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 YOHO ! ou La Quête des Flots

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Essen
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MessageSujet: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptyVen 6 Nov 2020 - 22:24

Salut tout le monde !


Comment ça, on ne me reconnaît plus ? Je suis pourtant le seul, le grand, l'inimitable, le fabuleux, Von Essen !
Bref, ça faisait longtemps que je n'étais plus passé dans la verte contrée de la Dame  I love you
Cependant, le récit que je vous propose et qui débutera présentement emmènera le lecteur vers des contrées lointaines, et, je l'espère, nous amènera également vers un nouveau tournoi des plus exotiques. En tout état de cause, je vous souhaite une agréable lecture cheers

Mes remerciements personnels vont au DLC "La Côte des Vampires" du jeu vidéo Total War Warhammer, sans lequel rien de tout cela n'aurait été possible. Enjoy !

______________________________________________





La quête des flots


     Dans la belle et très honnête cité marchande de Marienburg, les rumeurs allaient comme à l’accoutumée dans la fort coquette maison d’hôtes du Grand Pélican. Jusqu’à ce qu’un mur entier ne soit éventré dans un fracas épouvantable suivi immédiatement d’un nuage de poussière.

     « Alert ! Alert ! We worden aangevallen !! »

     Une nuit sans lune. Une nuit sans lune doublée d’un brouillard si peu courant à une heure aussi tardive ! Maudissant Ranald, le guet de la cité accourait au triple galop en direction de la provenance de l’attaque : la côte au large du quartier des temples. Nul ne prenait la situation à la légère : pour déjouer ainsi la vigilance des sentinelles, non, pour simplement oser attaquer la puissance militaire et navale que constituait Marienburg, l’assaillant devait être particulièrement vicelard.
     Le tocsin résonnait dans toute la cité mais il n’était rien en comparaison avec le tonnerre qui ne pouvait être qu’une salve de canons, suivie d’une autre, puis, d’encore une autre ! En écho leur répondaient le vacarme des habitations fracassées par les boulets, les hurlements des habitants, les aboiements des chiens et le tintamarre des chevaux et du bétail affolé.
     Sur les murailles côtières, c’étaient les ordres des officiers qui étaient aboyés à la milice du guet qui s’affairait autour des canons côtiers. Des feux venaient d’être allumés pour renforcer la visibilité, en vain : même les phares n’arrivaient pas à percer la brume opaque qui venait des flots et s’approchait lentement des quais.  Or, c’était de là-bas que tiraient les navires ennemis et, comme pour couronner le tout, un fou-rire dément, cruel, parvient aux oreilles des artilleurs quasi-aveugles. Puis, ce fut l’assaut.

     Emergés des flots, aussi nombreux et grouillants qu’un banc de poissons, des êtres puant la vase escaladèrent les fortifications et attaquèrent le guet pris de court. Les vétérans reconnurent aussitôt ces créatures abjectes, ces marins engloutis par la mer qu’une sombre magie réanimait pour le malheur des vivants. Pour les plus jeunes recrues, hélas, la seule vision de ces apparitions suffit pour les faire glapir de frayeur.

     « Wees moedig, mannen ! Wees moedig ! »

     Le guet frémit mais ne céda pas un pouce de terrain : le tocsin signifiait que les renforts étaient en route ; les officiers savaient par ailleurs qu’il fallait à tout prix garder les canons côtiers.
     Ce fut alors qu’une unique proue émergea de la brume : le navire était un imposant galion, aussi décomposé et tout aussi recouvert de vase que l’équipage qu’il abritait. Il fut immédiatement troué de boulets ; cela ne ralentit en rien sa lente avancée. En outre, des ombres s’agitèrent à son bord, lâchant aussitôt une salve désordonnée de balles d’arquebuses.
     Cependant, le navire en question fut immédiatement illuminé par une salve tout autre : une volée de flèches enflammées, tirées avec une précision diabolique du bord d’un navire radicalement différent : un cotre ulthuanien. Ce dernier, provenant du quartier d’Elfeville, se savait hors de portée des canons ennemis et ses archers avaient bien l’intention d’envoyer par le fond les malotrus qui troublaient leur sommeil. Le galion des morts-vivants prit feu et les arquebuses se turent, néanmoins le navire continua sa pénible avancée sur l’embouchure du Reik.

     A première vue, il parut clair aux habitants du quartier surnommé Elfeville que l’attaque ennemie visait principalement le quartier des temples ; il fut même considéré de laisser le guet de la ville s’en occuper. Ce ne fut que lorsque le rire sonore du commandant adverse résonna qu’un des seigneurs d’Elfeville ordonna une contre-offensive : il avait reconnu ce rire. Ce rire, son auteur avait causé suffisamment de tort au peuple asur pour que tout le Sith Rionnasc’namisthathir levât les armes contre lui. Luthor Harkon, une aberration de la pire espèce, aurait subitement décidé de traverser les océans pour donner l’assaut à la cité de Marienburg…

***

     A bord de la Terreur des Abysses, le « grand commodore » Harkon embrassa de son unique prunelle rougeoyante la vision de la pagaille qu’il causait. La pagaille en question, d’ailleurs, fait important, faisait partie du plan génial du vampire : débarquer dans la cité en pleine nuit, semer la pagaille, piller la cité. Avec de la chance, parmi le magot se trouverait un bibelot qui lui rendrait enfin sa santé mentale…
     Sans plus attendre, Harkon ordonna l’offensive générale. Ils pouvaient envoyer tout : les zombies, les goules, les crabes géants, les naufragéants…
     - Suprême commodore, les naufragéants ?
     - Mais oui, mon bon Geoffrey ! Les machins, là !
     Il désigna du doigt à son lieutenant les étranges assemblages de planches et de poutres qui étaient attachés à l’arrière de nombreux navires de la flotte.
     - Ah, les géants des abysses…
     - Geoffrey, insinuez-vous que je ne sais pas de quoi je parle ?
     - Pas du tout, suprême commodore, à vos ordres !
     - C’est ça, c’est ça…
     Harkon observa ses sbires vampiriques s’affairer à psalmodier des chants étranges qui, sous peu, transformerait ces carcasses de bois inutiles en géants armés de canons en guise d’arquebuses. Naufragéants, géants des abysses… Ce n’était pas sa faute s’il ne se souvenait pas de comment il les avait appelés l’autre jour ! Là !

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Essen
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MessageSujet: Re: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptySam 7 Nov 2020 - 19:46

Dans la foulée, voici une première suite...

_____________________________________



     Lorsque Günther Liedermann, capitaine du guet de Marienburg, arriva sur les quais du quartier des temples, il constata d’abord qu’il n’y voyait quasiment rien mais s’affaira néanmoins à remplir ses fonctions du mieux qu’il pouvait, à savoir, rappeler à ses subordonnés les bases de leur métier, comme tenir les rangs bien fermés et les yeux grands ouverts. La situation n’avait rien de banal, c’était même une grosse bouse, mais c’était pour ça qu’il recevait son salaire du Directoire : pour gérer les grosses bouses comme celle qui leur tombait dessus cette nuit.

     « Et si jamais j’en trouve un qui passe la bataille dans les buissons, ce n’est même plus le fouet ou le cachot ! Je lui garantis un agréable séjour dans une cellule du Rijker, et adieu la pension pour les gosses ! »

     Le prochain quart d’heure, il le passa à s’assurer que l’ennemi qu’ils affrontaient étaient bien des ignobles morts-vivants, qu’une ligne de hallebardes bien solide les contenait sans trop de peine et que les miliciens ne se laissassent pas persuader du contraire. Günther était prêt à parier que le déboulonnage d’une telle horde leur prendrait toute la nuit et que des pertes seraient inévitables, suite à quoi il se répétait sans arrêt qu’ils se donneraient les moyens de tenir la nuit comme il se devait et de réduire les pertes éventuelles au minimum. Il y eut alors plusieurs événements simultanés dont Günther, par la suite, aurait du mal à s’en souvenir, tant il y en eut.

     Dans la lumière dansante des torches et des lanternes surgit sur les quais quelque chose d’immense et d’insensé qui s’écrasa sur les zombies et fit voler les planches et les pavés. Les cris de stupeur des miliciens durent attirer son attention car, dans la seconde qui suivit, quelque chose de gros enfonça le mur de hallebardes avec la force d’un boulet de canon, brisant les hampes et envoyant la moitié du régiment valdinguer contre les murs des maisons. Une lanterne dut s’écraser sur la chose car Günther, le souffle court, crut reconnaître ce qui ressemblait à une gigantesque pince. Puis, alors qu’il hurlait pour la dixième fois à ses hommes de reformer les rangs, une ombre trapue le dépassa à toute vitesse et bondit sur la pince géante en beuglant ce qui devait être un cri de guerre. Encore quelques minutes plus tard, Günther fut brutalement apostrophé par un homme qu’il reconnut pour être le chef d’une dizaine de templiers de Manaan, le dieu des mers, chacun d’entre eux armé d’un trident et d’une arbalète. Piètre discipline que celle de la milice, qu’on lui reprocha ! Günther aurait vite fait de rembarrer sèchement l’intéressé si le vacarme sur les quais ne devenait pas aussi abominable, tout son régiment s’éparpillant pour éviter la créature des mers agitant ses monstrueux appendices dans tous les sens, sans pour autant que cela n’interrompe les cris rageurs de celui qui devait être son adversaire. Encore une bonne dizaine de minutes plus tard, une fois ses hommes regroupés de part et d’autre des quais, Günther eut constaté en même temps que la créature sur les quais avait cessé de bouger, que les templiers de Manaan n’y étaient pour rien et que si son régiment ne s’agitait pas en vitesse, les feux allumés par les torches et les lanternes brisées dans le chaos ambiant allaient causer un incendie. Le capitaine envoya la moitié de ses hommes étouffer directement les flammes comme ils le pouvaient ; par contre, lorsque l’autre moitié s’approcha du bord des quais pour puiser de l’eau, ils tombèrent nez-à-nez avec une nouvelle vague d’assaillants qui sortaient droit du fond des eaux et, dans une barque manifestement ennemie, Günther vit ce qui devait être une bande de pirates au teint livide, dont l’un lui demanda avec un accent abominable où se trouvait l’or… L’un d’entre eux fut immédiatement expédié ad-patres par un trident lancé d’une main exercée, suite à quoi le reste des pirates bondit hors de leur embarcation et engagea une féroce mêlée avec les templiers de Manaan.

     Le reste de la nuit, Günther s’en rappelait plutôt mal en définitive, mis à part qu’à un moment il aperçut combattre aux côtés de leur régiment un nain au torse nu et maniant une hache qui faisait sa taille et, lorsqu’un autre crabe gargantuesque s’extirpa des eaux grouillantes de zombies, le nain beugla comme un dément et bondit droit sur la créature avant même qu’elle n’atteignît les quais.

     Une bonne heure de combat épuisant plus tard, Günther pouvait constater que son régiment s’acquittait assez proprement de ses fonctions : les cadavres ambulants qu’ils affrontaient ne pouvaient guère percer leurs lignes. Ce qui le troubla, cependant, ce fut la vision de la cité de l’autre côté de l’estuaire : le quartier d’Elfeville brûlait par endroits ! Quant à ce qui pouvait se passer un peu plus loin sur la mer, dans la brume, le capitaine de la milice ne pouvait que s’en douter : les quelques navires de guerre qui mouillaient l’ancre dans l’estuaire cette nuit-là avaient dû être mobilisés afin de punir l’envahisseur. Quelques trente minutes plus tard, Günther réalisa qu’il ne voyait plus ni les templiers de Manaan, ni les pirates qu’ils affrontaient. Il ne s’en inquiéta pas davantage : l’afflux de zombies faiblissait, il fallait veiller à crier bien fort cet état de fait pour ragaillardir ses hommes. Ce ne fut que lorsque des tirs de pistolet visèrent le flanc de son régiment que Günther les revit, surgissant d’une rue menant dans le quartier des temples :

     « Adieu, crétins mortels ! »

     Les pirates s’en allaient, chargés de sacs. En bon milicien marienburgher, les yeux de Günther s’injectèrent de sang à la vue de cet exécrable larcin. Le capitaine vociféra à son régiment de le suivre et fonça droit sur les pirates, momentanément stupéfaits par la vélocité de l’assaut. Un premier pirate ploya immédiatement sous un coup de taille du capitaine, qui pourtant n’était guère connu pour ses talents d’escrimeur. Cela suffit, cependant, pour faire réagir les autres bandits : l’un d’eux cisailla la gambison de Günther de bas vers le haut, ce qui déséquilibra le capitaine et laissa le temps à un autre pirate de lui asséner ce qui devait être un coup de crosse en pleine tempe.


