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 [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V

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Emmanuel de Couronne
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Agilgar de Grizac
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyLun 19 Mai 2014 - 21:33

Othon avait suivi le sire de Havras, mais avait quelques mètres de retard sur lui. Il vit le combat et, n'étant pas armé, décida de s'approcher discrètement de l'adversaire d'Urien, par derrière, afin de le surprendre.

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Malveillant a écrit:
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Dernière édition par Agilgar de Grizac le Dim 2 Nov 2014 - 1:42, édité 1 fois
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Thibault de Montignac
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyLun 19 Mai 2014 - 22:59

Ne comprenant rien à ce qu'il se passait, Crépin était resté aux genoux de la demoiselle, bien trop sonné par ses propres sentiments pour avoir ne serait-ce qu'une once de réflexion.
(et comme je ne sais pas ce qu'il advient de la Dame, il la suit si celle-ci a bougé  Razz )
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyMar 20 Mai 2014 - 1:39

Ne pas maitriser son bras d'épée était décidément étrange et déroutant. Il y avait sans doute moyen de mieux utiliser cette lame ensorcelée qui, pour l'heur, avait apporté moult déboires et bien peu d'avantages. Il se força à recouvrer un peu de calme, à temps pour voir son adversaire amorcer une attaque. Il porta cette information à la cognoissance de l'épée dont il sentait confusément la présence en un coin de son esprit.
Que Brionne commença à mieux juger des mouvements anormalement rapides de son adversaire, que son message ait été compris de sa lame maudite ou qu'il ait simplement eu de la chance, il fut satisfait de sentir sa lourde lame parer de justesse un coup d'estoc destiné à sa gargamelle.
Le soi-disant chevalier, sans doute décontenancé par cette parade, laissa paraitre un ajour dans sa garde, exposant son flanc gauche. De nouveau, Brionne tenta d'en informer l'épée...

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Mes titres : Toison d'or, chevalier à l'épée de bois, roi d'armes du Très-Noble et Respectable Ordre Chevaleresque des Gros Glands Incapables de Terminer leurs Figs à Temps pour les Concours du Foroume ; chevalier du slip sur la tête -première promotion- ; également connu comme "Très-Haut et Très-Saint Prince des Barbouilleurs de Figs" ou comme "Toison de Vinci" ; admis à siéger parmi les illustrissimes et révérendissimes membres du conseil de cet auguste forum, j'ai même bénéficié autrefois des super pouvoirs d'administrateur  ...mais, s'il vous plait, continuez de m’appeler "Toison".
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptySam 24 Mai 2014 - 5:33

Les courtes lames s’entrechoquèrent en cliquetant. Urien para de justesse un coup précipité destiné à lui percer la gorge, et riposta de son mieux. Son adversaire, un valet à la sinistre figure, ne payait guère de mine, mais savait manier la dague, or cette forme d’escrime n’était hélas pas celle que les fils de la noblesse maîtrisaient le mieux. Urien se défendait avec rage, mais encore essoufflé après sa course, il peinait à prendre le dessus, et l’autre ne lui laissait aucun répit. Le chevalier crut un bref instant qu’il avait passé la garde de l’assassin : il entendit sa lame déchirer le pourpoint du valet. Ce ne fut qu’au tout dernier moment qu’il vit le piège où il était tombé. Il n’eut d’autre choix que de se jeter brusquement en arrière pour éviter à sa noble face d’être tailladée -si brusquement qu’il trébucha et manqua de choir à la renverse.

Les choses auraient prit une vilaine tournure pour le sire de Havras sans l’intervention en catastrophe d’Othon. Jaillissant par surprise d’un fourré obscur, il envoya le valet à terre d’un rude coup de pied dans la jambe. L’homme se releva en boitillant quelque peu. Seul face à deux adversaires, il recula lentement, le dos rond et l’œil fuyant. Il avait gardé son poignard bien en main tandis qu’Othon était toujours désarmé. Il parut vouloir tenter sa chance et se rua derechef sur Urien, cette fois-ci prêt à recevoir le maraud comme il se devait -mais celui-ci se détourna soudain pour s’en prendre à Othon, la dague haute et la bouche grande ouverte. Othon n’eut aucune peine à écarter l’attaque maladroite. Mais alors qu’il tenait encore le bras du valet serré dans sa main gauche, il vit avec horreur à deux doigts de sa gorge une gueule distendue, garnie de longues dents effilées. Les mâchoires se renfermèrent dans un claquement écœurant.

***
Brionne était à peine conscient de ce qui se jouait à quelques pas de lui. Le duel dans lequel il était pris ne lui pardonnerait pas le plus petit instant d’inattention : le chevalier félon se mouvait avec la fluidité d’un serpent et attaquait avec la même vitesse. Pourtant, alors qu’il portait son attaque sur le flan exposé de son adversaire, le héraut comprit qu’il prenait irrésistiblement l’avantage. La lame ensorcelée cessait peu à peu d’être rebelle en sa main, comme si elle avait reconnu en lui un bretteur de talent. Il sentait cependant toujours la présence de l’être enfermé dans l’épée. Et surtout, sa force et ses réflexes lui semblaient décuplés. Armé de sa simple dague, le chevalier ne faisait plus le poids et cédait à présent du terrain. Il recula d’un bond, souple comme un chat, mais encore trop lent pour le bras de Brionne. L’épée fendit l’air…

Mais elle ne mordit que de la brume. Il n’y avait plus de jardin, ni de lunes dans le ciel nocturne. Des fumées étranges, denses et irisées, tourbillonnaient autour de Brionne, dansant comme les flammes magiques de Florian de Clairac. Devant lui, elles se rassemblèrent en une forme tremblotante, la forme du chevalier.

***
Othon repoussa avec dégoût l’ignoble tête du valet. Sa bouche était si largement ouverte qu’il aurait pu en cet instant avaler un chapon entier. Urien vint à la rescousse, mais le mutant para son attaque, encore et toujours. Soudain, il rompit le combat, couvrant sa fuite d’une nouvelle feinte, et courut vers la forme sombre du baron, toujours appuyée contre la fontaine.

Othon regarda autour de lui, à la recherche d’une arme. Le sénéchal les avait rejoints, une épée à la main, sans doute arrachée des mains d’un garde lorsqu’il avait entendu l’appel de Brionne. Il luttait côte à côte avec Méliant, empêchant le troisième assassin d’approcher du baron. Comprenant la situation, le sénéchal tira sa dague de sa ceinture et la lança aux pieds d’Othon.

En la ramassant, ce dernier fut surprit de voir Brionne soudain immobile. À quelques pas de là, le héraut d’armes semblait scruter l’obscurité, et regardait dans le vide, droit devant lui. Étrangement, il ne paraissait pas voir son adversaire qui, avec lenteur et discrétion, le contournait pour passer dans son dos.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptySam 24 Mai 2014 - 13:48

Urien enrageait. Son adversaire filait comme une anguille à chacun de ses assauts et les blessures reçues dans les jours précédents empêchaient le brave chevalier de se mouvoir aisément.
Il avait néanmoins attaqué sans relâche, animé par une formidable fureur, bien conscient qu'il ne pouvait rien céder à cet instant, sous peine de voir triompher une fois pour toutes les misérables comploteurs que ses camarades et lui avaient mis tant d'effort à déjouer.

