempla longtemps la porte par laquelle avaient disparu Von Randohm et son énergique invité. Le nain avait traversé la cour tel un ouragan, et elle n’en revenait pas d’avoir vu quelqu’un pénétrer aussi facilement le Fort.
     Devant son regard, Von Stromdorf éclata de rire.
     « Eh bien, voilà encore histoire que vous pourrez raconter longtemps après votre passage parmi nous ! »



     Attablé à son bureau dans la salle d’armes, Von Essen observait muettement les créations métalliques exposées sur les murs. Epées de diverses longueurs, hallebardes, lances, dagues, quelques accessoires plus exotiques, mais rares. Il se demandait si l’une de celles-ci ne lui conviendrait mieux afin de surprendre ses ennemis.
     Le visage amusé du sire Kruger lui revint en mémoire, comme s’il venait lui porter conseil : « Mais voyons, messire chroniqueur ! Une autre arme ne résoudra pas votre manque d’entrainement ! » Le vampire se prit la tête entre les mains, résolument agacé par sa propre déduction qui avait de forts accents de vérité. S’entrainer, s’entrainer… Ce n’est pas comme s’il avait toute l’éternité pour ça, non mais ! Il avait d’autres chats à fouetter !
     Il se tortilla inutilement sur son siège, réfléchissant à toutes ces « choses » qu’il avait encore à faire, et qui devaient être plus importantes que l’escrime. A ce moment-là, quelqu’un fit irruption dans la pièce :
     - Surprise, haha !
     Un nain ?! Gromdal ?!!
     Le guerrier trapu s’avança jovialement vers le bureau et fit grand bruit en fracassant son poing sur le bois verni.
     - Mon or, maintenant, – et il fixa ses petits yeux perçants sur le chroniqueur.
     - … Hein ?
     Von Essen le scruta avec l’air de celui qui venait à peine de se réveiller. Voir un nain dans une forteresse gorgée de morts et de mort lui procurait l’impression d’être victime d’une mauvaise farce. Illusionniste ? Il vit alors le chevalier de sang Hans apparaitre derrière le nouveau venu. L’esprit du chroniqueur fonctionnait d’une manière étonnamment lente ce matin.
     - Hans ? Hans, c’est un nouveau participant, c’est ça ? On accepte les nains aussi ?
     Aussi stupéfiant que cela pût paraitre, le guerrier trapu se tourna vers le guerrier vampire, et tous deux échangèrent des regards étonnés.
     - Il est malade ? – demanda le nain.
     - Il… - Hans ne savait trop que répondre, la situation échappant résolument à tout ce qu’il aurait pu imaginer voir un jour.
     Gromdal, cependant, se claqua soudain la main contre la tempe.
     - Ah ! – dit-il, - Cette maladie ! La maladie du débiteur quand son créancier vient enfin chez lui ! Pas de ça avec moi, mes amis, on n’apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces ! Je veux mon or, en pièces sonnantes et trébuchantes, la somme entière, pas un écu de plus, ni de moins.
     Et il farfouilla brièvement dans ses poches, trouvant finalement un parchemin un peu froissé, qu’il s’empressa d’étendre comme il faut sur la table.
     - Là, - martela-t-il, - au cas où la mémoire vous fait défaut : le papier signé par vous-même.
     Le chroniqueur dut se faire violence pour tirer son esprit de préoccupations de vengeance et d’escrime. C’était plus fort que lui : les vieux parchemins devaient être examinés, pouvant parfois renfermer de très grands secrets de pouvoir… ou de très mauvaises nouvelles, comme ce fut le cas avec celui-ci. Il ne s’agissait ni plus ni moins que d’une reconnaissance de dette, dont l’ancienneté dépassaient son entendement, mais dont il était évident que la somme n’avait pas été réglée dans les temps.
Spoiler:

     - Euh… - parvint-il à articuler. – Revenez…
     - Demain ? – le coupa Gromdal. – Non. Et je ne mentionne même pas le fait que vous êtes ridicule à vouloir fuir ainsi votre devoir. Une dette envers un nain, c’est comme… non, c’est plus fort qu’un mariage : ça vous poursuit même après la mort. Donc, non, le fait que vous fussiez mort au moment de la contracter ne compte pas. Alors ?
     - Alors…
     Le nain vit le vampire ôter l’un de ses mains de la table. L’odeur d’une trahison fit friser sa moustache, et, animé d’une juste colère, il asséna un tel coup de poing que le bureau se fissura en deux, faisant voler les parchemins dans tous les sens. Au même instant, Von Essen pointa son pistolet et fit feu, mais la hache naine brandie in extremis dévia la bille de plomb dans un bruit cristallin ; le chroniqueur s’empara de sa dague…

     Deux coups de pistolet suivis les obligèrent à se détourner alors même que chacun tenait l’autre par la chemise : à l’entrée de la salle se tenait un squelette vêtu d’un long pardessus rougeâtre avec des épaulettes, des braies noires et un grand chapeau noir à larges bords ; il remit ses pistolets à la ceinture.
     - Heh, je suis venu aussi vite que j’ai pu dès que j’ai entendu.
     Nain comme vampires le regardèrent avec un air ahuri, mais il poursuivit tranquillement :
     - J’ai failli oublier, Grand Mestre. Mon maître m’envoie aussi pour vous donner ce coffre.
     Suite à ces mots, deux revenants vêtus de braies rayées firent à leur tour irruption dans la salle : ils transportaient un énorme coffre de bois de fer, partiellement recouvert d’algues sèches et de coquillages.
     - Poussez-vous.
     Gromdal et Von Essen se lâchèrent et s’écartèrent ; les deux êtres mort-vivants déposèrent leur charge sur le bureau fragilisé… qui acheva de s’effondrer dans un craquement sourd.
     - Oups. Bon, messire d’Essen, ouvrez-moi ça et régalez-vous.
     Le chroniqueur souleva l’imposant couvercle… Ses yeux rouges s’embrasèrent à la vue de dizaines de milliers d’antiques petites pièces de métal doré. Le nain, s’appuyant par-dessus le couvercle, n’en fut pas moins envoûté par la vue du trésor de temps anciens. Le chevalier de sang Hans eut subitement l’impression d’avoir définitivement perdu le fil de cette tourmente.
     - Ça règle – Gromdal et Von Essen furent stupéfaits d’avoir commencé la même phrase, et se scrutèrent fort peu aimablement.
     - Ça règle pas mal de choses, non ? – glissa le revenant de sa voix rocailleuse.
     Le nain fit mine d’être moyennement convaincu :
     - Hm, hum, le décompte ?
     - Assez d’or pour se payer Marienburg et tous ses objets de valeur, je crois.
     La nain fit mine d’être encore moins convaincu, et lissa sa longue barbe en disant :
     - Je ne lâche rien sans un décompte très précis. Une pièce en trop et ce n’est pas juste pour vous, une pièce en moins…
     - Oui, oui, - Von Essen sembla retrouver le don de la parole, - vous voulez être sûr qu’il n’y a point d’entourloupe, on sait ! Faites donc, qu’on en finisse !
     - Fort… - Gromdal hésita : était-ce aimable ou peu aimable d’être si brut en termes d’affaires ? – Fort bien, - finit-il par annoncer, - je connais une nouvelle taverne dans le coin, apparemment ça vient d’ouvrir et donc la bière y est plus fraiche qu’ailleurs dans ce foutu pays de buveurs de vin. Allons-y !

     Résigné, le chroniqueur prit seulement la légitime précaution d’envoyer Clavius, son corbeau de compagnie, porter un message au duc Baudouin : jusqu’à nouvel ordre, le tournoi était interrompu pour causes… financières. Il fut sur le point d’invoquer un nouvel orage sur la vallée, quand le revenant l’interrompit :
     - J’ai bien plus simple : lisez ce parchemin. Quand aurez fini, vous serez arrivé à la taverne, parole d’Euron !
 
