[Danse avec les loups] L'expédition

(HS : Pour ceux qui ne seraient pas au courant, je reprend le rôle de Raoul. Et comme le Rp n'avance, je me permet même de le relancer).


Raoul était donc partis explorer la piste, laissant derrière lui ses compagnons trainards, mais pas trop loin non plus. En effet le forestier ne désirait pas les perdre, ni être seul au cas ou il se retrouverait nez à nez avec les loups.
Des loups, ou plutôt "du" loup, il avait justement bien trouvé la piste. Des empreintes de pattes ici et là, des branches cassées, de la terre et de la neige fraichement retournée, et même quelques traces de sang du festin précédent.
Mais voilà que Raoul se mettait désormais à réfléchir. En fait, il se demandait s'il était bien sage de risquer tant. Bien sur il fallait retrouver le gamin, mais vu le carnage précédent il craignait que ses compains et lui-même ne finissent de la même manière, après une terrifique rencontre avec "la chose" qui tue.
Il s'était ainsi déjà imaginé l'horreur de leur rencontre avec "la bête", et de quelle manière ils pourraient finir éventré, découpé, dévoré, avant que leurs restes ne soient perdus dans la neige et leurs peaux accrochés sur les murs de la grotte du monstre. Tous cela lui avait littéralement retourné l'estomac.

Tandis que Beurk se trouvait assis dans la neige, près de lui et l'observant, Raoul entendit venir l'un de ses comparse.

" - J'y découle ma merde !" prévient-il.

En effet, il était accroupi derrière un buisson, le fondement touchant presque le sol glacé.

Chausson regarda partir Géraud à la suite du bastonnien et de son clébard. Visiblement, le vieux ripeur n'avait aucune idée de ce qu'il faisait. Arnould l'appela en chuchotant, essayant de faire le moins de bruit possible afin d'éviter d'attirer le sorcier et ses bêtes de malheur dans le coin.

"Géraud ! Reviens là sagouin !"

Ce dernier ne l'écouta point et tomba nez à nez avec le chien de Raoul qui grogna en le voyant arriver...

Cette fois, c’en était trop. Arnould avait tout vu. Le chien-sorcier venait de parler à ce fou de Géraud. Il y avait un pacte entre eux. D’abord, il fallait se débarrasser du chien. Ensuite, il ferait brûler Géraud comme sorcier et sodomite sans rémission.

En quelques enjambées, Arnould se rua sur Beurk et lui envoya enfin le rude coup de pied qu’il méritait depuis si longtemps (depuis le jour où il avait vomi sur le seuil du Hérisson Lubrique, en fait).

« V’là pour toi, 'spèce de saloperie d’corniau d’malheur ! » grogna Arnould alors que Beurk atterrissait truffe la première dans un buisson de houx couvert de neige. « Et t’avise pas d’refaire le malin d’vant moi, sans quoi ji tou tue. Et toi, l’Géraud, r’viens donc ici, tarte aux couilles. Laisse le dingue passer d’vant. »

En voyant le chien se poser devant lui avec un air menaçant, Géraud avait levé sa pelle et s'était tenu prêt à frapper. Arnould l'avait pourtant précédé et son intervention l'avait surpris, au point qu'il eut les plus grandes peines du monde à arrêter son coup avant de toucher l'aubergiste.

« Ch'est un missage poul les leus qu'y nous découle, le Rèour ! Même toi l'Arnould qu'étions pas bin connu poul êtle une lantelne, ti d'vlais li complend' qui ch'est un sourchier avec chon leu qui nous ménache de l'inteliol ! Ch'y ptet une taltocouilles, mais toi ch'est qu'ti y as point li chens coummun si tu volt poinct les mett' dans des tlous avant qu'y nous y mettiont.»

" Clévindiou de dlà ! " hurla Raoul, se levant d'un bond alors qu'il était encore défroqué.
Il entreprit de se ruer sur Arnould dans le but de l'étrangler, mais il se prit les pieds dans ses braies et s'étala de tout son long dans la neige. Pestant, il se releva en remontant son froque, puis avisa les vilains violenteurs de chien :

" J'vous permet pas de taper mon clébard là ! " dit-il en pointant un doigt accusateur vers les deux hommes et en les aspergeant de ses postillons. " Si que j'vous reprend à faire quequ' mauvaises choses comme ça, j'vous perd dans la neige ? T'ma bien compris ? "

Le forestier n'attendit point de réponse, il recouvrit sa chaude merde laissée au sol avec de la terre, puis entreprit de se diriger vers le buisson pour sortir Beurk de là.