     Une éternité plus tard, Günther reprenait ses esprits dans ce qui devait être la caserne de son régiment. Il eut le plaisir de voir sa femme, son fils et sa fille à son chevet, puis le déplaisir de les voir accompagnés d’un homme à qui il aurait donné l’âge de son père mais qui était un peu trop bien habillé pour avoir des intentions paternelles à son égard. Ce dernier ne manqua pas d’ailleurs de demander aimablement à sa femme si elle ne pouvait pas emmener les enfants ailleurs ; le « capitaine Liedermann » et lui, disait-il, devaient discuter de toute urgence…  


Hallebardiers de Marienburg, par ZeroTwentythree, Cleveland, Ohio
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MessageSujet: Re: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptyMer 11 Nov 2020 - 13:06

Yoho, et une bouteille de rhum... Voici la suite  Cool

________________________________________________


***

     Dans l’Elfsgemeente, ou quartier d’Elfeville pour les petites gens, aucune attention ne fut accordée à la copie manuscrite du rapport dit « rapport Liedermann » qui leur fut transmis par le Directoire. L’attaque de la veille avait pris les résidents du quartier au dépourvu, avait causé d’énormes pertes matérielles et causé la mort d’un nombre ahurissant de civils selon les standards elfiques. Tarmonagh din-Ciobahn, l’Exarche et donc la force executive suprême du quartier, voyait son autorité politique fondre comme neige au soleil alors que les clans rivaux ne cessaient de débattre dans la salle du Conseil des Seigneurs. En théorie, la responsabilité de la défense de l’Exarchat incombait au seigneur Gilleriad Bonvent du clan Aisellion, qui dirigeait les patrouilles et les défenses côtières. En l’espèce, ce fut lui, Tarmonagh, Exarche et seigneur du clan Ulliogtha, qui eut ordonné une attaque préventive sur les morts-vivants. De là à affirmer qu’il avait attiré l’attention d’assaillants qui, sinon, les auraient évidemment ignorés, il ne fallait qu’un zeste de mauvaise foi, et voilà que le représentant du clan Lianllach, le pire de tous, l’accusait d’avoir abusé de son autorité suprême et appelait les autres clans à lancer une procédure dite « Din’peach’meanth », visant à destituer l’Exarche au pouvoir.
     Tarmonagh n’en démordait pas : entre le rappel du traité d’amitié avec les humains et les attaques ad-hominem remettant en question l’intégrité et la bravoure du clan Lianllach, les arguments ne manquaient pas à l’Exarche pour se défendre. Par ailleurs, il était pressé de passer un sujet plus confortable pour lui, sans être moins épineux pour autant : l’éventualité d’une expédition punitive.
     Tous les seigneurs haut elfes savaient qu’il fallait éradiquer la menace mort-vivante au plus vite : la sûreté du commerce maritime, et donc leur raison d’être sur ce bout de terre continentale, en dépendait. Ce fut pour cela que le sujet ne put être longtemps écarté et, le soir venu, un émissaire de l’Exarche discutait d’une éventuelle coopération humaine-asure avec son homologue du Directorat. Conscients que la survie politique de leurs dirigeants en dépendait, les deux fonctionnaires passèrent une nuit blanche à discuter de clauses et de prérogatives, suite à quoi un pacte d’alliance fut signé et contresigné au petit matin, permettant à la cité de Marienburg, souverainement courroucée d’avoir été ainsi blessée en plein cœur, de préparer sa riposte le surlendemain de l’attaque des morts-vivants.
     A quelques centaines de nœuds marins, paisiblement vautré dans son cercueil tapissé d’or au sein de sa cabine de la Terreur des Abysses, Luthor Harkon éternua bruyamment.

***

     Lorsque les services de renseignement d'Altdorf rapportèrent la nouvelle de l’attaque mort-vivante sur Marienburg et des préparatifs subséquents, le rapport complet (incluant la copie manuscrite du rapport dit « rapport Liedermann ») fut immédiatement remis aux archives avec bien d’autres billets arrivant dans la même journée. Il fut (comme beaucoup d’autres rapports) parcouru par des yeux indiscrets dans les heures qui suivirent et une copie manuscrite du rapport dit « rapport Liedermann » transita aussitôt vers les terres orientales de l’Empire, avant de tomber malencontreusement sur un répurgateur du nom de Falk Richter et échoir dans les flammes purificatrices d’un bûcher.
     Il en fut tout autrement avec le rapport du Conseil des Seigneurs destiné à sa Majesté le Roi-Phénix, à Ulthuan : remis à un officier en partance vers la patrie des hauts-elfes, le manuscrit vogua sous des vents favorables jusqu’à atteindre sa resplendissante destination, une cité côtière à laquelle aurait peut-être ressemblé Marienburg si Manaan avait un jour décidé de la soumettre à un raz-de-marée d’eau savonneuse. Ensuite, lorsque le message fut transmis à sa Majesté Finubar Le Voyageur, le Roi-Phénix lui accorda une attention toute particulière : Finubar connaissait la valeur du commerce et dépêcha un de ses nombreux ministres à s’occuper de l’affaire, notamment en assemblant une escadre destinée à épauler la flotte de l’Exarchat continental. Le monarque avait une vague idée de ce à quoi pouvait ressembler une flotte rassemblée à la hâte par des marchands, fussent-ils des marchands asurs : un investissement risqué, dont la perte pourrait avoir des conséquences bien plus extrêmes que l’attaque qui l’avait provoqué. Sa Majesté se demanda même qui pouvait être ce fameux « Liedermann », seul nom humain évoqué brièvement dans le rapport du Conseil…

***

     A bord de la Terreur de Abysses, le « suprême commodore » Harkon éternua derechef et jura comme seul un pirate vampire pouvait le faire : « Le prochain zombie qui oublie de me dire "A vos souhaits, commodore !", je l’accroche à l’avant en figure de proue, et il ne faudra pas se plaindre ! » Geoffrey, le quartier-maître à bord de la Terreur, fit alors claquer son fouet sur les membres de l’équipage mort-vivant, s’assurant que le message du commodore était bien passé. L’équipage, quant à lui, réagit de la seule manière que pouvait leur insuffler leur capitaine : avec des râles fanatiques qui auraient glacé le sang d’un bon nombre de mortels, s’il en fût seulement pour les entendre à des dizaines de nœuds marins des côtes les plus proches. La nuit était d’un noir d’encre et les lunes jumelles naissantes jetaient de pâles reflets sur les vagues aux alentours, dessinant également les contours des sept autres galions qui composaient la flotte du suprême commodore.
     Ce dernier se tourna vers un autre membre éminent de son équipage, surnommé « le Crochet d’Argent de Sartosa » et son bras-droit depuis des temps immémoriaux, le capitaine Drekla :
     - Drekla ?
     - Commodore ?
     - Est-ce que j’ai l’œil torve ?
     - Quoi ?!
     - Est-ce que j’ai l’œil torve ?!
     Ce genre de questions, il se passait rarement un jour sans qu’il n’en pleuve au moins une dizaine sans qu’il y ait le moindre rapport avec la situation dans laquelle le commodore ou son équipage se trouvaient. Joshamee Drekla, cependant, prouvait sa loyauté non seulement en protégeant son capitaine lorsque ses crises tombaient en plein combat, mais en plus en trouvant la réplique sans faillir lorsqu’il n’y avait rien d’autre faire :
     - Négatif, commodore, je dirais que vous avez l’œil brillant cette nuit.
     - L’œil brillant, Drekla ?
     - Comme un sou neuf, commodore !
     Comme cela arrivait souvent, la flatterie (ou le positivisme) de Drekla déclenchaient dans son supérieur direct un blocage verbal accompagné d’une intense réflexion dont la lenteur s’expliquait par l’état lamentable de son esprit. Drekla gardait depuis ce jour fatidique une rancune tenace contre tout ce qui s’apparentait au peuple reptilien qui habitait les jungles luxuriantes de Lustrie : ce jour fatidique, ce fut le jour où son seigneur et maître poussa sa chance un peu trop loin lorsqu’il tenta de percer les mystères enfouis dans les ruines de Huatl ; Harkon lui confia personnellement sa mésaventure, durant un des rares moments où sa lucidité lui était revenue… Du moins c’était ce dont Drekla voulait être convaincu, qu’il était le seul être au monde en qui le suprême commodore pouvait trouver une indéfectible loyauté.
     - Drekla ?
     - Commodore ?
     - Ramène-moi le prisonnier aux longues oreilles.
     - A vos ordres, commodore !
     Alors que son second vampirique s’éloignait, Luthor arborait sans s’en rendre compte un œil particulièrement, voire exceptionnellement torve. Il ne savait pas encore ce qu’il allait faire de ce prisonnier recueilli en plus du butin de la dernière fois mais, foi de pirate, il allait d’abord et avant tout s’amuser avec !

***

     Lorsque l’on ramena le prisonnier sur le pont, le commodore constata qu’il était sans aucun doute mal nourri et probablement déshydraté : ils n’avaient en cales, après tout, que des bouteilles de rhum de qualité douteuse et la dernière fois que la Terreur des Abysses avait abrité des pommes fraiches, le navire ne s’appelait pas ainsi… Cependant, en ajustant un peu mieux son œil unique, Harkon constata que, malgré toutes les privations, le prisonnier était toujours aussi propre ! Son uniforme portait quelques déchirures mais le tissu était immaculé ! Le prisonnier lui-même, d'ailleurs, bien qu’arborant sous l'œil gauche une remarquable enflure due au traitement gracieux qu’il avait reçu à son arrivée à bord, eh bien, le prisonnier lui-même affichait un visage aussi inexpressif que s’il se trouvait un soir de marché à Sartosa, quand tous les marchands rangent leurs étals…
     Le vent soufflait et la houle faisait tendrement craquer les planches du galion. Le silence qui s’installa sur le pont s’éternisa. Les zombies qui maintenaient le prisonnier menotté auraient pu somnoler s’ils n’avaient pas été les abjects reflets d’une existence antérieure. Le contremaître Geoffrey ne disait rien car il n’avait jamais rien à dire, droit comme un piquet à la barre du navire ; le capitaine Drekla n’aimait pas placer un mot avant celui de son seigneur suprême ; le seigneur suprême, quant à lui, détaillait dans ses pensées tous les articles qui, selon sa mémoire défaillante, se vendaient naguère sur le marché bourdonnant de la cité-pirate de Sartosa, classant les articles par catégories, considérant le rapport qualité-prix de chacun et finissant par se demander s’il pouvait revendre leur prisonnier pour un bon prix sur le marché des esclaves car, après tout, celui-là, il ne fallait même pas le laver pour le rendre présentable…
     Il suffit d’un ordre informulé pour qu’un zombie dégingandé ramenât au commodore une bouteille de rhum sans étiquette, ce qui déplut au commodore (qui ne savait plus que toutes les bouteilles qu’ils avaient encore à bord étaient à l’identique de celle-ci). Harkon ignora royalement la tempête qui se manifestait droit devant, examinant minutieusement la couleur ambrée du précieux liquide, se prenant sans aucun doute pour un alchimiste de la lointaine Cathay. Les grondements du tonnerre lui rappelèrent les salves de canons d’il y eut quelques jours, ce qui le fit penser, durant un instant, au prisonnier haut elfe qu’ils avaient capturé ou, plutôt, au prisonnier haut elfe qui avait eu le culot de le défier en combat singulier. Il s’était par ailleurs juré de lui demander ce qui lui avait pris avant de le pendre haut et court…

     - Drekla ?
     - Commodore ?
     - Hein ? Non, je parlais au prisonnier… Toi, là, monsieur Propre !
     Si l’elfe savait qu’on le désignait, il ne le montrait pas, se contentant de garder un regard alerte malgré l’enflure qui lui gênait quelque peu l’œil gauche. Sur un ordre informulé du commodore, un de ses geôliers cadavériques lui pinça la joue, ce qui sembla avoir l’effet escompté :
     - Mon nom est Cornellion, triste sire. Cornellion du clan Aisellion.
     - Trop compliqué, ça, Corne-de-bouc.
     Les cheveux de l’elfe, agités par le vent qui grondait de plus en plus, passaient dans les yeux de Harkon pour une œuvre d’art à part entière. Il en avait tué, des elfes, ça, il avait perdu le compte, cependant il était plus simple de les tuer quand ils vous faisaient face par poignées et tentaient eux-mêmes de vous embrocher sur une de leurs lances…
     - Commodore ?
     Drekla ne savait pas ce qui était le plus pressant : la tempête qui était désormais sur eux ou l’interrogatoire qui n’en était pas vraiment un, tellement son supérieur trébuchait sur la moindre broutille.
     
    - Tu es bien loin des tiens, Cornellion du clan Aisellion.
     Drekla ressentit un poids immense s’ôter de son humeur maussade : le commodore retrouvait enfin le tranchant de son esprit !
     - BANDE DE RATS ! – tonna subitement la voix métamorphosée du commodore. – Ne voyez-vous pas le coup de tabac qui se prépare ?! Tous à vos postes ! Repliez-moi ces voiles ou je vous jette tous par-dessus bord !!
     Ces moments-là valaient tout l’or du monde pour Drekla. Lorsque le commodore retrouvait ses esprits, rien ne pouvait les arrêter, et le monde entier leur appartenait…
     - Quant à toi, Cornellion du clan Aisellion, tu devais être un champion parmi les tiens pour m’avoir ainsi défié en combat singulier ! Cependant, la plaisanterie, ami elfe, a assez duré, et ton stoïcisme n’est bon qu’à amuser les capitaines plus faibles et plus stupides que moi !
     Le heaume des mers (car c’en était un) sentit pour la première fois une pointe d’appréhension depuis qu’il s'était retrouvé à bord du galion : son terrifiant bourreau venait de changer du tout au tout et l’empoignait désormais par le col, son nez crochu à quelques millimètres du sien et son haleine fétide lui rentrant dans les narines… Il ne détourna cependant pas son regard azur de l’œil écarlate qui le fixait.
     - Nous n’avons que peu d’utilité pour les prisonniers tels que toi, Cornellion du clan Aisellion ! – articula nettement le vampire. – Je te jetterais par-dessus bord mais, vois-tu, le rhum qui est contenu dans cette bouteille n’est rien en comparaison du nectar qui coule dans tes veines… Recommande ton âme à tes dieux, elfe.
     Il appuya son invective d’un regard aussi cruel qu’implacable, décelant dans celui du heaume des mers la résignation résolue d’un homme (ou elfe) de la trempe qui faisait les bons marins. Luthor Harkon sourit, dévoilant une dentition redoutable aux canines effilées, écarta les cheveux du prisonnier, inspira puis mordit sauvagement le cou de sa victime, s’abandonnant à l’extase de la Soif...