***

     Cela faisait maintenant quelques jours qu’il avait déménagé à Frugelhofen.  Depuis l’épisode avec ce squelette muet qui avait pris possession de manière temporaire son auberge, il ne s’y sentait plus à l’aise comme avant, s’attendant à tout moment à quelque crâne surgissant du fond de sa cave.
     De plus, l’endroit qu’il avait choisi pour s’installer était prometteur : un tournoi gigantesque se déroulait à deux pas, et les clients, nobles comme gueux, désireux de passer les soirs dans la boisson ne manquaient pas. Pour sûr, le moine de l’abbaye qui lui eut conseillé cet endroit avait eu un sourire mauvais, mais bon, ‘sont parfois obscurs, ces clercs, avec leurs sourires en coin.
     Ainsi, Georges était au comptoir de son bar, occupé à prendre les commandes de quelques voyageurs qui occupaient son auberge lorsqu’un événement inattendu survint : en-dehors de la taverne, le ciel s’assombrit durant une fraction de seconde avant d’être suivi d’un bruit assourdissant. Une lumière vive et éphémère illumina l’extérieur et des voix se firent entendre tandis que les buveurs regardaient en direction de la porte, totalement déboussolés :
      - Franchement, sieur Euron… ou je ne sais pas quel est votre nom… Prévenez lorsque vous nous donnez un parchemin que vous utilisez ! Quand on n’est pas habitué, ça surprend énormément ! J’ai cru que c’était encore un moyen de Von Essen de ne pas payer !
      - C’est assez dérangeant certes… Mais finissez le remboursement, qu’on en finisse. C’est que j’ai un tournoi à gérer moi !
      - Vous êtes sûr qu’une taverne est un bon endroit pour régler cette affaire ? On dirait qu’il y a du monde… Pas que ça me gêne mais bon, je préfère éviter que ça dégénère avec ces mortels…
      - Mais nooon ! Au pire, on fait partir les humains… Et quoi de mieux que d’la bonne bière pour régler tout ça…
     La porte s’ouvrit à ce moment et un silence se fit tandis que les buveurs dévisageaient les nouveaux venus. Devant toute la troupe, un nain en cotte de mailles ouvrait la porte tandis qu’un homme au teint un peu trop pâle, habillé avec des vêtements quelques peu luxueux, suivait juste derrière. Un autre personnage, situé derrière l‘homme, était sur le point d’entrer, son chapeau noir masquant son visage. Un long pardessus rougeâtre était visible et des pistolets étaient en travers de sa poitrine. Ce n’est que lorsque ce dernier releva la tête que tout le monde commença à s’affoler : sa tête était un crâne dont les orbites flamboyaient d’un feu bleu très clair. Parmi tous les buveurs, seul les habitants du village eurent une réaction logique au vu des événements qui se passèrent quelques jours plus tôt : ceux au fond prirent la porte de derrière et allèrent se poster aux fenêtres tandis que les autres les rejoignaient petit à petit.
     Les bretonniens qui n’étaient pas du coin, eux, sortirent leurs armes. Les yeux de l’homme pâle se mirent à rougeoyer.
     - Nous ne voulons pas vous déranger, juste régler ici un contretemps entre moi et ce nain ici présent donc si vous pourriez… Comment dit-on déjà ?... Ah oui… Nous laisser quelques temps cette taverne afin que nous puissions discuter et compter tranquillement afin que le règlement se fasse le plus rapidement possible ? - déclara Von Essen de sa voix la plus calme mais très nettement surchargée de menace.
      Nullement intimidés, les bretonniens commencèrent à s’avancer, lames au clair, quand Euron sortit d’un geste fluide un de ses nombreux pistolets et tira à quelques millimètres au-dessus de la tête d’une des personnes encore présentes.
      - Le prochain coup attendra sa cible où qu’elle se trouve… Je vous conseille d’obéir et d’attendre sagement.
     Le tavernier amorçait une discrète retraite du comptoir quand Gromdal se tourna vers lui.
     - Ah non ! Toi tu restes ici, le tavernier. J’veux d’la bière moi ! D’ailleurs tu t’appelles comment ? - interrogea Gromdal.
     - Ge-Georges le-le Gr-gros m’sire ! - répondit-il, quelque peu inquiet.
     Compréhensif, le nain arbora un sourire qui se voulait rassurant :
     - Ne vous en faites pas, Georges : ni moi ni mes… partenaires financiers ne vous feront du mal. Je m’en porte garant par mes ancêtres.
     Gromdal s’installa ensuite au bar et regarda Von Essen : « Bon, maintenant, le remboursement ! Mais avant, une pinte de bière ! » Georges s’exécuta, près à défaillir devant ce qu’il semblait être un mort qui le dévisageait. Des squelettes entrèrent alors en tenant un énorme coffre antique et le posèrent directement sur le bar. Le bois grinça de manière étrange, montrant que la quantité de richesse à l’intérieur devait être très conséquente. Euron s’avança ensuite et sortit une clé de son pardessus. Il l’introduisit ensuite dans la serrure du coffre. Des bruits se firent entendre à l’intérieur de ce dernier, signe du déblocage de nombreux engrenages, avant qu’un “CLAC !“ sonore ne retentisse. Euron ouvrit ensuite délicatement le coffre et la salle sembla s’illuminer d’un halo doré. Gromdal fut encore une fois émerveillé de voir la splendeur d’un tel amas de pièces, et resta immobile lorsque Von Essen intervint :
     - Dépêchons-nous de finir au plus vite. C’est que j’ai un tournoi à finir moi !
     - Eh ben ? Vous n’aviez pas dit que vous l’avez suspendu pour le coup ? - répliqua le nain.
     - Certes… Mais j’ai des obligations plus importantes qui requièrent aussi mon attention !
     - Comptez donc, Gromdal, je pense que cela va durer un bon bout de temps.
     L’intéressé sortit de sa sacoche une plaque de métal sur lesquelles étaient inscrit des inscriptions étranges et jugea nécessaire de s’expliquer : « La dette étant en couronnes impériales, il me faut convertir l’argent ancien en couronnes impériales ». Von Essen le regarda avec un air d’ennui total tandis que Gromdal installait tout du mieux possible.
     Ce dernier commença alors à compter : « Une pièce d’argent ça nous fait… 5 couronnes. » Et il nota 5 couronnes sur une feuille située à côté qu’il avait empruntée à l’aubergiste. « Plus une pièce d’or… Soit 10 couronnes, cela nous fait 15… »
Von Essen, n’y tenant plus, s’adressa à Euron :
     - S’il avance à ce rythme-là, on n’a pas fini ! D’autant plus qu’il va prendre un nombre incalculable de bières… Voyez ! Il en a déjà fini une ! Parlez-moi donc d’un sujet vous concernant. Tiens, par exemple, parlez-moi de vous ! De vous avant d’être ressuscité par Nyklaus, vous lorsque vous étiez vivant !
     - Volontiers Von Essen… Hmm… Cela remonte à des temps immémoriaux d’après ce qu’il m’a raconté… C’était à l’époque de Sigmar lui-même… Durant son règne si mes souvenirs ne sont pas confus… Ma tribu était située au Sud de ce qui s’appellera l’Empire. Nous étions proches de la mer et nous pouvions apercevoir une île au loin… Sartosa qu’elle s’appelle maintenant…
     - 100 couronnes impériales ! Une autre bière s’il vous plait !
     - Nous n’avions pas grand-chose au début, quelques navires, cinq maximum tout au plus, lorsque Sigmar vint pour mettre toutes les tribus sous sa coupe dans le but que nous puissions survivre. Je n’étais encore qu’un nourrisson à l’époque. Après que nous ayons repoussé maintes attaques des peaux-vertes, il envoya d’autres tribus se joindre à nous, dans le but de développer notre “frappe navale“ comme on l’appelait à l’époque. Dès mon plus jeune âge, on nous avait enseigné la loi de la mer, du Dieu Requin ou Stromfels comme vous l’appelez. Des sacrifices étaient nécessaires et nous faisions des rituels… Un des prêtres nous mettait la tête sous l’eau jusqu’à ce que l’on ne puisse plus respirer et qu’on avale l’eau de mer. Si l’on survivait, le Dieu Requin nous donnait une seconde vie et l’on était dans ses bonnes grâces. On n’avait donc rien à craindre des tempêtes mais on se devait de le rassasier par des sacrifices sanglants où ses ennemis devaient souffrir et ressentir la douleur. Malgré le fait que l’on soit très peu avancés dans la navigation, des peuples venaient à notre rencontre et nous pillâmes certains d’entre eux, notre barbarie compensant notre manque de matériel, notre retard technologique…
     - 1 000 000 !... Une bière, vite !
     - Du coup, cela nous permis de développer nos navires, d’améliorer nos moyens de navigation, nos armes et ainsi de suite. Ma tribu avait été “anoblie“ vers l’an 50 par sa puissance relative mais suffisamment importante sur les mers. Ma tribu était celle des “Leviathan“ et elle s’est divisée en de nombreuses familles dont les “Von Abyss“ ainsi que les “Stormjade“ descendent. Nyklaus et sa chère Chloé sont donc des lointains descendants de ma tribu…
     - Attendez ! Vous me dites que vous êtes un ancêtre de Nyklaus ?! Mais c’est totalement fou ! Et comment êtes-vous mort ? De vieillesse ?
     - 50 000 000 ! Il y a de plus en plus de lingots d’or… C’est bien plus simple !
     - Je suis bien un ancêtre de Nyklaus, oui… Non, à cette époque, on était tué par des ennemis naturels… J’ai été tué lors d’une invasion du Chaos mais croyez-moi, j’en ai emporté des ennemis avec moi ! J’ai été ressuscité à une autre période… Durant l’invasion de Nagash, mon tombeau était la mer elle-même vu le lien qu’on avait avec elle à mon époque… J’ai donc été ressuscité par un simple sort avant que Sigmar ne me mette dans une crypte protégée par des incantations. Il m’y a mis avec tout l’attirail de ma tribu qui s’était développée car je possédais encore le collier de mon clan. C’est pour cela que j’ai une armure intégrale avec toutes les armes possibles… Voilà pour mon histoire Von Essen, j’espère qu’elle vous a permis de passer le temps.
     - Merci à vous, Euron Leviathan, - répondit Von Essen avec un faible sourire.
     - Et… 1 000 000 000 de couronnes, enfin ! - dit Gromdal, soulagé. Tenez Euron, je vous redonne le coffre avec ce qu’il reste, soit un peu moins de la moitié. Je pense vraiment que vous auriez pu acheter Marienburg, - ajouté le nain amusé.
     Von Essen poussa un faible cri de joie (Youpi !) après avoir entendu que ses problèmes avec le nain étaient pour le moment réglés… Il pouvait maintenant s’occuper pleinement du tournoi ! Cependant, son humeur diminua quand Gromdal annonça à Georges que Von Essen payerait les bières vidées et qu’il ne pouvait pas en échapper.

