[IYAQCDPDLDDG] Chapitre II

Le sang de Guyon ne fit qu'un tour et se souvenant des conseils des bons chevaliers, il fit sa tête la plus sinistre pour faire peur à l'ennemi et hurla son ancien cri de guerre étant peu doué pour les langues estrangère :

"Por le Pélican !Por le Pélicaaaaaaaaaaaan !!!" Guyon hurla comme un dément tout en escaladant la barricade fortune et dresser de toute sa taille asséna un coup de merisier au plus proche des bandits tandis que Beppe se portait à l'aide de son maître...

Tout à son combat, l'homme prit trop tard conscience du danger que représentait le lourd gourdin de Guyon et ne se retourna que pour le voir, un court instant, s'abattre sur son crâne. Alors qu'il chancelait, Din se fendit brusquement et lui perça le bas-ventre de sa rapière. Le triomphe fut cependant de courte durée. Les efforts désespérés que le Tiléen venait de fournir en se battant à deux contre un et sa blessure à l'épaule gauche avaient sérieusement émoussé son adresse comme sa vigueur, et il fut incapable de retirer assez vite sa lame du corps de son adversaire. L'un des bandits saisit ce moment de faiblesse et lui porta un large coup de taille destiné, selon toute probabilité, à lui faire sauter le chef. Même s'il n'avait pas été désarmé, il aurait été difficile à Din d'éviter l'épée, et il n'échappa à la décollation que de justesse, grâce à ce qu'il lui restait de réflexes. L'arme vint malgré tout s'abattre avec force sur sa nuque et il tomba lourdement sur le sol, la tête en sang.

Beppe ne put retenir ses cris que parce qu'il était muet (Note du Baron bis : Désolé, c'était trop tentant. ). Voir son maître bien-aimé rouler dans la poussière, le crâne peut-être brisé, sembla anéantir en lui toute ardeur. La relative surprise de l'assaut passée, il ne pouvait guère soutenir les attaques d'un bretteur avec son gourdin, et il commença de battre en retraite.

Guyon, de son côté, était un renfort de valeur pour Bérard. Les deux hommes avaient apparemment une conception proche du combat, fruste mais efficace. Avec deux de leurs compagnons à terre, dont un qui ne tarderait pas à périr de ses blessures s'il n'était déjà mort, les bandits se firent moins audacieux dans leurs assauts. Exténué comme il était, Bérard pouvait difficilement en tirer parti, mais Guyon redoubla d'efforts tandis que Beppe le secondait comme il le pouvait.

La branche de merisier faisait éclore une nouvelle bosse quand un « Écartez-vous ! » tonitruant retentit derrière Guyon et ses compagnons. Sans gère prendre le temps de réfléchir, ils se dégagèrent vivement en se rapprochant des murs, pendant qu'un tonnelet filait devant leurs yeux et finissait sa course dans le nez d'un brigand. Alaudet avait finalement trouvé moyen de se rendre utile.

Les deux hommes encore à peu près indemnes entraînèrent leur camarade au nez sanglant et s'éclipsèrent aussi vite qu'il leur était possible. Le combat avait manifestement trop duré pour eux, et ils étaient sans doute dans la profession depuis assez longtemps pour savoir abandonner une affaire quand la victoire n'était plus entièrement assurée.

Beppe se précipita sur le corps de son maître, toujours inconscient, et commença de panser sommairement sa blessure, sans trop savoir, apparemment, ce qu'il convenait de faire. Le bandit touché par Din était mort, et celui que Bérard avait terrassé d'un coup de pommeau avait disparu à la faveur de la mêlée.

Alors que Guyon, essoufflé mais victorieux, s'asseyait sur le tonnelet briseur de nez, Alaudet bondit vers lui. « Ma fille. », demanda-t-il. « Dites-moi si vous les avez vus l'emporter et par où ils sont allés, je vous en conjure. Je vous assure que je saurais... »

Il fut interrompu par une voix martiale et bien timbrée, venue du bout de la rue, derrière eux : « Bong, les gars, ils ont fini, ong peut y aller. »

Une demi-douzaine de gens d'armes lourdement équipés, portant vouge, casque et cotte de cuir cloutée, s'avançèrent au pas dans la venelle. L'officier qui les menaient apostropha Alaudet et ses défenseurs du haut de sa monture.




« Alors, mes bons gaillards, ong fait du tapage et ong empêche les honnêtes bourgeois de dormir ? Voie de fait sur ung paisible passant, et eng pleine Saint-Philibert, encore ! » fit-il en désignant le cadavre du bandit.

Bérard et Guyon n'eurent pas même à dire un mot, Alaudet s'était déjà précipité.

« Je suis maître Alaudet Le Ferrant, bourgeois de Valfons, avec siège au conseil de la guilde des drapiers, messire soudard, et je vous ferai pendre dès que ce me sera loisible ! » cracha-t-il. « Apprend, pauvre sot, que nous avons été assaillis en cette rue dans laquelle tu es censé assurer la paix et que ma fille vient d'être enlevée par je ne sais quels vauriens. Si tu tiens à ta tête, je te conseille de te secouer et de me la ramener. »

En apprenant à qui il avait à faire, l'officier prit un air obséquieux, trop ridicule pour être sincère : « Veuillez me pardonner, maître Alaudet, j'ignorais qu'ung si haut et digne bourgeois pût se trouver mêler à si sordide affaire. Nous allons nous mettre eng chasse de ces misérables au plus vite. »

Alaudet eut une espèce de rire amer et plus ou moins désespéré.