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Dernière édition par Essen le Mer 18 Nov 2020 - 4:36, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptyMar 17 Nov 2020 - 19:46

La suite  elf

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     A ce moment précis, debout sur le gaillard d’avant d’un splendide cotre de guerre, Naïr l’archimage se sentait véritablement fier d’être un asur. La flotte alliée, initialement composée de trois galions humains et de seulement deux cotres asurs, avait reçu de formidables renforts alors que le troisième jour de leur traversée touchait à sa fin : quatre cotres, fins et élancés, ainsi que deux trirèmes, plus larges et comportant chacune deux cotres volants, avaient été envoyés de la capitale elfique afin que leur expédition punitive fût couronnée de succès. En bon membre de sa race, Naïr l’archimage n’accordait que rarement son estime aux membres des races inférieures, et quand une alliance se formait, ce n’était guère lui qui avait la charge de la coordination. Son esprit réfléchissait trop vite pour faire preuve de tact ou même de simple compréhension ; s’il n’en tenait qu’à lui, il aurait depuis longtemps renvoyé les galions à leur point de départ : gros et lents, ils ralentissaient les bâtiments ô combien plus véloces des asurs. Le seigneur de Lothern, cependant, avait été convaincu du contraire par l’émissaire de l’Exarchat du continent : renoncer à l’aide des humains aurait été une gravissime erreur diplomatique dont les conséquences auraient été inacceptables pour l’avenir de leur peuple. Naïr avait dû alors ravaler ses arguments, conscient de son éloignement permanent avec la sphère politique et ses ramifications sibyllines. Sur une chose, cependant, les trois « grands » de l’escadre asure étaient tombés d’accord et avaient passé de longues heures à échanger là-dessus : pourquoi diable avait-il fallu en plus s’encombrer de l’aide de nains ?!

     Naïr inhala avec plaisir la brise qui le frappait au visage ; au fond de lui-même, il se sentait étrangement admiratif de ces dawis qui, à l’encontre de toutes les idées reçues qu’il possédait de leur race, avaient accepté de monter à bord d’un navire, fût-ce un des galions de la soi-disant célèbre armatrice Linda Stirberg. Alliés de circonstance, ils l’étaient pour lui, cependant il savait que pour eux, aussi fou que cela pût paraître, même les humains qui les accompagnaient ne servaient que d’un moyen commode pour parvenir à leurs fins : effacer la rancune infligée à leurs familles par les morts-vivants.

     Non pas que la rancune était étrangère aux elfes, pensa-t-il. Seulement, leurs motivations étaient différentes en l’espèce : l’attaque qui avait causé des ravages dans l’Exarchat avait profondément blessé la fierté de ses habitants et de ses dirigeants. Ils avaient supporté des attaques d’envergure semblable auparavant, des raids de nordiques particulièrement ambitieux, un assaut aveugle d’une flotte constituée de terrifiantes galères d’ossements, dirigée par un être mort-vivant, dont on ne sut jamais la raison exacte de la venue… Seulement, toutes ces attaques finirent par être écrasées par la puissance combinée des asurs, des humains et, son esprit scientifique ne voulait pas l’écarter, des nains qui résidaient dans la cité. En l’occurrence, l’ennemi avait non seulement bombardé l’Exarchat et pillé le quartier des temples : il avait su s’en tirer sans essuyer quasiment aucune perte, occupés qu’était toute la garnison et lui-même pour enfin abattre l’immense créature nécromantique qui avait la fantasmagorie de tirer des boulets de canon à bout de bras… Les pertes causées n’avaient rien de nouveau pour le peuple elfique ; le fait de laisser un ennemi impuni, en revanche, était inacceptable.



     Pendant ce temps, sur le galion fièrement baptisé « La Rancune », le jeune Rœnekaat Fooger, se tenait lui aussi sur le gaillard d’avant du navire et grommelait dans sa barbe en observant l’escadre elfique filer sur les vagues devant lui. Il grommelait pour de multiples raisons, la première étant que ces satanés longues oreilles devaient bien être gonflés comme des dindons, à considérer le peu de moyens que les nains semblaient avoir fourni dans l’expédition par rapport à tous leurs navires. La deuxième raison était que, malgré son excellente éducation au sein de la Maison Fooger, malgré le fait que ce n’était guère la première fois qu’il prenait la mer, eh bien, le jeune dawi ne se sentait pas à l’aise. La troisième raison était qu’il devait absolument mener à bien la mission qui lui avait été confiée, à savoir venger l’affront causé par le boulet perdu qui avait troué le plafond de la maison familiale, affront qui, s’il n’était pas lavé dans le sang des fautifs, allait attirer la honte sur lui, Rœnekaat, lui qui devait un jour hériter du siège de son père au Directoire.

     En vérité, Rœnekaat n'était pas dans son assiette. Les vingts guerriers qui se trouvaient à bord de la Rancune avaient été triés sur le volet, tous des longues barbes qui, afin d’effacer une rancune, auraient suivi son père dans le magma d’un volcan. Seulement, il n’était pas Arkat Fooger et il savait que le moindre de ses gestes était jugé avec sévérité par ses aînés. Ils n’avaient probablement pas été spécifiquement instruits pour cela par son père, non, c’était simplement la nature de son peuple et lui-même, lorsqu’il surprenait des employés du comptoir plus jeunes que lui faire un écart de conduite, il les jugeait tout aussi rudement, la bonne marche des affaires en dépendait. Or, c’était la première fois où il se retrouvait dans une situation où il était à la fois le patron et l’élève, le guide et le guidé. Il avait juré sur la mémoire de ses ancêtres de mener leur mission à bien mais, par Grungni, la hâte avec laquelle les choses avaient été faites le mettaient maintenant dans cette situation fort étrange et, en bon membre de sa race, Rœnekaat détestait les situations qui sortaient des sentiers battus.

     Ah, si ces abrutis d'elgi aux longues oreilles avaient su… La Rancune, il y avait assisté, avait été conçue un matin et mise sur l’eau le lendemain, en un tour de force que seuls avaient rendu possible la fortune de la famille Fooger et les efforts combinés des nains et des humains qui travaillaient sur le chantier naval d’une certaine Linda Stirberg. Rœnekaat l’avait entendu, il était présent lorsque son père, au Directoire, avait coupé court aux discussions des autres familles : lui ne se contenterait pas de « mesures défensives » supplémentaires » et de « mesures d’escorte supplémentaires », lui avait une rancune contre les morts-vivants et lui allait envoyer ses meilleurs dawis pour que même le souvenir de ces créatures ne demeure que sous l’état d’une ligne barrée dans son livre familial. Ah ah, gloussa Rœnekaat dans sa barbe, ils ne l’avaient pas vu venir, celle-là, ces poltrons d’humains ! Quant à « la Rancune », le jeune nain était convaincu qu’au demeurant, la simple idée du galion ne serait jamais venue à l’idée de son père : il allait fournir ses meilleurs guerriers et les humains allaient fournir le transport ; seulement, lorsque par ses canaux privés la nouvelle parvint à Arkat que l’Exarchat allait requérir l’aide de leur roi-phénix, le nain voulut y faire plus, ses ancêtres le lui avaient murmuré dans son sommeil, qu’il lui eut annoncé par la suite. De ce fait, le jeune Fooger ne ressentait que de la fierté d’être un nain car il n’y avait nul doute qu’aucun de ces navires elfiques n’avaient été assemblés en un jour et une nuit. Sa famille, son peuple, quand ils s’y mettaient avec l’aide des umgis, eux, au moins, accomplissaient des exploits et allaient en accomplir bien d’autres encore, et effacer des rancunes, et effacer ces mines condescendantes sur ces visages si abjectement imberbes des elgi. Les morts-vivants, quant à eux, n’avaient qu’à bien se tenir !



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MessageSujet: Re: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptyJeu 19 Nov 2020 - 20:58


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     Le jour était assombri de nuages gorgés de pluie ; la mer était d’acier, de furieuses bourrasques menaçaient de déchirer les voiles et les cordages des galions morts-vivants. Depuis l’exécution du seul prisonnier à bord, la tempête n’avait jamais cessé d’accompagner la flotte. Le suprême commodore de celle-ci avait voulu interroger l’aethyr, comprendre les implications arcaniques de cette mer exécrable, en vain : depuis qu’il avait poussé sa chance trop loin dans les ruines maudites de Huatl, les vents de magie échappaient à son emprise, et cela l’enrageait. La quête de pouvoir du seigneur vampire était sans fin, or son affliction mentale mettait cette même quête en suspens, l’obligeant à déléguer des taches, s’assurer la loyauté de sorciers à qui la notion même de loyauté était risible. Sa folie était sa malédiction, et Luthor Harkon caressait nuit et jour le rêve de pouvoir en être guéri. Pour l’heure, il voyait la mer comme n’importe qui d’autre : une étendue d’eau infinie, cruelle et impassible envers ceux qui la naviguaient.
     Les bourrasques l’obligeaient à réduire la voilure de la Terreur des Abysses, tout comme le faisaient les équipages des autres galions vampiriques de sa flotte ; toute la traversée le long des côtes bretonniennes avait été un calvaire. Rejoindre la haute mer immédiatement après le cap de Lyonnesse ? Ils avaient tous vu ce qui semblait les attendre là-bas : des vagues scélérates monstrueuses, des maelströms, bref, l’enfer fait d’eau. Jeter l’ancre dans une baie quelconque en attendant une accalmie ? Harkon avait déjà observé des tempêtes semblables : elles ne duraient jamais plusieurs jours d’affilée et ses tripes lui disaient que celle-ci ne s’arrêterait pas de sitôt. De plus, il détestait s’avouer soumis au caprice des éléments.
     Le cap avait alors été mis plein sud-est, le long des côtes bretonniennes ; les bourrasques gonflaient les voiles des galions à en faire gémir les mâts et les vergues, et le bois craquait dangereusement même là où le canevas avait été replié. Nuit et jour sans s’arrêter, la flotte vampirique navigua le long des côtes, Harkon consultant dans sa cabine des cartes moisies qu’il n’aurait jamais cru devoir sortir de leurs étuis par nécessité. Mousillon, Bordeleaux… De potentielles cibles de pillage, seulement le cœur inerte du vampire n’y était pas : aussi disparate que fussent ses personnalités, aucune d’entre elles ne souffrait la restriction, or l’océan déchaîné restreignait sa flotte comme jamais auparavant. Et la pénible traversée le long des côtes continuait.

     Il y eut de l’animation lorsque, quelques jours plus tard, alors qu’ils s’apprêtaient à longer un cap estalien en pleine nuit, les huit galions morts-vivants tombèrent nez-à-nez avec une quantité similaire de galères non-identifiées. Les vampires n’allumaient guère de feux de signalisation sur leurs navires, tous les capitaines ne pensaient qu’à manœuvrer leurs bâtiments à travers le relief abrutissant des vagues, ce qui devait sans doute être également le cas à bord des galères dont les marins poussèrent des cris affolés lorsque, dans le chaos de la tempête, galions et galères se percutèrent de plein fouet.
     Les premiers accusèrent immédiatement des brèches monstrueuses dans leurs coques alors que les seconds perdirent des rames et des rameurs ; au vacarme du vent se rajoutèrent les cris de douleur, les cris de colère, les injures et les malédictions. Les réactions se firent au quart de tour : les marins mortels se mirent à manœuvrer comme des beaux diables pour s’éloigner des galions alors que les équipages morts-vivants reçurent l’ordre de lancer les crochets d’abordage et faire feu sur les galères. Harkon et son bras-droit furent parmi les premiers à bondir sur les mortels, braillant leur joie d’en découdre, et tombèrent immédiatement sur des individus en côte de mailles et armés d’épées et de boucliers ouvragés. Une féroce mêlée s’engagea, au cours de laquelle le suprême commodore aurait vite fini démembré si le capitaine Drekla ne protégeait pas les avants comme les arrières de son seigneur et maître. La proie s’avérait bien plus coriace qu’escompté, les pirates zombies tombaient par dizaines et l’on put plus d’une fois entendre les sombres incantations de leurs capitaines vampiriques pour les remettre sur pied. Harkon, cependant, ne faisait pas de quartier : lorsqu’il ne resta plus un seul défenseur vivant sur la galère où il se trouvait, il hurla se intentions meurtrières aux rameurs et aux marins qui, bien que n’ayant rien compris, déguerpirent comme des damnés et sautèrent tous par-dessus-bord.
     La nuit étant leur élément, les autres capitaines morts-vivants et leurs équipages eurent tôt fait de venir à bout des humains qui se battaient quasiment tous jusqu’à leur dernier souffle, hargneux et invoquant souvent la protection de leurs dieux. Leur identité fut éclaircie lorsqu’il ne resta sur les galères que les mortels que la noyade terrifiait trop pour ne pas s’accrocher à un espoir d’emprisonnement. Harkon les vit, eux, et c’étaient des marins dont certains avaient la peau claire et les cheveux couleur paille, alors que d’autres avaient la peau basanée et les cheveux noirs. Harkon considéra ensuite les dépouilles des défenseurs : plus aucun doute, c’étaient des bretonniens.
     Le pillage systématique des cales ainsi que des dépouilles des chevaliers eut lieu, ramenant à bord des galions (dont l’un manquait à l’appel) une quantité impressionnante d’armures, d’épées et de boucliers, des bourses d’or, d’argent et de cuivre ainsi que des bouteilles d’un liquide transparent inconnu. L’eau et les vivres furent simplement ignorés. Les survivants mortels ramenés sur les galions, quant à eux, comprirent rapidement que la noyade et la tombe au fond des abysses aurait sans doute été préférable à ce qu’ils allaient subir…    

     Le reste du périple le long des côtes estaliennes se passa dans une étrange euphorie dont le commodore fou était à la fois la première source et le premier bénéficiaire. Le goût du sang et l’éclat du butin amassé avait considérablement remonté le moral des flibustiers morts-vivants qui, désormais, espéraient de jour en jour croiser d’autres navires à piller et à envoyer par le fond. Or, malheureusement pour les mortels, la flotte sanguinaire de Harkon naviguait justement sur une voie maritime couramment empruntée par les galères marchandes de Tilée et d’Estalie, sans compter les bateaux de pêche et, fait autrement notoire, les bâtiments manœuvrés par d’autres gentilshommes en quête de proies faciles et de butin. Ainsi, les eaux de la Mer du Sud furent promptement et régulièrement troublées par la chute de boulets de canon encore chauds, de planches et de poutres, de voiles et de navires entiers, de marins malchanceux. Sur les sept galions de Harkon, la hantise de l’océan déchaîné se noyait dans l’oubli de l’alcool et du sang des victimes. La tempête sur la haute mer, elle, ne discontinuait pas.
     Le suprême commodore aurait depuis longtemps hurlé son dédain aux ouragans, seulement, par un fil de pensée des plus singuliers, il dédaignait encore davantage de mettre le fruit de ses rapines en danger : les cales étaient pleines d’or, de poisson, de tissus divers, d’armes et d’armures, de bouteilles aux étiquettes indéchiffrables et d’un bon nombre d’autres objets à l’utilité et à la valeur douteuses. Bien qu’en vérité, la valeur de toutes ces choses lui importât peu, Harkon dédaignait de leur faire courir le risque de se faire engloutir par les flots et maintenait le cap le long des côtes, dans une avancée effrénée vers une destination incertaine...