     Le retour se fit en silence avec Euron et Von Essen, suivis d’une troupe de squelettes, tandis que Gromdal repartait vers les montagnes. Quant à Georges le tavernier, il fut considéré comme le plus chanceux des tenanciers de Parravon et, depuis ce jour, sa taverne est toujours pleine à craquer et ce par tous les temps : bien des chevaliers errants y viennent dans l’espoir qu’une créature de la non-vie revienne par ici dans le but de se reposer ou de régler des comptes avec un nain…

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     Quatre cavaliers faisaient route vers le nord traversant champs et forêts. L’écuyer eu le malheur d’attirer l’attention de dame Constance qui lui raconta ses malheurs et se plaignit de la négligence de son mari alors que ce dernier se trouvait dix pas devant et entendait tout de la conversation. Profitant de l’inattention de Constance, il s’entretint avec son vassal.

     « Alors, quelles sont les nouvelles au nord ? Des raids de ces pestilents orques parait-il ?
     - En effet, c’est ce qu’affirmait dame Constance quand je vins dans votre demeure.
     - Le pays, Cédric ! Le pays !
     - Pardon ?
     - Bon  sang ! Quel est l’état du pays ?!
     - Ah… Quand je suis arrivé il y avait quelques villages détruits et les hab…
     - Villages ?! - le coupa abruptement Valmond.
     - Je ne connais point leurs noms mais c’est celui à l’est de votre château et celui du sud-est en bord de lac.
     - Grandmoulin et Mélin.
     - Si vous le dites.
     - La suite !
     - Les habitants ont pu trouver refuge dans votre fort mais les champs sont en cendre.
     - Et la garde ?
     - Je n’en sais rien, vous savez j’étais juste de passage. Demandez à dame Constance, elle doit avoir plus d’information à ce sujet.
     - Moins fort…»
     Le seigneur de Mélinor jeta un œil discret derrière lui, mais dame Constance semblait toujours occupée à monologuer avec le pauvre écuyer. Puis il se retourna vers Cédric, fit mouvoir sa cape vers l’avant, frappa sa cuirasse de son poing et leva la tête. Ce qui signifiait que le grand seigneur de Mélinor allait dorénavant prendre les choses en mains apportant de nouveau autorité et respect sur son domaine.

     « Très bien. Il n’y a point de place pour l’hésitation. Les gueux et les hommes d’arme doivent être mobilisés à Grandmoulin pour relever une palissade de bois et des défenses sommaires autour du village. Ensuite se poursuivra la reconstruction du village. Cédric, vous irez sur vos terres pour demander à vos habitants de se serrer la ceinture au niveau de la nourriture et préparer un convoi pour nourrir les villageois des champs brûlés. On enverra aussi un messager à Couronne pour demander de l’aide au cas où les orques reviennent. Ensuite … »

     Mélinor fut interrompu par sa femme qui tout en souriant lui lança d’un ton sec :
     « C’est déjà fait Valmond !
     - Ah… Heu… Vous êtes formidable ma douce. – fit Valmond d’un air dépité.
     - Le messager m’a fait parvenir la réponse de Couronne, Louen prépare son armée pour régler un problème concernant Mousillon et aimerait que les Marches l’accompagnent, il nous aidera uniquement si nous lui envoyons des chevaliers pour l’aider en retour.
     - Que ferais-je sans toi, ma colombe.
     - Des bêtises, Valmond, des bêtises. Avec vos idées futiles de participer à ce tournoi sans importance nous voilà dépourvu de tous chevaliers à Mélinor.
     - Mais ma douce, les engeances démoniaques, la non-vie, une noble dame en détresse…
     - Des bêtises, Valmond. Pendant que vous vous amusiez vous m’avez laissé seule face aux sauvages peaux-vertes. Moi qui ai fait tellement de chose pour vous. Vous n’avez aucune reconnaissance. C’est un grand pêché mon cher.
     - Oui, ma douce…
     - Heureusement que ce brave Cédric est venu. Sans lui j’étais perdue. Venir vous chercher accompagnée d’hommes d’arme était impensable.
     - Brave Cédric…
     - Mais il n’est point innocent pour autant, où était-il pendant que nos terres brûlaient sous les assauts orques ? En train de boire des boissons barbares avec ses amis impériaux ! Un grand pêché messire Cédric ! »
     Le chevalier resta de marbre malgré la pique évidente.

     « Cédric, quand on sera rentrés, prépare-toi pour rejoindre le roi, continua Constance. Une bonne croisade te purifiera.
     - Et moi, mon cœur ?
     - Voyons Valmond, tu sais bien que j'ai besoin de toi au château, il faut refaire toute la peinture.
     - Oui, mon amour…
     - Et vous penserez à prier la Dame pour qu’elle vous pardonne. Vous n’avez point oublié de prier la Dame pendant votre voyage au moins ? Matin, midi et soir !
     - Bien sûr ma douce, tous les jours ma douce …
     - Et ces barbes, vous allez vous les raser en rentrant. Vous devriez avoir honte, on dirait des barbares ! J’ai vu les chevaliers de la haute noblesse de couronne, ils sont tous rasés.
     - Mais… mon amour…
     - Point de mais, Valmond.
     - Oui, mon ange… »

     Le voyage continua sur les pesantes remarques de dame Constance accompagnées de timides acquittements de la part du marquis de Mélinor. Cédric quant à lui  s’était habitué à voyager en compagnie de la dame et avait pris ses précautions, il avait préparé des boules de cires pour boucher ses oreilles. L’écuyer lui, était bien content que son interlocutrice ait changé de victime. Le tournoi du fort du sang semblait déjà bien loin…
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyLun 4 Juil 2016 - 13:13


Chevalier
     

     Après les combats, Brionne ne trouvait guère le sommeil, préoccupé par la situation précaire dans laquelle se trouvait dame Penthésilée. Une longue promenade solitaire dans le camp l'amena jusqu'à la lice ou la défaite du comte Dangorn avait clôturé une journée bien triste pour la chevalerie bretonnienne. Les chances de voir un preux chevalier libérer sa jeune protégée, Penthésilée de Gransette, semblaient maintenant grandement amoindries. S'il ne doutait pas des qualités martiales de Silvère de Castagne, le nombre de ses adversaires parlait contre lui.
     Il fut tiré de ses sombres pensées par le bruit caractéristique de deux lames s'entrechoquant au loin. Presque instinctivement, il s'approcha des sinistres  tentes des morts pour assister à un duel âprement disputé. Penché au dessus d’un talus, il reconnut immédiatement la fine silhouette de Penthésilée : une bouffée de fierté l'envahit tandis qu'il appréciait sa garde impeccable et son jeu de jambe souple et efficace. Décidément, son élève ne déméritait pas. Son plaisir s'effaça bien vite en observant son adversaire plus massif et lent mais incroyablement plus expérimenté. Il jouait visiblement au chat et à la souris, tournant autour de la jeune fille et ne prenant des risques que calculés. Très vite une évidence lui sauta aux yeux : Penthésilée n'avait pas l'ombre d'une chance face à un tel adversaire. Lui même aurait sans doute pu rivaliser, en ses jeunes années, mais ce temps était révolu. Il se força à étudier le jeu de l'adversaire, décelant très vite une école impériale, celle de Hans Liechtenauer pour être plus précis. Il n'avait jamais vu combattre en personne le vieux maître d'Altdorf mais le sombre personnage en contrebas aurait pu en être une réincarnation, tant il maitrisait cette technique pourtant exigeante. Le combat arrivait d'ailleurs à son terme : sur une attaque hardie mais imprudente de la jeune fille, l'homme en noir bloqua la lame adverse sous son bras et, menaçant la gorge, força une Penthésilée pantelante à rompre en abandonnant son arme. Galamment, l'homme ramassa la fine rapière pour la rendre à sa propriétaire qui la glissa dans son fourreau avec un haussement d'épaule. Il eut un petit rire forcé :
     - Ce n'est pas encore ce jour que vous remporterez votre liberté à la pointe de l'épée.
     Brionne resta encore quelques instant à contempler les deux escrimeurs s'éloigner dans la brume matinale encadrés par quelques gardes aux mouvements mécaniques.
     Cet instant de rêverie ne dura pas.  Très vite il se redressa pour se précipiter vers la tente d'Hubert de Gransette. Il risquait de réveiller ce dernier, d'arracher ces cris de goret égorgé qu'il adorait émettre lors d'un réveil trop brutal, mais il fallait absolument remettre la main sur ce vénérable traité d'escrime en reikspiel qu'il trainait au fond de sa malle de voyage. Dans ses pages il était presque sûr de trouver la réponse à ses interrogations.

...

