La Guerre des Gaules...

Chose promise, chose due !!!

Il y a déjà quelques temps de cela j’avais promis à Niger, suite à l’une de nos nombreuses discussions sur le forum, de traiter, dans un sujet complet mais non exhaustif, car trop vaste pour cela, de la fameuse Guerre des Gaules de Jules César, mais aussi et surtout de cette civilisation encore « méconnue » que représentent les Celtes en général et les Gaulois en particulier.

La tache peut sembler insurmontable, de fait elle l’est !!! Surtout si je commets l’erreur de vouloir faire travail d’historien ou d’archéologue, ce que je ne suis pas…
Je me bornerai donc, avec modestie et simplicité, de produire un « état des lieux » entre les Celtes d’un côté et les Romains de l’autre.

Les relations entre ces peuples furent multiples…

Commerciales tout d’abord, les produits issus du Nord de l’Europe mais aussi de l’ouest ou de l’Europe centrale actuelle, l’ambre notamment, furent acquis par les Romains via le truchement de commerçants Celtes ou de Romains ayant contact avec ceux-ci…

Mais pas que… Les Grecs aussi commerçaient avec eux, Massalia, notre moderne Marseille, outre le fait d’exporter en Gaule les vins méditerranéens, prospérait aussi et surtout grâce à ses échanges avec les tribus gauloises immédiates ou installées à l’intérieur du pays…

Les échanges « scientifiques » existèrent aussi…

Outre la mythologie d’un contact entre les premiers Sophistes et ceux qui, chez les Celtes, allaient donner les Druides (légende ou véracité embellie par les auteurs Grecs…); il y eu aussi des « ambassades », celles d’Apollonios d’Apamée (dit aussi de Rhodes) bien qu’ignorée du grand public actuel, laissa, entre autre, un certain nombre d’ouvrages dédiés aux peuples Gaulois dont il ne nous reste que des morceaux épars, premiers commentaires ethnographiques d’une civilisation qui nous reste encore fortement méconnue…

Les mouvements de populations eurent aussi leur rôles…

N’oublions pas qu’il n’y eu pas un peuple Celte mais des peuples Celtes, lesquels furent nommés différemment par leurs voisins immédiats… Qu’ils soient Galates, Keltoïs, Gaulois, ou, pour certains, « Germains », tous étaient d’abord et avant tout Celtes… Ces contacts furent souvent violents, et rapidement les guerriers celtes acquirent une réputation telle qu’ils furent fréquemment embauchés comme mercenaires par les armées de l’ensemble du pourtour méditerranéen…

Peuple « en mouvement », pour diverses raisons, il était aussi et avant tout un peuple sédentaire, capable de maitriser son environnement, principalement agricole, capable de « mixité » avant l’heure : Celto-Ligures, Celtes-Ibères, Gallo-Romains… Tous intègrent pour partie leur propre culture à celle des peuples voisins…

Pourtant ces peuples nombreux et divers ne furent jamais perçus comme une Civilisation à part entière par les voisins plus « civilisés » qu’étaient les Grecs et les Romains.

Ils restèrent des « Barbares »…

Pour les premiers, étaient ainsi qualifiés tout peuple ne parlant pas le Grec, qu’importe le degré de civilisation, que celle-ci soit raffinée ou non, Perses, ou Celtes, même résultat…

Pour les seconds, tout ce qui n’est pas gréco-romain, plus exactement Latin, est Barbare, surtout s’il s’agit de le combattre afin de l’assujettir…
Ici aussi le degré de « civilisation » de l’adversaire n’entre pas en ligne de compte…

De fait, il faut bien reconnaitre que l’essentiel des contacts avec les gréco-romains, à de rares exceptions (comme le cas d’Apamée ci-dessus), furent d’abord et avant tout belliqueux… Ce qui n’a pas aider à former une image « positive » des peuples Celtes…

Comme précédemment écrit, je vais donc étudier les deux opposants de cette fameuse « Guerre des Gaules », je commencerai donc par le plus « facile » à étudier: Rome….