Voyant Raoul pointer un doigt dans sa direction, Géraud paniqua. Il se cacha une seconde derrière sa pelle puis se jeta au sol, tombant avec la grâce d'une pierre.

« Il nous ja lanchèrun sol ! On va-t-y pas moulil dans d'attroches-et-très-jaffreuges-soufflanches ! Nous peld' dans la neige qui dilt ? Plomijourain, les jommes des neiges vont vinil nous dévoler ! Il a invocachioné les jommes des neiges, 'vec leuls nez-jen-calottes et leuls chapotes londs !»

Se mordant les doigts de la main gauche de sa dentition lacunaire, Géraud sanglotait et était comme paralysé par la peur.

Arnould eut un mouvement de recul en entendant Raoul s’en prendre à lui de si menaçante façon. Il n’avait jamais aimé cet homme, qui après tout était un étranger, et il en était même un peu effrayé. Mais voir Géraud pleurnicher comme un enfant devant ce sorcier de Raoul raviva sa fierté. Le vieux fossoyeur était peut-être un couard, mais Arnould Lebouteiller ne se laissait pas si facilement impressionner. Merdre.

« C’est-y donc qu’tu cherch’rais la castagne, l’étranger ? » fit-il en toisant Raoul. « Y a point pas d’place à Dantaray pour des sorciers v’nus d’ailleurs comme toi, cornegidouille. Et pour c’qu’est d’ton clébard à la merdre, si qu’tu savais l’tenir, on s’rait pas obligés d’y r’mette les idées en place, v’là c’que j’dis.

Et vous aut’, quoi que vous pensez d’vous faire menacer d’être perdus-trou-du-cul dans les bois par c’ramasseur de purin ? Un sorcier, v’là qui qu’c’est, et un qui commande aux loups, même, que c’est. Reste donc à ta place sans regimber, peau d’zob, ou ben on laisse le Géraud t’mettre une pétée ! »

(HRP : Ouééé ! Il a neigé ! Il a neigé à Paris ! Mettez-vous à poil avec votre copine et roulez-vous dans la neige !)

Géraud se releva d'un bond.

« Ch'est la pétée ? L'Gélaud y met la pétée aux mooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooolts !»

Devenu écarlate et tremblant après avoir hurlé ainsi sans reprendre son souffle, Géraud resta un moment, les dents serrées et les yeux exorbités, haletant comme une bête... une étrange veine semblait avoir gonflé sur son front.

Raoul, devant le buisson ou se débattait Beurk, gardait la bouche entre-ouverte et les yeux plissés, affichant de la sorte qu'il ne comprenait rien à ce qu'on lui disait.
D'abord, il avait pensé qu'on parlait d'un bonhomme de neige sorcier, puis que Beurk était un sorcier-loup, finalement il avait comprit qu'on l'accusait d'être un supôt des ténèbres, et rien de moins que le commanditaire des attaques !

" Par les couilles de mes aïeux ! S'rait t'y pas que vous seriez un peu consanguin dans vot' bled ? C'est la neige qu'vous ai monté au nez ou quoi ? Si qu'jettais un jeteur d'maléfices, y'a longtemps que j'vous aurai chargé la bouche en merdre ! "

Il reprit son souffle, et se concentra, tant il n'était pas habitué à devoir aligner tant de mots à la fois.

" Et si qu'vous m'accusez, ben moi que j'répond que ça serait-y vous les vilains sorciers, pass'que vous voulez faire pendre un pas coupable qu'est même pas sorcier ! "

Les toisant d'un regard furibond, il plongea sans regarder sa main dans le buisson afin d'en attraper Beurk par le collet. Mais soudain, il sentit une vive douleur à son bras : le chien, enragé, venait de le mordre et ne lâchait plus prise !
Hurlant tel un coq que l'on castre, il se mit à bondir d'un coin à l'autre, le chien toujours serré à son bras. Avec force vigueur, il frappa par trois fois l'animal contre un arbre, sans que celui-ci ne lâche prise. Finalement, il tournoya sur lui-même (toujours en hurlant), et là bête se décrocha, s'envolant droit sur Arnould et Géraud.