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MessageSujet: Re: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptySam 21 Nov 2020 - 18:32


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     Ils eurent traversé un archipel tiléen infesté d’hommes-rats. Cette traversée mit à nouveau le suprême commodore dans une colère noire…
     Il eut joué d’imprudence, conduit la flotte droit dans un guêpier et, désormais, accusait la perte de deux autres galions, le Revenant et le Damné. Ils bravaient à présent la mer Tiléenne, négociant au mieux le labyrinthe aqueux, les bourrasques et la foudre. La foudre ! Luthor Harkon ressentit une forte envie de se jeter par-dessus bord rien qu’en y repensant : la foudre, la foudre verte des hommes-rats s’était abattue sur eux, évaporant d’abord la coque du Revenant puis, alors qu’ils vidaient tous leurs canons sur les ennemis, la coque du Damné. Les deux galions sombrèrent immédiatement, alors que les flots eux-mêmes grouillaient de vermine… Harkon avait alors refusé de livrer bataille : ils auraient pu gorger les eaux du sang des créatures velues mais seulement et uniquement au prix de leurs navires et, cela, Luthor ne pouvait le permettre, aussi ils durent passer en force et foncer droit dans la tempête… Depuis, en fonction de l’humeur qui s’emparait de lui, le suprême commodore hurlait des injures à tout-va, considérait leur situation peu enviable en espérant trouver une solution, ordonnait à Drekla de faire demi-tour pour « tous les massacrer » (ce que Drekla, son bras droit, s’arrangeait pour ne pas faire) ou descendait dans les cales de la Terreur des Abysses pour se consoler à la vue et au toucher du butin entassé.

     A quelques nœuds marins de là et à quelques dizaines de coudes de profondeur, cinq pirates vampires se dévisageaient avec des mines contrites, leurs équipages zombies coulant à pic et attendant manifestement les ordres de leurs maîtres pour réagir. Quelques instants plus tard, un sixième comparse les rejoignit depuis la surface des flots, avant de s’engager dans une pantomime obscure qui, finalement, parvint à transmettre l’information aux cinq autres : surface trop dangereuse, rester sous l’eau est synonyme de survie, la fortune vient à qui sait attendre. Manifestement dépités mais résolument décidés à ne pas laisser leurs peaux à la vermine de la surface, les six vampires nagèrent jusqu’aux fonds marins sablonneux puis, s’installant au milieu de leurs équipages qui les regardaient bête, sortirent une paire d’osselets pour passer le temps…
     A la surface, l’air-même vibrait d’énergies déchainées sous des formes aussi diverses qu’inhumaines : la vermine grouillait sur terre comme sur mer, la foudre de l’orage était éclipsée par la foudre de formidables canons à malepierre, la pluie ruisselait sur le sable gris, sur les pierres grises, sur les pelages gris, noirs et bruns, mais aussi sur la quantité effarante de couteaux rouillés qui, de temps à autres, se voyaient enfoncés dans l’une ou l’autre silhouette dégoulinante par l’un ou l’autre de ses congénères. L’antithèse de la discipline faite réalité, un remarquable déchainement d’appétits de gains, de trahisons pensées dans la minute, d’accidents plus ou moins dus à la noyade, de règlements de comptes, de corrections musclées, de dérobades plus ou moins réussies, de couinements de triomphe ou d’agonie, alors que, finalement, les ignobles canons du clan Skryre se taisaient sur les lopins de terre qui les portaient : la flotte des choses-hommes avait disparu à l’horizon.
     Des dizaines de radeaux branlants, faits de planches et de cordages d’épaves, tanguaient dangereusement à l’endroit où les galions avaient été perforés par la malefoudre ; des esclaves étaient envoyés en plongée, encordés, afin de piller les cales des navires ; lorsqu’ils remontaient avec des coffres ou des objets de valeur entre leurs pattes, leurs maîtres leur arrachaient le butin avant de les renvoyer promptement dans les flots ; depuis la côte, les maîtres artificiers observèrent par ailleurs que le radeau le plus chanceux finit par se disloquer au beau milieu des flots, dans une cacophonie de couinements injurieux. Le maître ingénieur, quant à lui, avait fermement résolu de s’approprier la part du lion du butin : après tout, c’étaient ses canons qui leur avaient garanti la victoire sur les choses-hommes. Quelques temps après, alors que les radeaux revenaient péniblement vers le rivage labouré de mille et une pattes, il était devenu manifeste que le nombre d’artificiers avait drastiquement diminué et que maître artificier avait été remplacé par un collègue sans doute plus compétent que son prédécesseur. Les rats des clans durent ravaler leur rancœur lorsqu’ils durent reculer de l’endroit où le butin venait d’être amassé : les canons étaient désormais pointés sur eux et les artificiers laissaient allègrement courir la rumeur qu’il leur suffisait de remuer la queue pour qu’un déluge de malefoudre s’abatte sur les « fauteurs-causeurs de trouble ».
     Les choses prirent un tournant définitif lorsqu’un autre concert de couinements et de tambours signala l’arrivée du chef suprême de Skavenport, le « très redoutable-redouté amiral-commodore Rat-kham le Rouge ». Le chef opéra de la seule manière qui lui garantissait depuis des temps respectables (pour un skaven) sa survie et son pouvoir : il ordonna à ses troupes et à ses rats-ogres de foncer dans le tas et massacrer absolument tout, oui-oui, tuer-massacrer et manger-dévorer ces traîtres-menteurs, oui-oui. C’était du pur génie car, d’abord, toutes ses troupes comprenaient parfaitement l’ordre et étaient entrainées à l’appliquer à la lettre ; ensuite, lui seul, le chef suprême, devait avoir la mainmise sur tout butin récupéré dans son archipel ; enfin, un bon massacre-nettoyage, c’était quand même particulièrement jouissif-festif, oui-oui, et ça, ça valait pour le skaven son propre prix en malepierre !


***


     L’escarmouche de l’archipel, la fuite vers l’avant de la flotte mort-vivante, tout cela fut rapporté avec autant de précision sur la flotte alliée : trois galions et deux cotres de Marienburg, quatre cotres et deux trirèmes de Lothern.

     L’appontage du cotre volant sur la trirème se déroula sans complications, comme jusqu’à présent ; l’archimage des Cieux veillait toujours personnellement à faciliter la manœuvre. Le rokh d’écume, formidable oiseau bleu attelé à la nacelle enchantée du cotre, reçut immédiatement plusieurs dizaines de poissons frais, pêchés quotidiennement par les gardes maritimes : la noble créature devait constamment braver la tempête qui encerclait la flotte ennemie, elle avait bien mérité sa pitance.
     Depuis que les renforts d’Ulthuan avaient rejoint la flotte alliée, bien des jours auparavant, une manœuvre de reconnaissance audacieuse avait permis aux asurs de retrouver les galions morts-vivants sur la mer, manœuvre qui leur eut évité de braver l’océan alors que l’ennemi n’y avait point mis le cap.  Le rattraper aurait été l’affaire de quelques jours pour les navires des hauts elfes, seulement, au grand dam de la majorité d’entre eux, il avait été décidé de ne pas laisser les nains et les humains derrière eux.
     Dès lors, une surveillance constante avait été établie sur la flotte mort-vivante : ils disposaient de quatre cotres volants, juste assez pour assurer la surveillance avec des veilles de six heures, sans compter à chaque fois l’aller et le retour ; ce fut ainsi que les équipages humains des galions de Marienburg, ainsi que les nains qui les accompagnaient, assistèrent aux décollages et aux appontages quotidiens de ces fabuleux attelages aériens. Quant aux informations recueillies par les auriges à chaque mission, les asurs les partageaient avec diligence, Rœnekaat Fooger ayant depuis longtemps mis de côté son égo scandalisé à la vue de ces « elgis si imbus d’eux-mêmes, comme si son peuple n’aurait pas pu faire de même avec des gyrocoptères… » Du côté du commandement humain, en revanche, une question évidente avait surgi : la tempête qui, selon les rapports des auriges, « encerclait la flotte ennemie », s’agissait-il d’une magie ennemie, destinée à couler tous navires hostiles à leur cause maudite ?
     Naïr l’archimage leur répondit alors par la négative : de toute sa longue carrière, il n’avait guère observé de phénomène semblable. En réalité, selon lui, les seules forces capables de déchainer ainsi les éléments devaient être de nature divine. Quant à leur origine exacte et à leur cause, l’asur se déclara aussi ignorant en la matière que le reste des personnes présentes…

     Quelque temps plus tard, la réunion des commandant de la flotte alliée se conclut et tous ses participants furent temporairement libérés de leurs obligations. Les uns après les autres, ils sortirent de la cabine du commandement asur, excepté ceux qui y tenaient leurs quartiers. Cela n’étant point le cas des deux auriges de retour de mission, ils s’arrêtèrent sur le pont de la trirème, casques sous le coude, goûtant quelques instants de repos amplement mérités. Soudain, un sifflement retentit de loin, attirant leur attention sur le bâtiment qui fendait les eaux à une bonne centaine de coudées de la trirème : un des galions de Marienburg.
     Outre le fait peu courant que le navire humain avait manœuvré de sorte à rattraper leur flotte, les deux auriges constatèrent que le sifflement était également le signal pour un acte autrement plus ahurissant : bondissant d’une vergue en se cramponnant fermement à un cordage, un humain effectua une folle acrobatie aérienne qui le propulsa dans la direction de la trirème… avant de tomber lamentablement dans les eaux salées à quelques coudées seulement du bout des rames !
     Les deux auriges médusés furent sur le point d’adresser une prière pour son âme lorsque le marin refit surface, effectua quelques brasses et s’accrocha miraculeusement à une des nombreuses rames de la trirème. L’instant aurait pu se solder par moult souffrances et craquements de bois si les rameurs n’avaient pas été des asurs : la cadence s’interrompit presque immédiatement, permettant au marin éhonté de se raccrocher plus fermement à la rame, avant de commencer une formidable progression par la seule force de ses bras, remontant la hampe jusqu’à atteindre le sabord correspondant puis se faire hisser à bord.
     Trempé et grelottant, maîtrisé par deux gardes maritimes, le fautif fut immédiatement remonté sur le pont et se récolta une claque cinglante de la part de ce qu’il prit pour un officier haut gradé. Ce dernier remarqua que l’humain portait en bandoulière ce qui ressemblait à un filet de pêche, filet qui contenait quant à lui un gros coquillage. Cela n’empêcha nullement l’officier de lui asséner deux autres claques successives, tant l’indiscipline des humains le dégoûtait à cet instant. Heureusement pour lui, par ailleurs, l’officier avait suffisamment servi dans la marine de Lothern pour avoir effectué quelques études des langues de leurs alliés les plus courants. Le marin ne cacha dès lors pas sa surprise lorsque l’officier s’adressa à lui dans un reikspiel irréprochable, excepté l’accent :
     « Humain ! Avez-vous la moindre explication pour vos actes ? Répondez ! »
     « L’humain » était un homme qui devait avoir la trentaine, solidement bâti, les traits anguleux, ses cheveux attachés à l’arrière dans une fine natte, comme l’on faisait souvent parmi les marins marienburghers. Il ne parut d’ailleurs pas vraiment intimidé par sa situation lorsqu’il répondit à l’officier :
     « Je voulais offrir un cadeau à l’un de vous. Je peux ? »

     Un silence confus lui répondit, tant sa réponse devait être inattendue pour les quelques elfes impliqués dans la scène, l’officier inclus. Ce dernier, cependant, retrouva prestement ses moyens :
     « Un cadeau ? Risquer votre vie pour… un cadeau ? »
     Le marin hocha la tête avant de répéter avec toujours autant de bravade : « Je peux ? »
     L’officier asur, cependant, n’avait pas l’intention de se laisser impressionner :
     « Votre conduite est un exemple flagrant d’indiscipline et de non-sens, ce qui est totalement déplacé dans l’exercice d’une mission militaire, humain. Une punition tout aussi exemplaire vous attend. »
     Le marin ravala les paroles qu’il allait prononcer, conscient que l’elfe qui lui faisait face avait raison. Cependant, quelque part, le marin était lui aussi convaincu d’avoir raison.
     « Ce sera mérité, chef, je ferai pénitence. Est-ce que je peux quand-même offrir mon cadeau ? »
     L’officier n’en croyait pas ses oreilles, presque piqué au vif par l’insolence de l’humain qui lui faisait face :
     « Quel cadeau ? Ça ? »
     Ce fut au tour du marin de se sentir piqué au vif : il avait plongé en apnée, encordé et avec la complicité de deux de ses camarades, pour récupérer la belle conque blanche aux nez et à la barbe des poissons. Il allait défendre sa position jusqu’au bout :
     « Affirmatif, chef. Chez nous, un tel objet a une valeur exceptionnelle ! Vous le revendez pour dix-mille marks à un joailler ! »
     L’enjolivement était gros, tellement gros que l’officier était sincèrement tenté de le laisser passer. Sa propre curiosité frappait timidement aux portes de son esprit entrainé à la rigueur militaire et la hardiesse de l’humain, bien que risible, ajoutait une certaine couleur à la monotonie de leur traversée. De plus, l’incident avait fini par attirer l’attention de presque tous les asurs qui n’avaient pas d’obligations immédiates, c’est-à-dire quelques officiers ainsi que les deux auriges du cotre volant qui était rentré de mission. Tous guettaient de plus en plus attentivement l’issue de l’échange insolite.
     « "Une valeur exceptionnelle" ? – l’officier se força à se donner un air agacé, ne serait-ce que pour la forme. – Eh bien, à qui d’entre nous voulais-tu offrir cette "valeur exceptionnelle" » ?
     Le sourire triomphateur du marin lui donna sérieusement envie de le claquer derechef mais il se retint. Faisant même signe aux deux gardes maritimes de le relâcher, l’officier observa le marin se délester de son précieux fardeau avant de le libérer du filet. La conque, harmonieusement bombée et longue d'une coudée, était exceptionnellement blanche, avec son intérieur présentant de beaux reflets irisés tirant sur le rose. Le marin s’en empara et la présenta avec une révérence à l’un des auriges du cotre volant. C’était une aurige.