     Brionne bailla à s'en décrocher la mâchoire. La nuit sans sommeil lui avait semblé longue, si longue. Il avait d'abord identifié la botte qui pouvait permettre à Penthesilée de surprendre son adversaire, un petit bijou de précision et d'audace lui donnant une chance de percer la garde adverse.
     Après s'être convaincu qu'un message avait peu de chances de parvenir à son élève, et aucune chance de lui expliquer correctement le subtil enchainement, il s'était rendu à l'évidence : c'était à lui de l'enseigner à sa pupille.

     Et maintenant, après une journée entière passée à parlementer, à graisser des pattes, mentir, menacer ou flatter ses interlocuteurs, tant vifs que trépassés, il se trouvait au pied du mur de la tour ouest. Vingt pieds au dessus de lui la lueur d'une bougie filtrait d'une fenêtre à meneaux. Il savait maintenant qu'elle provenait de la chambre de Penthesilée. La lumière du jour décrut et il s'avança vers le mur aux pierres disjointes. L'heure était idéale et il le savait. Désormais, même un mort vivant peinerait à distinguer une forme sombre collée contre le mur.
     Il resserra contre son torse le sac contenant deux épées d'exercice en bois et esquissa un rictus : il n'avait plus fait ce genre d'exercice depuis ... combien ? ... vingt ans, au moins. Déjà, à l'époque, il s'agissait de rejoindre une jolie dame en sa chambrée. Pour de toutes autres raisons, beaucoup moins nobles et avouables ...
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyLun 18 Juil 2016 - 13:36

***


     Colin sentit quelque chose lui lécher visage et ouvrit péniblement les yeux. Il se retrouva nez à nez avec son chien Courage. Le souvenir de sa défaite lui revint en mémoire : il s'était fait mortellement blesser par son adversaire, un abject roi revenant ! Il ne devait sa vie qu'à la servante de la dame. Il avait toutefois refusé la civière, et était parti de l'arène sur ses deux pieds. Mais il avait perdu beaucoup de sang et cette ultime bravade lui avait fait perdre connaissance.

     Les aboiements joyeux de Courage alertèrent une prêtresse de Shallya.
     - Vous avez perdu beaucoup de sang, chevalier ! Mangez ceci, - dit la prêtresse en donnant au chevalier errant une écuelle contenant un vilain gruau.
     Colin n'avait pas très faim et le plat n'était pas très appétissant, mais le sourire de la prêtresse suffit à lui faire changer d'avis.

     Autorisé à sortir de l'hôpital de campagne, le jeune chevalier interpella un page qui participait à l'organisation du tournoi :
     - Le roi revenant a-t-il été disqualifié ?
     Le page reconnut les armoiries de Colin et répondit avec un air gêné.
     - Non messire…
     - Mais ?! Toute personne portant un coup mortel est disqualifiée du tournoi ! On nous l'a confirmé lors de l'inscription ! - s’exclama Colin, indigné.
     - C'est bien ce qu’a dit monsieur le duc, mais Von Essen lui a répondu que vous étiez toujours vivant et que donc par définition le coup du roi revenant Euron n'était pas mortel, donc légal...

     Furieux, le jeune chevalier abandonna le page à ses occupations. Il sentit le poids de la défaite sur ses épaules. Il n'avait pas seulement perdu le tournoi, mais surtout la chance de faire enfin accepter sa maison auprès des autres nobles. Abattu par son échec, il s'effondra sur un tabouret qui traînait. Courage, inquiet pour son maître tira sur son tabard pour l'inciter à se relever. Cela redonna espoir à Colin : son chien n'abandonnait pas et lui non plus n'abandonnerait pas ! S'il ne pouvait plus participer en tant que concurrent, il ne lui restait plus qu'une seule chose à faire !

     Il se releva, pris une posture noble qui se voulait à la fois stylée et héroïque, et se dirigea aux abords du camp qui faisait face à celui des morts. Là une large tente était installée en avant des autres pour être la plus près du camp des morts. Sur la banderole de son chapiteau était marqué en grandes lettres capitales, afin d'être visible depuis le camp des morts, « Association des chevaliers vertueux complotant honorablement pour la libération de dame Penthésilée ». En réponse les morts avaient dressé une tente un peu plus grande de leur côté, sur laquelle Colin arrivait à lire : « Association des comploteurs vampiriques ».  Mais contrairement aux Bretonniens, les vampires faisaient plus de complots contre leurs semblables que contre les vivants et la tente avait brûlé une bonne dizaine de fois pendant le tournoi. Colin s'approcha de l'entrée de la tente et un homme d'armes en faction lui demanda d'un ton blasé « le mot de passe… ». Tout le camp Bretonnien le connaissait et les morts probablement aussi. « Chaussettes » - répondit le jeune chevalier. Le garde le fit rentrer.

     À l'intérieur de la tente, Colin trouva une centaine de chevaliers cagoulés assis autour d'une table généreusement pourvue en vin. L'un des chevaliers se leva pour l'accueillir : « Bienvenue parmi nous, sir Colin. Tenez, prenez une cagoule ».
     Colin resta interdit quelques instants, la cagoule en main, et finit par demander avec l'innocence qu'ont les jeunes gens : « Pourquoi portez-vous tous des cagoules alors que l'on peut vous identifier grâce à vos armoiries brodées sur vos tabards ? ».
     Une rumeur se mit immédiatement à enfler et quelqu'un s'exclama, visiblement agacé : « Et en plus il est difficile de boire avec ! ». Mais le chevalier qui avait accueilli Colin réclama à pleins poumons le silence et dit avec autorité : « C'est une conjuration ici ! Et les conjurés portent des cagoules ! Un point c'est tout !!! Sir Colin, mettez votre cagoule ! Et rejoignez-nous à notre table ! ».




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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMar 19 Juil 2016 - 3:08



     Wilhelm Kruger scruta les environs de son regard perçant, profitant d’une promenade dans les ruines du Fort de sang. Quelle honte, se dit-il, que ce bastion de la chevalerie soit tombé aussi bas. Autrefois glorieux, grandiose et craint, ce lieu est désormais une ruine briguée comme prix dans un tournoi entre vivants et morts. Le tout sonnait comme une farce et l’aurait fait rire si la réalité ne l’avait pas rattrapé. Après tout, quels étaient les droits que ces gens avaient sur ce lieu ? La seule chose qui leur importait était de se couvrir de gloire dans un lieu au passé symboliquement lié à l’esprit de ce tournoi, le reste n’étant que fioritures et manipulations du chroniqueur. Le chroniqueur. À la seule pensée de cet être abject, Kruger fronça les sourcils de dégout, bien qu’un léger sourire éclaircit son visage presque toujours impassible. Il avait réussi à le mettre à terre lors de cette joute nocturne, et Von Essen avait tenu sa parole, montrant par la suite aux dames le respect qui leur était dû, il y avait veillé. La lecture et l’écriture étaient des activités louables, mais il semblait bien que le scribe vampire manquait cruellement d’entraînement aux armes, et ses parchemins ne lui avaient pas servi lors de ses deux défaites. Pourtant le dragon de sang n’était pas satisfait, car l’une des choses qu’il voulait en cet instant était de plonger son épée dans le cœur du chroniqueur, juste châtiment pour se croire au-dessus de tout le monde et pour manipuler les gens comme il le faisait sans que personne ne s’en aperçoive. D’autant plus que certains des participants du tournoi étaient de grands guerriers, méritant le respect, et les savoir pions sur l’échiquier de Von Essen le dégoûtait.

     Wilhelm arrivait au sommet d’une des tours, et de là avait une vue plongeante sur les environs. Les campements étaient calmes, quelques chevaliers nettoyant leur armure ou nourrissant leurs chevaux. Du côté des morts on pouvait voir des vampires s’amuser et des squelettes se chargeant des corvées, et il grinça des dents en pensant que certains profitaient de la situation pour donner en spectacle leur décadence. C’était ce genre de comportement qui avait perdu le fort, tant d’années auparavant, et aujourd’hui personne n’avait l’air d’en tenir compte.
     Un mouvement brusque attira son regard, et il eut la surprise de voir au loin deux cavaliers se jeter l’un contre l’autre alors que personne ne les observaient, lui excepté. Wilhelm reconnut dans les combattants deux des participants mémorables de ces derniers jours, Oldrick le seigneur des batailles et le roi muet. Ils avaient combattus successivement le même adversaire lors des joutes officielles, et semblaient maintenant se livrer à un duel des plus intenses. Les deux revenants se chargèrent plusieurs fois avant de tirer l’épée et d’engager un des plus beaux combats qu’il lui avait été donné de voir dans sa longue vie. Les combattants enchaînèrent pendant un long moment des passes d’armes témoignant d’une impressionnante maîtrise des armes, et un instant il hésita à descendre et à se joindre à eux. Mais c’eut été briser ce magnifique duel, et Wilhelm ne le voulait pour rien au monde.