« Au loup ! » s’écria Arnould. « Au feu ! Au sorcier ! Promizoulin ! »

Il s’enfuit à toutes jambes en bousculant Géraud, et même en le poussant un peu, de façon à le placer entre le chien dément et lui. Preuve était maintenant faite que Beurk était un chien possédé par les démons de la forêt : il venait d’attaquer son propre maître, qui payait ainsi son pacte avec les esprits. Bien fait. Et avec un peu de chance, le chien-sorcier mangerait Géraud.

Alors que ces pensées se bousculaient sous son crâne dégarni, Arnould glissa et s’abattit de tout son long dans la neige. Il se relevait avec un grognement, la barbe blanche, quand il vit Beurk à quelques pas de lui. Cette fois, il fallait être brave. C’était le chien-sorcier ou lui.

« Ah, c’est comme ça ? » hurla le gros Arnould en brandissant son maillet. « V’là pour ta pomme, à c’t’heure, chien d’merdre ! V’là la pétée ! »

Le lourd maillet s’écrasa avec un bruit sinistre entre les oneilles de Beurk.

Arnould battit promptement en retraite, sans attendre de voir si l’ignoble bête était vaincue.

« Sus au chien du démon, compains ! » cria-t-il, espérant que d’autres viendraient en renfort. « L’corniau l’est deviendu fou ! Tudez, décervelez ! Coupez-lui les oneilles ! »

Robert Chausson avait assisté à ce déferlement de violence sans pouvoir esquisser un geste. Visiblement, Arnould et Géraud s'étaient alliés -chose surprenante- contre le bastonnien dont la bête était bel et bien possédée. Le craquement sinistre résultant du coup de maillet d'Arnould sorti Robert de sa torpeur, il regarda le chien s'effondrer dans la neige.
L'animal bougeait encore et Arnould s'était éloigné gueulant quelques inepties en patois dantarayens. Géraud brandissait déjà sa Suzanne bien haut pour le coup de grâce...

Géraud arriva vers la bestiole agonisante avec son plus beau sourire (hum...) avant de lui asséner un violent coup sur la truffe. Frappant du tranchant de sa fidèle Suzanne le cou de la bête, il tenta de séparer sa tête du reste de son corps pendant quelques secondes, mais, constatant que la chose était plus compliquée que prévu, se contenta de cracher.

« Eh eh eh eh eh eh eh ! Un tlou ! Un va faile un joli tlou poul que li Moll y choy bien content et tout.»

Sans attendre, Géraud se mit à la tâche, enfonçant avec difficulté sa grande pelle dans la terre gelée et couverte de brousailles de cette maudite forêt.

« Un trou ? » s’écria Arnould. « Pis quoi, encore ? Une veillée funèbre ? 'Coutez-moi tous ! C’corniaud-là, l’est-z-un démon et-z-un sorcier. Faut l’brûler, et j’ai idée qu’ça pourrait chasser l’mauvais œil et conjurer la malédiction des loups qu’on nous a jeté dessusse. Au bûcher, l’clébard ! »

Fou de rage, Géraud explosa, écumant de rage.

« Cha chuffilt ! Cha suffilt ! CHA SUFFILT ! Les molts dans les tlous. Ch'est-y point que t'y va nous dile que t'étions un grand connoisseur de la fachon dont on doite se déballacher d'un colps. Les molts cha m'connoit. Chi tu volt que li Moll il choy satisfacte, tu lui mettes des molts dans la terle. On ch'est donc point comment cha s'passe chi on qu'fait pas comme chà. Le reste ch'est des méthôôôdes de chourchiers pas natulelles !»

« Tant qu’on parle de sorcier, violeur de cadavres de ma phynance, ça fait un moment que j’me dis qu’y faudrait p’t’êt’ t’envoyer toi-z-aussi au four ! » tonna l’aubergiste en gesticulant, son maillet au poing. « V’là maint’nant qu’tu nous empêches de brûler l’chien-démon ! Curieux, que j'dis, et même plutôt ben suspect ! Tu s’rais pas des fois l’complice des loups et des sorciers d’Husselype et des lutins d’la forêt ? L’Beurk, y faut l’brûler comme sorcier et hérétique : il est fou et y m’a changé en salamandre ! »

Devant un argument aussi imparable, Géraud ne trouva rien à répondre. Se grattant la tête, il abaissa sa pelle.