     Ce qui s’ensuivit montra au marin, lorsqu’il y repensa, à quel point les elfes se comportaient différemment des humains (ou, du moins, ainsi ils devaient vouloir le montrer).
     L’aurige, une asure blonde qui avait captivé son attention depuis quelques jours déjà, il avait perdu le compte, rosit légèrement. Aucun des siens ne pipa mot, en revanche presque tous tournèrent les talons et s’en allèrent, comme s’il n’y avait plus rien à voir ou qu’ils n’étaient plus concernés par l’incident en cours. L’officier affichait une mine impassible, laissant manifestement à la destinataire du cadeau l’initiative de la réaction. Après un moment qui parut durer une éternité, l’asure s’empara de la conque que lui tendait le marin, esquissa un sourire que le marin peina à déchiffrer et questionna l’officier du regard. Ce dernier lui fit signe et l’aurige s’en alla sans mot dire, la conque toujours entre ses mains. Par un instinct que seule conférait l’expérience de refus passés, le marin la héla avant qu’il ne soit trop tard :
     « Hey ! Puis-je au moins connaître ton nom, belle ?! »
     L’officier, qui n’était plus à ça près, s’improvisa immédiatement comme interprète pour l’intéressée. Lorsqu’elle comprit la question, elle fit l’effort d’articuler nettement pour l’humain qui, à ses yeux, était l’équivalent d’un enfant :
     « Therena. »
     Le souvenir de la belle asure s’imprima à jamais dans l’esprit du marin.

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MessageSujet: Re: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptyJeu 26 Nov 2020 - 18:11



***


     La flotte mort-vivante s’écrasa presque sur les quais de l’Homme Mort, un soir, à Sartosa.
     Voiles déchirées, mâts brisés, coques éventrées, ces galions-épaves peuplés de macchabées eurent des accents de fin du monde pour tous les hommes et les femmes affairés sur les quais à cette heure entre chien et loup : la plupart fuirent en poussant des cris horrifiés, d’autres s’écroulèrent à genoux, paralysés de terreur, les bras ballants ; certains, enfin, se recroquevillèrent, yeux et oreilles clos, simplement pour ne pas voir ni entendre ces émissaires incarnés de la Mort.
     La vague de panique se propagea immédiatement dans les rues et les ruelles avoisinantes, avec des effets parfois divergents : alors que certains s’empressèrent de se barricader dans leurs habitations, d’autres s’avérèrent simplement trop saouls pour songer à une quelconque retraite, au contraire ! Sartosa, la cité des pirates, était un repaire de brutes endurcies par le crime, le rhum et bien d’autres alcools, ces derniers ne contribuant qu’à étouffer leurs peurs et leurs superstitions. Des cris désespérés continuaient à provenir des quais de l’Homme Mort, cependant le reste de la populace, au lieu de se tourner vers une milice quelconque ou vers leurs dieux, s’armèrent en quelques instants de sabres, de couteaux, de pistolets et d’arquebuses et se préparèrent à vendre chèrement leurs peaux. Les cieux étaient allègrement orageux mais cela n’effrayait que les rares poltrons de la cité : pour le pirate moyen, proprement abreuvé de rhum et entouré de ses compagnons de rapine, ce n’était qu’un simple coup de tabac, une banale épreuve envoyée par le dieu des mers…
     Il en fut quelques-uns suffisamment enhardis pour se rendre directement sur les lieux du grabuge, déterminés par la bonne et simple raison qu’ils étaient saouls et en grand nombre ; les premiers s’arrêtèrent net face à la vision qui s’offrait à eux, provoquant moult bousculades avec ceux qui arrivaient derrière. Il y eut des injures, des cris, des coups de feu même, le tout faisant un pathétique écho aux actes orgiaques qui prenaient place parmi les esquifs ravagés et les premières habitations misérables de cette partie du port : tout grouillait de cadavres ambulants, d’immondes chansons marines se faisaient entendre, quelqu’un crut apercevoir des giclées de sang, avant de comprendre qu’il s’agissait de malheureux qui se faisaient sans doute dévorer par les êtres vomis par les flots. De là aussi, par ailleurs, retentirent quelques coups de feu, des éclats de rire gras, des vivats et des invectives lancées par une voix aussi enjouée que manifestement sadique. La lumière du jour n’était presque plus et seuls quelques feux accidentels jetaient leurs lueurs dansantes sur les lieux. Le noir complet aurait peut-être été plus pudique…
     Lentement, les larmes aux yeux pour certains, les mains tremblantes pour d’autres, l’avant-garde de Sartosa entama ce qui devait être une retraite aussi discrète que possible pour des hommes terrifiés et saouls en même temps. La plupart tentèrent de se réveiller, en vain, avant de se dire que c’était sans doute l’ivresse qui leur donnait ces fabuleuses visions de massacre… Les éclats de voix et de rire qui continuaient à provenir des quais ne pouvaient être que le fruit de leur débauche, que la création de leurs âmes tourmentées… Lorsque l’on vit ces hommes revenir sur leurs pas dans les tavernes qui les avaient vus partir, on cessa de plaisanter sur le champ et l’on se prépara au pire, tant l’horreur était lisible sur leurs visages naguère si déterminés. Les questions qui leurs furent adressées, d’ailleurs, ne trouvèrent guère de réponse : c’était comme si on leur avait ôté le don de la parole. La plupart de ces gens décidèrent alors de vider la rue en se barricadant dans les tavernes qui les accueillaient, tavernes qui n’étaient que trop heureuses de pouvoir compter sur ces défenseurs de fortune. L’on se mit par trois aux fenêtres, parés à tirer sur le moindre oiseau, l’on exigea la meilleure boisson qui restait car elle pouvait être la dernière et l’on attendit.
     On attendit longtemps. Une fusillade entre deux tavernes fut évitée de justesse à cause d’un coup de feu tiré sur un coup de tête. Tout était devenu trop calme lorsqu’enfin l’on aperçut des silhouettes surgir au bout de la rue. Des silhouettes qui se rapprochaient lentement, trop lentement pour ne pas être examinées de plus près avant de tirer. Trop peu nombreuses également : trois silhouettes seulement, dont deux qui semblaient transporter quelque chose. Le doute s’empara des défenseurs, dont beaucoup frôlèrent à nouveau la terreur à cause des tirs de sommation de leurs pairs. Le noir était presque complet, la pluie tombait à verse. Les tirs de sommation obligèrent les trois silhouettes à s’arrêter au milieu de la rue. Un autre moment de silence tendu s’ensuivit, puis les deux silhouettes déposèrent leur charge et ouvrirent ce qui devait être un couvercle. Dans l’obscurité nocturne, il fut impossible aux pirates de voir exactement de quoi il en retournait.
     « Ne tirez pas ! De l’or ! Nous avons de l’or ! Beaucoup d’or ! »
     La voix masculine de l’intrus résonna de manière fort lugubre, accompagnée du roulement du tonnerre et du clapotis de l’averse. Le fait que l’écrasante majorité des défenseurs ne parlait pas un mot de reikspiel n’arrangeait guère les affaires. Certains comprirent le mot « geld », répété trois fois par l’intrus, sans que cela n’ôtât quoi que ce fût à leur appréhension. Celle-ci augmenta d’un cran lorsque les silhouettes se séparèrent, deux d’entre elles se rapprochant subitement des deux tavernes les plus proches qui se faisaient face. Les occupants de celles-ci entendirent aussitôt frapper aux portes et certains n’hésitèrent pas à vider leurs pistolets en espérant épingler les intrus d’un tir à travers le bois. Pour leur consternation suprême, les coups furent redoublés. Cependant, la folie d’ouvrir à ces apparitions de la nuit ne vint à pas une seule âme dans ces tavernes. Les anciennes superstitions refaisaient surface et nombreux furent ceux qui se mirent à bredouiller des prières maladroites, se joignant à ceux qui priaient déjà depuis la tombée de l’obscurité.
     Le mauvais sort sembla tomber sur la taverne de Giorgio, dit « Il Grasso » : quelque force d’une violence inouïe fit voler la porte de la bâtisse hors de ses gonds, celle-ci s’écrasant lamentablement sur le plancher et provoquant un des pirates à un assaut des plus désespérés sur tout ce qui pouvait être sur le point de pénétrer à l’intérieur. L’homme fut encore davantage terrorisé lorsqu’aucun obstacle ne rencontra sa charge : il se retrouva brusquement à l’extérieur, sous la pluie, face à la silhouette restée au milieu de la rue. Ce fut la dernière chose qu’il vit avant qu’un tir de pistolet ne l’envoie s’écraser sur la chaussée, fauché sur le coup. Quant à la silhouette qui avait défoncé la porte, elle s’engouffra dans la taverne, révélant son apparence à la lumière de quelques lanternes : un humain vêtu de guenilles ressemblant à l’uniforme d’un capitaine, au visage livide et aux lèvres fines.
     « Reikspiel ? Norsk ? »
     Il s’adressait à une assemblée pétrifiée d’appréhension. L’instant qui suivit, une douzaine de pistolets et autres armes à feu furent braqués sur lui. Une pléthore d’invectives peu amènes les accompagna, avec une gestuelle véhiculant un message sans appel : « Allez au diable, qui que vous soyez. » Avant que l’intrus ne pût réagir, cependant, un appel provenant de la rue détourna son attention puis le fit définitivement sortir de la taverne, dont les occupants continuèrent à prier tout en gardant leurs armes pointées vers l’entrée. Quant à ceux qui se trouvaient aux fenêtres, une vision autrement plus rassurante s’offrit à eux : de l’autre côté de la rue, brandissant moult torches et lanternes, une compagnie conséquente de boucaniers semblait sur le point de montrer à ces démons vomis par les flots de quel bois les « grands » de Sartosa se chauffaient.
     Les trois silhouettes se réunirent à nouveau et firent face à ces nouveaux arrivants. Dans les tavernes, l’on se prépara à tirer. La compagnie, cependant, s’arrêta à une trentaine de pas des intrus. Une demi-douzaine de flibustiers se détacha du groupe, surprenant au passage bon nombre des défenseurs : étaient-ils sur le point de parlementer ? Le petit groupe réduisit promptement la distance qui les séparait des intrus, avant de s’arrêter à quelques pas seulement. L’un d’eux décocha immédiatement un avertissement en reikspiel :
     « Déguerpissez, meurtriers, avant que je n’ordonne à mes hommes de vous faire écarteler. »
     Les trois silhouettes se dévisagèrent, l’un des intrus prit la parole :
     « Nous venons en paix. Nous partirons après avoir fini notre affaire. »
     L’homme, cependant, ne devait pas entendre l’affaire de cette oreille. Son manteau et son bicorne, tous deux écarlates, attestaient qu’il devait être au moins un capitaine fortuné sur l’île. Sa voix bourrue, quant à elle, attestait à la fois d’un âge avancé et d’une vigueur exceptionnelle.
     « Il n’y pas d’affaire qui tienne. Débarrassez la cité de votre présence maudite ou il vous en cuira.
     - Nous avons de l’or…
     - Or de mes deux !
     - Beaucoup d’or ?
     L’homme fusilla du regard la personne qui venait s’immiscer dans les pourparlers : sa voix autrement plus mélodieuse, bien que terrifiante, et sa carrure autrement plus svelte suffisaient à faire croire qu’il s’agissait d’une femme. Sa posture était étrangement avachie.
     - Aranessa !
     - "Capitaine" Aranessa ! Je ne me souviens pas d’avoir signé pour récurer le pont du Heldenhammer, Jaego !
     - Peu importe, te mets-tu en travers de mon chemin, "capitaine" Aranessa ?
     Entendre des noms que tous répétaient à l’envi lorsqu’ils parlaient de gloire et de richesses coupa le souffle à bon nombre des occupants des tavernes du bas-quartier. S’ensuivit immédiatement la réalisation que si ces légendes de la piraterie apparaissaient subitement dans leur taudis, c’était que les choses devaient aller vraiment, vraiment au plus mal cette nuit-là.
     - Peut-être, "capitaine" Jaego. Tu ne veux pas faire affaire avec eux ? À ta guise. MOI, je ferai affaire avec eux et en disposerai comme bon me semble si leur affaire sent le poisson.
     - Ils ne feront pas un pas de plus sur cette île !
     - Ta vendetta contre les cadavres n’intéresse que toi, capitaine Roth. Laisse-moi prendre leur or, tue-les après si ça te chante. Sinon, tu te mets entre un pirate et son butin, et tu sais très bien ce que le Code dit à propos de ça. »
     Si un regard pouvait tuer, Aranessa la Saumâtre aurait été terrassée sur le champ sous la prunelle palpitante de fureur du capitaine Jaego Roth. Ce dernier savait parfaitement que le Code ne disait rien à propos de « ça », tout comme il savait que la Saumâtre le savait aussi. Cependant, le message était suffisamment clair, les deux capitaines se comprenaient. Roth abhorrait la seule pensée de pactiser avec des non-morts, Aranessa n’avait pas ses scrupules. Or, elle ne lui laissait pas le choix : soit il la laissait pactiser, soit c’était le bain de sang. Or, c’était justement ce que le noble capitaine à la retraite voulait éviter pour ses hommes : un bain de sang inutile. La capitaine de l’Espadon remportait les pourparlers, le capitaine du Heldenhammer devait se retirer. L’impérial se nota pour lui-même qu’un jour, peut-être, il lui ferait payer cet affront avec intérêts. Pour l’heure, il exigea simplement de sa rivale qu’elle ne laissât pas ces « abominations » s’aventurer plus loin dans la cité, condition que la Saumâtre accepta de bonne grâce. Les trois silhouettes inquiétantes hochèrent simplement du chef lorsque la capitaine de l’Espadon les invita à l’intérieur de la taverne à la porte enfoncée.  