Sa trace historique est telle que les supports, de tous types, ainsi que les études, variées et de qualité sont si nombreuses qu’il est plus simple de commencer par elle.

Dans un premier temps je développerai sa situation géographique à l’époque, son organisation politique (intérieure et extérieure), puis son armée… Je m'intéresserai dans un deuxième temps à la Province romaine, cause du "Casus Belli" indirect de la Guerre des Gaules, pour enfin terminer, dans un troisième temps par une étude du cas César...

Salve !

Tu te lances dans une entreprise ô combien périlleuse, mon ami : je convoque d'ores et déjà mes légions, auxiliaires et ailes de cavalerie pour venir à ta rencontre... et je ne lâcherai rien sur le terrain, sois-en assuré.

Car pour dépasser le simpliste, caricatural et aujourd'hui largement dépassé "nos ancêtres les Gaulois", suivi d'un pladoyer sur "la civilisation gallo-romaine", il va falloir la jouer serrée... J'exprimerai mes points de vue - bien sûr discutables - en temps et heure.

Déjà, l'expression "la Guerre des Gaules" présente un double piège :

1. La guerre, au singulier (bellum) implique une série de campagnes et batailles liées entre-elles, avec traditionnellement une date de départ et une date de fin. Dans l'historiographie traditionnelle française, on donne ces dates : 58 à 51/50 av. J-C, soit la suite des campagnes de César sur les territoires de ce qui est aujourd'hui la France (on peut y ajouter l'incursion en Bretagne et celle en zone rhénane). Hors, du point de vue des auteurs et politiciens Romains, on est aujourd'hui à peu près assurés que les campagnes césariennes n'ont pas été perçues comme UNE guerre, mais comme la continuation ou les nouvelles péripéties d'un conflit beaucoup plus ancien entre les Romains et les Celtes/Gaulois (pense aux sacs de Delphes et de Rome au IVe s. av. J-C, aux troupes celtes d'Hannibal puis à la Guerre sociale dans le Nord de l'Italie), sur plusieurs fronts et à plusieurs époques.

Certains auteurs y mettent parfois une date de fin bien postérieure : il y a d'abord eu toute une série d'insurrections "gauloises" localisées dans les dix à vingt ans après, toutes matées ; l'arc de triomphe d'Orange nous donne à penser que l'époque du Principat augustéen n'a pas été si paisible que ça, et l'année des Quatre Empereurs (68 ap. J-C) a vu se dresser une bonne partie des Bataves, Germains et Gaulois contre Rome par exemple... et que dire de l'Empire des Gaules du IIIe siècle ?  

On ne peut en outre tout à fait isoler ces campagnes de César - les sénateurs les liaient à Rome - de celles, juste antérieures, de Pompée dans les Hispanies (même problème singulier-pluriel), notamment pour la zone Garonne/Pyrénées/Ebre. Les opérations militaires de la guerre civile entre les deux chefs commencent d'ailleurs entre Pyrénées et Ebre...

Ce n'est, de plus, absolument pas un hasard si les troupes de César comprenaient de très forts contingents de Gaulois ethniques du Nord de l'Italie, de la Province et du Languedoc-Toulousain, ou si les Aquitains n'ont pas rejoint Vercingétorix (sauf ceux des bords septentrionaux de la Garonne et de ses afluents, certainement très celtisés)... Tiens donc, des Gaulois amis des Romains ? On estime aujourd'hui que près de la moitié des troupes de César, et parmi les plus loyales, étaient composées de Celtes ethniques...

2. la Gaule ou les Gaules, Gallia ou Galliae ? Parler de la Gaule est une simplification abusive si l'on entend par là un territoire sur lequel réside un peuple homogène ; du coup, tu as bien fait de mettre un pluriel. Il y a en effet plusieurs "Gaules" : Gaule belgique, Gaule celtique, Gaule chevelue, Gaule cisalpine, Gaule en toge, Gaule transalpine, dont les contours et les appellations changent avec le temps. Au temps de César, en outre, la zone padano-alpine n'est absolument plus gauloise (même si le fond ethnique majoritaire est certainement encore celtique), de même que la Province (Provincia), qui est définitivement romaine (mais de peuplement ethnique celtique, ligure, grec et romain, avec tous les mélanges possibles). Que dire alors de l'Aquitaine (Aquitania) ou des Germanies ?