« En chalamandle, hein... beh bah faut qu'on l'y blûle alols. Chuis poinct ribouteux, mais t'y devlais chans doute blûler l'endroit-zou-qui-t'a-moldu auchi. Mais y a qu'un tluc que j'ajoutions: les rechtes du chourchien, faudla les enteller ou moi j'vous l'diche, on aula des ploblèmes avec li Moll !»

Arnould eut un soupir de soulagement en voyant Géraud se rendre paisiblement à ses arguments. Il n’avait aucune envie de recevoir à nouveau la pelle du fossoyeur sur la tête.

« J’préfère ça, l’Géraud. » fit-il. « Tu d’viens raisonnable. On va brûler l’Beurk, et ensuite on l’enterrera ben profond, et tout l’monde s’ra content, hein, l’Raoul ? Am’nez donc du p’tit bois, vous aut’ ! »

Raoul était assit dans la neige non loin de là, pensant la plaie à son bras avec un vieux torchon. Il gardait la tête basse pour masquer ses yeux rouges de larmes, non pas qu'il eu spécialement mal (enfin si, mais bon) mais il était très touché par la mort de son chien-chien à sa mémère. Il connaissait la bestiole depuis qu'elle était enfant, lorsqu'il l'avait trouvé dans un sac flottant au milieu d'un lac.

Raoul ne comprenait pas comment cette bête qu'il avait élevé ait pu le mordre. Du coin de l'œil, il regarda Arnould, le cynopathe. Il se dit que Beurk était devenus fou à cause de cet homme qui l'avait jeté dans le buisson, mais en poussant plus loin sa réflexion il commençait à se demander si Arnould n'était pas responsable de tous cela : Peut-être que Beurk lui avait grogné dessus parce qu'il avait sentis quelque chose ? Pourquoi s'était-il empressé de tuer l'animal ? Pourquoi voulait-il brûler tous le monde ? Pourquoi n'était-il pas trop d'accord quand à l'idée d'enterrer le clébard ? Et l'odeur émanant de cet individu était-elle vraiment humaine ?

Raoul avait compris, équarrissant des yeux au moment ou ses deux neurones entrèrent en collision pour faire naitre cette idée : Arnould est le sorcier !

Mais il cachait bien son jeu, aussi Raoul fit-il profil bas, se concentrant sur le soin de sa blessure et ne laissant rien paraitre, se contentant d'un râle d'affirmation quand au propos d'Arnould. Il trouverait un moyen de le démasquer, plus tard...

Chausson, appréciant pour le coup que la rivalité entre Arnould et Géraud soit au point mort ne fit rien pour les contrarier, bien au contraire. Cependant, le sort de Justin était toujours inconnu, et brûler ce maudit corniaud ne leur rapporterai rien hormis une perte de temps. Aussi il décida de hâter les préparatifs pour le bûcher du canidé.

"Allez Dennis et Marec, aidez-y moi à trouver du bois pour mettre c'te salle bêêêêêête au four."

Peu de temps après le tas de bois était conséquent et Arnould put assembler un semblant d'autel. Il avait un grand sourire aux lèvres, étant en passe de réaliser un des ses passe temps préféré. Puis se faisant solennel, il se mit à parler.

« Dantarayois, mes bons compains, je crains point de l’dire, ce jourd’hui est un grand jourd’hui. » commença-t-il, levant son fidèle maillet comme un signe de ralliement.

« Car-z-en effet, dans un souci d’hygiène et de justice sociale, nous allons avoir l’honneur de faire montre d’not’ infinie miséricorde dessusse la personne de Beurk, chien canidé d’espèce canine et possiblement palmipède, voire mammifère ovipare et à poils longs et autres, vu rapport que celui-là Beurk a été convaincu d’sorcellerie horrifique, d’invocation des esprits et des âmes des mourus, de magie noire comme pois et sentant de loin-z-hérésie, de dévoration d’enfants au berceau, d’fraude fiscale, vol à la tire et autres. Et-z-il faut en outre de plus aussi ajouter également qu’il a été mêmement convaincu d’m’avoir changé en salamandre, ce qui est magie très-sinistre et prouve que ledit Beurk est possédé par les démons.