Un bref regard échangé entre Urien et Othon avait suffi. Le chevalier s'élança, talonnant son fuyant adversaire qu'il collait comme son ombre. Il laissait au Marienburger le soin d'aller aider le vieux Brionne qui se trouvait désormais en fâcheuse posture.

Arrivé à quelques coudées du baron, l'infâme valet fit une nouvelle fois volte-face, surprenant Urien par la brusquerie de sa réaction. Une nouvelle fois, le tintement des dagues s'entrechoquant brisa le silence de la nuit. Les dents serrées, les yeux exorbités, les deux combattants rivalisaient de férocité, tous deux déterminés à en finir.
Un coup de boule vint en réponse d'une fente rapide, un violent coup de coude contra une botte sournoise. Tels des bêtes sauvages, les deux adversaires utilisaient toutes les parties de leurs corps et se répondaient coup sur coup dans une étrange chorégraphie. Le rythme du combat lui-même paraissait incompréhensible tant il était changeant.
Urien faisait passer sa lame d'une main à l'autre pour tenter de surprendre son adversaire qui, en réponse, alternait entre garde haute et basse. Cependant, aucun ne semblait en mesure de percer la défense de l'autre de manière décisive.
En vérité, le chevalier de Havras craignait quelque peu de recevoir une nouvelle blessure et privilégiait trop sa défense pour que ses attaques aient un mordant suffisant, menant le combat dans une irrémédiable impasse. Néanmoins, il était convaincu que le temps jouait plus en leur faveur qu'en celui des assassins dont l'attaque finirait immanquablement par attirer de nouveaux renforts à mesure qu'elle s'éternisait. Son adversaire en était bien conscient et avait tenté de rompre le combat pour attaquer le baron pour cette raison.

Etant parvenu imperceptiblement à se placer entre le valet et sa cible, le chevalier ne lui laissait à présent plus d'autre choix que de tenter une ultime attaque. La vivacité du coup surprit Urien qui manqua bien de se faire percer la gidouille et le força à adopter une posture plus offensive pour éviter l'assaut suivant. Tels deux serpents, les deux combattants bondirent l'un sur l'autre à la pâle lueur des astres jumeaux...

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptySam 24 Mai 2014 - 15:18

Crépin s'endormit aux pieds de la demoiselle ( Razz ), bien trop fatigué par ces péripéties... (et ayant disparu de la narration cheers )
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptySam 24 Mai 2014 - 23:59

Brionne refusa de se laisser griser par ce pouvoir nouveau : ce n'était pas lui qui venait de prendre l'ascendant sur son adversaire mais le couple maudit qu'il formait avec la lame.
La forme spectrale qui remplaça le chevalier ne lui fit pas plus d'effet. Nouvelle sorcerie à mettre sur le compte de la mâle maisnie. Elle lui rappelait par trop celle encontrée en Valfons. Il était deux différences notables avec icelle : si son adversaire présent était infiniment plus dangereux que le gras abbé Ferrand, lui-même possédait désormais une lame passablement ensorcelée.
Jouant le tout pour le tout Brionne ferma les yeux, s'abandonnant un instant à la créature issue de l'épée, la laissant seule décider de ses mouvements. À elle de trouver, puis d'occir leur adversaire commun.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyMer 28 Mai 2014 - 3:16

À l’instant même où ses paupières se rejoignirent, l’esprit de Brionne fut assailli de visions violentes et soudaines. Elles s’enchaînèrent d’abord trop vite pour que le héraut puisse les percevoir clairement, mais leur horreur n’en était pas moins saisissante. Brionne fut envahi par la crainte que l’épée ne profite de la liberté qui lui était laissée pour trahir son nouveau maître et lui imposer sa propre volonté. Il chercha à rouvrir les yeux, mais s’aperçut avec angoisse que la chose lui était devenue impossible. Les visions se firent plus nettes.

Un gentilhomme en pourpoint de brocart conversait avec un démon bossu à bec d’oiseau qui naissait des flammes d’une cheminée et lui chuchotait ses secrets. Le même gentilhomme, à l’abri d’une litière couverte de luxueuses tentures, observait son ost mettre à sac une ville forte, mais dans l’ombre de son capuchon, le bas de son visage semblait maintenant affreusement déformé. Des décennies plus tôt, dans les profondeurs de la forêt de Sombrefeuille, un autre gentilhomme et ses sbires contemplaient une armée de cadavres sortir de terre, et les deux pleines lunes éclairaient un spectaculaire éperon rocheux où poussait un grand arbre biscornu. Encore plus longtemps auparavant, à une époque trop lointaine et trop étrange pour être calculée par aucune mesure humaine, un jardin cauchemardesque, pourrissant et morbide, s’étendait à l’infini. Sous ses arbres malades, une silhouette hideuse se promenait tranquillement : l’être de l’épée, tel qu’il était avant son emprisonnement.


[IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 Garden_of_Nurgle_attendant

Au prix d’un immense effort de volonté, Brionne rouvrit les yeux juste à temps pour se voir parer la dague du chevalier. Sa défense fut si rude que la courte lame vola en l’air. Le chevalier poussa un cri où se mêlaient douleur et surprise : l’épée de Brionne venait d’écorcher son poignet. L’entaille était mince, et pourtant elle semblait noircir à vue d’œil comme une plaie infectée.

***
Urien esquiva une nouvelle fois et se fendit brusquement en avant pour éloigner le valet. Mais ses mouvements devenaient trop lents, trop fatigués et prévisibles, et son adversaire était plus rompu que lui au jeu des lames courtes. Dans l’ombre de la fontaine, le baron remua et laissa échapper une plainte étouffée, prouvant au moins qu’il n’était pas tout à fait mort. L’infime instant de distraction qu’eut alors malgré lui Urien fut sa perte. Le valet l’envoya à terre d’un coup de pied qui manqua de lui tordre la cheville, et se rua vers le blessé.

Maudissant le baron de La Tour et ses sots gémissements de toute la force de son âme, Urien tendit brutalement la jambe sur le chemin du valet, qui à son tour s’étala de tout son long. Lorsqu’il se retourna, ce fut pour voir la dague d’Urien s’enfoncer dans son torse. L’ignoble gueule tordue s’ouvrit à nouveau, béante et garnie de crocs, mais la lame du chevalier jaillit du corps avec un reflet rouge pour le percer derechef avec rage. Le valet cracha un sang à l’odeur nauséabonde sur la face d’Urien, qui continuait de frapper sans relâche.

Le mutant était encore secoué de soubresauts lorsque le chevalier se releva en hâte. Un autre assassin gisait aux pieds du sénéchal Gondevald, son pourpoint déchiré révélant le bras atrophié qui avait poussé de son ventre, surmonté d’un œil globuleux et grand ouvert. Le jeune Méliant était accouru auprès de son père, les mains agitées de tremblements incontrôlables alors qu’il tâchait de lui venir en aide sans bien savoir comment. Othon et Brionne étaient côte à côte face au chevalier félon. Seul contre tous, celui-ci ne reculait pourtant pas. Urien enjamba le corps de son adversaire pour rejoindre ses compagnons, mais alors qu’il levait sa dague rouge de sang, il vit celle-ci rouiller sous ses yeux, et se flétrir pour finalement tomber en poussière. Il s’aperçut que la même chose venait d’arriver à la boucle de sa ceinture. Othon, lui aussi, avait à présent les mains vides, de même que le sénéchal. Seul Brionne tenait toujours en main sa sinistre épée.