***

     « Capitaine Aranessa la Saumâtre… J’ai déjà entendu ce nom.
     Ils s’étaient installés autour d’une table circulaire : Aranessa, ses meilleurs hommes se tenant debout derrière leur capitaine, ainsi que les trois intrus. Tous trois exhalaient une froideur sépulcrale qui faisait trembler le reste des clients, tétanisés de frayeur. L’un des intrus portait un bicorne, un autre portait un tricorne, le dernier ne s’embarrassait pas d’un couvre-chef ; ce fut ce dernier qui faisait directement face à la Saumâtre et qui venait d'engager la conversation.
     - Charmante remarque, vampire, mais je voudrais maintenant entendre le vôtre.
     - Avant toute chose, y a-t-il quelque chose à boire ici ? C’est ma tournée ! Qu’on nous apporte de quoi trinquer !

     Force fut de constater que la requête de l’intrus ne provoqua nulle réaction de la part de quiconque. Ce fut la capitaine de l’Espadon qui sauva les apparences en faisant signe à ses hommes : vraisemblablement tous d’une trempe supérieure à celle des pauvres hères du bas-quartier, ces loups de mer aux muscles saillants allèrent simplement se servir en bouteilles derrière le comptoir. Le tavernier se trouvait là également, recroquevillé et serrant un pistolet entre ses mains, tremblotant et pâle comme un linge. Il fut simplement ignoré.
     Les bouteilles et les chopes furent posées sur la table crasseuse ; les présentations se firent lorsque les chopes furent remplies :
     - Mon nom est Luthor Harkon, capitaine de la Terreur des Abysses. Je règne par-delà les mers sur la Côte des Vampires. Ces deux-là sont mes meilleurs hommes.
     - La… ‘Côte des Vampires’ ?

     Ceux qui n’étaient pas au bord de l’évanouissement et qui discernaient les subtilités des humeurs sentirent que la tension venait de monter de quelques crans. Au-delà de l’incrédulité, la voix de la Saumâtre trahissait de l’amusement, voire de la moquerie. L’intrus qui lui faisait face le comprit.
     - L’insolence peut coûter plus que de l’or, femme. Pour nous autres, le sang pourrait même avoir davantage de valeur.
     - "Capitaine" Luthor Harkon…
     - "Suprême commodore" Luthor Harkon.

     Aranessa vida sa chope d’un seul coup car elle sentait que sinon, elle allait éclater de rire, et ça pouvait être mauvais pour les affaires. Le rhum lui brûla allègrement la gorge et répandit une douce chaleur à travers tout le corps, avant de faire monter le sang à la tête, comme toujours.
     - Suprême commodore Luthor Harkon ! – se corrigea-t-elle. – Avant toute chose, quel bon vent vous amène à Sartosa la Fortunée ?
     Harkon vida sa chope d’un trait, la remplit à nouveau et remplit également celle de la Saumâtre, comme le voulait la coutume. Il prit son temps avant de répondre, ayant compris que l’humaine qui lui faisait face méritait manifestement sa renommée. D’ailleurs, il lui manquait les deux pieds, remplacés par il ne savait trop quoi, mais il se doutait qu’en cas d’échauffourée, la capitaine saurait se défendre.
     - Une tempête des plus néfastes nous a surpris la veille et causé moult dégâts à ma flotte. J’ai besoin d’un havre et de ressources pour réparer les navires. Notre or devrait suffire pour… que notre brève présence ne soit qu’un mauvais rêve…
     Ce fut au tour d’Aranessa de considérer ses prochains propos. Pour commencer, le « suprême commodore » ne disait pas tout…  
     - Je dirai même plus ! Vous ne remarquerez même pas notre présence ! Pas vrai, Drekla ?
     - Vrai, suprême commodore.
     - Voyez ! Nous sommes de sacrés lascars, certes, mais, au fond, ne sommes-nous pas tous pirates ?
     Le ton de son interlocuteur venait de changer du tout au tout et Aranessa fut sur le point de poser sa main sur la poigne de son épée. Elle remarqua également que l’intrus vampirique au bicorne avait désormais le regard alerte et que sa prise sur sa chope s’était subitement raffermie. S’attendant au pire, la capitaine aux nerfs d’acier décida néanmoins d’entrer dans ce jeu nouveau et inattendu :
     - Vrai, camarade ! Je propose de trinquer à ça ! Au fond, nous sommes tous pirates !
     - Tous pirates ! Ha ha ha ! »
     Ils trinquèrent tous les quatre et vidèrent leurs chopes d’une seule traite. Lorsqu’ils les abaissèrent, la Saumâtre détailla pour la première fois la physionomie de l’individu qui lui faisait face : de longs cheveux blancs et sales encadraient un visage émacié, imberbe et ridé comme celui d’un vieillard. Dans les yeux rouges du vampire brûlait à présent une lueur qui devait s’apparenter à la démence. La capitaine de l’Espadon comprit qu’il lui faudrait non seulement jouer de finesse mais aussi de patience afin de tirer son épingle du jeu.

***

     Dotée d’une intelligence hors du commun, Aranessa apprit rapidement à distinguer les sauts d’humeur du « suprême commodore Luthor Harkon ». Elle surnomma intérieurement ces différentes facettes « l’idiot », « l’abruti », « le futé » et « le sadique », la différence entre les deux premiers étant que quand « l’abruti » prenait le dessus, l’acolyte du suprême commodore intervenait dans la conversation, parfois de manière particulièrement expéditive, afin de réprimer les pulsions meurtrières de son supérieur. « Le sadique » insistait beaucoup sur l’intimidation, proposant même un bras de fer qu’elle s’empressa de refuser, étant bien informée sur la force surnaturelle des vampires. « L’idiot » était prompt à changer de sujet de manière totalement aléatoire, bien qu’inoffensive. Celui dont elle possédait la sagesse de se méfier, c’était « le futé » qui, entre autres, l’assura que si, par malheur, leurs pourparlers tournaient au désastre, il était confiant dans ses capacités de bretteur pour que « le mauvais rêve de Sartosa tourne subitement au cauchemar ».
     Ce fut lors d’un de ces échanges avec « le futé » que la capitaine de l’Espadon décida que leur conversation commençait à s’éterniser et qu’il était temps d’abattre les cartes :
     « Suprême commodore Harkon, je suis curieuse : où mettrez-vous le cap une fois vos navires en état de reprendre la mer ?
     - Pardi, capitaine, vers la Côte des Vampires, naturellement.
     - Vraiment ?
     - ‘Vraiment ?’ Qu’insinuez-vous par là, capitaine Aranessa ?
     - Je vois des choses que d’autres ne voient pas, suprême commodore Harkon. Des choses que vous-même ne voyez pas ou n’aimeriez peut-être pas voir.
     - Voila qui me rend curieux à mon tour : que voyez-vous de si intéressant à mon sujet, capitaine ?
     - Je vois la malédiction qui pèse sur vous et votre flotte, et vous permettrez à celle qui voit tout de vous nommer simplement ‘commodore’ car vous allez avoir besoin de moi, bien plus que vous ne l’auriez souhaité, commodore.

     Harkon considéra à son tour le physique détaillé de son interlocutrice, qui n’avait rien d’anodin : peau verdâtre, mâchoire de requin en guise de bijou sur le menton, yeux d’un bleu tirant sur le vert, froids et cruels. Son odeur se distinguait de celle des autres mortels, comme si sa force vitale ne dépendait pas uniquement des battements de son cœur mais aussi d’une volonté extérieure, inévitablement liée avec le milieu marin… Il avait entendu les rumeurs au cours de ses innombrables sorties en mer, lorsqu’il s’apprêtait à exécuter des dizaines de marins, comment certains mentionnaient qu’un jour, le dieu des mers aurait sa peau, sinon il enverrait sa fille, « la Saumâtre », pour s’en occuper…
     - Je vois… mais pas autant que vous, capitaine ! Eclairez ma lanterne, quelle est donc cette monstrueuse malédiction qui pèse sur mes épaules ?
     - Vous ne reprendrez pas la mer de sitôt, commodore, voilà ce que je vois. Je vois sur vous la haine des océans, une haine qui vous condamne à rester à terre, à moins de subir constamment les pires tempêtes qui fussent jamais contées. Niez-vous cela ?
     - Non. Par contre, capitaine, vous en avez trop dit pour votre propre bien. Je lierai mon sort au vôtre tant que ma flotte et moi-même ne serons pas guéris de cette malédiction.
     - Permettez-moi de vous corriger, commodore : vous avez besoin de moi et vous vous trouvez à la merci de mon moindre caprice. Sachez que moi, et moi seule puis intercéder auprès des dieux en votre faveur…



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MessageSujet: Re: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptyLun 30 Nov 2020 - 20:57


Voici la suite (et probablement la conclusion, le tournoi serait en mesure de reprendre la narration) de La Quête des Flots :




__________________________________________



***

     Harkon considéra sérieusement le meurtre pur, simple et immédiat de cette femme mortelle. Il le considéra comme il aurait pu considérer une attaque directe sur la flotte royale des elfes noirs : une entreprise alléchante mais vouée à des conséquences catastrophiques. En l’occurrence, étrangler la Saumâtre de ses propres mains tenait de l’évidence mais promettait une éternité de tempêtes sur les mers. L’affront de cette femme devrait être puni plus tard, quand il aurait le pouvoir de défier les dieux.
     « Quel est ton prix, femme ?
     La fureur contenue s’entendait aisément dans le ton de sa voix, cependant la capitaine de l’Espadon avait l’intention de presser son avantage.
     - Ta loyauté jusqu’à mon dernier souffle, vampire.
     Le suprême commodore fut sidéré en découvrant que sa colère contre cette mortelle pouvait encore monter d’un cran. Du cran, d’ailleurs, cette mortelle en avait, pour son plus grand déplaisir, et ses mains le démangeaient de plus en plus. Pourtant, il devait absolument trouver une autre solution.  
     - Je pensais que c’était l’or qui t’intéressait le plus, "capitaine".
     - Tu pensais à tort, "commodore". Eh bien, acceptes-tu mon offre ?

     Harkon réfléchit comme rarement auparavant, faisant appel à tout son génie maléfique.
     - Tu m’impressionnes, Aranessa la Saumâtre. Non contente de richesses, tu convoites le pouvoir. Quel est ton but ultime ?
     La capitaine de l’Espadon fit volontairement une pause avant de répondre, cherchant à déceler à son tour les possibles manœuvres de l’esprit que pouvait dissimuler son adversaire. Son but ultime était semblable à celui des plus grands capitaines de Sartosa, mis à part le fait qu’il était bien plus ambitieux et bien plus enraciné dans la nature profonde de la capitaine. Son destin, elle n’en doutait pas, était de régner un jour sans partage sur l’ensemble des mers et des océans. Elle le voyait dans ses rêves, elle le sentait dans son sang, elle était prête à affronter tous les défis et à pactiser avec tous les démons afin d’y parvenir.
     Or, Sartosa était une île franche. Le pouvoir détenu par les seigneurs pirates de l’île ne servait qu’à défendre leurs possessions et à conclure des accords juteux avec les sphères de pouvoir sur le continent. En revanche, aucun d’entre eux, pas même la très influente « princesse pirate », Carmen Silicieri, personne n’avait jamais eu la fantaisie d’imposer sa propre loi sur l’ensemble de l’île. Aranessa en était certaine : la simple évocation d’ambitions tyranniques parmi les habitants de l’île était synonyme de l’anéantissement de celles-ci. Au mieux, le quidam ambitieux parviendrait à s’enfuir ; au pire, le quidam ambitieux regretterait d’être né un jour…
     - Mon but ultime ? Le Grand Océan, vampire. Pendant trop longtemps, les elfes ont eu la mainmise sur ces vastes étendues d’eau et les nouvelles richesses trouvées dans les jungles de Lustrie devraient appartenir à tout le monde… Pas vrai, les gars ?
     L’équipage de la Saumâtre, rigoureusement discipliné par leur capitaine, était resté en retrait durant les longues heures qu’avait pris la conversation jusqu’à présent. Ceux qui étaient parvenus à suivre les échanges poussèrent alors des acclamations vigoureuses : l’abondance de l’or et d’autres trésors sur le nouveau continent était l’objet de nombreux fantasmes et de tout aussi nombreuses expéditions, dont certaines avaient été couronnées de succès.
     Cependant, Aranessa pouvait difficilement se douter qu’elle venait de frapper une autre corde sensible dans l’esprit tourmenté du suprême commodore : les trésors des lézards appartenaient à lui, et à lui seul !
     - A tout le monde, dis-tu ? Bien sûr, bien sûr...
     - Un problème, commodore ?
     - Non ! Non ! Drekla ? Y a-t-il un problème ? Non, bien sûr que non !

