Comme promis, voici un retour sur "Knights of Bretonnia".
Pour rappel, ce recueil contient les romans "Knight Errant" et "Knight of the Realm" sortis précédemment en format poche (et actuellement épuisés) ainsi que 3 nouveaux récits plus courts que les 2 premiers : "Rest Eternal", "Questing Knight" et "Grail Knight".
Une sortie en VF n'est toujours pas prévue pour l'heure et reste assez improbable.
D'une manière globale et pour ceux qui n'auraient pas le courage de lire mon pavé jusqu'au bout, même si j'ai quelques réserves sévères sur les 2 derniers opus,
je conseille à tous la lecture de cette série qui constitue à ce jour la source d'information la plus riche sur la Bretonnie et qui est dans l'ensemble très agréable à lire.
Anthony Reynolds nous gratifie tout d'abord d'une intéressante introduction sur son travail sur la Bretonnie, depuis les réunions préliminaires en 2002 qui ont conduit à la réorientation du Background et à la rédaction du LA V6 (dont il est l'auteur principal) jusqu'à l'écriture des romans.
Pour les 2 premières histoires, je vous renvoie aux revues de Leovric que je cite plus haut.
- Rest EternalIl s'agit d'une histoire assez courte (40 pages) dont l'intérêt premier est de faire le lien entre "Knight of The Realm" sorti 2 ans plus tôt et "Questing Knight". Accessoirement on peut aussi penser qu'il s'agit d'un teaser pour le recueil lui-même puisque "Rest Eternal" est disponible en e-book pour une somme modique.
On a donc le droit à un bref "résumé des épisodes précédents" et tout particulièrement la manière dont s'est terminé "Knight of The Realm".
On apprend ensuite que Calard a quitté son Château voilà 6 ans pour partir en quête du Graal et 5 qu'il a quitté la Bretonnie. Il a parcouru le Vieux Monde en long, en large et en travers et a survécu à d'innombrables aventures. Bien entendu, ça laisse la porte ouverte à d'éventuels futurs romans pour couvrir cette période dont on ne saura rien de plus ici.
L'histoire commence quand Calard est sur le chemin du retour vers la Bretonnie. Il s'arrête dans un village à la frontière de l'Empire pour débarrasser les habitants d'une wyverne qui va se révéler bien difficile à occire.
L'intrigue est originale (sans être renversante non plus) et montre que pour prétendre au Graal il ne suffit pas de découper du monstre à la chaine.
- Questing KnightCalard poursuit sa route vers Bastogne et son domaine. Pour une raison que je ne détaillerai pas ici
, il va devoir prendre rapidement le chemin de Moussillon. Ce qui donne prétexte à l'auteur pour passer au crible cette province sur laquelle on avait jusqu'ici assez peu de détails.
Quelques aventures, intrigues et révélations plus tard, alors qu'il est sur le point d'atteindre le but de sa visite, Calard est interrompu par une vision de la Dame du Lac qui l'appelle en d'autre lieu.
Finalement, cet opus apparait comme le dernier chapitre de ce qu'aurait dû être un vrai roman "Questing Knight". Le récit perd évidemment de la profondeur. On aurait aimé voir Calard progresser, s'endurcir, se rapprocher progressivement de la voie que lui trace la Dame du Lac. Bref, comprendre, le long cheminement de sa Quête du Graal et pas seulement avoir un aperçu de la fin.
- Grail KnightLa vision de la Dame du Lac conduit donc Calard ... dans la forêt d'Athel Loren qui sera le lieu où se déroule la quasi totalité de ce récit. Je ne pense pas tuer un grand suspens en disant que c'est dans cet opus (et donc en ce lieu) que Calard va obtenir le statut suprême ...
Le choix d'Athel Loren par l'auteur confirme (malheureusement ?) le lien entre la Dame du Lac et les Elfes Sylvains qui avait déjà été pressenti et qui avait nourri de vives discussions
ici-même. Néanmoins, on n'en saura pas beaucoup plus et la nature exacte de cette relation reste un mystère.
Maintenant, je voudrais m'attarder un peu plus sur l'analyse du récit mais je préviens,
c'est du GROS SPOIL ! Donc si vous avez planifié la lecture de ce livre, passez votre chemin !Ce dernier opus des aventures de Calard est pour moi une demi-déception. Voici mes réflexions un peu en vrac ...