Les charges ont-z-été enr’gistrées, reçues, examinées, retenues et en fin de compte dûment confirmées de par not’ très-saint tribunal au jugement sûr et prompt, aidé, soutenu et plus encore renforcé de par not’ clairvoyance mirifique et que l’monde d’au-delà des montagnes en g’néral et les galapiats merdreux d’Husselype en particulier nous envient !

À présent, et comme en guise de préambule, je vas avoir le douloureux devoir d’signifier au cadav’ puant d’Beurk le bien nommé l’étendue d’not’ mécontent'ment. Que tous ceusses qu’ils ont des œils soyent prêts à écouter, et aussi bien à regarder de toutes leurs oneilles : en fait d’oneilles, j’les vas couper à c’corniaud d’sorcière au moyen du saint et sacré couteau à oneilles ! »

D’un geste lent et grave, Arnould tira un couteau de ses chausses et essorilla majestueusement le chien-démon.

« Ces oneilles arrachées de haute lutte, compains, nous seront talismans terrifiques et même elles conjureront-z-à coup sûr l’mauvais n’œil. »

Arnould choisit sur le bûcher improvisé une branche vaguement pointue et y empala Beurk par le fondement, en forçant un peu. Ceci fait, il le plaça au sommet du tas de bois, figé dans une attitude grotesque.

« Çà ! regimberas-tu encore, ridicule bouffre ? » fit l’aubergiste en toisant le chien-sorcier. « Ji tou tue avec supplice et lacération du postérieur. Et si que nous étions point pressés par le temps, nous aurerions fait subir à ton déplorable cadav’ l’estrassion du cervelas par les talons et l’arrachement partiel de l’estomac, suivi de l’ouverture d’la vessie natatoire avec suppression du nez, terminée, conclue et parachevée par la pétée du Géraud. »

Ces paroles prononcées, il jeta un brandon sur le bûcher, et ainsi finit la détestable existence de l’ignoble Beurk. Bien fait.

Raoul, qui avait jusque là observé la scène assis sur un rocher, se leva car son postérieur commençait à être anesthésié par la froideur de la pierre. Il observait la macabre cérémonie d'un air maussade, regrettant que son brave toutou, semble t-il possédé par un démon de quelque magicien, est été mutilé de la sorte sans autre forme de procès.

Le forestier imaginait déjà l'ignoble sourcier Arnould finir de la même manière, avec une broche à rôtir les porcs planté dans le fondement...

Mais pour l'heure, un évènement attira son attention ; à quelques lieux de là, une volée d'oiseau avait décollé prestement et bruyamment, ce qu'aucun autre de ses camarades n'avaient semble t-il remarqué. Quelque chose venait d'effrayer ses bêtes, mais quoi ?...

" Compains ! dit-il. Calmez vot'liesse, je crois ben que quequ'chose de pas ranormal du tout se passe dans le lointain... "

L'après midi commençait à peine et le bûcher finissait de se consumer lentement ; une odeur de poils et de chair brûlée emplissant l'étroite clairière où les Dantarayens avaient détruit l'immonde carcasse du corniaud ensorcelé.

Les Villageois regardaient tous les flammes d'un air vague, réchauffant leurs membres engourdis à la chaleur du bûcher déclinant. Seul Chausson fit attention à la remarque de Raoul, et il regarda les arbres enneigés les entourant. Il sentait une présence à proximité. Il faisait encore grand jour et il leur fallait avancer si ils voulaient retrouver son neveu. Il prit son baluchon et ses armes puis fit signe à ses compains de le suivre.

Occupé à creuser son trou, Géraud ne prêta pas la moindre attention au gros Chausson qui voulait se remettre en route. Au contraire, pour la première fois depuis le début de l'expédition, il semblait s'amuser.
La terre était dure et gelée, mais Suzanne en avait vu d'autres. Le plus dur avait été de trouver un emplacement à peu près dépourvu de végétation. D'ici une heure, il aurait sans doute terminé.