     De manière fort inconvenante, la chope du seigneur vampire éclata sous la force prodigieuse de sa poigne. Lui-même sentait que sa mine qui se voulait affable se muait de plus en plus en rictus, ce qui ne manqua pas de faire frémir l’équipage de la Saumâtre. Parfait : eux, au moins, se sentaient intimidés…
     - Avec tes morts-vivants sous mes ordres, vampire, je pourrais enfin concurrencer ces satanés corsaires de Clar Karond, voire envoyer par le fond leurs escadres. S’il n’y a pas de problème, alors je ne vois pas pourquoi tu refuserais mon offre.
     Comme elle disait cela, Aranessa glissa machinalement sa main sur le manche du couteau rangé dans un fourreau à sa ceinture. Ce fut son seul geste qui aurait pu trahir son appréhension : la capitaine sentait qu’elle était en train d’acculer la créature qui lui faisait face et les dieux savaient que celle-ci était particulièrement imprévisible.
     Luthor Harkon, quant à lui, sentait que la comédie avait assez duré. Non seulement il n’avait jamais eu l’intention de prêter allégeance à qui ce fût mais en plus les projets de cette peste étaient directement reliés aux trésors et aux artefacts de la Lustrie. SES trésors et SES artefacts ! Une pensée, cependant, empêcha le seigneur vampire de bondir sur cette mortelle : il risquait fort de ne jamais quitter cette île s’il faisait cela et, quand bien même il parvenait à fausser compagnie aux mortels, il se jetterait droit dans la gueule de sa malédiction qui, dans la mer de Tilée, ne l’avait raté que de peu. De l’impasse dans laquelle il se trouvait, il devait y avoir une troisième issue, moins drastique, plus profitable, obtenue au prix de roublardise et, surtout, de patience…
     - Je refuse, capitaine Aranessa la Saumâtre. Je refuse ton offre. Un pirate de mon acabit ne s’abaisserait jamais à une telle servilité, qu’il soit aussi libre que le vent ou sur le point d’être pendu haut et court. Drekla, est-ce que j’ai mentionné que je refuse l’offre de la capitaine ?
     - Affirmatif, suprême commodore.
     - Merci, Drekla.
     - A vos ordres, suprême commodore.
     - Je pense que cela vaut un toast, capitaine ! A la liberté et à l’indépendance !
     Sans attendre de réaction de la part de la Saumâtre, il remplit prestement les trois chopes restantes, s'empara lui-même de la bouteille et trinqua avec ses deux acolytes, vidant le restant de l'alcool d’un seul trait. Harkon savait qu’aux yeux de tous les mortels qui assistaient encore à leur négociation, il venait de remonter sa côte. Son intuition lui disait que ce pourrait lui être utile.

     Aranessa dut à son tour réprimer une pulsion meurtrière, tant le refus du vampire avait été cinglant, voire humiliant pour elle. Elle avait sous-estimé « le futé » et accusait un revers. Or, l’allégeance d’une bande de morts-vivants était le seul prix qui lui paraissait suffisamment élevé afin qu’elle portât assistance à ces intrus sanguinaires. L’or le fut au départ mais la capitaine doutait qu’elle trouverait une puissance de feu comparable à celle de ces créatures parmi les bandes de mercenaires qui sillonnaient les campagnes tiléennes. Or, elle le savait, cette puissance de feu se situait désormais hors de sa portée, elle devait y renoncer et abaisser ses exigences… « Le futé » le savait et ne dissimulait guère sa petite satisfaction sur ses traits hideux. La capitaine devait absolument regagner le terrain qu’elle venait de perdre :
     - Voilà un bon toast, commodore, un excellent toast, même ! Tous mes hommes devraient trinquer à cela ! Messieurs, navrée de vous avoir fait attendre, servez-vous au comptoir, c’est ma tournée !
     Harkon observa le manège des pirates délestant le comptoir de ses quelques bouteilles restantes, conscient que les négociations allaient prendre un nouveau tournant.
     - Luthor Harkon, vous êtes alors libre de quitter Sartosa dès le lever du jour.
     Il reporta immédiatement son regard sur la Saumâtre : l’intérêt qu’elle lui avait manifesté jusqu’à présent venait d’être remplacé par un froid abyssal. Son équipage, tiré de sa torpeur par la boisson, semblait prêt et même impatient de dégainer ses armes. En quelques secondes, il s’était vu sèchement rappeler le prix inévitable de son refus : libre, certes, mais toujours maudit. Pour ne rien arranger, sa flotte mort-vivante était indésirable parmi tous ces vivants. Aranessa, visiblement, ne proposait sa protection qu’une seule fois. L’or ne l’intéressait-elle vraiment pas ?
     - Aranessa la Saumâtre, je vais vous faire un cadeau. Pas seulement à vous, d’ailleurs, non, Papa Harkon sait se montrer généreux avec ses hôtes, par le Kraken !
     Aranessa n’accorda à cette annonce qu’un intérêt limité : les épices d’Inja et les soies de Cathay ne pouvaient avoir autant de valeur que la puissance de feu d’une flotte vomie par les flots. Cependant, « papa Harkon » poursuivit, soudainement inspiré :
     - Les richesses des jungles de Lustrie ! Vous pensez bien que j’y connais quelque chose, moi, le seigneur de la Côte des Vampires, la Créature Mort-vivante, le Monstre des Mers, le Suprême Commodore ! Eh bien, je ne suis guère avare de mes secrets. Je pense moi aussi que les richesses cachées dans ces forêts impénétrables et ces marécages empoisonnés devraient appartenir à tout le monde ! Drekla, ici présent, peut le confirmer, pas vrai, Drekla ? Ecoutez-moi, vous tous ! Réveillez-vous ! VOUS ! Là-bas ! Toi, toi et toi, qui espionnez cette conversation en vous pensant discrets, écoutez, vous aussi ! Moi, Luthor Harkon, j’ai exploré ces jungles luxuriantes, j’ai vu les cités perdues des créatures monstrueuses qui peuplent ce continent ! Je les ai affrontés, moi, et… J’ai vu leurs trésors. Réveillez-vous, bande d’abrutis ! Vous pensez avoir vu des trésors dans votre vie ? Un coffre rempli d’or, un coffret bourré de pierreries, des cales pleines de lingots ? Mais vous n’avez rien vu, pauvres ignorants, vous n’avez pas vu les cités cachées derrière la jungle ! Vous n’avez pas vu les mystérieuses cités d’or !
     - Moi, Luthor Harkon, je vais immédiatement vous prouver que je suis des vôtres. Drekla ici présent est extrêmement bon pour dessiner des cartes, pas vrai, Drekla ? Eh bien, à partir d’aujourd’hui, et jusqu’à ce que la première expédition revienne à Sartosa avec les cales remplies d’or, je jure sur mon honneur que quiconque en exprimera le souhait se verra remettre une carte conduisant au cœur de la Lustrie, et la jungle, tu l’as deviné, gros malin, la jungle de Lustrie a un cœur en or !
     - Capitaine Aranessa, ce n’est que pure cruauté et injustice que de refuser à un pirate le plaisir de sillonner librement les flots ! Mais je comprends, je n’ai pas de reflet dans un miroir, le soleil consume ma peau nue ; mes hommes et moi-même, affamés par les privations, ont déjà saigné à blanc beaucoup des vôtres, je comprends ! Eh bien, vous me voyez en plein repentir, prêt à payer le prix de l’or à quiconque sera assez courageux pour entreprendre le voyage par-delà le Grand Océan. Quant à douter de ma bonne foi, vous pensez bien que vous me tenez par les tripes ! La mer elle-même a fait de moi votre prisonnier ! Osez seulement prétendre que j’aurais la fantaisie de vous escroquer avec de fausses cartes ! Osez seulement remettre mon honneur de pirate en question ! Les cartes que Drekla tracera seront authentiques, qu’il s’agisse de velin, de peau de vache ou même de planche de bois ! Moi, Luthor Harkon, fais ce cadeau à tous les braves qui peuplent cette île, et en appelle à votre fameux Code : dès que la première expédition sera de retour avec les cales remplies d’or, ma bonne foi sera prouvée et je ferai partie des vôtres et alors, vous ne saurez me refuser mon salut, capitaine Aranessa. Vous lèverez la malédiction !
     - En attendant, Drekla, mets-toi au travail ! J’ai vu un bout de parchemin trainer sur le comptoir, juste assez pour notre premier ticket vers l’Eldorado ! D’ailleurs, prends ce bout et partons ! Tu travailleras sur la Terreur des Abysses, sous bonne garde de nos équipages. En plus, le jour va bientôt se lever, pouah !
     - Venez nombreux, messieurs-dames ! La capitaine Saumâtre pourrait vite changer d’avis et décider de nous envoyer par le fond, moi et tous les monstres que je commande ! Mais ce serait faire injustice ! Ce serait se dresser entre un pirate et son butin, et tout le monde sait ce que le Code dit par rapport à ça ! »



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Terres perdues d'Imagination - El Dorado - Art imprimé par Brian Giberson (lien)

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Essen
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MessageSujet: Re: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptyJeu 3 Déc 2020 - 20:17

On y arrive, nous y sommes presque, je pense que là, c'est vraiment la fin du récit  drunken


________________________________________________



     Rœnekaat Fooger en était certain, désormais : il était un Ruebatuki, comme le lui avait dit un jour son père, un nain qui vivait avec les humains, peut-être un peu trop, peut-être en payant un prix qui leur valait le mépris de leurs cousins vivant dans les montagnes.
     Assis sur sa couchette, Rœnekaat sentait qu’il ne retrouverait pas le sommeil de sitôt. Comment le pouvait-il, alors que son honneur était peut-être intact, peut-être souillé par l’échec ?! Il savait que cette simple pensée était un signe, un signe qu’ils devaient absolument faire demi-tour, revenir sur leurs pas, revenir sur cette île maudite et finir le boulot, quitte à mettre l’intégralité de l’île à feu et à sang. Pourtant, ce n’était pas ce qui était en train d’arriver, leur mission était soi-disant accomplie et ils voguaient désormais dans le sens inverse de leur traversée initiale, ils rentraient chez eux…
     A l’extérieur, le soleil était presque couché, ses derniers rayons filtraient à travers la vitre de la cabine, plongeant l’ameublement sommaire de la pièce dans une douce pénombre. Rœnekaat, cependant, avait l’impression d’avoir des aiguilles plein le derrière, tant le doute le tiraillait.
     Une bonne douzaine d’heures plus tôt, ils avaient attaqué Sartosa. Les nains avaient-ils attaqué Sartosa ? Non, mais ils avaient trouvé sur quoi utiliser leurs haches de la manière la plus inattendue qui fût : sur chacun des trois galions surgirent deux de ces viles créatures umgi mort-vivantes, lames au clair, prêtes à découper tous les umgi présents à bord et certainement pas prêtes à rencontrer du bon acier dawi sur leur lancée. Par quel prodige, comment ces uzkuls ambulants avaient-ils pu apparaître sur leurs navires ? Rœnekaat avait été incapable de se l’expliquer. Ce qui était certain, c’eut été que lorsque les uzkuls comprirent à qui ils avaient affaire, il était déjà trop tard pour eux, ses guerriers étaient tombés sur eux avec une fureur qui leur faisait honneur, brisant leurs sabres et entaillant leurs chairs là où ça faisait mal. D’ailleurs, il avait ressenti un léger malaise lorsqu’en plus de les occire, ses guerriers les avaient d’abord taillés en petits morceaux, broyant leurs chairs et leurs os sans aucun ménagement, et seulement après jetèrent ces immondes résidus par-dessus-bord. Durant ce temps, l’attaque des elgi sur Sartosa se poursuivait.
     Rœnekaat se leva et fit une énième fois les cent pas dans sa cabine : l’attaque n’avait guère duré longtemps, oh que non, elle fut même relativement courte puisque les navires elgi rebroussèrent chemin alors que le Zon était à peine sorti au-dessus de l’horizon ! Et ça, Rœnekaat savait pourquoi ça s’était passé comme ça mais ce n’était pas pour autant qu’il était d’accord ! Ces demeurés d’elgi aux longues oreilles avaient décidé de se contenter de brûler les navires des uzkuls ! Et ça leur suffisait ! Et ils ne voulaient pas combattre les autres umgis de Sartosa, voyez-vous ça !
     Rœnekaat le savait mais pas ses guerriers. Il n’avait jamais annoncé à ses guerriers que les elgi avaient renoncé à exterminer les uzkul jusqu’au dernier lorsqu’ils avaient su que les uzkuls étaient à Sartosa. Et évidemment, les capitaines marienburghers de leurs galions, y compris le capitaine de la Rancune, étaient d’accord ! Il n’avait pas pu annoncer la tournure des événements à ses guerriers, espérant secrètement que les umgi de Sartosa contre-attaqueraient immédiatement, permettant ainsi que lui et ses guerriers, ainsi que ces poltrons de marienburghers seraient obligés à se battre… Eh bien…
     Contre-attaque il y avait eu, avec les uzkuls surgis des flots, six en tout. Il n’y comprenait rien. Rien à rien. Le comble eut été complet lorsque ses guerriers se rendirent compte qu’ils n’avaient pas pris le temps d’identifier les uzkuls : est-ce que c’étaient bien ceux qui les avaient attaqués à Marienburg ou est-ce que c’en étaient d’autres ? Evidemment, ils allèrent demander à l’umgi Günther Liedermann, qu’ils avaient forcé à faire le voyage avec eux pour être sûrs d’avoir tué les bons uzkuls, et ils lui demandèrent s’il avait vu au moins les deux uzkuls qui avaient attaqué la Rancune, où il se trouvait. Evidemment, l’umgi Günther Liedermann leur répondit que oui, qu'il avait pu voir ces uzkuls et que, évidemment, il avait reconnu leurs visages, c’étaient bien les uzkuls qui avaient attaqué Marienburg ! Evidemment ! Comme si lui aussi, Rœnekaat, n’avait pas secrètement envie de rentrer chez lui au plus vite ! Aussi, lorsque les elgi furent de retour sur leurs navires à rames, ce fut à lui, Rœnekaat, de décider : soit il jurait à ses guerriers que leur mission était accomplie, les uzkuls morts et leurs navires uzkuls brûlés par les elgi, soit il avouait tout en bloc et ses guerriers et lui-même étaient bons pour aller attaquer Sartosa une deuxième fois, cette fois-ci en ratissant toute l’île de fond en comble à la recherche d’uzkuls, avec le malheureux Liedermann en guise de boussole ! Quitte à en mourir !
     Rœnekaat se tira plusieurs fois la barbe, avec obstination, juste pour faire écho à la douleur qui se manifestait dans son esprit. Le jeune nain était désormais dans l’obscurité, avec une envie entêtante de renverser sa couchette, juste pour se passer les nerfs. Une petite voix dans sa tête lui disait que c’était du travail umgak, que le déshonneur frappait à sa porte et que s’il suivait la tradition de son peuple à la lettre, lui et ses vingt guerriers devraient à leur retour se raser les crânes et se teinter les barbes et revenir sur Sartosa, pour la dernière fois cette fois-ci. Seulement, Rœnekaat était un Ruebatuki, un nain qui avait vécu longtemps avec les humains, et qui apprenait à survivre parmi les plus sournois et les plus cruels d’entre eux. Sur la balance, d’une part, la vengeance d’un toit troué par hasard et, d’autre part, la mort de l’héritier de la seule maison dawi de Marienburg et la mort de vingt longues-barbes qu’il avait appris à apprécier pour ce qu’ils étaient au cours de ce voyage : des guerriers forts, sages et dévoués. Ses ancêtres le prennent en pitié, se dit Rœnekaat, car il empruntait un chemin tortueux, peut-être le même chemin qu’avait déjà emprunté son père, sans jamais le dire à personne, lui aussi déchiré entre la tradition et la survie de la Maison Fooger. Puisse Valaya le prendre en pitié et plaider sa cause auprès de Grimnir !
     Finalement épuisé, Rœnekaat s’effondra sur sa couchette alors qu’à nouveau la nuit laissait place à l’aurore.