« Oui, je n'en doute pas, avec autant de hâte que vous en avez mis à nous secourir alors que vous étiez à trois pas dans cette ruelle. Je ne connais pas votre nom, » ajouta-t-il en se tournant vers Guyon, « mais si vous pouvez donner la moindre indication qui permette de retrouver ma fille, parlez à cet imbécile. Les hommes qui l'ont enlevée ont dû passer votre barricade. »

Tout à coup, Din se réveilla.
Il lui fallut quelques instants pour réaliser qu'il se trouvait dans un environnement très blanc, cotonneux, semblable à un nuage.
Mais oui, c'était bien un nuage sur lequel il marchait !

Levant alors les yeux pour tenter de percer le mystère qui l'entourait, Din fut frappé de stupeur : il se trouvait devant une immense grille en or scintillant sur laquelle brillait avec encore plus d'ardeur une pancarte finement ciselée sur laquelle on pouvait lire en lettres de diamant :

BARILLA

Le coeur de Din fit un bond dans sa poitrine. Se pourrait-il que ?...

Soudain, une voix interrompit le flot de ses pensées

- " Benvenuto !"

(oups ! pardon, je passe en VF)

- "Hein ! Quoi ? Qui est-ce ?"

- "Bienvenue Din. Entre, tu es ici chez toi"

- "Mais où suis-je, madame ?"

- "Tu es dans l'antre des antres, le nirvana du nirvana, à côté duquel le banquet d'Odin fait figure de cantine désaffectée. Tu es chez... Barillaaaaaa. Maintenant, tu vas pouvoir passer toute une éternité à manger les pâtes que tu préfères, avec les sauces les plus subtilement savoureuses."

- C'est... c'est magnifique ! Mais qui sont ces gens, près des poubelles ?"

- "Ce sont des Estaliens."

- "Des Estaliens ? Quelle horreur ! Qu'est-ce qu'ils fichent ici ? C'est une honte !"

- "Calme-toi. Ils sont ici pour ton bon plaisir. Tu peux déverser tes ordures sur eux, leur marcher dessus quand bon te semble, leur couper les oneilles, avec torsion du..."

- "Oui, oui, je sais. Quand est-ce qu'on mange ?"

-"Mais, quand tu veux, Din. C'est libre-service 24h/24"

- "Mamma mia ! J'arrive !"

Et Din se mit à sautiller joyeusement en direction de cette porte sacrée qui lui ouvrait une ère de plaisirs éternels. Elle était déjà loin, la ruelle de Valfons...

"Beng comme qui dirait vous arrivez après l'orage, M'ssire Soudard, le Berard qu'est pas le Bérard, ceution couru par là bas vir si les y z'étaient pas. Vous saviez point où qu'on trouverait un r'bouteux pour le brave qu'est tombé dans la ruelle ainsi qu'une auberge où reposer les fatigués d'la nuit ?"

« Le Bérard qu'est pas le Bérard ? » répéta lentement Bérard. « Je ne saisis pas. »

« Inutile de perdre encore plus de temps avec des détails ! » fit Alaudet qui s'impatientait. « Vous voulez bien dire que les ravisseurs se sont enfuis par cette rue, c'est bien ça ? Alors qu'attendez-vous pour les poursuivre, messeigneurs les gens d'armes imbéciles ? Qu'on vous botte le train ? Ils étaient trois, en pourpoint de cuir, épée ou coutelas au côté. Quelqu'un vous dira bien ce qu'ils sont devenus ! Des marauds ainsi vêtus qui emportent une fillette blessée, ça se remarque, de par la Dame ! »

L'officier s'inclina avec une courtoisie outrée.

« Il eng sera fait selong votre bong plaisir, maître Alaudet. Bertrand, prenez deux hommes et allez-y. » dit-il en se tournant vers l'un de ses gens.

« Rentrez chez vous à présent, maître Alaudet. Vous savez que les rues ne sont pas sûres à la nuit tombée. »

Alaudet grogna une réflexion sur la mère de l'officier, que ce dernier fit mine de ne pas entendre.

« Quant à toi, le simplet, » fit-il en désignant Guyon du doigt, « ne t'inquiète pas, ong va te trouver une bonne paillasse pour cette nuit. Ong s'occupera aussi de l'endeuillé, là. Porte-le donc, le gros, puisque tu t'en soucies tant. » ajouta-t-il en se tournant vers Beppe, qui ne quittait pas son maître.

Ces derniers ordres donnés, l'officier rassembla ses hommes. Laissant derrière eux Bérard et Alaudet, penchés sur le cadavre affreusement mutilé de Gilbert, les miliciens se mirent en marche, escortant à travers les rues enneigées de Valfons Guyon et Beppe qui portaient un Din toujours évanoui.




(Que va-t-il se passer ? Où donc la digne et honnête milice valfonsoise emmène-t-elle nos trois héros ? Suce-panse. La suite du texte arrive.)