Le dernier des trois assassins était à présent invisible, masqué par une épaisse brume dorée qui se tordait sans cesse, prenant des formes fascinantes. Un bruit de pas précipités se fit entendre alors que deux chevaliers et quatre ou cinq hommes d’armes arrivaient à la rescousse. Aucun d’eux ne portait la moindre lame, et les soldats n’avaient plus en main que des hampes de vouge sans fer. À la vue de la brume dorée, le groupe se figea, et la peur fit reculer deux des hommes d’armes. L’un des chevaliers, revenu de sa stupeur, courut aider Méliant qui soutenait son père pour l’emporter à l’abri.

Le vent sembla se lever et la brume s’étendit jusqu’à s’enrouler autour des jambes d’Othon et de Brionne. Soudain, elle fila droit sur le baron, formant comme une lance, mais tout aussi soudainement, la lance s’évanouit dans l’obscurité. Alors que les soldats reculaient de nouveau devant ces diableries, Urien vit derrière eux s’avancer la damoiselle Laudine, le visage calme et impénétrable, mais le regard fixé sur la brume dorée. À ses côtés se tenait la frêle silhouette de Crépin, qui l’avait suivie.


(Je n'avais pas oublié Crépin, qu'on se rassure, seulement je ne savais trop que dire de lui sinon qu'il suivait la damoiselle et qu'ils ne tarderaient pas à arriver. Laughing)

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyMer 28 Mai 2014 - 4:21

Urien s'essuya frénétiquement le visage de la manche de son vêtement. Il en avait assez de se faire couvrir des humeurs visqueuses de tous les héréticques qu'il transperçait. L'espace d'un instant, il ressentit d'ailleurs une vive démangeaison au poignet qui avait été imprégné du sang du vieil Albaron mais l'impression s'estompa rapidement.
Privé d'arme et devant désormais maintenir sa ceinture à la main, Urien recula de quelques pas. Il n'y avait pas grand chose qu'il pouvait faire face à pareille sorcellerie.

Il espérait juste que Laudine serait plus forte que le sorcier maléfique.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyJeu 29 Mai 2014 - 1:17

(Ah ah, je me doute, mais du coup j'espérais que la damoiselle fasse un quelconque truc magique intelligent  Laughing je suis un peu déçu que ça arrive si tard Razz )
Crépin reprit ses esprits en voyant le spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Il n'avait point d'armes, n'était point capable de se battre tel les héraults d'armes, mais n'était point sot, et physiquement très agile. Il regretta alors de s'être laissé aller sur son sort, et de n'avoir pas suivi ses camarades, il aurait pu distraire les créatures en esquivant leurs coups.
Mais voila que la magie s'en mêlait, et c'était là des choses qu'il valait mieux éviter. Non content d'être resté à côté de la demoiselle qui elle devait toucher sa bille, il lui demanda en prenant la voix de Méliant "Puis-je vous assister dans vot'e tâche ?" d'un air si désinvolte qu'il aurait sans doute décontenancé Laudine si celle-ci n'avait pas été préoccupée par bien plus sombre affaire...


Dernière édition par Thibault de Montignac le Jeu 29 Mai 2014 - 16:22, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyJeu 29 Mai 2014 - 2:39

Tel l'ultime feuille sur un arbre en automne, l'esprit de Brionne était secoué et balloté comme par vents violents, prêt à se rendre à bandon.
De toutes ces visions étranges et funestes il ne comprenait que la dernière et ne l'appréciait guère. Pour le reste, avait-il entrevu les sires Albéric de Fontanes et Cathelin de Beaufort en leurs œuvres, répandant le mal tel un fleuve de lave incandescente ?
Il était possible. Le sûr était que ces visions le laissaient désemparé, incapable de la moindre pensée ou du moindre geste...

Mais du fond de sa mémoire surgit une image, d'abord brumeuse et flottante, puis prenant plus de consistance lors que se fortifiait son esprit : celle de Penthesilée, la fille de son dit seigneur. C'était en son nom qu'il risquait sa vie ou plus encore son âme. Étrangement, alors qu'elle s'avançait vers lui, elle prit le visage d'une damoiselle du Graal et les brumes de son esprit se déchirèrent, comme devant Brionne disparaissait la brume dorée.

Face à lui il distingua une silhouette, il informa aussitôt le démon de l'épée : il était sans doute temps de se fendre pour achever le chevalier félon.
Le sombre ricanement qu'il reçu en réponse déclencha un frisson de terreur : connaitre l'aspect originel de son interlocuteur ajoutait encore à la peur.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptySam 31 Mai 2014 - 21:53

La brume tourbillonnait en volutes épaisses, passant par moment au-dessus de la tête d’Othon et Brionne. Ils étaient les plus proches du sorcier, et son brouillard ensorcelé semblait sur le point de les engloutir. Brionne donna le coup d’estoc le plus soudain qu’il pouvait et pourfendit la silhouette, qui se sépara en deux par le milieu pour former deux nouvelles formes vacillantes.

La brume trompeuse les encerclait presque entièrement, et paraissait même estomper les sons : ils ne percevaient plus qu’un vague murmure du côté où se trouvaient leurs compagnons. Brionne crut remarquer que la brume l’évitait en quelque sorte, alors qu’elle commençait à envelopper Othon d’une façon inquiétante. Il finit par comprendre que l’épée possédée la dissipait ou la repoussait. Il lui suffisait de pointer sa lame en avant pour la voir s’éclaircir et disparaître. Mais plus il s’avançait ainsi, plus il sentait de résistance.

***
La brume ensorcelée prenait des allures de nuée d’orage. Des lumières y étincelaient puis s’éteignaient tout aussi soudainement. Le baron, soutenu par son fils et l’un de ses chevaliers, s’efforçait de s’en éloigner en toute hâte. Le spectacle de son épaule en sang était impressionnant, mais il semblait encore bien vif. Un soldat plus courageux que les autres, voyant que la brume suivait leur seigneur à la trace, s’interposa pour couvrir sa retraite. Il agita la hampe sans fer de sa vouge dans une vaine tentative de faire reculer l’enchantement, mais la brume dorée se mit à briller comme braises, et s’abattit sur lui en une douzaine de flèches enflammées. Il poussa un cri de terreur qui se mua en affreux râle d’agonie.

C’en fut trop pour le reste des hommes d’armes, qui tournèrent pour la plupart les talons. Deux restèrent aux côtés de Laudine, marmonnant des prières la voix tremblante, regardant d’un œil horrifié le corps noirci de leur camarade qui achevait de se consumer. La damoiselle était tenue en échec par la magie infernale, et Crépin pouvait lire sur son visage une inquiétude grandissante alors qu’il lui proposait son aide.

« Trouvez le sorcier et faites n’importe quoi qui puisse briser sa concentration. » souffla-t-elle.

