Un petit récit que j'ai fait à l'occasion d'un concours sur un autre forum.
Traqueur traqué
- Citation :
- Il prit la route du Nord, bien qu'aucune route ne soit plus guère visible; pas même une piste tracée par les bêtes.
Il traversa d'innombrables paysages, pays et climats, et la nature semblait devenir muette à son passage.
Marchant de jour comme de nuit, il ne laissait derrière lui qu'un sillon éphémère dans le sable, la neige et la boue.
Un jour enfin, il arriva aux portes d'une forêt noire comme un tombeau, où le soleil n'entrait pas.
Devant lui, enchevêtré sous un siècle de racines, un chemin de pierre blanche s'enfonçait en luisant dans la pénombre du sous-bois.
Il sourit. Il n'était plus seul.
Des feuilles bougèrent et des branches craquèrent sous le poids de son pas quand elle décida de sortir des ombres du sous-bois, bien qu'elle ne semblât pas peser plus lourd qu'une épée.
-Ma dame, l'accueillit le chevalier qui se tourna vers elle, le sourire toujours aux lèvres, les rides et la fatigue se dessinèrent davantage à la lumière de l'aube.
-Te voici donc de retour, lui lança t'elle. As tu pu remplir ta mission?
-Je suis de retour en effet, mais je crains de ne vous apporter que mauvaises nouvelles... Il m'a échappé, il est insaisissable. Quand je me rendais à l'endroit où il était supposé être, tout indiquait qu'il avait disparu plusieurs jours auparavant...
Avant qu'il ne puisse continuer, il remarqua le visage quelque peu contrarié de la jeune femme, puis continua.
-... Mais les indices que j'ai récolté m'amènent jusqu'ici, à nos frontières! Une voix grave, chargée d'un peu d'émotion avait pris le dessus sur celle qu'il avait couramment.
Ce qu'il lui annonça ne l'étonna guère, elle acquiesça brièvement et répondit:
-Je le sentais, l'armée des morts sort de ses tombes et marche vers nous pour nous détruire. Même le peuple d'Athel Loren le sent...
Il se retourna, se dirigea vers sa monture puis la monta. Son regard se dirigea ensuite vers la dame qui le fixait.
-Je dois sur le champ avertir le duc. Plus vite il sera prévenu, mieux nous serons préparés pour contrer cette invasion.
-Et votre mission chevalier?
-Ne vous inquiétez pas ma dame, dit il en souriant, elle sera remplie, d'une façon ou d'une autre. Puis il partit au triple galot.
-En effet, d'une façon ou d'une autre elle sera réussie...
Sur un fond bleu clair de ciel dégagé, des colonnes de fumée étaient visibles plusieurs lieues auparavant. C'était étrange et inhabituel, il n'aimait pas ça, les cheminées du village ne crachaient pas de cette manière. Il joua des rennes et des étriers pour se ruer aussi vite que ne le pouvait sa monture et découvrir ce qu'il se passait.
Une vision cauchemardesque et un paysage effroyable se dessina peu à peu au fur et à mesure qu'il parcourait le chemin principal du village.
Certaines demeures étaient en feu ou en ruines, les autres étaient visiblement intactes, seulement leurs façades étaient maculées de sang.
D'innombrables corps de tout âge et des deux sexes jonchaient le sol boueux et devenu poisseux, la plupart démembrés ou en lambeaux. De nombreux insectes tournaient autour ou fourmillaient aux alentours, avides de se repaître d'un peu de chair, tel un charnier, car c'est ce qu'il avait sous les yeux. Un carnage sans nom s'était produit ici...
Une jeune fille, qui ne devait pas avoir plus de seize ans, trimballait difficilement ses loques sales et déchirées en trébuchant, visiblement épuisée, à quelques mètres du chevalier.
Il ne la remarqua que plusieurs secondes après l'avoir interpellé, trop obnubilé par la scène horrifique tout autour.
-Mon... Monseigneur... Gémit-elle. Êtes vous là pour nous sauver?
-Qui vous a attaqués et commis ce carnage? lui fût-il répondu.
-Les... Les morts monseigneur! Ils se sont réveillés cette nuit et nous ont exterminés. Je suis l'une des rares surviv...
Elle ne pût finir sa phrase, l'épée du chevalier enfoncée à moitié dans le thorax. Elle tomba en poussière, le cœur transpercé.