"Madamina ! Adesso, spaghetti alle vongole, per favore !

"Et faites venir encore un Estalien, que je lui vomisse mes penne alla carbonara sur ses pieds nus".

"Ah ! Barilla ! Barilla !!!"

...

Ce fut la lumière d'un soleil radieux qui tira Marius de son sommeil. Il se sentit soudain parfaitement désespéré, sans cependant y voir de raison. Puis il se rappela qu'il se trouvait dans un cachot glacial du château de Verfeuil, une ancienne maison forte qui servait à présent de quartiers aux gens d'armes de la garde de Valfons, ainsi que de geôle et de tribunal, dans un souci d'économie.

Depuis maintenant deux semaines, pour autant qu'il s'en pût souvenir, on le laissait croupir là, les fers aux mains et aux pieds, tout juste assez nourri pour ne pas mourir de faim. Il ramena sur ses épaules la couverture crasseuse et trouée qui lui servait également de drap de lit et repensa aux mémorables événements qui l'avaient conduit en ces lieux.

Tout commençait à la fin de l'automne. Les bois de Sombrefeuille prenaient une belle teinte mordorée et l'on amassait des provisions pour l'hiver, qui promettait d'être rude. La saison traditionnelle des batailles s'achevait, et l'ost du baron Fulcrand était revenu à La Tour après une brève campagne aux côtés du vicomte de Gannes, un allié et lointain parent. Marius et ses hommes n'ignoraient pas les bruits qui couraient : on répétait que le baron était excédé par les nouvelles venues des fiefs du sud-est de la forêt de Sombrefeuille, où se trouvait alors leur campement. On prétendait même qu'il avait abrégé sa campagne, au risque de se brouiller avec le vicomte, pour se débarrasser avant l'hiver des hommes-bêtes, mutants, maraudeurs et bandits de grand chemin qui y défiaient sa loi.

Marius lui-même, fin connaisseur de ce genre d'entreprises, dut avouer que la campagne de mise au pas de la région était menée de main de maître, avec une terrible efficacité. Les seigneurs les plus belliqueux de la baronnie, les chasseurs les plus acharnés parmi les vassaux de Fulcrand organisèrent un vaste massacre. Chaque soir, des monticules de cadavres étaient entassés et brûlés, à la grande joie du bon peuple. Les arbres en bordure des routes se couvraient des corps pendus de brigands et des crânes hideux d'hommes-bêtes. Les braves fermiers, bûcherons et charbonniers du pays, encouragés à se constituer en milices, soutenaient la campagne avec férocité.

Face à une telle débauche de moyens, les bandes comme celles de Marius comprirent bien vite qu'il était grand temps d'aller voir ailleurs si le baron y était, quitte à revenir à la belle saison. Certaines y parvinrent, mais d'autres n'eurent pas cette chance et furent piégées par les troupes de jeunes chevaliers errants qui sillonnaient les bois sans relâche, ou par les combattants dépenaillés des milices de Sombrefeuille, qui se montraient encore moins magnanimes dans la victoire.

Les seuls à échapper au carnage tout en restant à Sombrefeuille furent les pires. Il s'agissait d'une coterie de désespérés nommés les Coupeurs d'Oneilles. Parmi eux se trouvait la lie de la baronnie : risque-tout divers, routiers devenus bandits, voleurs d'enfants, ravisseurs de jeunes filles, Tiléens et mutants. Marius en savait assez sur ces misérables pour deviner qu'ils s'étaient enfuis au plus profond de la forêt, dans une région impénétrable, grâce à quelque pacte avec les hardes d'hommes-bêtes qui dominaient l'endroit. Le chef de la bande, le terrible Quatrezoneilles, était lui-même un mutant, d'où son sobriquet.




On réserva une attention toute particulière à Marius et à ses hommes, qui avaient eu l'honneur d'irriter quelque haut vassal du baron. La région dans laquelle ils sévissaient alors fut envahie de gens d'armes et les herrimaults se retrouvèrent bientôt encerclés. Sachant qu'une mort fort désagréable les attendait en cas de reddition, ils firent front avec ce qu'il leur restait de vigueur et de courage.

Par un beau soir d'automne, leur camp fut assailli et incendié. Marius ne dut son salut qu'à son habileté à se fondre dans les bois qu'il connaissait comme sa poche. Privé de compagnons, sans ressources, il erra quelque temps à travers la baronnie avant de découvrir que son nom, son histoire et son visage étaient connus et sa personne activement recherchée par les hommes d'armes du baron Fulcrand.

Échappant une fois encore à la hart, ou pire, il dut fuir vers le nord et gagner le marquisat de Perbrancas, domaine du seigneur Foulques. Celui-ci n'étant pas au mieux avec le baron de La Tour, on pouvait supposer qu'il n'allait pas déployer trop d'efforts pour capturer le simple hors-la-loi qu'était Marius.

C'était compter sans la tenace rancune d'un commerçant physionomiste qui reconnut Marius dans un marché de Valfons pour l'homme qui, deux ans auparavant, l'avait détroussé et renvoyé chez lui en chemise. La garde valfonsoise fit diligence, et l'escorta pieds et poings liés jusqu'au château de Verfeuil -où il se morfondait à présent.