C’est plus facile à dire qu’à faire. Le sorcier devait être au cœur de l’amas de brume, mais où ? Seuls les plus hauts arbres du jardin dépassaient encore du brouillard magique, tout le reste était à présent voilé.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyDim 1 Juin 2014 - 0:18

Crépin se mit à réfléchir. Pour atteindre le sorcier, il faudrait déjà qu'il le distingue ! Et ce n'est pas en lui racontant une blague ou en lui jetant un caillou qu'il le déconcentrerait... Mais chaque chose en son temps, d'abord savoir où était exactement le sorcier dans cette purée de pois !
Un gigantesque éventail pourrait sans doute défaire la brume, et même si son ami Onésime avait les plans pour une telle machine, il faudrait encore la construire, ce serait long, en plus d'être ennuyeux à mourir, et il fallait ici agir vite.
Quel autre moyen pour dissiper ce brouillard ? Un quelconque talisman anti-magie, mais visiblement personne n'en avait en ces lieux, pour une fois qu'un tel objet pouvait être utile, Crépin commençait même à douter que tous ces gri-gri qui étaient vendus à prix d'or n'était que de la poudre aux yeux qui enrichissaient les charlatans. Le soleil pourrait aussi la chasser de manière naturelle, mais il venait de se coucher et n'était pas prêt à réapparaître, et de toutes façons son oeuvre aurait été trop lente pour être efficace.

Non, décidément, il n'y avait pas de solutions pour faire disparaître cette satanée brume. Alors il fallait déconcentrer le sorcier sans savoir où il était réellement. Il pourrait aller au château chercher les artifices qu'il avait vu entreposés pour la fête, mais cela lui prendrait trop de temps. Il fallait vraiment qu'il arrête les soit-disant solutions qui allaient prendre des plombes à être mises en oeuvre. Il fallait faire avec ce qu'il avait sous la main, et il n'avait pas grand-chose...

... pas grand-chose si ce n'est justement ce nabot d'Onésime qui lui collait aux chausses depuis le début ! C'était la pire idée qu'il n'ait jamais eu, et le gnome risquait de n'être pas très coopératif, sauf qu'il n'avait pas d'autre plan. Alors au diable l'amitié, les préjugés, et de toutes façons s'il fallait sauver le monde, c'était maintenant !!! Il empoigna Onésime par les deux mains et se mit à le faire tourner dans une ronde infernale jusqu'à ce que celui-ci se mit à gueuler toutes les injures du monde puis le balança de toutes ses forces dans la direction supposée du sorcier. Si celui-ci n'était pas décontenancé par l'arrivée d'un gnome braillard et passablement énervé, c'est qu'il était sacrément concentré !
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyDim 1 Juin 2014 - 3:01

Perdu dans le brouillard, Urien avançait à tâtons. Il avait encore une vague idée des positions de chacun par rapport à lui, mais l'orientation devenait plus difficile à chaque instant, aussi jugea-t-il prudent de retourner là où il serait moins esseulé.

« Hum... Laudine ? Crépin ? Quelqu'un ?» appela le chevalier. Mais sa voix mourut d'elle-même, étouffée dans ce brouillard malsain.

Insistant, le chevalier appela de nouveau et reçut, cette fois, ce qui lui sembla être une réponse.

« Pissemeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeerdre» fit une voix approchant de lui, manifestement à grande vitesse.

Incapable d'esquiver l'étrange projectile qui surgit devant ses yeux, le chevalier de la Quête n'eut que le temps de jurer.

« AAAAAAAAH PUTAIIIIIIIIIIIN !!!!»

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyDim 1 Juin 2014 - 22:09

Othon courait au hasard afin de compliquer la tâche à l'inquiétante brume magique qui essayait de le tuder, quand tout à coup un étrange projectile guidé passa devant lui, à grande vitesse et avec un volume sonore manifestement exagéré.

"eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeerdre !!!"

Imitant le chevalier de Havras, il lâcha un "Scheisse !" sonore puis, réalisant ce qui venait d'arriver, essaya de se souvenir d'où venait le juron havrassois.

"Urien ? Fous m'entendez ? Hohééé !"

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyJeu 5 Juin 2014 - 2:30

[Immobilisé pour quelques instants, je laisse le soin à d'autres de faire des choses utiles Laughing]

Urien se retrouva à flotter dans ce qui lui sembla être un mer de gâteaux qui prenaient la forme de tous les châteaux qu'il avait visités au cours de son existence.
Loin des conflits, des sorciers et des gnomes volants, il se sentit enfin au calme et se demanda s'il pourrait passer le restant de l'aventure à se prélasser ici. Quelque chose attira pourtant son attention dans le lointain, faisant comprendre au chevalier que que sa douce torpeur allait prendre fin incessamment.

Filant vers lui, un lévrier galopait plus vite que le vent.

« Hé ! Guinefort ! l'interpella le chevalier. Où files-tu donc ainsi ?»
- Ne reste pas là, mec ! répondit le saint chien sans s'arrêter. C'est la zone, mec ! Le chevalier noir éclate les crânes comme des pastèques ! Si tu le vois, tire-toi aussi sec !
- Mais quelle mouche a piqué ce limier imbibé ? s'étonna le chevalier de la Quête en regardant s'éloigner son interlocuteur.

Néanmoins, malgré le côté loufoque de la réponse du canidé, Urien comprit bien vite qu'il devait prendre la menace au sérieux car la situation alentour avait radicalement changé en un instant. A présent dans les jardins de La Tour sous un soleil de plomb, il faisait face à un chevalier aux dimensions gigantesques et n'avait en main qu'une dague sans fer pour se défendre.
Comprenant le côté délicat de sa situation, le bon havrassois demanda au géant de bien vouloir le laisser retourner dans le monde des pâtisseries mais ce dernier demeura impassible.
Une fois, deux fois, le noble Urien réitéra sa requête mais ne connut pas plus de succès.
De toute évidence, le duel semblait inévitable.

Le fier héros se résigna au combat et se mit en garde, ne suscitant toutefois pas plus de réaction de la part de son massif adversaire.

Enfin, après ce qui sembla être un éternité, le grand homme en armure noire se décida à faire un mouvement, quoique ce ne fut pas celui qu'Urien attendait. Relevant la visière de son imposant heaume, le chevalier noir révéla son visage au chevalier de la Quête qui resta pantois. Face à lui se tenait Dame Constance qui, engoncée dans sa formidable armure, semblait trop occupée à essayer d'atteindre son museau avec sa langue pour livrer un duel.

Dépité, Urien tourna les talons mais s'aperçut bientôt qu'un nouveau changement de scène était survenu. Passant de la lumière à l'obscurité presque totale, il se trouvait à présent dans la salle de banquet du dieu des morts où il avait déjà atterri, quelque temps auparavant.
Assis dans un silence glacial, les convives y dégustaient leurs plats de façon mécanique, sans échanger le moindre regard, tandis qu'en bout de tablée présidait la vénérable divinité barbue, majestueuse et terrible.