     Observer ce combat lui rappela les participants restant au tournoi. Il y avait bien sûr Silvère de Castagne, le mortel qui avait triomphé de lui sans la moindre égratignure lors d’une joute des plus expéditives. Wilhelm fronça de nouveau les sourcils, car il aurait aimé avoir sa revanche sur le taciturne seigneur, mais il savait que cela serait difficile. Il restait aussi Euron, un revenant envoyé par le tristement célèbre Von Abyss, qui semblait aussi dépravé que ce que la rumeur disait de son maître. Le pirate mort-vivant semblait se complaire dans une cruauté à faire pâlir certains des tortionnaires les plus chevronnés, mais il fallait bien admettre que son habileté aux armes était impressionnante. L’autre revenant encore en lice était Oldrick, qui se battait sous ses yeux, et Wilhelm devait bien avouer qu’il s’agissait là d’un véritable guerrier, à la fois très habile aux armes et doté d’un grand sens de l’honneur. Quel dommage que ce genre de personne ne soit pas plus représentée parmi ses congénères, car bien des vampires pourraient prendre exemple sur ce revenant. Mais le ridicule nécromancien qui l’accompagnait partout n’en finissait pas de gâcher le tableau, ce mage sans envergure s’humiliant à chacune de ses interventions. Cela dit, le participant le plus mystérieux pour Wilhelm restait Erwin Von Loenen, le chevalier vampire. Il était passé presque discrètement à travers toutes les épreuves jusqu’ici, allant jusqu’à éliminer du tournoi l’un des grands favoris Bretonniens, le redoutable Gabriel de Saint-Ange. Mais le maître d’Erwin, Knut Nattfekter, était encore plus un mystère pour Wilhelm. Car il avait presque immédiatement repéré cet individu parmi l’assistance, ce vampire à l’attitude en apparence nonchalante mais qui cachait en fait une parfaite maîtrise de son environnement. Il se dégageait de Nattfekter une aura de dangerosité et de puissance comparable à celle que dégageait Walach lorsque Wilhelm le côtoyait, et il savait qu’il s’agissait certainement de l’individu le plus puissant à des dizaines de lieux à la ronde. Croiser la lance et l’épée avec ce Von Loenen pourrait être une expérience très intéressante…

     En contrebas il semblait que le splendide duel était arrivé à son terme, car les deux combattants revenaient au campement mort-vivant. Wilhelm descendit rapidement les marches qui menaient à la sortie et entreprit de rejoindre sa tente, en périphérie du campement des morts-vivants.

     En passant non-loin de la tente qu’Oldrick partageait avec son pitoyable « maître », Wilhelm se dit qu’il allait s’y rendre pour exprimer son admiration au revenant, mais en arrivant de violents éclats de voix le firent s’arrêter : « … tu dégages avec tes danseuses ou j’envoie mon serviteur te massacrer ! Et au cas où tu l’aurais oublié, ça a déjà marché deux fois, donc si t’en veux une troisième y’a qu’à d’mander ! » Quelques secondes plus tard un petit groupe de vampires à la mine déconfite apparurent dans son champs de vision, venant manifestement de là où il se rendait. Bien décidé à savoir quelle était la situation, il leur adressa un sourire de circonstances et s’adressa au premier d’entre eux : « Messieurs, puis-je vous aider d’une quelconque façon ? Vous m’avez l’air bien contrits. » Le vampire posa son regard sur lui avec la même expression que s’il avait regardé un moustique sur son mur. « Je ne vois pas comment quelqu’un d’aussi faible pourrait nous aider, répondit le vampire sans s’arrêter. Si tu n’es même pas capable de battre un simple humain tu ne sers à rien. »
     Le craquement que fit le poing ganté d’acier de Wilhelm sur la mâchoire de l’insolent résonna aux alentours alors que le dragon de sang, vif comme l’éclair malgré son armure intégrale, envoyait au tapis son interlocuteur encore surpris de ne plus être sur ses jambes. Dégainant, les autres vampires se jetèrent sur lui, mais d’un bond il fut hors de leur portée immédiate, et se mettant en garde il sortit sa propre lame de son fourreau. « Messieurs, commença-t-il, je n’ai maille à partir qu’avec votre camarade étendu là-bas. Si vous voulez m’affronter je n’y vois aucun inconvénient, mais je ne montrerai aucune pitié une fois le combat engagé. Nous ne sommes pas sur la lice, et une insulte à mon honneur ne pourra se rétablir que dans le sang. » Tout en disant cela il se mit en position de combat, tous ses sens en éveils. Le duel auquel il avait assisté l’avait mis d’humeur guerrière, et ces jeunes sots allaient certainement en faire les frais s’ils ne se retiraient pas.

     Le temps sembla se figer pendant une fraction de seconde, puis les vampires s’élancèrent dans sa direction, la rage dans le regard en montrant les crocs. Rapides comme la pensée, leurs lames sifflèrent, cisaillant la position où s’était tenu Wilhelm quelques instants plus tôt. Car le chevalier vampire n’avait pas attendu sagement que ses adversaires viennent le chercher, et d’un bond acrobatique malgré son armure il était passé au-dessus d’eux pour atterrir dans leur dos. Sa contre-attaque fut instantanée, et deux des vampires sentirent une violente douleur au cou alors qu’ils étaient en train de formuler la pensée que l’ennemi se trouvait derrière eux.

     Les deux corps décapités touchaient à peine le sol que les quatre autres vampires s’étaient retournés, et commença alors un intense ballet de maniement de la lame. Les vampires firent pleuvoir les coups sur Wilhelm, qui faisait danser son épée et son bouclier à une vitesse surhumaine pour bloquer leurs attaques. Mais son expérience et sa maîtrise supérieure des arts du combat finirent par prévaloir sur le nombre de ses assaillants. Profitant que l’un d’entre eux portait son attaque trop loin il s’infiltra sous sa garde en le transperçant. Quelques secondes plus tard un autre tenta de s’approcher pour lui asséner un coup de poing, mais il n’avait pas anticipé le coup de bouclier qui l’arrêta net, et d’une pirouette Wilhelm se mis hors de portée des deux autres tout en lui tranchant la gorge. Ses deux adversaires restant tentèrent alors de l’encercler, mais cette technique se retourna bien vite contre eux quand il profita d’une attaque combinée de leur part pour se baisser instantanément, et alors que les deux vampires voyaient leur coup brasser l’air, lui avait fait tournoyer sa lame et leur avait tranché le ventre. Il pressa alors immédiatement son avantage en les fauchant comme les blés de deux coups puissamment portés.

     L’affrontement n’avait duré que quelques dizaines de secondes, mais Wilhelm se sentait beaucoup mieux. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas eu à se battre contre sa propre espèce, et à chaque fois il avait trouvé l’expérience plaisante. Cela dit, un détail restait à régler. Se retournant vers le vampire qui avait démarré cette rixe alors que celui-ci se relevait péniblement, certainement encore sonné par l’uppercut qu’il avait reçu, il s’avança vers lui à pas mesurés. « Cher monsieur, fit il en s’inclinant légèrement, ce léger contretemps étant maintenant réglé, je vous propose d’en découdre. Il ne sera pas dit que je ne vous aurai pas laissé défendre votre honneur, même après que vous ayez bafoué ainsi le mien. ». Regardant les corps jonchant le sol derrière son interlocuteur, le vampire perdit tout ce qu’il lui restait de composition. Loin de répondre à l’invitation du chevalier, il poussa un hurlement se jeta en arrière pour se mettre à courir aussi vite que l’éclair dans la direction opposée. Mais sa fuite ne dura pas longtemps, car Wilhelm se lança à sa poursuite de toute la célérité que sa non-vie et son entraînement lui permettaient. En quelques secondes de course il fut sur les talons du fuyard, et en profita pour lui lancer son bouclier dans les jambes, causant ainsi sa chute. De sa main gantée Wilhelm saisit cette fois son adversaire à la nuque, l’enserrant dans un étau d’acier. « Très bien, puisque vous refusez de défendre votre honneur à la loyale, permettez que je mette un terme à tout ceci aussi rapidement que possible. » Et d’un geste brutal le chevalier vampire arracha la tête de sa victime, celle-ci n’émettant plus qu’un gargouillement.

     Wilhelm se releva, se sentant beaucoup mieux. Ce combat avait ravivé la flamme qui s’était un peu atténuée dans son âme ces derniers jours, ayant chassé l’humeur mélancolique qui l’avait animé quelques heures plus tôt. Repassant le combat dans son esprit, il s’aperçut de quelques erreurs dans ses gestes au maniement de l’épée, erreurs qu’il fallait corriger. Prenant le chemin de sa tente d’un pas léger, il ne pensait déjà plus à ses derniers adversaires, se préparant mentalement un programme d’entraînement qu’il allait suivre en attendant les joutes suivantes. Quelle merveilleuse journée.