Marius ne se faisait aucune illusion sur son sort : il serait pendu. Du reste, ses geôliers n'en faisaient pas mystère. La raison pour laquelle on tardait tant à le pendre lui échappait ; sans doute les gardes ne voulaient-ils pas être privés de celui qui était devenu leur souffre-douleur attitré. Dès son arrivée, il avait été isolé des autres prisonniers, de crainte que son influence néfaste ne les rende moins dociles. On choisit avec soin le pire cul de basse-fosse et on l'y jeta. Le soupirail du cachot, que l'on prenait bien garde de ne jamais couvrir, laissait généreusement passer le vent glacial qui soufflait au-dehors.

Marius sursauta soudain en prenant conscience qu'il n'était plus seul dans sa cellule. Trois hommes avaient été enfermés avec lui durant son sommeil. L'un d'eux, vêtu de noir, la tête disparaissant sous un pansement maladroit, était étendu de tout son long sur le sol crasseux. Les deux autres étaient appuyés contre le mur, encore endormis.

Un bruit de pas sinistre retentit dans le couloir et détourna l'attention de Marius de ses nouveaux compagnons. C'était le pas d'Andry le Verrat, chef des geôliers, qui l'avait pris en grippe dès qu'il l'avait vu. Avec un grincement, la porte du cachot s'ouvrit et Andry apparut.




« Bieng dormi, mong péquélet ? Je suis venu te border hier soir mais tu m'as pas entendu. » fit l'homme en riant grassement de sa propre plaisanterie.

« Et t'as vu, c'est fête, aujourd'hui. T'as des amis qu'ong t'a apporté. C'est joli, nong ? Tu leur diras comment que ça marche ici, pisque t'es de la famille, maintenant. Allez, tiens, ta soupe. » fit-il en jetant devant lui une écuelle remplie d'un liquide nauséabond qui éclaboussa le sol glacé. « Mange, que tu dois grandir. Et sois heureux, poil de cul, j'ai pas pissé dedans, ce mating. » ajouta-t-il en agrémentant le brouet d'un épais glaviot.

« Et bon appétit bieng sûr. » conclut-il en envoyant un coup de pied dans l'estomac de Marius.

Il se mit ensuite en devoir de réveiller les trois nouveaux venus de la même manière avant de quitter la pièce en sifflotant.

L'homme au pansement se redressa avec un grognement, aidé par ses deux compagnons. Il paraissait secoué, mais bien vivant. Cela n'importait guère, cependant. Marius pouvait sans problème retraçer l'histoire récente de ces trois-là : la milice les avait surpris dans quelque ruelle à parler trop fort et les avait embarqués, sourde à leurs protestations, pour être pendus dans les plus brefs délais. C'était ainsi que les gardes du château de Verfeuil célébraient la Saint-Philibert.

(Je vous laisse profiter de cette ambiance chaleureuse et intime pour faire connaissance.)

Comme d'habitude, Marius ne releva pas l'insulte et les sarcasmes de son geôlier. Se rebeller ou ne serais-ce que lui répondre aurait donné à l'autre une raison de se déchainer à nouveau sur lui. Il se contenta de ramener à lui la gamelle dont il connaissait trop bien le maigre et repoussant contenu, à croire qu'on lui donnait les restes des gamelles des limiers du baron.

Il avala goulument le peu de soupe qu'il restait dans la coupe et se tourna vers ses nouveaux compagnons de cellule. Il n'avait guère eu le loisir de les voir arriver la veille, plongé dans un sommeil agité. Il repensait sans cesse au visage de ce marchand de Valfons et ruminait sa vengeance contre ce drôle qui l'avait fait coffrer alors qu'il avait fait le plus dur en sortant indemne de la battue organisé contre lui et ses hommes. Son esprit s'attarda un instant sur les souvenirs heureux avec ses compagnons de vie champêtre. Combien avaient survécu? Combien avaient été pendu ou moisissaient dans des geôles putrides en attendant leur sort comme lui...?

Il se redressa et contempla les trois malheureux larrons. L'un paraissait sérieusement blessé à l'épaule, les deux autres l'entouraient essayant sans y arriver de soulager la douleur qui le parcourait. Il avait du mal à comprendre ce que baragouinait le premier, ce n'était pas du patois de Gasconnie. Cela sentait l'étranger, Marius pensa immédiatement aux proies qu'ils auraient pu devenir en traversant son domaine de Sombrefeuille.

Il engagea la conversation :

D'où vous sortez vous autres? Si vous êtes gascons, alors je suis rien d'autre qu'un mutant de Sombrefeuille !

"Disions qu'on est pas vraiment du lieu. Moi, j'viens de loing mais j'saurai pas dire où que c'est c'bled. Messire Din est un tiléen et Beppe sans doute aussi, quoi qui soit pas des masses causant l'valet. Doit s'croire plus mieux que les autres avec sa taciturnie.

Enfing, j'étois dans l'bouzin pour faire la bringue et pis j'sais plus trop ce qui s'est passé, on s'est battu, on a courru, on s're battu et pis y a un bourgeois, Alaudais le marchand, qu'a dit qu'il pouvait faire c'qui voulait de M'sire Soudard, le gars du Guet. Et du coup, l'a fait mine d'être bon, l'm'sire Soudard et d'nous emmener quelque part de bieng, mais ou j'suis le fils d'un ours ou bieng on est dans les cul de basse fosse d'la ville, non ?"