***

     Lorsque Rœnekaat se réveilla, il ne se lèva pas de suite, restant sur sa couchette, les yeux mi-clos. Les visages qui lui étaient venus en songe hantaient encore sa mémoire et il s’efforça de les oublier. Une pensée salvatrice le visita tout à coup : tout était de la faute de ces fichus elgi ! Ils avaient tout fait trop vite ! Ils avaient déjà tout décidé avant même de consulter leurs alliés ! Ils n’avaient que faire de l’honneur dawi !! Tout était de leur faute !
     Le jeune nain finit par quitter sa couchette et remarqua qu’il avait dormi habillé. Pestant contre tout ce qu’il voyait, Rœnekaat quitta promptement sa cabine en se dégourdissant les doigts et en s’échauffant les poignets. Sur le pont de la Rancune, il fut ébloui par l’éclat de l’astre du jour, par le bleu du ciel et par les myriades de reflets sur les vagues tout autour. Une joyeuse brise matinale gonflait les voiles du galion mais même cela ne suffit pas pour dissiper la mauvaise humeur du dawi. Répondant distraitement aux saluts des umgi et de ses guerriers présents à bord, Rœnekaat monta prestement sur le pont arrière du navire et s’arrêta au bastingage ; ils laissaient derrière eux la mer de Tilée, ils rentraient chez eux. Le jeune nain n’en revenait toujours pas : à peine ils avaient rattrapé leur cible à Sartosa que les elgi avaient bombardé leurs vaisseaux et tourné les talons aussi rapidement, évitant de s’attirer les foudres des pirates, qu’ils avaient dit. Mission accomplie, qu’ils avaient rajouté…
     Rœnekaat ne fut guère importuné, son air peu amène inspirant même l’approbation muette de ses guerriers, d’un siècle ses aînés. Le dawi s’échauffa les poignets derechef, puis remua les épaules, avant de chercher instinctivement la dague qu’il portait habituellement à la ceinture… Son absence ne rencontra que son dédain, il avait dû l’oublier dans sa cabine, tant pis. Il se contenta de faire les cent pas le long du bastingage, ressassant encore et encore les événements de la veille : l’attaque-éclair des elgi, l’abordage des uzkuls à bord des galions, les conclusions tirées par lui-même. Rœnekaat savait qu’il y avait de grandes chances que le principal gredin qu’ils pourchassaient, Luthor Harkon, ne fût pas décédé au cours de la veille. Il savait également que sa conscience ne serait jamais tranquille tant qu’il n’aurait pas la confirmation du trépas de l’uzkul. Il savait également que c’était à cause de la lenteur des galions que la flotte alliée n’avait jamais réussi à rattraper la flotte uzkul à temps. Toutes ces considérations, il les écourta en prenant une décision finale : cette quête de vengeance serait l’affaire de sa vie, ainsi que son premier « grand » secret, qu’il n’avouerait seulement qu’à ceux qu’il emploierait directement pour régler son affaire.
     Il deviendrait un donneur de quête, grommela Rœnekaat dans sa barbe en observant le sillage de la Rancune sur la surface des eaux. Il se mettrait à la recherche de mercenaires de renom, comme Gotrek Gurnisson et Felix Jaeger, ou Hjalmar Oksilden, et il les emploierait pour lui rapporter la tête du maudit uzkul. Tout cela dans le plus grand secret afin de préserver l’honneur de la Maison Fooger…
     Bercé par la houle, le dawi sentit qu’il pourrait s’endormir comme ça, appuyé sur le bastingage. Un choix d’occupation qu’il accueillit avec un pincement sur l’arcade sourcilière et la mine renfrognée. Il avait sommeil, il avait faim et il avait hâte que cette pénible traversée se terminât. Un donneur de quête, si sa mère entendait ça, si leurs cousins des Montagnes Grises entendaient ça…
     Rœnekaat retourna sans plus tarder dans sa cabine, ayant ordonné au préalable qu’on lui ramenât un en-cas. Un donneur de quêtes, puissent les ancêtres de sa famille lui venir en aide…

***

     Pendant ce temps, à deux bonnes journées de navigation de la flotte alliée « victorieuse », sur les eaux côtières de la charmante île de Sartosa, la Terreur des Abysses dressait fièrement son unique grand mât noirci par les flammes au milieu d’un nombre impressionnant de décombres flottants, les épaves ayant fini par disparaître dans les eaux profondes des docks. Tout était calme, le vent ramenait quelques rares clameurs de la cité voisine, clameurs souvent étouffées par les cris des mouettes et autres volatiles à plumes blanches. Les docks de l’Homme Mort avaient été momentanément surnommés « le Cimetière des Galions » et pas un seul pirate doté d’un instinct de survie ne s’aventurait dans les environs. D’ailleurs, il n’y avait quasiment plus personne, les zombies parsemaient discrètement le fond de la baie alors que leurs maîtres de la nuit s’étaient éparpillés aux quatre vents sur l’île, se terrant dans des grottes et dans d'autres refuges improvisés, déterminés à apaiser leur soif de sang « au petit bonheur la chance », à la fois furieux contre l’infortune, contre eux-mêmes, contre leurs ennemis et surtout, surtout contre leur seigneur et maître, le suprême commodore Luthor Harkon. A cela s’ajoutait le détail que leur seigneur et maître était un fou dangereux, notion qui prenait une dimension éminemment différente lorsque ses galions chéris étaient envoyés par le fond de la manière la plus basse qui fût. C’étaient eux, les vils pirates, oui ou non ?!!
     Le capitaine Drekla était installé au fond de la cale de la Terreur des Abysses, entouré des quelques coffres et autres trésors que l’incendie provoqué par les elfes avait épargnés. En face de lui se trouvait la base massive du grand mât, renforcée de cercles d’acier, à laquelle était solidement ligoté son seigneur et maître…
     Drekla avait reçu ces instructions de Harkon lui-même : le seigneur vampire lui avait ordonné, lorsque les conséquences de l’incendie étaient devenues manifestes, de le restreindre temporairement car, sinon, avait-il dit, "il ne répondait plus de lui-même ni de ce qui arriverait à tout ce qui bouge autour de lui". Geoffrey et lui finissaient les derniers nœuds lorsque les autres capitaines de la flotte les retrouvèrent à bord de la Terreur, provoquant immédiatement un saut d’humeur du suprême commodore qui faillit faire céder tous ses liens et qui fit s’enfuir tous ces messieurs. Ils n’étaient plus revenus depuis et, pendant deux jours, Drekla avait prêté une oreille distraite aux vociférations démentielles de son supérieur paralysé, tout en traçant soigneusement quelques brouillons des cartes que les pirates ne manqueraient pas de convoiter. Là, le déluge verbal de Harkon avait fini par s’épuiser et, pensait Drekla, dans une semaine peut-être les mortels auraient de nouveau l’audace de se trouver dans la même pièce que lui. Pour l’heure, la seule d’entre eux qui avait tenté de lier conversation avec son seigneur et maître eut été la fascinante capitaine de l’Espadon, Aranessa la Saumâtre. Cependant, ils convinrent entre eux assez rapidement que sa présence agissait plus comme du sel versé sur une plaie que comme un baume apaisant. Chose autrement extraordinaire, la mortelle lui avait même proposé de lui livrer, si tel fût son souhait, un esclave quelconque à saigner pendant… "pendant que le suprême commodore se remettait de sa malédiction", qu’elle avait prudemment ajouté. Sentant qu’elle essayait encore de rentrer dans les bonnes grâces d’un puissant nosferatu, Drekla avait dédaigneusement refusé : sa soif, il savait l’étancher à des moments propices et, se disait-il, il n’aurait guère hésité à étancher sa soif avec le sang de cette vipère si elle n’avait pas été aussi indispensable à leur flotte.
     Drekla rajouta de nouveau une croix épaisse sur le parchemin, touche finale qui indiquait l’emplacement de la cité d’or des détestables hommes-lézards. Le fleuve Amaxon n’était guère loin, permettant une traversée relativement aisée pour un équipage remontant le fleuve sur une barque ou un langschiff. « Relativement aisée » était la bonne expression mais, ça, les détails du périple, les mille et une manières de trépasser pour un mortel dans cette contrée inhospitalière, ça, ça deviendrait des broutilles pour qui voulait devenir riche jusqu’à la fin de ses jours…

     - Drekla…
     - A vos ordres, suprême commodore.

     - Combien de cartes, Drekla ?
     - Deux copies acceptables, suprême commodore.

     - Continue notre affaire dans une de leurs tavernes, Drekla, et tâche de te fondre dans le décor.
     - A vos ordres, suprême commodore.

     - Avant de partir, Drekla, détache-moi, j’aurai à discuter avec… les capitaines moins loyaux que toi, Drekla.
     - Tout de suite, suprême commodore.

     - Ah… Le sort s’est acharné sur nous, Drekla, le sort s’est acharné sur nous ! Mais, maintenant, maintenant, ce sera bientôt tout une armada de navires lancée à l’assaut de la jungle, Drekla… Ah, l’or… Ils vont regretter, Drekla, tous nos ennemis vont regretter de nous avoir cru vaincus, Drekla.
     - Le plan ne change pas, suprême commodore ?

     - Régner sur les mers et les océans ? Bien sûr que le plan ne change pas, Drekla, mon fidèle bras-droit ! Imagine seulement le nombre de naufrages qui auront lieu lors de cette fantastique traversée des grandes eaux vers le Nouveau Continent, le nombre d’épaves que nous aurons le loisir de repêcher là-bas dans quelques années…
     - Votre génie est sans limites, suprême commodore.

     - Je sais, mon bon Drekla, je sais…


***
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***

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Jodocus Hondius - Nouvelle carte vers les terres merveilleuses de Guyane, sous la ligne de l'Equinoxe - Publié pour la première fois à Amsterdam, 1598

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MessageSujet: Re: YOHO ! ou La Quête des Flots   YOHO ! ou La Quête des Flots EmptyMer 9 Déc 2020 - 20:53

cheers  Salut tout le monde !  cheers


Un nouveau tournoi, la Route vers l'Eldorado, suite logique de la Quête des flots, a été lancé aujourd'hui sur le forum des comtes vampires !

N'hésitez pas à vous joindre à la chasse au trésor, ça se passe ici : https://whcv.forumactif.com/t6667-appel-aux-armes-la-route-d-eldorado#124199
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