« Ha ! Est-ce vous, baron Fulcrand de La Tour ? Nous nous demandions si vous arriveriez ce soir» demanda le puissant Morr en se tournant vers Urien.
- Hmmm... non. Ce n'est que moi, Urien de Havras, répondit le chevalier d'une voix peu assurée.
- Qui a fait revenir ce bon Urien dans mon palais ? tonna le dieu, manifestement mécontent. A-t-il seulement terminé sa quête, ce jean-foutre ?
- Monseigneur, les choses sont un peu confuses, mais je crois bien être arrivé à La Tour... n'est-ce pas mieux que rien ?
- Rien n'est mieux ou moins bien que rien, car rien n'est rien, mon pauvre Urien, répondit un personnage vieux et gris qu'Urien n'avait jusqu'à lors pas remarqué.
- Père, que suis-je donc censé faire ? interrogea le chevalier en sanglot en se jetant aux pieds de l'homme.
- Uther, lui, saurait ! lança sèchement le vieux baron Lothaire de Havras en mordant goulûment dans un cuissot de poulet.
- Mais... il y a plein de sorciers là-bas, et ce gnome qui veut construire une machine à pomper la merdre et l'ourse qui parle et des nuages qui mangent les dagues...
- Piteuses excuses que tout ceci ! gronda Lothaire. Prends ton épée et va faire honneur à ton nom au moins une fois avant la fin de cette histoire !
- Une machine à pomper la merdre ? s'extasia Morr de son côté. Peut-être devrais-je tuder ce gnome pour qu'il vienne vivre en ma cour.
- Mais père, je n'ai pas d'épée ! gémit le brave Urien. Je crois l'avoir laissée dans un tonneau... quelque part.
- Sans doute au même endroit que votre pantalon, rétorqua Morr d'un ton sévère. Vous êtes l'un de mes cancres préférés, monsieur de Havras, mais n'abusez pas de ma bienveillance...

Comme toujours, cependant, le roi des morts avait vu juste et Urien constata qu'il ne portait rien en dessous de la ceinture. Mais tandis qu'il commençait à agiter son vit en tout sens avec une joie non dissimulée, le chevalier de la Quête sentit un poids de plus en plus lourd peser sur son visage. Il eut alors, l'espace d'un instant, l'impression d'être étalé dans la neige, un gnome posé sur la figure...

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyVen 6 Juin 2014 - 2:36

La peste soit du Florian de Clairac et de tous les sorceors de ce duché pourri !

Brionne se cramponnait des deux mains à son épée. L'heure n'était plus aux finesses du bel art de l'escrime : c'est à grands coups de taille qu'il se frayait un chemin au travers de la brume dorée. S'arrêtant un instant il lui sembla entendre un marmonnement sourd psalmodiant ce qui pouvait être un langage maudit. Le son semblant provenir de sa dextre, il s'engageait dans cette direction en tendant l'oneille lorsqu'un concert de hurlements, de jurons et un lourd bruit de chute, tout ceci assourdi et déformé par le brouillard, lui fit perdre définitivement tout sens de l'orientation. Il continua malgré tout sans grande conviction à se frayer un chemin au sein de la nébulosité. Il avait pour l'heur la terrible crainte de navrer un de ces compagnons.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyVen 6 Juin 2014 - 3:15

Crépin avait cru entendre comme un bruit sourd précédé d’un cri de détresse, même s’il était difficile d’en être bien certain tant la brume dorée étouffait tout bruit. Mais il y avait quelque chance que son plan ait marché. Enfin, d’une certaine façon. La brume semblait en tout cas reculer et s’évaporer peu à peu dans l’air par endroits.

Après avoir échangé avec le fils du baron un regard qui disait assez leur perplexité quant aux méthodes de Crépin, la damoiselle Laudine prit le risque de s’avancer. Méliant prit sa suite, laissant son père à la garde de ses chevaliers et du sénéchal. La brume à présent paraissait fuir devant la damoiselle, qui pressa le pas.

***
Urien, la tête horriblement lourde, se débarrassa du gnome, lequel roula dans la neige avec un vague « pissemerdre » faible et plaintif. Le malheureux Onésime avait été mis à rude épreuve, ce soir. Le chevalier se releva tant bien que mal, mais plus mal que bien, pour se trouver à nouveau environné par la brume enchantée. Elle lui paraissait cependant moins dense qu’auparavant, comme si Onésime, en tombant du ciel tel un météore très laid avec un gros nez, avait perturbé le sortilège d’une façon ou d’une autre. Ses habits étaient roussis comme s’il avait traversé un instant des flammes, et le bout de sa barbe brûlait encore.

Urien éteignit le feu avec élégance en l’écrasant sous sa botte, puis se mit en devoir de regarder quelque peu autour de lui. Ce fut avec un déplaisir assez net qu’il découvrit derrière lui le dernier des assassins, un poignard à la main et dans l’autre une longue flamme violette.

***
La brume se dissipait autour d’Othon, et il eut tout lieu de s’en féliciter : à force de courir au hasard, il avait foncé droit sur Brionne, n’évitant qu’au dernier moment la sinistre épée qu’il tenait devant lui. Sitôt qu’ils se furent reconnus, tous les deux progressèrent rapidement à travers la brume qui se dissipait lentement, en direction d’une étrange lueur violacée.

Ils n’eurent que quelques pas à faire. Onésime rampait sur l’herbe enneigée, l’air hébété. Urien avait les poignets presque liés par ce qui ressemblait à un ruban flamboyant, et se débattait de son mieux pour échapper à son étreinte. Le troisième assassin était devant eux, le bras levé comme s’il tenait un objet. Au-dessus de sa main, une forme lumineuse gonflait et s’élargissait comme une déchirure dans du tissu. Des silhouettes étranges se dessinaient peu à peu et semblaient à tout instant pouvoir jaillir de la porte que le sorcier était en train d’ouvrir.


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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyVen 6 Juin 2014 - 14:34

Sans plus barguigner, Brionne chargea le malfaisant. Point ne fallait lui laisser le temps de finir sa sorcerie !

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyVen 6 Juin 2014 - 17:26

Urien se demanda un moment s'il était encore coincé dans quelque rêverie horrificque, mais les nombreuses douleurs qu'il ressentait lui firent penser qu'il avait bel et bien fait son retour dans la triste réalité. Son esprit était toutefois encore confus.
Toujours un peu sonné par le choc, il tentait de se concentrer sur son ennemi mais ses pensées étaient parasitées par le souvenir de moins en moins net de ses dernières divagations.

Incapable de se dépêtrer de l'emprise du cruel sorcier, le chevalier réalisa enfin toute la profondeur de l'influence chaotique sur la baronnie de Fulcrand. Ce à quoi ils étaient confrontés à présent étaient de puissants sorciers, très expérimentés tant dans la maîtrise des armes que celle des arcanes. Ils avaient en vérité bien peu en commun avec les ignobles mutants emplumés qui hantaient les bois de Sombrefeuille.

Héroïquement, Urien commença à ramper dans la direction opposée, prêt à tout pour sauver sa peau, mais un bref regard en arrière l'arrêta. Les yeux plongés dans la déchirure du voile de la réalité, il fut subjugué par les visions colorées qu'il vit au delà. Pétrifié de terreur et fasciné tout à la fois, il demeura figé, son corps refusant de faire le moindre mouvement. Il entendait des cris de terreur accompagner le plus magistral des chœurs, voyait flotter toute la beauté de l'univers et ressentait toute son inanité.
Par certains aspects, ce à quoi il était confronté lui sembla bien plus terrible et malsain que le démon qu'il avait déjà rencontré, mais une curiosité un peu déplacée l'empêchait de détourner les yeux.
Son corps, lourd et gauche, lui parut être une prison qui l'empêchait d'en voir plus, une entrave à la véritable compréhension des choses. D'une certaine manière, il en allait de même pour tout: l'univers lui-même était à la fois la seule vérité et le pire des mensonges, une entrave, un piège, une limite inutile. Il le comprenait enfin.
Une distance de plus en plus grande sembla se créer entre son corps paralysé par la peur et son esprit avide de connaissance et, imperceptiblement, les deux commencèrent à se désolidariser l'un de l'autre. Il devait aller là-bas et comprendre par lui-même s'il existait vraiment un sens au monde, à la vie et au divin. Lui qui n'avait jamais accordé une grande importance aux questions religieuses se trouva soudain submergé par toutes sortes de questions métaphysiques.