-Saleté de vampire, tu n'aurais pu me tromper, les morts ne laissent aucun survivant...
Après s'être assuré qu'aucune créature ne rodait dans les parages, il reprit le chemin du château du duc.
Les paysans et les soldats qu'il croisèrent cessèrent ce dont à quoi ils étaient occupés quand ils le virent. Voir un tel chevalier revenir dans sa contrée n'était généralement pas bon présage...
Tous savaient la guerre proche, il en était la preuve, mais pas quand elle débuterait, ni quand bien même contre qui.
Certains avaient eu vent de morts qui se relèvent ou sortent de leurs tombes et tuent dans la nuit, mais peu y croyaient, pensant la Bretonnie immunisée.
Après deux jours sur le dos de sa monture, il atteignit le château ducal.
Les gardes, même armés d'hallebardes, le laissèrent approcher sans même savoir qui il était. Il imposait le respect, une sorte d'aura émanant de lui, tel un puissant halo, et d'aucun ne voulurent finir décapité.
L'un d'eux osa toutefois braver le danger que ça représentait, il semblait plus âgé et plus expérimenté que la plupart des autres, qui n'étaient somme toute que des paysans sommairement entraînés et équipés finalement, mais lui était différent à tout point de vue, le visage buriné et endurci par plusieurs décennies de vie rude et de guerres.
-Halte, fit-il au chevalier en levant la main en guise de salut et d'avertissement tout en marchant. Que désirez-vous messire?
-Voir votre duc. Est il là? Je suis pressé...
-Oui il est là, mais il faut faire une requête pour ce genre d'entrevue, je ne vais pas vous apprendre ça...
L'expression faciale du chevalier s'était renfrognée, il commença à bouillir intérieurement.
-Il n'y aura bientôt plus de requêtes,ni même d'hommes pour en formuler, si tu ne me laisse pas passer, prévôt! Cracha t'il en fronçant les sourcils.
L'homme fût désarçonné par ce ton qui n'était en rien une intimidation et bafouilla:
-Je... Bien, suivez moi monseigneur.
Le prévôt frappa trois fois brièvement, mais en insistant, sur la porte en chêne massif finement décorée des appartements du duc de Lotharingie.
-Que voulez vous? Demanda sur un ton neutre une voix posée derrière la porte.
-Je... J'amène un chevalier messire. Il réclame une audience auprès de vous.
-Un chevalier? Qui est il?
-Il n'a pas fait mention de son identité seigneur.
Il y eu plusieurs longues secondes de silence, la tension était palpable, le prévôt voyait bien que le chevalier s'impatientait. Au moment où il s'apprêtait à entrer sans autorisation, la porte s'ouvrit et le duc leur apparu.
Le duc fût légèrement surpris en voyant le chevalier. Il parût hésiter un instant, puis congédia le prévôt.ce dernier s'en alla après avoir salué.
-Entrez donc mon ami, acceuilla le duc. Que puis-je pour vous?
-Lever une armée, répondit sans réfléchir le chevalier.
Le duc gloussa, puis s'assit sur une imposante chaise faite dans le même bois que la porte.
-Une armée?... Mon ami, pourquoi lèverai-je une armée?
Savez vous au moins le temps que ça prend et le prix que cela coûte? Non, il n'y a aucune raison pour que je rassemble une armée, les terres et frontières sont tranquilles ces temps-ci.
-En êtes-vous sûr... Duc? Demanda sèchement le chevalier.
Le duc fronça les sourcils courroucé par les paroles de l'homme devant lui.
-Je n'aime pas votre ton acerbe jeune homme. Vous osez exiger une audience avec moi, puis osez me commander de lever une armée et enfin vous osez mettre ma parole en doute, le tout sur un ton insolent! Sans même vous être présenter, un comble!
Le chevalier, dans son armure lourde d'un noir de jais parfait, n'arborant aucun motif ou blason autre qu'une épée argentée, esquissa un sourire.
-Il est vrai, repondit il. Peu de personnes savent qui je suis et en général, les rares chanceux meurent. Le duc déglutit difficilement en entendant ça, signe qu'il essaya de cacher mais me chevalier le vit et continua:
-Appelez moi le Vagabond.
Cela ne disait rien au duc, bien qu'il eût entendu quelques histoires sur un chevalier engoncé dans une armure sombre, traquant les morts et les vampires depuis la sombre affaire du duc Maldred.