I) La ressemblance avec "Les Gardiens de la forêt"Je n'ai pas lu "Les Gardiens de la forêt" mais si j'en crois
la critique du Baron Bis, Anthony Reynolds est tombé dans les mêmes travers que son collègue Graham :
- Les descriptions de la forêt d'Athel Loren sont convaincantes. Mais à part ça le récit est constellé d'évènements "trop trop mystérieux" et souvent confus.
- Seul un humain (un non-Elfe en tout cas) peut s'occuper de Drycha, la Dryade dissidente, mais on ne saura pas pourquoi ("trop trop" mystérieux, je vous dis ...)
- Calard est là pour sauver le monde, ni plus ni moins ! Car Drycha veut éradiquer les Elfes Sylvains dans un premier temps puis se répandre ensuite sur le monde.
- Calard va sauver le roi Louen (décidément, c'est une manie !), à la toute fin devant les portes de Couronne.
II) Un sens caché ?Cette ultime épreuve qui permet à Calard de devenir Chevalier du Graal contient-elle un sens caché ?
Est-ce juste une histoire ponctuelle (une dryade qui pète un cable et s'en prend soudainement aux Elfes) ?
Ou est-ce un cycle comme plusieurs éléments le laisse supposer : Cythaeros, surnommé l'étoile du matin doit mourir pour renaitre sous les traits d'Orion, permettre le passage de l'hiver au printemps, etc. ?
Dans ce cas, quel est précisément le rôle des Bretonniens dans ce cycle ? Est-ce un passage obligé pour devenir Chevalier du Graal ? Calard aurait-il pu atteindre le Graal ailleurs/autrement ? (Je dirais oui, puisque par exemple, la Dame est apparu à Gilles et ses compagnons dans la Forêt de Châlons)
III) Ariel et la Dame du LacAutre point de confusion, la succession d'évènements impliquant Ariel puis la Dame du Lac qui pourrait laisser supposer qu'il s'agit d'une même personne. Pour résumer :
- Calard aperçoit une divinité elfe endormie semblable à une statue de marbre
- Il zigouille Drycha (la Dryade)
- La Dame du Lac lui apparait, il boit au Graal
- Juste après, il croise Ariel (accompagnée d'Orion) qu'il identifie immédiatement comme la divinité de la statue (mais pas de mention à la Dame du Lac !)
La description de la Dame du Lac et d'Ariel "réveillée" est semblable (grande, belle, cheveux blonds, ...). Pour autant, en ayant relu attentivement et plusieurs fois ce passage, rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit de la même personne. Mais après ce qui est déjà suggéré dans "Les Gardiens de la Forêt", la seule proximité de ces évènements suffit à entretenir le doute.
IV) Le rôle de la Dame du LacLe dernier chapitre qui voit la Chasse Sauvage, guidée par Orion et embarquant Calard, anéantir les Morts-Vivants devant Couronne, permet d'éclairer l'ensemble du récit (c'est comme ça que je le comprends en tout cas) :
La Dame du Lac est au-dessus des Bretonniens et des Elfes Sylvains. C'est elle qui manoeuvre les destinées pour parvenir à protéger la Bretonnie. Elle empêche Calard d'affronter Meroveck à Moussillon (car il n'aurait eu aucune chance), le conduit ensuite dans la forêt d'Athel Loren pour qu'il aide les Elfes Sylvains à régler leur problème interne (mais qui aurait pu dégénérer en "guerre mondiale"). Et du coup les Elfes sont reconnaissants envers les Bretonniens et se rendent jusqu'à Couronne pour les aider dans leur lutte contre les Morts-Vivants. Et Calard tout fraichement devenu Chevalier du Graal va pouvoir affronter Merovech. Bref, Elfes Sylvains et Bretonniens devaient s'entre-aider pour la survie de leur domaine et c'est la Dame du Lac qui a oeuvré pour qu'ils y parviennent.
V) Statut social, profondeur du récit & CoUne des grandes qualités que j'avais appréciée dans les 2 premiers romans était l'attention que l'auteur avait portée aux explications sur le Background bretonnien et notamment les interactions sociales. La place dans la société des Chevaliers, leur rôle et le respect qu'ils imposent selon leur statut étaient bien rendus. Par exemple, la crainte et le respect mais aussi les devoirs de Reolus, le Chevalier du Graal, étaient largement détaillés. Dans une moindre mesure, même la courte apparition de Gundehar, Chevalier de la Quête, dans "Knight Errant" ne laissait aucun doute sur la dimension du personnage.