Arnould ne fut pas fâché de voir Géraud creuser son trou sans se préoccuper de Robert. Avec un peu de chance, ce retard les empêcherait de rejoindre le sorcier et ses bêtes démoniaques. Bien sûr, le petit Justin était un brave gars, mais il n’y avait sans doute plus grand-chose à faire pour lui. Les loups l’avaient à coup sûr décervelé avec supplice et exorbitation des yeux. À bien y réfléchir, il était tout à fait superflu de risquer sa vie en partant à la recherche d’un cadavre, et leur expédition était vouée à quelque triste fin.

D’autant plus que Raoul le regardait d’un drôle d’air depuis la mort de Beurk. Il fallait se débarrasser de celui-là aussi ; s’il restait en vie, il n’en sortirait rien de bon. En outre, c’était avec Arnould lui-même le seul à vraiment connaître la route d’Husselype. S’il venait à disparaître, il serait facile de ramener les autres du côté de Dantaray sans qu’ils s’en doutent.

Restait à savoir comment Raoul allait disparaître.

Après un instant de réflexion, Arnould s’approcha de Géraud. Il était fou et sans doute sorcier lui-même, mais il pouvait peut-être se rendre utile.

« Dis-donc voir, mon vieux Géraud, » fit-il à voix basse, de façon à n’être entendu que de lui seul, « j’trouvions qu’le Raoul y nous r’garde avec des œils bizarres, ouais. Qu’on dirait presque qu’y nous en veut d’l’avoir sauvé d’son sale corniaud ensorcelé, tu crois point ? Avec çui-là, y faut s’attendre à tout. P’t’êt’ qu’ça s’rait pas malheureux si qu’y lui arrivait un-z-accident, hein ? C’que t’en penses ? »

Géraud observa Arnould s'approcher de lui avec méfiance. En l'écoutant parler et exposer ses arguments, Géraud ressera ses mains sur la hampe de sa bonne vieille pelle. Il hésita un moment à assommer Arnould sans le laisser finir et à le foutre dans le trou du chien, mais il finit par reprendre son travail comme si de rien n'était.

« Bah ! Des ach'cidents, qui tu dis? Moi jaussi, j'y croyons que ch'est un chourchier. Des jannées que je lo digions mais que perchonne il écoute le Giraud. Poul chûr que j'allions poinct t'en empâcher si tu li tou avec torchion du nouz mais j'vais poinct aider un chourchier à en tuer un autle, à cha non poul chûr. Mardre ! Le plomier qui vint au Gilaud pour lui faile de tlucs de chourchier, ch'est un coup d'Chuzanne dans les joneilles et une bonne pétée qui léveille. Tôôôôa comme un aut', bouffeul de vomichure qui voulions blûler tout l'monde ! Va touer ton Rèoul chans moè.»

Géraud n'avait pas pour habitude de parler à voix basse. Vivant seul depuis des années, il avait même une fâcheuse tendance à hurler plus qu'à parler. Cette fois n'avait pas fait exception.

La compagnie, dont la plupart des membres avaient commencé à se diriger vers le lieu du mystère, avait cependant très bien entendus la conversation, tant Géraut avait beugler sa réponse. Raoul ne faisait pas exception à la règle, et ce même malgré l'épaisseur de cire au creux de ses oreilles. Il s'arrêta un court instant, fit chauffer sa cervelle, et soudain se retourna, levant les bras au ciel.

" Compains ! Vous avez bien entendue qu'est-ce que ces deux là ils disaient ! C'n'est point assez pour eux de cramer un corniaud enragé, il leur faut maint'nant mettre au bucher un gentil conci... concoy...contiya... un gentil habitant d'not' village ! Qu'j'en dit que ces gaillards sont dangereux car ils voient des sourciers partout ! Surtout le Arnould ! Y vont tous nous y foutre au feu vous verrez ! "

Tandis qu'il s'enflammait dans son discours, Raoul ne put faire attention au bruissement d'une biche qui s'élança plus loin dans le bois, comme effrayé par quelque chose qui semblait se diriger vers le groupe...

« Tais-toi, donc, sorcier d’mes oneilles ! » beugla Arnould. « Qu’tu vas nous faire entendre par les loups à-z-hurler comme si qu’on t’égorgerait comme un porc, 'spèce de moule ! Ji tou tue avec supplice et lacération du postérieur. »

Quant à ce misérable rebut de Géraud, il ne perdait rien pour attendre, songeait l’aubergiste.