Assommé par un violent mal au crâne et une douleur lancinante à l'épaule, Din n'a pas vraiment la force d'engager la conversation avec le quatrième occupant de la cellule.

Tout ce qu'il parvient à dire, c'est :
- "Nous sommes retenus ici contre toutes les règles de la justice et de l'équité ! Nous sommes venus au secours du marchant Alaudet, et voici comment nous sommes remerciés !".

A ces mots, il se recouche en espérant un prompt retour du côté de Barilla...

"Les règles de la justice et de l'équité" maugréa le herrimault dans sa barbe... Comme si les gens qui les avaient jeté aux cachots connaissaient le sens de ces mots...

"Deux tiléens" ainsi donc releva toutefois Marius, "me disais bien que vous étiez même pas bretonniens..."

Puis il reprit :

"Je suis Marius Aigrefin, herrimault en villégiature dans cette geôle accueillante depuis quelques jours désormais, promis à un sort peu enviable... je me demande pourquoi il n'ont pas daigné me supplicier immédiatement... Je gage qu'ils ne vont pas tarder à se rappeler de moi avec votre arrivée..."

Guyon s'agita, n'osant trop prendre la parole, tout en ignorant si le chevalier comprenait ce qu'était un herrimault en villégiature dans ce type d'endroit. Ca portait le mauvais oeil de parler aux morts. Même à ceux qu'l'sont pas encore tout à fait.

Discrètement, Guyon replia le majeur et l'annulaire de chacune de ses mains et pointa les trois autres en crachant au sol. Le symbole de Bavemort pour coller le mauvais sort où qu'il est. Guyon eu un sourire sinistre à cette pensée.

Derrière la lourde porte du cachot, au bois noir de crasse et renforcée de robustes ferrures, une certaine agitation se faisait entendre, et la face porcine du geôlier Andry ne tarda pas à reparaître sur le seuil.

« Je vous ai manqué ? » demanda-t-il avec son ignoble sourire satisfait. « Maintenant que tout le monde est réveillé, ong va s'occuper de vous. Pas toi, bouffe-merde, te bile point. » ajouta-t-il à l'adresse de Marius. « Toi, ong te garde pour après. »

Le geôlier fit un pas de côté pour laisser entrer un personnage fluet et déplaisant, nerveux, l'air impatient.




« Ong dira point », reprit Andry, « qu'à Valfons y'a point de justice. Que vous allez être jugés, et par ung juge, encore. C'est même trop beau pour vous, tas de vermines. Tâchez de pas lui faire perdre song temps, qu'il a point que vous autres à juger, eh. »

Le juge lança un bref regard aux trois hommes.

« Vous comparaissez tous trois en ce jour pour tapage et scandale en les rues de la cité franche de Valfons, voie de fait sur de paisibles passants, homicide, refus d'obtempérer et outrage aggravé à un officier tenant autorité du conseil des échevins, ainsi qu'en atteste le rapport du prévôt Lepotier. Si les charges sont retenues, vous serez pendus de par le marquis Foulques. » récita-t-il d'une traite, sans reprendre son souffle.

Il désigna Beppe de son doigt maigre.

« Nous commencerons par celui-ci. Qu'as-tu à dire pour ta défense, misérable ? »

Voyant ses chances de survie se réduire dramatiquement, et malgré la tentation d'une éternité de Barilla à volonté, avec vomissure sur pieds d'Estalien, Din rassembla ce qu'il lui restait de force pour s'adresser au juge peu amène qui se tenait devant eux, raide comme la justice.

- "Messire juge", fit-il péniblement, "cet homme est muet. Etant donné qu'il est mon fidèle serviteur depuis de nombreuses années, je parlerai pour nous deux.

Puis, Din regarda le juge droit dans les yeux, espérant obtenir un regard suffisamment ferme pour éveiller l'intérêt du juge et susciter son attention, à défaut de l'impressionner réellement.

- "Je suis le Chevalier Ferdinando Anselmo Giovanni Ermenegildo della Spada Sacra, originaire de Luccini, en Tilée. Vous me voyez en Bretonnie pour faire honneur à la mémoire du Chevalier François de Héronsec, tué par un orque alors qu'il défendait ma soeur. Je me suis juré, depuis ce jour, de venger leur mort en envoyant dans l'au-delà autant de peaux-vertes que possible. Mes pas m'ont conduit à Valfons où, contrairement à ce que l'on vous a raconté, je n'ai point fait de scandale, mais je suis venu en aide au marchand Alaudet qui venait d'être attaqué par des marauds."

Désignant ses deux compagnons d'infortune, Din poursuivit :

- "Beppe, et le pauvre Guyon, m'ont prêté main forte dans cette tâche, et sans notre intervention, il est fort probable que le marchand Alaudet s'en serait allé rejoindre ses ancêtres. Sa fille a été enlevée, d'ailleurs. Le prévôt qui nous a arrêtés pourra vous le confirmer."

Fatigué, Din reprit son souffle quelques instants.