Malheureusement, dans les deux derniers opus, probablement à cause du format réduit, tout celà est passé à la trappe. Calard a très peu d'interactions sociales et se fait même railler les rares fois où il évoque sa Quête (devant Maloric par exemple). Et concernant sa Quête, l'auteur va à l'essentiel sans pouvoir mettre en évidence "le fil rouge" qui conduit Calard au Graal. Autrement dit, en quoi Calard est plus valeureux qu'un autre Chevalier ? En quoi mérite même-t-il plus le Graal ? Les Chevaliers vertueux sont nombreux tout au long du récit. Et parfois plus que Calard qui se trimballe quand même quelques casseroles. Il aurait été intéressant de laisser transparaitre ce qui fait la différence. C'est d'autant plus vrai que l'étape finale, toute mystique quelle soit, parait plutôt aisée (une épreuve vaguement psycholique, l'affrontement avec Drycha vite expédiée et le vrai-faux duel avec le Chevalier de Sinople).
J’aurais aussi aimé lire ce que Calard ressent en devenant Chevalier du Graal. Quelques éléments (très convenus au demeurant) sont distillés au compte goutte dans la suite du récit (ses traits paraissent sans âge, il anticipe les mouvements adverses, etc.). Mais sur son propre ressenti, sa nouvelle relation à la Dame, etc., on ne saura rien du tout …
Bref, comme je le disais plus haut, globalement ça manque de profondeur. On paie très cher la réduction de format des 2 derniers épisodes.
VI) Les Bretonniens à la batailleVoilà ce qui est sans doute ma plus grosse déception et que j'avais déjà relevé pour "Knight of the Realm" :
A la lecture de l'ensemble de la série, les Bretonniens passent pour de grosses baltringues ! C'est sans appel !
En effet, à part les actions individuels souvent très courageuses, les Bretonniens perdent toutes les batailles rangées :
- Une victoire sur les peaux-vertes mais il ne s'agissait pas réellement d'une armée organisée mais de troupes fuyant les Hommes-Bêtes
- Une branlée sévère contre les Hommes-Bêtes. Les survivants ne devant leur salut qu'à l'abandon de l'ennemi qui a trouvé ce qu'il cherchait. Même Dieter, l'émissaire de l'Empire se sent obligé de prendre le commandement des Hommes d'Armes tellement il est consterné.
- Une débâcle complète contre les Nordiques où les Bretonniens apparaissent complètement décérébrés en terme de stratégie et trop confiant en eux.
- L'échec à tenir le siège du Château de Lyonesse (pourtant réputé imprenable). Là encore, les Bretonniens s'en tirent car l'ennemi a obtenu ce qu'il voulait.
- Et dans le dernier opus, ce sont les Morts-Vivants qui avancent les doigts dans le nez jusqu’à Couronne et qui ne sont stoppés que grâce à l'arrivée des Elfes Sylvains. On a même le droit à une scène frisant le ridicule devant Couronne, où le roi Louen sur son Hippogriffe décide d'aller faire cavalier seul (c'est le cas de le dire !) au milieu des troupes Morts-Vivants et devant Merovech. Sa monture se fait retourner comme une crêpe et Louen reste bloqué dessous, provoquant une vague de panique et la fuite de l'armée bretonnienne ... Bref, c'est à l'image du reste ; les personnages sont téméraires et capables d'actes isolés remarquables mais question stratégie militaire c'est du zéro pointé.
Et je me demande vraiment le message que l'auteur a voulu passer sur ce sujet ...
Pour finir, on peut souligner qu’en bon auteur de Black Library qu’il est, Anthony Reynolds a laissé de nombreuses portes ouvertes pour de futurs romans : la période de 6 ans entre "Knight of the Realm" et "Questing Knight", la reconquête de son domaine en ruine / sa rivalité avec son voisin Maloric, ses nouvelles aventures en tant que Chevaliers du Graal, etc.
Malheureusement vu les difficultés de gestation des 2 derniers épisodes (délais, format réduit), on peut supposer que la série n’a pas rencontré un succès commercial suffisant et que la sortie de nouveaux romans centrés sur la Bretonnie reste très hypothétique …
Voilà, j'en ai fini ! Si vous n'avez pas lu ce recueil,
lisez-le (malgré mes critiques) ! Si vous l'avez vu,
donnez votre avis !