« Et maint’nant, assez ri, à c’t’heure, y nous faut-z-aller sercher l’Justin, hein, l’Robert ? Et tant pis pour l'trou du Géraud, l’corniaud, y s’pourra ben enterrer tout seul, de par ma merdre ! »

Les cinq villageois s'ébrouèrent, ramassèrent leurs affaires et prirent le chemin derrière Raoul et Chausson. Géraud restait derrière en finissant de recouvrir son trou (HRP: Expliquez moi l'intérêt d'enterrer les restes d'un cadavre consumé sur un bûcher...?)
Ce dernier fini par les rattraper, mais en restant à une distance respectueuse comme toujours, se félicitant pour ces obsèques rapidement expédiées. Il avait hâte de recommencer.

Chausson essayait tant bien que mal de suivre la piste, sans clébard, c'était dur de s'y retrouver, heureusement, Raoul lui apportait son aide. Ils entendirent moult bruits dans les fourrés autour d'eux, ce qui ne rassura guère Dennis, Marec et Arnould. Le raffut qu'ils avaient fait tout à l'heure en immolant le corniaud maudit avait du forcément attirer l'attention du Sorcier et de ses loups. La raison leur aurait sans doute dicté de rebrousser chemin et de rentrer à Dantaray. Or, Chausson et Marec voulaient retrouver Justin et Arnould lui avait apporté un secours inattendu en entrainant le départ. La nuit commençait à tomber et l'obscurité allait bientôt envahir la forêt. Ils étaient sans le savoir pas très loin d'Husselype, encore une lieue et il allaient sortir de la forêt.



Il arrivèrent dans une petite clairière et Arnould posa son baluchon, et ordonna l'arrêt pour la nuit. Marec s'empressa de rassembler du bois mort et dressa un petit feu donc la lumière éclaira le tronc des arbres alentours. C'était leur deuxième campement en pleine forêt et il ne pouvaient s'empêcher de repenser au premier, la nuit précédente. Raoul fixait l'obscurité pendant que ses compains s'installaient en rond autour du feu. Géraud avait posé ses fesses osseuses sur un rocher non loin de là.

Alors que chacun était affairé de son coté, Marec entendit remuer dans un fourré non loin de la, puis le bruit d'une course lui parvint assez nettement, pas celle d'un animal, mais celle d'un homme. Il fit signe à ses compagnons de stopper leur vacarme. Il empoigna son arc et visa l'obscurité. Le bruit des pas se rapprochaient et il n'allait pas tarder à découvrir qui en était la cause. les dantarayens empoignèrent leurs armes et se tinrent prêts à en découdre avec un sorcier, un husselypien, ou que sais je encore...

Une forme humanoïde sombre, de la taille d'un gobelin, déboula dans la clairière enneigée en boîtillant, tandis que d'autres bruits de pas et de branches cassées se faisaient entendre tout autour.

La compagnie paniquait silencieusement, chaque membre se rapprochant les uns des autres et formant comme un cercle pour voir surgir les "choses" qu'ils ne pouvaient discerner et qui semblaient les entourer dans la forêt. La sueur froide coulait sur les visages figés dans un rictus terrifié, tandis qu'une odeur d'urine commençait à se faire sentir...

La tension était à son comble alors que les bêtes mystérieuses approchaient. Que pouvaient-elles être ? Sans doute des lutins de la forêt. Arnould avait eu raison de penser qu’il y avait quelque sorcellerie noire et horrifique derrière toute cette histoire.

Il ne pouvait supporter de rester à attendre ainsi sans agir. Il aurait bien pris la fuite, mais toute retraite paraissait coupée. Quitter les autres pour s’aventurer seul dans ces bois hantés n'aurait été que folie. Il fallait faire quelque chose, et vite, apaiser ces démons en leur présentant une offrande. Un jardinet, par exemple. On pourrait aussi leur proposer d’abattre le plus grand arbre de la forêt avec un hareng. Ou encore… mais oui… pourquoi pas…

Arnould s’approcha avec la plus grande discrétion de Géraud, le saisit par les épaules et lui administra un coup de pied de premier choix dans le fondement pour l’envoyer valser du côté de la mystérieuse silhouette. Si les dieux étaient avec eux, les lutins mangeraient le fossoyeur et laisseraient les autres en paix.