-Êtes vous celui qu'on prétend, le chasseur de morts? Qui vous envoie et pourquoi ici, sur mes terres?
-Officieusement envoyé par le roi Louen. Je reviens d'une traque depuis Tilée dont les derniers indices m'ont amené ici même, dans notre contrée. Les morts se lèvent à nouveau, duc. Ils vont bientôt se rassembler, détruire votre château et massacrer vos hommes, si vous ne faîtes rien. Et même pire que cela, les nécromants ressusciteront nos morts pour qu'ls rejoingnent leurs rangs. Et tous iront détruire la Bretonnie, de l'intérieur! Vous devez les contrer.
Le duc resta circonspect durant de longues minutes. Il hocha la tête, plus pour lui-même que pour le chevalier noir, comme pour se convaincre de faire ce qu'il lui disait.
L'idée de mourir et de rejoindre malgré lui les légions de la non vie le faisait frissonner intérieurement, mais de savoir que ses gens, ses soldats et tous ses villageois, la Bretonnie toute entière, pouvaient subir le même sort, le fit retourner à la réalité et le mit hors de lui.
-Prévôt! aboya t'il subitement, ce dernier entra en vitesse dans les appartements.
-Qui y'a t'il messire? questionna le soldat inquiet.
-Rassemblez tous les paysans et villageois en état de combattre, même les gosses à partir de quatorze ans. Les soldats aussi. Et faites venir Rodric. Sur le champ!
-Je... Bien monseigneur, je m'y attèle.
Une fois le prévôt parti, le Vagabond se tourna vers le duc en souriant.
-Vous faîtes le bon choix. Rodric?
-Mon paladin. Et mon fils, futur successeur.
Les deux hommes pénétrèrent en toute hâte dans les appartements plus modestes de Rodric, mais ils étaient vides. Pire même, il semblait y régner une ambiance malsaine, ce qui inquiéta le duc, mais pas le Vagabond, qui paraissait rester de marbre.
-Que se passe t'il ici? demanda le duc sans attendre une réponse. Rodric?
L'air devint plus lourd tandis qu'une silhouette apparut au pas de la porte.
-Oui père, vous me cherchiez? questionna une voix posée dans le dos du duc.
Ce dernier fit un bon de sursaut, n'ayant pas l'habitude d'être surpris de la sorte, il s'interrogea sur ce qu'il se tramait, il n'avait pas senti l'arrivée de son fils.
-Oui répondit il en se retournant. Où était tu?
Un sourire conspirateur se dessina sur le visage de Rodric, qui avait l'air totalement détaché de la situation.
-Je m'occupais d'affaires... urgentes, répondit il posamment. D'ailleurs, je viens régler la dernière et tout sera terminé.
Il baissa sa main gauche et la posa sur la garde de son épée, avant que le duc ne répliqua:
-Il n'y a pas plus urgent que ce que je dois te confier! s'emporta ce dernier.
-Reculez duc! le coupa le Vagabond en s'interposant entre lui et son fils.
-Que faites vous? demanda furieusement le duc qui ne comprennait pas ce qui se passait sous ses yeux.
-Les liens du sang vous aveuglent à se point? Ne voyez vous pas que l'ennemi est devant vous?
Rodric adopta un sourire carnassier en sortant son épée de son fourreau. Celle-ci émit un chuintement métallique quand la lame fût à l'air libre, dont la lumière du jour se refléta tel un miroir.
-Je vois que le fameux chasseur de vampires est parmi nous. Je sais que vous me traquez depuis la Tilée. Mais à votre avis, qui est traqué? Demandez vous pourquoi vous êtes ici.
L'apparence de Rodric changea peu à peu, pour finir de se mouvoir en Adrasshizar, la cible du Vagabond.
-Adrasshizar, murmura le chevalier noir.
Le vampire émit un petit rire jouissif, avant de continuer.
-"Père ", votre fils a un corps parfait pour ce que j'entreprends. J'ai enfin la possibilité de me débarrasser de toi le Vagabond, et d'agrandir significativement mon ost! Et maintenant, mourrez et rejoignez moi!
Personne ne sût ce qui arriva dans le château. Certains prétendent que le duc fût décapité par le vampire. Pour ce qu'il en est du Vagabond, tout est encore plus vague, mais des ragots avancent qu'il a rejoint finalement l'armée d'Adrasshizar...