Une voix légère et atténuée résonna soudain à ses oneilles; une voix féminine, mélodieuse mais pleine d'une force qui lui faisait défaut à lui, le redoutable chevalier de la Quête.
S'il n'en comprenait pas les mots, il lui sembla y percevoir également une certaine vérité. En sueur, il se remit brusquement à ressentir vivement toutes les blessures de son corps comme si son esprit s'était retrouvé subitement confronté à toutes les réalités qu'il avait tenté de laisser derrière lui l'instant d'avant.
Une forme passa alors en coup de vent derrière la fissure et sembla tenter de s'infiltrer dans le monde tangible, provoquant une profonde angoisse chez le chevalier de la Quête qui se mit à hurler d'effroi tandis que Brionne le dépassait dans une charge furieuse.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyMar 10 Juin 2014 - 5:35

Urien demeura debout dans l’herbe enneigée du jardin, incapable du moindre mouvement, incapable de détourner le regard de la porte ensorcelée. Il vit à peine l’ultime combat de Brionne, et ses passes d’armes à une vitesse inhumaine avec le chevalier. Celui-ci se défendait avec désespoir, forcé de reculer devant la fureur de l’attaque, mais parvenant toujours à esquiver l’épée du héraut.

Les chants de la cave de Paussan, les diableries de Raymond de Malbosc, le démon sorti du chaudron, la chambre ardente de l’hôtel du prévôt… Urien en avait trop vu ces derniers temps. Dans un geste machinal et inconscient, il se remit à frotter son poignet, comme s’il voulait encore le nettoyer du sang d’Albaron. Il savait que c’était inutile, qu’un peu de ce sang souillé n’avait sans doute pas suffi à faire de lui un être maudit, mais il était impuissant à chasser cette obsession de son esprit, comme si elle résumait toute la corruption dont il avait été témoin jusque-là, et qui n’avait pas pu ne pas laisser de trace.

La damoiselle Laudine était tout près de lui, ferme et sans peur, mais elle ne lui accordait pas un regard, indifférente à ses tourments. Elle ne quittait pas non plus des yeux la porte. Malgré tout, Urien tâcha de se raccrocher à cette présence pour reprendre la maîtrise de sa personne. Mais ce qu’il vit dans les yeux de la jeune femme ne fit qu’empirer son angoisse : il y lisait, bien enfouie, une terreur encore plus profonde que la sienne.

La lame de Brionne fendit l’air une fois de plus, dans un grand arc descendant. Aucun bretteur sain d’esprit n’aurait tenté de porter un coup pareil, et aucun homme n’aurait dû parvenir à le réaliser. Le sorcier profita de l’ouverture et sa dague perça le flanc de Brionne. Mais l’épée ensorcelée avait continué sa course et s’abattait sur la tête du sorcier, traversant la porte au passage.

Il y eut un souffle de vent et une lumière aveuglante. L’épée vola en l’air pour venir se ficher en terre à quelques pouces de l’entrejambe d’Onésime, qui n’en demandait pas tant. De la brume dorée et de la porte, il ne restait rien. Brionne était à genoux, à bout de souffle. La douleur était vive, mais un sentiment de triomphe le gagna ; sa blessure était légère, et le sorcier était pris au piège. Des ronces s’étaient mise à pousser de la terre du jardin et enlaçaient à une vitesse effrayante ses jambes, puis son torse et ses bras. Il voulu crier quelque chose qui ressemblait au début d’une incantation, mais le roncier magique enserrait son cou, et ses épines crochues déchiraient sa gorge. Son cri mourut en une plainte étranglée.

Urien tomba à genoux, lui aussi. Le corps du sorcier était figé devant eux dans une pose grotesque, maintenu par les ronces sorties de terre. La damoiselle Laudine murmura quelques mots et baissa la main en direction du roncier, qui se dessécha et tomba en poussière, laissant choir le cadavre sur le sol.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyMar 10 Juin 2014 - 22:49

Urien dodelinait doucement du chef, le regard perdu. Pour l'heure, ses réactions se limitaient à de sporadiques battements de paupières.
Plus ses pensées se clarifiaient, plus sa motivation s'étiolait. En proie au désespoir, il pensa avoir enfin compris que la lutte était perdue d'avance et n'eut plus aucune envie de se relever. Peu lui importait, finalement, que Fulcrand ait survécu ou pas car sa présence ne changerait rien.

A genoux dans le jardin, le chevalier regretta de s'être donné tant de mal pour en arriver là.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyMer 11 Juin 2014 - 0:09

Crépin resta ébahi. Tout s'était déroulé si vite, il n'avait rien compris, et s'était contenté de suivre Laudine.
Et maintenant que le calme revenait, il avait du mal à avoir les idées claires.
Les deux seules choses qui lui vinrent en tête était d'obtenir le pardon d'Onésime, et de retrouver Constance...
Il entreprit donc la première étape, et tendit la main à son ami, qui était sûrement quelque peu remonté contre lui.
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyJeu 12 Juin 2014 - 1:10

Essoufflé, hébété, tête basse, Brionne contemplait le cadavre du sorceor. Les deux genoux à terre, il tenait de la dextre son flanc senestre ensanglanté.
Il s'en tirait à bon compte : sa dernière attaque était pure folie, une trahison délibérée de tout l'enseignement de ses vieux maîtres. Le sentiment de triomphe qu'il avait ressenti un bref instant avait disparu : ce n'était pas lui qui avait vaincu, mais le sombre esprit hantant la lame qui vibrait encore à dix pas. Il redoutait le moment où il devrait de nouveau en saisir la garde, ressentir cette joie malsaine qui devait en sourdre.
Le festin de magie que venait de faire le démon avait peut être même renforcé ses pouvoirs.
D'une voix faible, il exhorta :
- le baron, il faut soigner le baron !
Le sire de la Tour était un des rares atouts encore dans leur manche pour faire pièce à Florian de Clairac. Un autre était l'épée ensorcelée de feu Albaran de Sauvan ...et pour icelle, il avait bien conscience de risquer son âme en guise de paiement.

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Mes titres : Toison d'or, chevalier à l'épée de bois, roi d'armes du Très-Noble et Respectable Ordre Chevaleresque des Gros Glands Incapables de Terminer leurs Figs à Temps pour les Concours du Foroume ; chevalier du slip sur la tête -première promotion- ; également connu comme "Très-Haut et Très-Saint Prince des Barbouilleurs de Figs" ou comme "Toison de Vinci" ; admis à siéger parmi les illustrissimes et révérendissimes membres du conseil de cet auguste forum, j'ai même bénéficié autrefois des super pouvoirs d'administrateur  ...mais, s'il vous plait, continuez de m’appeler "Toison".
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyDim 15 Juin 2014 - 21:17

La voix de Brionne, quoique mal assurée, tira de leur stupeur les chevaliers et soldats qui osaient peu à peu s’approcher des cadavres, muets d’horreurs devant leurs difformités. La damoiselle Laudine vacilla et appuya quelques instants sa main au tronc d’un arbre, montrant combien la lutte qu’elle venait de mener avait été inégale. Elle n’avait remporté cet étrange duel magique que d’extrême justesse, et encore lui avait-il fallu toute l’aide d’Urien, Othon et Brionne (sans oublier celle moins conventionnelle mais cependant décisive de Crépin, l’étonnant saltimbanque propulseur de gnome). Elle se dirigeait déjà vers le baron, mais celui-ci, dans un douloureux effort, s’était relevé pour contempler les corps sans vie des assassins. Son fils, qui le soutenait toujours, et le sénéchal Gondevald le regardait chacun avec inquiétude.