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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMar 19 Juil 2016 - 16:30




     Euron, après la discussion de ses origines avec Von Essen, repartit vers son bateau qui l’attendait au lac. Ce dernier était un navire d’origine nordique, un « drakkar » comme ces derniers l’appelaient, permettant de naviguer facilement en eaux basses. Il n'utilisa cette fois-ci aucun parchemin car naviguer lui rappelait sa vie antérieure, les émotions qui l’accompagnaient. Par exemple, le fait de ramer lui-même dans la seule barque, réservée au capitaine, de monter à l'échelle sur la coque d'un navire...
     Sur le pont, des squelettes s'affairaient et le chaudron était encore là avec le prêtre. Ce dernier s'avança et souffla un seul mot à l'oreille d'Euron (ou le trou qui y correspondait) : "Bénédiction". Euron s'avança alors devant le chaudron et des squelettes lui mirent alors son armure par un simple ordre mental.
     Tandis que tous les squelettes s'exécutaient, il se remémora la première fois qu'il l'avait reçue et, dans la foulée, regarda vers son avant-bras droit où un requin incrusté était présent, marqué sur sa peau, souvenir de son passage à l'état d'homme. Il avait alors dix ans. Un enfant de son époque était alors déjà fort musclé et grand par rapport à ceux d'aujourd'hui... L'enfant qu'il était s'avança alors comme il le fit maintenant à la seule différence qu'il possédait dans le présent une armure en fer, chose qui n'existait pas à l'époque.
     Le prêtre leva les bras et entonna le rituel tandis qu'Euron s'approcha du chaudron. Il se rappelait son passé, avançant vers le rituel, aussi serein qu'il avait été auparavant.
     
     Le revenant se plaça à l'intérieur du chaudron, dont le sang montait jusqu'à son bassin et il positionna ses bras en croix, ses mains sur ses épaules. Le prêtre s'avança alors, posa sa main sur le crâne du mort-vivant et l'enfonça sous le sang après qu'Euron se fût agenouillé. Immortel, Euron resta dans cette position durant près d'une demi-heure avant que le prêtre ne relâche la pression sur sa tête. Euron se releva alors et sortit du chaudron, du sang tombant de son armure à grosses gouttes.
     
     Son armure émit alors une lumière rougeâtre, qui allait perdurer jusqu'au combat final. Sur son avant-bras, le signe de Stromfels rougeoyait également. Par expérience, il savait qu'une aura de mort l'entourerait jusqu'à la fin du tournoi, insinuant la peur dans ses ennemis... Il sortit ensuite son sabre de son fourreau. La lame pulsait d'elle-même d'une lueur rouge maladive, comme un cœur qui bat.
     Stromfels veut vaincre ses adversaires, et il me prêtera sa force, - pensa Euron.
     
     « Pour le Dieu Requin, allons leur montrer, à ces chevaliers que les pirates sont à craindre également sur la terre ferme ! EN AVANT !!! POUR STROMFEEEEELLLS !! » - hurla-t-il à la lune, en direction de la zone du tournoi... Et tout l'équipage prit position sur le drakkar, certains sortant les rames du navire, les faisaient dépasser par les trous conçut dans la coque du navire, d’autres sortant les réserves de la cale du drakkar : du rhum, des armes, de la poudre, des sabres d’abordage et bien plus encore… Les rameurs plongeaient les rames avec un rythme identique, se rapprochant de plus en plus du bord… Une fois le navire accosté, certains membres mirent pied à terre avec des gestes hésitants, car certains n'avaient plus touché terre depuis des milliers d'années.
     Euron était quant à lui au gouvernail, observant son équipage et sa tribu qui transportait tout le contenu de navire sur la terre ferme en vue du tournoi. Il éprouvait une sorte … d’appréhension et en même temps de l’exaltation face à la demi-finale qui approchaient, sentiments qu’il n’éprouvait que durant la phase d’abordage d’un navire ennemi. Le prêtre le regardait avec ses yeux d’un bleu aveuglant, semblant percer la moindre des pensées d’Euron, ce qui le rendait songeur.
     Le lendemain matin, au tournoi, la tente d'Euron qui était située quelque peu à l'écart des autres, fut entourée de nombreuses tentes bleu sombre aux bords rouges en forme de vagues. L'équipage mort-vivant d'Euron avait débarqué et se préparait à soutenir leur capitaine durant ce tournoi... Déjà nombre de ces revenants commençaient à boire du rhum qui leur passait à travers leurs poitrines mais qui, étrangement, disparaissait avant d'atteindre le sol. D'autres faisaient des concours de tir de pistolet, tentant de toucher leur singe de compagnie, mort-vivant également, tandis qu'Euron se reposait sur le siège dans sa tente, pensant aux tournois qui se rapprochaient…


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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyJeu 21 Juil 2016 - 16:39



     Ulrich von Stromdorf était de ceux qui s’efforçaient de prendre les événements avec une apparente légèreté. Fort d’un savoir-vivre qui lui avait été transmis de son vivant, il prenait les pires tragédies avec l’entrain de celui qui avait vu la mort et la souffrance de face, et qui y avait survécu. Quant aux événements qui lui procuraient de la satisfaction, il savait en profiter à fond, croquer le cou à pleines dents et en tirer jusqu’à la dernière goutte. Il en était ainsi du tournoi.
     L’arrivée de dame Penthésilée, la folle négociation avec les mortels, l’improbable rencontre de chevaliers et de vampires, tout ceci ne manquait pas de faire monter en lui une franche et intense allégresse, et c’est pour faire bonne impression qu’il s’efforçait de ne pas hurler de rire dans les tribunes. Les combats étaient tous hilarants, même les plus brefs, non pas à cause de leur déroulement en soi (même s’il avait adoré le coup de l’elfe), mais à cause de l’émotion qui les entourait. Les gens vivaient ces combats et, il devait le dire, les réactions de la foule de part et d’autre ne manquaient jamais de l’amuser.
     Pour sur, il ne s’en fichait pas, au contraire : il priait pour que ce fussent les bretonniens qui l’emportent. Les têtes des vampires seraient belles à voir, mais surtout il avait accumulé de l’affection envers sa prisonnière, et ne ressentait aucune gêne à se l’avouer. Courageuse, forte et agile, il n’avait jamais côtoyé de près une telle femme, et s’était juré de ne pas rester indifférent à son sort, quel qu’il fût à l’issue du tournoi. Pour le moment, ça n’allait pas trop bien pour son camp…

     Le colossal geôlier eut été fort surpris en apprenant qu’aux derniers combats succéderait une journée de répit. Il finit par trouver l’idée judicieuse : les vivants n’étaient pas les morts, ils avaient besoin de repos pour être efficaces au combat. Avec dame Penthésilée (et contre le gré de celle-ci), il revint au Fort du Sang, où la vaillante demoiselle serait moins tentée de s’échapper. Ils furent bien accompagnés : bon nombre de vampires ne souhaitaient guère passer la journée dans un campement bretonnien bouillonnant de rancœur. Le Fort offrait en ce sens un bien meilleur confort, par son éloignement et par sa construction stratégiquement difficile d’accès.  

     Ulrich fut enchanté de pouvoir échanger quelques mots avec deux des vampires qui chevauchaient à leurs côtés : Erwin von Loenen et son maître Knut. Ce fut ce dernier qui engagea la discussion, intéressé notamment par l’état de santé de dame Penthésilée, son état d’esprit et tout ce qu’elle pouvait représenter pour les mortels. Von Stromdorf se fit un plaisir de l’éclairer sur toutes ses questions, profitant de l’occasion pour s’enquérir au sujet de l’identité des deux vampires. Autour d’eux, les quelques immortels qui chevauchaient en leur compagnie tendirent l’oreille : tous voulaient en savoir plus sur le seul vampire encore en lice.

     « Nordland », « cavalerie impériale », « apprentissage », ce fut à peu près tout ce qu’il put en tirer à force de politesse, et en resta bien frustré. Il lui semblait que le maître dragon de sang déviait les questions directes comme l’on dévie une arme pointée sur soi. Lorsque toutefois il tenta une approche différente, il fut au contraire comblé plus qu’il n’en faut : tout du long de leur chevauchée, Knut Nattfekter lui conta avec entrain des dizaines de faits d’armes aux quatre coins de l’Empire où lui et son apprenti furent impliqués. Il se tournait souvent vers Erwin pour rafraichir sa mémoire apparemment défaillante, recevant toujours une réponse simple et efficace, comme si l’apprenti fut habitué à cette tâche. Ce dernier menait une conversation très polie avec les autres vampires de la chevauchée, tressant des louanges à son maître et son enseignement, le regard un peu dans le vague et les pensées ailleurs…



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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyLun 25 Juil 2016 - 13:18


     Arrivée au Fort, Penthésilée insista qu’elle fût laissée seule. Nul ne sut jamais si dans sa chambre, elle eut cédé à l’abattement qui se voyait sur ses traits, ou si elle eut passé la journée dans une fervente prière à la Dame, ou si elle s’entraina. Elle accepta sobrement ses repas, rendant son geôlier aussi mélancolique qu’elle l’était. Von Stromdorf ne fut point fâché de retrouver la compagnie de Knut et des autres vampires, auxquels ce dernier apprenait des chansons impériales. Lorsque par hasard, ils étaient plusieurs à connaître l’air et les paroles, les murs du Fort résonnaient de leurs voies tantôt criardes, tantôt profondes.

     A la tombée de la nuit, la demoiselle fut stupéfaite en voyant Brionne, le maître d’armes de sa maison, franchir le seuil de sa fenêtre, chargé d’un épais volume et de deux longues épées en bois.        