"Aussi, messire juge, est-il urgent que vous répariez cette erreur dans le témoignage qui vous a été fait. Les marauds sont ceux qui ont été occis ou ont fui. Nous sommes d'honnêtes hommes qui avons défendu notre vie ou celle du marchand Alaudet. A ce titre, vous devez nous laisser sortir et recevoir les soins qu'imposent ces blessures reçues en défendant des Bretonniens."

A bout de force, une douleur lancinante lui vrillant les tempes et l'épaule, Din se recoucha, à la limite de l'évanouissement.

Le juge n'avait cessé de pincer les lèvres d'un air indigné à l'audition du discours de Din, et paraissait encore moins bien disposé à l'égard des trois hommes que lorsqu'il était entré.

« Oui, bien entendu, j'entends le cas. » fit-il d'un ton grinçant. « Vous êtes plus innocents que l'enfant qui vient de naître, c'est certain. »

Le geôlier eut un rire gras.

« Mais je vais vous envoyer au bûcher pour sorcellerie et commerce avec les démons, moi ! » éclata le juge. « Puants marauds ! Ainsi donc les faquins ramassés de nuit par la milice se mêlent aujourd'hui de dicter sa conduite à la justice du marquis ! Voilà bien notre époque. Ce sont toutes ces inventions et ces techniques modernes qui rendent les gens impudents, l'imprimerie, la poudre, les vêtements à crevés et la poésie tiléenne ! On se croirait à La Tour. Je vous ferai écarteler pour votre audace.

Alors cet homme est muet, hein ? Bien sûr. Vous le jugez trop sot pour me répondre sans vous perdre en avouant toute l'affaire, et vous préférez parler pour lui. Entrave au bon fonctionnement de la justice et outrage et aussi adoration des démons. Misérables, vous allez passer par l'échafaud. Et tu t'appelles Ferdinando de Je-ne-sais-quoi de Je-ne-sais-où ? Mais oui ! Quant à moi je suis le duc Couillard de Mortepine de Chauldepisse de Saint-Merdigues.

Cet homme n'est pas muet, nous en aurons la preuve quand il criera merci, pendu à son gibet ! Et toi, le drôle, tu peux bien te faire passer pour un prince de Tilée, tu n'en seras pas moins pendu pour démonologie et magie noire avec préméditation. Quant à ce troisième larron, son visage correspond trait pour trait à la description horrifique que le seigneur Thibaud de La Fondrière fit de son assassin, juste avant de mourir, il y a de cela treize ans. Je me rappelle aussi qu'un muet enlevait les enfants pour les faire bouillir, dans le quartier des orfèvres. Cela ne remonte pas à plus de trois ans, j'ai le compte-rendu de l'enquête bien à l'esprit. Et le gueux nous avait échappé. Tout concorde, c'est bien lui.

En conséquence, après procès et audition des deux parties, délibération équitable et débat contradictoire, je vous dis et déclare coupables de tous crimes qui pourront être désignés, avec circonstances aggravantes et sans rémission possible. Vous serez pendus tantôt.

Voilà. »

Il griffonna deux mots sur son registre.

« Ah, mais. Voilà qui vous apprendra à moquer encore la justice.

Bien, passons aux suivants, Andry, mon ami. »

Le juge sortit, suivi par le geôlier, qui referma la porte avec brusquerie, non sans avoir murmuré un discret « À tout de suite. » aux trois prisonniers.

- "Heu... quelqu'un a une idée pour une évasion ?"

Guyon s'accrocha aux barreaux et hurla à l'attention du juge qui s'éloignait

"D'abord, vot'e grandeur, ceution point le prévot Lepotier qui nous a vîr c't'nuit, ceution le prévot Soudard. C'est à lui qu'faut causer ! En plus, M'sire Din il a point mentis, ong a bien aidé un marchand de vot'e cité ! C'est le marchand Alaudais qu'faut aller mander ! "

Guyon soupira profondément.De toute façon, il avait l'habitude de ce genre d'avanies. La vie n'ayant jamais été très tendre avec le gros paysan, il s'apprêtait à la finir grillé comme un cochon pour la fête de l'automne... Guyon eu un sourire triste en pensant qu'il pourrait peut être avoir une belle pomme rouge à croquer.

"M'sire Din, ceution pas faisable d'sortir des culs de bas-fosses. Sinon, le pendard de coupaing qu'on a par là l'aurait déjà fait. N'est ce pas ?"

Contrairement à ce que le brave Andry leur avait laissé entendre, il apparut assez vite qu'ils ne seraient pas pendus sur-le-champ. Sans doute y avait-il déjà bien assez de malheureux condamnés à la hart sans eux ; si la milice agissait toujours comme elle l'avait fait la veille, les geôles de Valfons ne devaient guère désemplir.

La journée fut, on le devine, fort maussade. Leur cellule ne semblait pas offrir beaucoup d'espoir d'évasion, et aucun des prisonniers ne hasarda le moindre plan à ce sujet. Le soupirail était trop étroit pour s'y glisser et n'avait d'autre utilité que de laisser s'engouffrer l'air froid. Quant à la porte, elle était aussi inamovible qu'un nain assis sur un tonneau de bière.