« Si leurs lames avaient été empoisonnées, je serais mort ou agonisant à l’heure qu’il est, murmura le baron Fulcrand, le souffle court. Voilà donc ce qu’étaient ces hommes que je croyais miens : des assassins à l’âme perdue et aux corps plus maudits que les pires horreurs à hanter Sombrefeuille. »

Délaissant un bref instant le soutien de son fils, il tituba parmi les cadavres, son œil s’attardant sur la grotesque gueule distendue de l’un des valets et le membre répugnant qui jaillissait du ventre de son compagnon. Il manqua de s’effondrer, et son fils se précipita à ses côtés pour le retenir.

« Il y a quelque chose de pourri dans le duché de Gasconnie. » fit Fulcrand. *

« Je ne connais pas celui-là, déclara Méliant en désignant le second valet, la voix lourde de haine, mais les deux autres sont de la suite de Florian de Clairac. Je crois, père, que vous avez reçu la preuve que vous exigiez.
- Oui, dans la douleur, répondit faiblement le baron. Je ne peux plus reculer. Il est clair à présent que cette coterie a juré ma mort.
- Il est même étrange qu’ils aient tant attendu pour frapper, renchérit son fils.
- Il faut supposer qu’Albéric de Fontanes comptait prendre la baronnie au dépourvu par une attaque brusquée, répondit le sénéchal. Mais en voyant que notre seigneur risquait d’apprendre tout du complot ce soir, ils auront jugé plus sage de se débarrasser de lui.
- Oui, reconnut Fulcrand. Il ne m’est plus guère permis de douter de la parole de ces hommes. Tout est sans doute tel que nous l’a dit messire Urien. Florian de Clairac doit être pris au plus tôt, et tué s’il ne peut être pris. Tous ses suivants, sa maisonnée, sa famille, ses amis seront mis au secret en des lieux séparés, sous forte garde, sans leur dire jamais, à eux ni à quiconque, de quoi il retourne. On fera de même saisir tous ceux qui nous ont été désignés comme traîtres, Luc de Gresfol, le chevalier de Tranchet, et que des courriers partent sur l’heure pour réduire à l’impuissance les sires de Renan et de Grailhy. Gondevald, vous saurez exécuter ces ordres avec toute la diligence et la discrétion nécessaires. Que cette triste bande ne sache pas ce qui lui arrive avant de se trouver à la merci de vos hommes. Allez, et que la Dame vous ait en sa garde. »

Le sénéchal inclina le chef et s’éloigna à grands pas, suivi de quelques-uns des gardes et chevaliers. Les autres se hâtèrent d’escorter leur seigneur chancelant jusqu’à la relative sûreté du château.

***
L’aile du château abritant les luxueux appartements privés du baron avait été en quelques minutes transformée en une véritable forteresse dans la forteresse. Une poignée de chevaliers de confiance étaient allés jusqu’à revêtir leur armure et montaient la garde, épée nue, à la moindre porte, fenêtre ou cheminée. Les enfants du seigneur et sa proche famille avaient quitté le festin, qui se poursuivait en ce moment-même : on avait jugé bon de prétendre que le baron avait eu un étourdissement dû à une digestion difficile, mais ce mensonge hâtif ne pouvait tromper les plus sagaces.


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Un conseil de guerre impromptu se tenait dans la chambre même de Fulcrand. Son épouse et son fils étaient à ses côtés, ainsi que quelques conseillers des plus fidèles. Urien, Brionne et Othon étaient en bonne place, mais ils ne purent s’empêcher de noter que les chevaliers les surveillaient toujours étroitement. Étant données les circonstances, on pouvait difficilement leur en tenir rigueur. La damoiselle Laudine se tenait à l’écart, silencieuse la plupart du temps. Elle n’avait pas adressé la moindre parole à Brionne, mais celui-ci eut le sentiment qu’elle avait compris au sujet de sa mystérieuse lame bien plus qu’elle n’en avait montré.

À l’entrée de la chambre, tous deux assez étrangers, somme toute, à ce grand remue-ménage, Crépin se répandait en excuses embarrassées devant un Onésime plus ou moins remis sur pied par de généreuses rations d’un puissant cru de vieux sombrefeuille. Par égard pour le montreur d’ours, qui jouissait à présent de la haute estime du maître des lieux, Constance trônait elle aussi à la porte. Au moins l’accès au baron était-il bien gardé, l’ours n’ayant à peu près qu’à se lever pour barrer l’entrée.

Le sénéchal Gondevald finit par rejoindre la chambre pour rendre compte de sa mission. Les sires de Gresfol et de Tranchet étaient pris avec plusieurs de leurs gens. Le premier, gravement mis en cause, avait cédé à la question et livré de nouveaux noms, en plus de confirmer la culpabilité du chevalier de Tranchet. Le sénéchal semblait partagé entre le soulagement devant cette réussite et l’horreur de découvrir par ces aveux combien la conspiration était profondément enracinée à La Tour. Le pire, cependant, était que Florian de Clairac semblait s’être évaporé.

« Nul plus que moi ne désire le repos, cette nuit, fit péniblement le baron alors que son médecin quittait la pièce. Mais il nous faut encore veiller, et travailler à défendre ce qu’il reste de ma baronnie. En cela, j’aurai besoin de tous vos conseils. En tout premier lieu, cependant, je dois reconnaître ma dette envers vous, messires Urien, Othon, Brionne et Crépin (ainsi que le petit personnage barbu avec sa pompe à merdre). À compter de ce jour, vous aurez de droit votre siège à ma table, et un éternel refuge en mon château -tant qu’il tient debout, s’entend. Jusqu’à ce que ma lignée s’éteigne, vous serez des amis de la maison de La Tour, et vos descendants après vous. Messire Othon, quoiqu’étranger, vous m’avez montré plus de loyauté que des chevaliers nés de mes terres. Il semblerait qu’un bon nombre de mes vassaux puissent perdre avant peu leurs fiefs ; vous en recevrez un à votre convenance, si bon vous semble. Maître Brionne, votre naissance n’est point noble, mais votre valeur la dément. Je veillerai à ce que votre seigneur le baron de Gransette, la reconnaisse. Peut-être saurai-je le convaincre de vous accorder les honneurs de la chevalerie ; rarement homme du peuple les aura si bien méritées. Messire Urien, je regrette que votre vœu vous interdise de rien accepter, terre ou argent. Mais je saurai trouver honorable moyen de vous payer ma dette. Et il va sans dire que le bon Crépin pourra dorénavant cesser de courir les routes du duché s’il le souhaite, et rester à mes côtés -et s’il ne veut pas abandonner sa vie errante, je le veux si richement récompenser qu’il n’aura plus besoin à l’avenir de faire payer ses tours.