Grandes joutes
Quatrième jour



     Le matin suivant, le Fort se vida de nouveau. Un message du chroniqueur était parvenu par un grand oiseau noir : le tournoi reprenait.
     Ulrich fut surpris, même frappé au cœur en voyant sa prisonnière avec de nets cernes sous les yeux. Il se retint de lui en tenir rigueur, mais s’étonna qu’elle puisse ainsi céder à une nuit sans sommeil alors que tout n’était pas encore joué. Peu après, quand elle ne regardait pas dans sa direction, il la vit arborer un étrange sourire… Le frisson qui lui parcourut alors l’échine fut interprété comme un tremblement du à l’humidité de l’air ambiant.


     Les tribunes se remplirent. Baudouin de Parravon remua une millième fois ses pensées en essayant de déceler un piège quelconque, une entourloupe, n’importe quoi qui justifie cette pause soudaine qui lui avait valu des centaines de questions la veille. Être obligé de répondre à chaque fois « J’y travaille » lui avait meurtri son amour-propre et anéanti sa journée. Si le brave Bertrand n’avait pas toujours été là pour lui servir du bon vin et ramener constamment de bonnes choses à manger, il aurait certainement cédé à la colère, voire pire, il aurait tout laissé tomber et se serait retiré à l’abbaye.
     Toute la journée, en dépit des recherches et de la surveillance aux tribunes, ils n’avaient rien trouvé. Un incident notable avait toutefois émaillé sa constante inquiétude : le sire de Saint-Ange, remis de sa défaite de la veille, s’était affairé à rechercher le vampire qui avait causé sa chute. S’il ne put le retrouver, même en ayant crânement fouillé les tentes des morts-vivants, il ne provoqua pas moins d’une demi-douzaine de rixes dont il ne sortit vivant que grâce à la bénédiction de la Dame, à sa chance et à son bon sens qui le rattrapait toujours au dernier moment.

     Le duc nota une nouvelle l’odeur dans l’air : celle de sang caillé mélangé à une sorte de marais salé. Il ne lui fallut pas longtemps pour en trouver l’origine : l’un des deux revenants exhalait de nouveau des effluves d’horreur. Baudouin refusa de s’imaginer ce que ce serait lors d’un éventuel combat final.
     Cette pensée l’amena à considérer le tirage au sort effectué la veille avec l’infâme Von Essen : cette puante carcasse ambulante devrait affronter Silvère en ce jour… Désireux de s’assurer de la bonne santé du champion, le duc le fit appeler. Quelques temps plus tard, il fut informé que le sire de Castagne était introuvable. Affolé, les tripes en feu, mais en apparence simplement maussade, le seigneur de Parravon fit mander le sire Dangorn, qui, lui, devait probablement être renseigné au sujet de son cousin. Lorsque toutefois ce noble sire manqua également de se présenter, le duc écarquilla les yeux, se reprenant après quelques instants où ses sujets le virent fort inquiet.
     « Trouvez-les, » - dit-il à ses écuyers et au bon Bertrand. « Que tous les chevaliers restent en place : nous ne devons surtout pas montrer notre trouble à l’ennemi. »

     Ses hommes disparurent de sa vue, alors qu’en face de lui, la tribune des morts-vivants devenait de plus en plus populeuse. Qui donc, par ailleurs, étaient ces horribles revenants en guenilles, portant tantôt une bouteille vide, tantôt un pistolet ? Un p…
     Grâce à son voisinage avec la capitale de la poudre impériale, le duc savait à quoi il pouvait s’en tenir lorsque de telles armes étaient aux mains d’un ennemi. Que la Dame leur vienne en aide…






Erwin von Loenen (Ulflefoufurieux) contre Oldrick le seigneur des batailles (Kaops)


     Par chance, le premier combat n’opposait point un vivant à un mort. Un mort allait en combattre un autre, et bien des bretonniens sentirent une sorte de joie malsaine à l’idée de voir leurs ennemis s’affronter entre eux. Les plus mesurés et réfléchis se jurèrent d’observer attentivement ce combat, afin de pouvoir transmettre des astuces à Silvère, lorsqu’il remporterait le sien.
     Un vent de panique balaya les rangs des nobles sires lorsque tous virent que le sire de Castagne manquait à l’appel. Ils furent toutefois apaisés par un duc de Parravon livide, annonçant haut et fort que le saint homme s’était retiré dans la plus pieuse des prières, et ne se présenterait sur le sable de l’arène qu’en temps voulu par la Dame.
     A ces mots, un discret hochement de tête de dame Gaea acheva de rassurer les sceptiques, et tous se tournèrent vers le combat qui se préparait.

     Erwin von Loenen, le dragon de sang, et Oldrick le seigneur des batailles, roi revenant, se présentèrent de part et d’autre de la lice, armés de pied en cap. Au dessus d’eux, le ciel était couvert, et de sourds grondements de tonnerre résonnaient dans le lointain.
     L’ancien roi sentit sa cape se mouvoir, apparemment sans raison. Il lui apparut pourtant évident qu’elle aussi pressentait le terrifiant affrontement à venir. Oldrick jeta un dernier regard aux alentours, apercevant sans mal un nécromancien qui retenait à peine son excitation. Le chroniqueur avait la tête tournée vers son adversaire, de même que le sire Ulrich. La demoiselle, en revanche, l’observait, mais détourna rapidement le regard lorsque ses orbites creuses la fixèrent. Knut Nattfekter regardait apparemment dans le vide, mais le roi revenant ne s’y trompa guère : ce vampire-là voyait tout, sentait tout, savait tout.
     Il saurait alors les limites de son apprenti.

     Ce dernier n’eut de cesse de fixer son ennemi, d’examiner son équipement, cherchant des failles potentielles. Erwin n’avait guère besoin de soutien : entre son maître et lui, tout avait été entendu bien avant ce combat : l’épreuve allait être ardue, rien ne garantissait sa victoire. Il allait devoir l’arracher, honorablement.

     Le signal fut donné, les tribunes retinrent leur souffle ; les deux combattants s’élancèrent l’un vers l’autre, abaissant leurs lances ; le vampire aperçut la cape du revenant s’étendre dangereusement, ajusta son coup.
     Il jura au dernier moment : l’espace d’un instant, la cape dissimula la lance ennemie de son regard ; alors qu’il sentit sa propre pointe ricocher sur l’armure ennemie (2T+1T, 1B, 1 svg), il n’eut que le temps de dévier la charge ennemie vers son avant-bras, évitant le pire (Oldrick : 2T, 2B, 0 svg + 1 svg, 1 PV !).
     Le seigneur des batailles jeta sa lance sans attendre : contre un ennemi de cet acabit, il ne faisait pas de faveurs. Dans la seconde où il se retourna, le dragon de sang était déjà sur lui, fulgurant (3T + 1T, 2B, 1 svg, 1 PV !). Voyant des lambeaux de cape et de mailles voler, Oldrick dégaina aussi vite qu’il put, insensible à sa blessure.
     Il riposta avec véhémence, constatant subitement que son ennemi était moins précis dans ses gestes qu’à son habitude. Fort de son entrainement de la veille, le roi revenant brisa la garde du vampire affaibli par la blessure reçue lors de la charge (1T, 1B Coup Fatal !  1 PV !!!). La foule stupéfaite vit les deux combattants se figer, le seigneur des batailles tenant la pointe de sa lame contre la gorge du dragon de sang.
     Maudissant intérieurement l’artifice magique de son ennemi, Erwin reconnut sa défaite.    




       


Dernière édition par Von Essen le Mar 26 Juil 2016 - 2:31, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyLun 25 Juil 2016 - 19:02



     Les bretonniens virent la tribune vampirique en proie à une vive agitation : des cris d'indignation fusaient de part et d'autre, suite à quoi les protestataires les plus virulents allèrent même jusqu'à importuner la loge centrale, où siégeaient Von Essen, von Stromdorf et leur prisonnière. Le chroniqueur dut faire face à une poignée de vampires exigeant chacun quelque chose : reconduction du combat, reconduction du combat sans la cape maléfique, disqualification pure et simple du vainqueur... Certes guère enchanté par l'issue de l'affrontement, Von Essen n'en demeura pas moins inébranlable ; il se leva, accompagné d'un assourdissant fracas de tonnerre : une pluie torrentielle commença à tomber.
     - JE décide des règles ici ! - hurla-t-il à l'encontre des immortels. - Le revenant à gagné ! HORS DE MA VUE !!!
     Dans une explosion terrible, un aveuglant trait de foudre frappa pile à l'endroit où se tenaient les protestataires ; le bois de la tribune vola en éclats fumants, les vampires perdant pied et s'effondrant durement par terre, deux toises plus bas. Ils se relevèrent du choc quelques instants après, une prière de mort aux lèvres, quand une voix claire et menaçante retentit derrière eux :
     - Vous déshonorez mon combat. Un mot de plus et je vous tue.
     Les bretonniens les virent se retirer dans les ombres sous la tribune vampirique. Alors, le dragon de sang s'en détourna et quitta lentement la lice.