Pour traduire "De bello gallico", j'utiliserais simplement "la guerre gauloise" (dans le sens d'une guerre livrée par les Romains - principalement - contre les Celtes). Cet épisode est à lier impérativement à l'histoire, à la carrière et à la propagande de César, la suite logique étant "de bello civili"...

3. On peut ajouter un troisième piège (que tu relèves notamment pour la désignation des Germains, les "Cousins", ou le mercenariat des Celtes) : celui d'une identification complète entre Celtes et Gaulois. Les Grecs utilisaient généralement Keltoi ou Galatoi, les Romains Celti ou Galli pour désigner des peuples qu'ils connaissaient et identifiaient parfois plus ou moins, et qu'ils installaient dans des contrées et des territoires très mouvants. Problème de fond : tous les habitants des Gaules n'étaient pas des Celtes ; tous les Celtes n'étaient pas non plus des Gaulois (des Tchèques ou Autrichiens d'aujourd'hui, voire même des Polonais ou des Turcs, pourraient très sérieusement revendiquer un "Nos ancêtres les Gaulois" sans que cela prête à rire... Où sont Halstatt et La Tène, la Galicie et la Galatie ?).

On continue...

Sacré Niger!!!      

J'aurai parié que tu serais prompt à intervenir, avec justesse et à propos, sur ce sujet qui, outre le fait qu'il a fait coulé (le fait encore et le fera toujours) beaucoup d'encre, est emprunt de bien des lectures et interprétations; lesquelles sont souvent liées à un besoin politique à un instant T, besoin bien souvent discutable pour ne pas dire contestable, comme le fût l'utilisation par le régime de Vichy de ce sujet...

Rassure-toi, il est hors de question de faire une analyse partielle ou partiale des faits, mais au contraire de faire un point le plus précis possible de la situation au début de la Guerre des Gaules, tant du côté Romain que de celui des Celtes...

Les seconds seront plus longs et compliqués à étudier que les premiers, les connaissances que nous en avons sont lacunaires, même si les recherches archéologiques préventives récentes nous ont permis de lever le voile sur tout un pan, jusqu'alors méconnu/inconnu, des civilisations Celtes...

La poliorcétique et les affaires militaires seront évoquées, mais je resterai sur un plan générique. En effet, l'étude de l'armée romaine ainsi que de son évolution est si complexe et multiple qu'une vie n'y suffirai pas... Au temps dire que pour les Celtes se serait deux vies!!!

De surcroît je pense, à juste titre, que c'est un sujet que tu maîtrises et expliques mieux que moi, et de loin!!!    

Reste la question de la Guerre ou des Guerres des Gaules??? Si le pluriel s'impose de lui même concernant les peuples (car géographiquement les romains, ou du moins César, voyaient, à juste titre, plusieurs Gaules), l'interrogation reste encore débattue quant à celui de la guerre...

Personnellement je laisse ces querelles d'experts aux experts!!! Je me bornerai "simplement" à synthétiser l’œuvre de César consacrée a sa(es) campagne(s) dans notre beau pays...

Il est un point important qu'il me faut cependant préciser dès maintenant, la notion de "frontière".

Si, pour César, comme pour les romains d'ailleurs, la Gaule Cisalpine et la Province sont clairement identifiées d'un point de vue géographique, les autres Gaules sont loin d'être des entités clairement définies géographiquement... Elles étaient plutôt un conglomérat de peuples majeurs (Eduens, Avernes etc...) et de peuples "vassaux" reconnaissants peu ou prou un lien étroit ou non avec ceux-ci... Je préciserai cela en temps voulu rassure-toi...

Dernière remarque, chaque "chapitre" aura, à son issue, la ou les référence(s) où piocher des lectures complémentaires, ou du moins celles sur lesquelles je me serai appuyé... Histoire de partager aussi nos lectures et d'échanger les points de vues qu'elles expriment...