L'exécrable soupe servie à Marius fut la seule substance apparentée à de la nourriture qu'ils virent ce jour-là. Les gardes, hommes essentiellement pratiques, ne nourrissaient pas les condamnés à mort. Le froid et la faim commencèrent à se faire durement sentir alors que la lumière venue du soupirail faiblissait. Marius y était à peu près accoutumé, mais ses compagnons n'apprécièrent que très modérément l'expérience. Din se sentait vaguement fiévreux, mais ses blessures étaient assez superficielles ; il n'avait certes pas été soigné avec une grande attention, mais il ne semblait pas devoir mourir tout de suite.

Ils perdirent très vite toute notion de temps. Le soleil d'hiver se couchait tôt, et leur cellule ne tarda pas à être plongée dans la pénombre. Ceux qui voulaient dormir ne parvinrent qu'à somnoler. Le froid, les remontrances sonores de leur estomac et l'image très nette d'une potence dans leur esprit troublaient passablement leur repos. Alors que la plupart étaient enfin tombés dans un demi-sommeil passablement agité, un grand vacarme se fit entendre, ou du moins leur apparut-il comme tel sur le moment. Un geôlier avait trouvé spirituel d'égayer sa ronde nocturne en cognant du fer de sa vouge les barreaux des petites fenêtres des portes. C'était manifestement une coutume bien établie, car le même événement se produisit une douzaine de fois dans la nuit, toujours accompagné de rires gras. Parfois, un garde s'attardait à la porte d'un cachot en particulier pour un brin de conversion ; Din apprit ainsi que sa sœur avait des relations sexuelles avec des mutants et que sa mère l'avait engendré avec l'assistance de trois ânes à la fois.

Alors qu'ils se rendormaient une fois de plus, un bruit attira leur attention. Ils avaient entendu le dernier garde quitter le couloir un peu plus tôt, mais une rumeur indisctincte de coups sourds leur parvenait, comme si dans quelque cellule voisine les prisonniers s'étaient mis à cogner murs et porte. Puis il leur sembla que l'on chuchotait dans le couloir. Enfin, et ce dernier bruit avait de quoi surprendre, ils entendirent nettement, à plusieurs reprises, une clef jouer dans une serrure proche.

Tiré de son demi-sommeil par le bruit métallique, Din se redressa et secoua Guyon qui était étendu près de lui.

- " Guyon ! Ecoutez, du bruit dans le couloir. Essayez de voir ce que c'est."

Puis, c'est vers Beppe qu'il se retourna. Ce dernier était déjà réveillé et le regardait, attendant quelque ordre.

- "Beppe, sveglia l'altro, tu."
Et Beppe se rendit auprès de Marius pour le réveiller à son tour.

Guyon grommola un son s'apparentant vaguement à un oui et se traîna vers la porte de la geole et tendit l'oreille comme on lui commandait.

Le premier bruit qu'entendit Guyon fut celui, très net, d'une clef dans une serrure rouillée. Un instant plus tard, la lourde porte s'ouvrait à la volée, meurtrissant quelque peu sa malheureuse oneille.

Un homme aux larges épaules, drapé dans une pèlerine sombre et le bas du visage masqué par une écharpe entra dans la cellule, l'épée à la main, alors que deux compères d'aspect semblable, portant des lanternes, restaient en arrière. Il dévisagea longuement les prisonniers, puis fit signe à l'un des deux hommes du couloir, qui pénétra dans le cachot à sa suite, muni d'un grand trousseau de clefs, et se mit en devoir de libérer Marius de ses fers. Pendant ce temps, le premier personnage baissa son écharpe, et la figure brune et barbue de Bérard, le serviteur d'Alaudet, apparut.

« Nous n'avons pas le temps de nous perdre en explications pour le moment. » souffla-t-il. « Venez avec nous sans discuter. Nous libérons les autres prisonniers pour semer le plus de panique possible, ainsi nous aurons une chance de vous tirer de là et de nous en sortir vivants. Les geôliers qui étaient de garde sont morts ou assommés, mais d'autres ne vont pas tarder à arriver. Suivez-moi et ne vous occupez pas du reste. »

À peine avait-il fini sa phrase qu'il regagna vivement le couloir, talonné par ses deux compains.

- "Hé bien ! voilà une surprise de taille..."

Din fit signe à Beppe pour qu'il l'aide à se relever. Si ses blessures sont superficielles, elles n'en sont pas moins douloureuses et ces longues heures de jeûne et de demi-sommeil l'ont quelque peu ankylosé. Puis, il ajouta :

- "Evidemment, je suppose que je peux dire adieu à ma rapière et ma dague et tout le toutim. Et... ma mandoline ! Comment je vais chanter ma Tilée, moi, maintenant ?"

Une fois libéré de ses chaines, Marius se frotta machinalement ses poignets et ses chevilles endolories. Il se leva rapidement et pris la suite de ses libérateurs. Tout cela lui semblait louche mais tout valait mieux que la potence de ses geôliers. En passant devant le fourbe Andry étendu inconscient, Marius ne put retenir un puissant coup de latte dans les côtes, alimenté par la haine accumulée contre le sinistre geôlier.

Marius ne se retourna pas pour voir ce que faisaient les trois autres prisonniers, l'air frais lui manquait et il n'avait qu'une envie, fuir de cet endroit.