     - L'affaire du sire Kruger n'a pas encore été réglée, - prononça Ulrich von Stromdorf, coupant le calme forcé de la situation.
     - Quoi ? - le chroniqueur se détourna à grand peine de certaines pensées meurtrières.
     - La mort du regretté Malkir, ça ne vous dit rien non plus ?
     - Hein ?! - l'évocation de ce méfait acheva d'alerter le vampire, qui faillit perdre contenance. - Vous, vous... Enfin, ce bon à rien n'était pas des vôtres, et la rixe du sire Kruger ne vous concerne pas davantage -
     - Sauf que là, les gars que vous avez envoyé balader étaient des nôtres, de l'ordre.
     Derrière eux, blottie rigidement contre son siège, Penthésilée se gardait d'émettre le moindre son. Von Essen, quant à lui, éplucha avant de répondre une dizaine de jeux de mots avec "remettre à l'ordre" dedans.
     - Messire, - dit-il enfin, - me refusez-vous le droit de me faire respecter lorsque certaines limites sont franchies ?
     - Non...
     Le chroniqueur bondit en arrière, mais seule sa protection magique l'empêcha d'être décapité sur place ; il atterrit quinze pas plus loin face au sire Ulrich, qui tenait sa lame au clair...
     - ... mais dans l'ordre, - l'expression mauvaise du chevalier de sang tranchait nettement avec son habituelle bonhomie, - on se serre les coudes, même dans nos pires bêtises !
     - Un instant !
     Von Stromdorf leva les yeux au ciel et se retourna vers l'importun : un vampire aux traits d'un homme âgé s'approchait.
     - Le sire d'Essen a très bien fait, - dit-il tranquillement. - Si vous voulez faire l'enfant, Erwin et moi jouerons aussi. Tenez, vous avez même un public qui nous observe.
     Ulrich et Von Essen saisirent l'allusion aux bretonniens.
     - Je ne tiens pas à me couvrir de ridicule, - poursuivit le maître dragon de sang. - Si on joue, la partie sera vite terminée.
     - Même pas peur ! - gronda von Stromdorf.
     - Vous avez le droit de relever le défi. Les mortels ici présents seront enchantés de broyer ceux d'entre nous qui survivront.
     Un silence pesant s'ensuivit, dura presque une éternité. Lentement, le colossal chevalier de sang rengaina sa lame, sans mot dire. Chacun de leur côté, les autres immortels qui assistaient à la scène lâchèrent la poignée de leurs armes. Penthésilée expira un grand coup.  
   


 
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MessageSujet: Re: Le tournoi du Fort de Sang   Le tournoi du Fort de Sang EmptyMer 27 Juil 2016 - 2:05

***


   Martin Delatour alla discrètement faire son enquête. Qu'est-ce qui pouvait bien amener ici Silvère de Castagne, le cousin du baron Dangorn, alors qu'il était censé se trouver à Sainct-Landouin, dans le château familial ?

   Le jeune escuyer se fit le plus discret qu'il pût en parcourant la cinquantaine de pas qui séparait la tente de son suzerain de celle de Silvère, qu'il avait déjà repérée avant que ne commencent les joutes, alors que Dangorn lui-même ignorait encore que son cousin participait lui aussi au tournoi.

   Il se glissa tel un renard - son emblème - sous l'auvent, faisant mine d'être un serviteur du seigneur Silvère et de s'assurer que les sardines étaient plantées correctement. Un chevalier sortant de la tente voisine l'interpella.


   - Hé le pouilleux ! Que fais-tu ici ?

   - Heu... chuis qu'le servant d'messire Silvère, messire !

   Le chevalier le regarda un instant d'un air suspicieux. Puis il éclata de rire.

   - Ce cachottier de Silvère ! Il veut faire croire à tout le monde qu'il n'a point de serf. Je savais bien qu'il plaisantait. Mais dis-moi, je ne vois pas les armes de ton seigneur sur tes habits, tu ne portes pas ta livrée ?

   - L'est toute crottée, messire, j'l'a foutu au lavoér, la Fanchon l'est en train d'la récurer. Messire Silvère y m'a dit d'vérifier qu'l'a tenture l'est ben fixée, à c'qui paraît l'aut' jour y'a vu un piquet qu'était pas droé. Avec c'te rocaille dans l'sol, c'est point aisé.

   - Fais donc ton travail et cesse donc de te plaindre. Je dois me rendre en tribunes. Salue ton maistre de ma part.

   Le chevalier tourna bride vers l'arène. Martin en profita pour jeter un œil par l'ouverture de la tente.

   Silvère n'était pas à l'intérieur. Une petite table et un tabouret se trouvaient au chevet du matelas au centre de la tente. Sur la table reposait un encrier et une plume ainsi qu'une lettre pliée, non cachetée. Martin l'ouvrit et commença à la lire silencieusement.



Citation :
Messire del Insula,

   Navré d'avoir dû m'absenter ces jours-ci, mais j'ai retrouvé la trace du vampire qui a dévasté les terres de mon cousin et transformé les gueux en ignobles zombies. Le vampire est ici, au Fort-de-Sang, et il prend part au tournoy dont dépend le sort de dame Penthésilée. J'ai bien l'intention de le vaincre et d'obtenir réparation pour les méfaits dont il est l'auteur, et qui ont causé mon départ du château de Castagne. Lorsque mon honneur sera vengé, je reviendrai vous servir. Mon cousin participe également au tournoy, je l'ai vu plusieurs fois se battre contre les engeances de la non-vie et il a certainement entendu le héraut annoncer mon nom lorsque mon tour fut venu. Je dois rapidement occire le comte Morgueil et partir avant que Dangorn ne vienne me poser des questions sur les raisons de ma présence.

Comme vous me l'avez demandé, j'ai


   Silvère était visiblement parti précipitamment sans avoir eu le temps de terminer d'écrire sa missive.

   Entendant des bruits au-dehors, Martin sortit furtivement de la tente et s'en alla rendre compte de sa découverte à son maître. Dangorn n'allait sûrement pas être très content d'apprendre que son fief avait été laissé à la merci de l'ennemi et que son cousin, qu'il avait chargé de défendre son château et son domaine pendant sa quête du Graal, s'était enfui, laissant un vampire massacrer les habitants puis réanimer les corps pour en faire ses serviteurs.


Le tournoi du Fort de Sang Undead10

   En effet, le chevalier de la quête ne fut pas enjoué par la nouvelle.

   - J'espère, - déclara-t-il, - que mon cher cousin a combattu vaillamment avant de prendre la fuite comme un pleutre. Et j'aimerais aussi connaître le nom de ce vampire ! S'il a vraiment souillé notre fief et l'honneur de notre famille, je me ferai un devoir d'aider Silvère à lui faire rendre gorge, avant de m'occuper de régler cette affaire. Un chevalier de Castagne jamais ne fuit !

   Dangorn avait l'air déterminé à défier son propre cousin en duel à l'issue de la victoire sur le monstre qui avait osé ravager sa terre natale.




Chevalier Chevalier Chevalier






     Alors que le calme se rétablissait du côté de la tribune vampirique, Von Essen s’apprêta à annoncer le combat suivant. Mais à l'appel des deux adversaires, le pirate revenant fut le seul à se présenter, ce qui suscita une certaine surprise.

     Les vampires se gaussèrent de la couardise des mortels et lancèrent des quolibets à destination des tribunes bretonniennes. Dans celle-ci, la surprise céda vite le pas aux pires craintes : d'aucuns envisagèrent une fourberie de l'adversaire, tandis que les plus pessimistes mirent en doute le courage du chevalier face à l'épreuve qui l'attendait. Le duc semblait perdre ses couleurs au fur et à mesure que ses écuyers revenaient sans nouvelles du retardataire. Il fut alors interpellé par un Von Essen qui semblait fort désappointé par la tournure que prenait son tournoi.

     - Messire Bretonnien, que fait donc votre ultime champion ? Dois-je reporter la lice ou déclarer un forfait ?

     Devant cette proposition, un brouhaha d'indignations et d'insultes fusa des rangs bretonniens, révoltés par de telles propositions qui seraient de graves manquements à l'étiquette : de mémoire de ménestrel, jamais une joute n'avait été reportée de la sorte, ni un chevalier déclaré forfait (hormis par temps de pluie). Seule Dame Gaea restait imperturbable, fixant résolument la forêt qui jouxtait la lice.

     Le duc bafouilla une excuse et tenta de reprendre contenance :

     - Peut-être pouvons nous attendre quelques minutes. Mes gens sont partis le quérir et ils ne devraient pas tarder à le retrouver.

     - Vous perdez votre temps, - pavoisa Euron. - Ce couard aura eu peur de m'affronter.
     À ces mots, Penthésilée se leva d'un bond, surprenant ses gardiens. Elle apostropha le revenant :

     - Vous osez douter du chevalier le plus brave et le plus dévoué à la Dame. Ne fanfaronnez pas trop hâtivement, ou vous pourriez regretter votre jugement. Je suis certain qu'il va venir et vous vaincre.

     - Je demande à voir, - se gaussa le revenant.

     - Et vous allez être fixé, - déclara la prophétesse du Graal. - Voici celui que vous attendiez tous !

     À ces mots, tous tournèrent les yeux dans la direction que la prophétesse désignait, et virent Silvère de Castagne sortir de la forêt, monté sur son destrier et fin prêt  pour le duel qui l'attendait.
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