Ici c'est le forum de la cavalerie ou quoi ?
Allez pour les 10 ans de nostre bon et beau foroume je vous emmène faire un petit périple historique en plein XVIIème siècle et on en profite pour rendre hommage à une des plus redoutables unités de cavalerie que le monde ait connu. Enjoy !
Tiens ce serait un bon sujet à long terme ça un petit focus sur les unités de cavalerie les plus prestigieuses de l'histoire...Je garde cela à l'esprit !
Vienne,
Le 12 septembre 1683.
Ses deux grandes ailes blanches majestueuses chantent sous l'effet du vent. Tel un Pégase, Aleksandr file à vive allure. Ils sont vingt-mille comme lui à charger sous les remparts de Vienne contre l'armée de Kara Mustafa Pacha, grand Vizir et général accompli au service du Sultan. Mené par son roi, Jean Sobieski, troisième du nom, Aleksandr se cramponne à sa monture, un puissant destrier à la robe noire comme la suie. Emporté par son rapide galop et dans cette charge furieuse, il voit sa vie défiler à pleine vitesse.
Son enfance tout d'abord, heureuse, à Torun. La première image est dédiée à sa mère. Son visage délicat et empreint de douceur ne le quitte pas. Aleksandr était le fruit d'un mariage d'amour, genre d'union encore rare à cette époque. Son père, désargenté, issue de la petite noblesse, n'aurait dû jamais épouser Anna, sa mère. Appartenant à la Magnateria, fille d'un Comte renommé, grand propriétaire terrien, elle avait cédé un peu vite pour ce jeune garçon plein de fougue et d'allant. Son grand-père maternel était entré dans une colère noire lorsqu'il apprit cette mésalliance. Lui qui la destinait à épouser un prince de rang ! Elle s'entichait de ce qui lui semblait être un vulgaire hobereau de province. Il avait néanmoins fini par pardonner cet écart à sa fille lorsqu'il apprit la mort de son gendre la dernière année de la première guerre du Nord, l'année même de la naissance d'Aleksandr. Dès lors, le garçon avait été élevé par sa mère et son grand-père.
A l'âge de douze ans, il avait quitté le château familial pour débuter sa carrière militaire dans les hussards ailés. Exclusivement recrutés parmi la noblesse, ces chevaliers recevaient un entraînement dès leur plus jeune âge afin de maîtriser l'équitation, le maniement de la lance, du sabre, et du pistolet. Aleksandr se souvenait des séances d'entraînements interminables sous un soleil de plomb ou sous la morsure d'un hiver glacial. Elles avaient jalonné toute son adolescence. Mais être noble, excellent cavalier et maître d'armes ne suffit pas pour ces cavaliers. Une solide expérience au combat était exigée pour rester dans ce corps d'élite. Celle-ci était immanquablement venue marquer les débuts de sa vie d'adulte. Les premières campagnes furent longues, âpres, dures, et livrées contre des ennemis toujours plus nombreux. Qu'ils s'agissent des Moscovites, des Tatars, des Suédois, ou des Cosaques, à bien y réfléchir, il n'avait plus connu de répit depuis bien longtemps.
Sa seule volupté fut Janna Jelina, une fille de Comte, demoiselle d'honneur de la reine Marysienka. Incorporé temporairement dans la garde royale, il l'avait rencontré à Cracovie. En contact quasi permanent, le coup de folie, inévitable entre deux jeunes gens bien faits, frappa. Tout était arrivé vite ce soir de juin. La Reine et le Roi recevait le grand monde. Diamants, rubis, émeraudes, courtisans et blanches robes longues...Alors qu'une fête était donnée au château de Wawel, le plus grand bal que Cracovie avait jamais connu, Janna et Aleksandr s'étaient aimés, tranquilles, loin du monde, loin du bruit et de la lumière.