Une certaine confusion régnait dans le couloir de la prison, faiblement éclairé par quelques lanternes. Les hommes de Bérard continuaient d'ouvrir les cellules et les prisonniers prenaient la poudre d'escampette sans grand souci d'ordre ; il devint bientôt impossible de faire un pas en avant et Marius fut vite arrêté dans son élan. Quelques geôliers gisaient çà et là, les uns seulement inconscients, d'autres la gorge tranchée. Marius ne fut pas le seul à profiter de l'occasion pour vider une vieille querelle.

Alors que Din et ses compagnons d'infortune attendaient que la voie se dégage, Bérard se retourna vers eux.

« La plupart des prisonniers seront sans doute repris. » souffla-t-il. « Mes hommes ne vont pas s'attarder. Chacung a ordre de partir de song côté dès qu'ong eng aura terminé. Vous quatre, ne me perdez jamais de vue. Je vous emmène aux écuries. Si les autres prisonniers font assez de tapage, ong pourra s'eng tirer. »

Quand le couloir fut un peu plus pratiquable, Bérard fendit la foule, talonné par Din, Marius, Guyon et Beppe. Les hommes de main qui venaient d'ouvrir les cellules avaient, semblait-il, déjà disparu. Les prisonniers, de leur côté, couraient au hasard, espérant atteindre une sortie. Il paraissait certain que peu d'entre eux parviendraient à s'évader. Bérard, lui, devait bien connaître les lieux et ne montra aucune hésitation quant au chemin à prendre ; à sa suite, ils dévalèrent les marches d'un escalier sombre et étroit, passèrent un couloir désert, puis un autre. Ils traversèrent une salle d'armes déserte, allégeant au passage le contenu d'un tonneau rempli d'épées, de baudelaires et de vouges, puis débouchèrent sur une vaste galerie obscure. Leurs pas résonnaient à n'en plus finir sous les voûtes.

Alors qu'ils longeait le mur de la gallerie, Guyon crut distinguer un reflet d'acier dans un couloir perpendiculaire un peu en avant. L'instant d'après, six hommes en jaillissaient, hallebarde à la main, et leur barraient la route.

Guyon dont le moral regagnait de superbe poussa un hurlement de rage à la vue de cette nouvelle avanie. Pestant et hurlant, il saisit la première chose lourd et contondante qu'il put et la lança en ahanant profondément.

"Ceution pour toutes l'malheur qu'la vie m'a donné alors que j'avions rien demandé du tout !!!"

Din, qui s'était trouvé une rapière et une dague (aurait-il eu le bonheur de retrouver ses propres armes ? ), se prépara au combat, car il n'était nullement question de faire marche arrière, sauf si Bérard connaissait une autre issue.

Quant à Beppe, il serra fortement dans ses mains la massue sur laquelle il avait jeté son dévolu dans la salle d'armes. Connaissant son maître, il savait que le combat n'était pas loin...

Un instant dispersés par le tir hâtif de Guyon, les gardes se regroupèrent rapidement et passèrent à l'attaque sans tarder. Din et Bérard, qui étaient les plus proches d'eux, reçurent le premier choc. Bérard esquiva sans peine un large coup de hallebarde, beaucoup trop lent, et perça l'épaule de son adversaire, qui lâcha son arme et recula en trébuchant. Quant à Din, il désarma facilement un garde d'un vif coup de rapière à la main droite.

À l'évidence, les hommes d'armes du château de Verfeuil n'étaient guère accoutumés à affronter des escrimeurs de cette trempe. Il ne leur fallut cependant pas longtemps pour se ressaisir et attaquer de plus belle. Deux d'entre eux se ruèrent sur Bérard, qui failli chanceler sous l'assaut. Un autre vint prêter main-forte à l'adversaire de Din, et ce dernier ne tarda pas à se retrouver en fâcheuse posture. Les deux derniers restaient quelques pas en retrait ; n'ayant pu encore passer à l'attaque, ils semblaient guetter la réaction de Marius, Guyon et Beppe, et se tenaient en tout cas prêts à les accueillir, leur hallebarde tenue fermement devant eux.

Marius bouillonnait de rage voyant ces soudards leur couper la route. Il jeta un rapide coup d'œil autour de lui cherchant une arme à la mesure de ses talents d'archer, mais rien ne s'offrait à lui. Il remarqua alors à proximité un récipient en terre cuite, rempli d'une matière dont il connaissait que trop bien l'origine. Le contenu fumant dégageait une odeur nauséabonde, Marius se fit violence et le prit pour le jeter sur les trois hommes qui leur bloquaient le passage.

"De par ma merdre mangez donc ça, tas d'fumiers !"

Jeté trop haut, le pot à merde frappa le plafond du couloir mais se brisa juste au dessus des trois gardes.

Guyon, inspiré par la fougue de Marius, saisit le banc qui servaient à la garde et le soulevant bien au dessus de lui le projeta sur les gardes attentistes (HRP : J'aime bien lancer des trucs )

"Suce [sic] ! Suce [sic] ! Point de quartier pour les fripons"

Quant à Din...

http://www.grapheine.com/bombaytv/movie-uk-3247b7c7b92e089dea4245a72c88ba64.html