Son bonheur fut de courte durée. La guerre reprenait ses droits. Toujours. Quel ennemi implacable allait-il devoir affronter cette fois-ci ? Les Turcs. Après la chute de l’Empire Byzantin, la poussée des ottomans n'avait cessé de se poursuivre. Inexorablement. La Grèce, la Serbie, la Hongrie, la Roumanie, la Moldavie et les Balkans étaient déjà tombées. Les armées de la Sublime porte visent maintenant le cœur de l’Europe. Il ne reste plus qu'un seul et dernier verrou : Vienne. Ensuite, elles se déverseront, gigantesques et triomphantes, dans toute l'Europe. Le sultan Mehmed IV le sait. Cela fait deux mois que son grand Vizir assiège la ville avec ses deux cent cinquante mille hommes. La cité ne tiendra plus très longtemps. Le travail de sape des ingénieurs ottomans porte peu à peu ses fruits. Dans quelques jours, les murs de la forteresse tomberont sous l'explosion souterraine de nombreux barils de poudres entassés sous les fondations. La brèche par laquelle l'assaillant pourra s'engouffrer condamnera la ville. Les défenseurs sont trop peu nombreux. Ils sont surclassés, ils le savent. Le salut ne peut provenir que de l'extérieur.
Le roi de Pologne a tenu ses engagements à la lettre. Son secours, conforme au traité d'assistance mutuelle conclu l'hiver dernier avec l'Autriche, arrive à point nommé. Mais est-ce suffisant ? Nous sommes le douze septembre et cela fait maintenant quatorze heures que la bataille fait rage. L'issue est toujours indécise...Une charge finale a été décidé pour emporter le sort. Vingt-mille hussards ailés en seront le fer-de-lance. Aleksandr en fait partie. Lancé à pleine vitesse tel un torrent furieux il distingue à peine les lignes ennemies. En face, l'armée du Sultan tient toujours ses positions, prête à repousser l'assaut.
Des bonnets blancs. Des janissaires. L'infanterie la plus crainte d'Europe. Rares sont ceux à les avoir vaincus. De véritables tueurs, des esclaves créés dans un seul but : faire la guerre. Enrôlés de force et convertis à l'Islam dès l'âge de dix ans pour servir dans les armées de la Sublime porte, ils ne connaissent pas la peur. La raison en est simple : ils n'ont aucune attache. Ils ne peuvent fonder de famille, n'ont jamais connu la douceur de la main d'une femme, et n'auront de leur vie durant aucun avenir. Leur seule vocation est de servir leur souverain et maître, le Sultan, commandeur des croyants. Ces guerriers féroces, à l'efficacité redoutable, savent manier avec une dextérité remarquable aussi bien l'arc, le mousquet, le sabre ou l'hallebarde. Certains soldats braillent, insultent, vocifèrent. Cela donne du courage. Les janissaires, eux, demeurent toujours parfaitement silencieux. Leur réputation les précède et parle pour eux. Ce silence glacial qui provient de leurs rangs suffit parfois à émousser la volonté des guerriers les plus endurcis. Aleksandr tremble. Ses nerfs sont éprouvés. Qui ne le serait pas ?
Son casque à nasal et sa belle armure argent sont rehaussés d'une peau de léopard. Sous la cuirasse, un médaillon, deux portraits. Sa mère Anna, son amour Janna Jelina. Armé d'une lance écarlate de dix-neuf pieds de longs en bois dur, Aleksandr peut embrocher n'importe quel adversaire. Si l'impact ne suffit pas à culbuter l'ennemi, il dégainera ses deux pistolets d'arçon pour faire pleuvoir un feu d'enfer. A courte portée, il est sûr de faire mouche. Engagée dans une mêlée furieuse, Aleksandr tirera la lame courbe reposant dans son fourreau pour sabrer à tout va les têtes des fantassins adverses. Et si par malheur, elle vint à lui manquer, il fracassera les crânes à coups de masses.
Bien que la terre tremble sous les sabots déchaînés de ces cavaliers magnifiques, ils semblent tous voler sur le champ de bataille. Les lignes ennemies se rapprochent inéluctablement. Les contours flous se précisent puis deviennent nets. Dans peu de temps ce sera un terrible impact. Aleksandr le sait. Il n'a plus peur. Plus maintenant.
Il est l'archange foudroyant du royaume de Pologne-Lituanie.
Il est le hussard ailé.