Ah, et je renouvelle par ailleurs le vœu solennel de ne ménager efforts ni phynances pour construire la mirifique pompe à merdre, selon les plans de maître Onésime. »


* D’où le titre de ce RP. (Paroles historiques.)

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyDim 15 Juin 2014 - 21:54

Crépin semblait pensif : la récompense était plaisante, certes, mais qu'adviendra-t'il de sa si brillante carrière s'il reste en ces murs ? Toute la Bretonnie l'attendait, et lui se ferait un plaisir d'aller divertir seigneurs comme serfs au quatre coins du royaume. C'est son destin, et il ne chercherait outre mesure à s'en échapper. On lui avait donné la chance de réussir, il devait le rendre au centuple.

Il laissa échapper ce qu'il semblait s'apparenter à un rire, puis regarda Constance.
"Crépin ne souhai'e rien de cela, richesse n'achète re'ommée, et seule celle-ci le fait avancer. Il va donc reprend'e sa route, et je se'ai à ses côtés. Utilisez donc votre or pour ra'ener la paix en ces terres, et veiller à ce que le ma'in ne revienne plus. Si jamais vous souhai'iez payer des conteurs pour raconter ses ex'loits, nul doute qu'il vous en se'a redevable. Sinon, Sire Urien a un g'and talent pour cela !"

Même Constance sembla glousser à cette boutade, et Crépin avait un sourire qui lui illuminait le visage, visiblement ravi du dénouement qui lui avait pourtant semblé si improbable de prime abord...
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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyDim 15 Juin 2014 - 23:45

L'offre du baron de La Tour était plus qu'alléchante ; la famille d'Othon était vieille et respectable, mais avait perdu de sa richesse au fil des ans. Contrairement à Urien, Brionne ou même Crépin, Othon n'avait pas de but précis à atteindre ou de seigneur chez qui retourner une fois toute l'affaire finie. Il avait passé les dernière années sur les routes du Vieux Monde, à se battre et à voir mourir des camarades, et il souhaitait une pause, et même si il y avait indubitablement quelque chose de pourri en Gasconnie, le duché n'avait finalement pas l'air plus terrible que les Wastelands.
Il pourrait choisir un beau fief, et envoyer les surplus de ses revenus à sa famille à Marienburg, et il resterait encore bien assez de conspirateurs à capturer pour ne pas s'ennuyer. Le seul problème était de faire accepter aux locaux l'idée d'un seigneur d'origine étrangère ; néanmoins, ce devait probablement être préférable à un mutant chaotique.

Othon choisit d'accepter.

"Ch'en serais honoré, Sire. Faites-moi savoir ceux de vos fiefs qui ont perdu leur seigneur, et je serai heureux d'en choisir un. En attendant, che serais honoré d'aider à capturer cette engeance chaotique. Oh, et ch'aimerais également que l'on me rende mes affaires, si c'est possible."

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyLun 16 Juin 2014 - 2:24

Urien, lui, ne riait plus. Il avait passé le restant de la soirée enfermé dans un profond mutisme et n'avait plus assez d'entrain pour apprécier l'ironie des paroles du baron.
Il repensait sans cesse à ce qu'il avait vu ce soir, à ce qu'il avait vu avant, à ce qu'il risquait encore de voir s'il persistait dans cette quête. Il y avait bien des choses que le baron pouvait lui offrir, à commencer par de nouveaux équipements pour continuer la lutte, mais, pour l'heure, le chevalier n'était même pas certain de vouloir la continuer.
Il songeait sérieusement à fuir; fuir aussi vite et loin que possible.

« Un accès illimité à votre armurerie me sera déjà bonne récompense, déclara Urien d'un ton monocorde. Je serais comblé si vos gens pouvaient retrouver mon épée. Je l'ai abandonnée plus tôt, quelque part en votre château... quoiqu'une arme capable de résister aux nuages voraces puisse m'être plus utile à la réflexion.»

Ayant fait part de ses maigres exigences, Urien partit s'asseoir dans un coin, contemplant tristement le sol en silence. Cette attitude était assez inhabituelle pour un homme au caractère si flamboyant, toutefois, il n'avait pas le cœur à masquer ses états d'âme à cet instant.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyMar 17 Juin 2014 - 1:42

Brionne inclina du chef et s'adressa au baron sur son lit de souffrance :
- Moult merci, gentil baron, vos largesses sont à l'image de votre vaillance en cette funeste nuit.
Pour ma part, j'échangerai volontiers le titre de chevalier contre la vie de Penthésilée de Gransette, la fille de mon seigneur. Je tente de l'arracher aux griffes de de Clairac depuis Valfons, et bien avant cela depuis Gransette mesme, et je désespère de la trouver vive.
Mais vous parlez avec justesse du grand danger que courre votre baronnie, il est fort probable que nous sachions mai gouters vos largesses, tous autant que nous sommes.
De même nous demandez-vous conseils en ces heures sombres. Je pense qu'il est temps que nous devisions avec les personnes savantes de votre entourage afin que de leur monstrer les documents détenus par devers nous. Notamment ceste lettre d'un compaing de Thibaud Roqueviel qui mit fin aux agissements de l'ancesseur de Florian de Clairac, le monstrueux Cathelin de Beaufort. En cette missive, il indique le lieu où eu lieu la bataille décisive contre le mal, Asperac, et précise icelle date fatidique en laquelle pourrait se reproduire pareille horreur, une conjonction de la nuit de la chèvre et de celle des sorcières. Ce sont sans doute ces documents qui poussèrent les scélérats à hâter leur méfait.
Cela vous semble t-il possible ?

Il espérait secrètement que, parmi ces "personnes savantes", figurerait la damoiselle Laudine. Pour l'heur, sa présence était la seule à pouvoir le rassurer un tant soit peu. Contre périls extérieurs, comme contre celui qui sommeillait, repu, à sa ceinture.

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MessageSujet: Re: [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V   [IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 EmptyJeu 19 Juin 2014 - 18:39

Le baron hocha la tête  en entendant Brionne.

« Que la Dame nous accorde de trouver en ces écrits assez de savoir pour sauver mes terres, et une bonne part du duché par la même occasion. Mais je crains que ce ne doive être un savoir des plus terribles, et des plus périlleux. Seule de nous tous, ma damoiselle entend ces matières-là. Pour l’assister, il serait sans doute bon d’aller tirer de leur lit quelques-uns des plus savants prêtres de la cité, pourvu qu’on n’ait point de doute sur leur loyauté. Hélas, d’après votre récit, l’archidiacre Eustache de Trèves n’avait rien pu découvrir en vos documents sur le lieu de la forêt où Cathelin Beaufort fit se relever les morts, et c’est bien là ce qui nous fait défaut.

Mais assez maintenant sur ces questions qui nous dépassent, car nous en avons d’autres tout aussi pressantes. D’après ce que vous avez découvert du complot du comte de Fontanes contre mes domaines, les bandes d’hommes-bêtes et de mutants de Sombrefeuille se rassemblent alors même que nous parlons pour s’abattre sur La Tour. Il reste à décider de la manière de notre défense. Des courriers sont déjà partis pour faire battre le rappel de l’ost, mais en si peu de temps, et avec tant de traîtres parmi mes hommes liges, je ne puis vraiment compter que sur les troupes dont je dispose ici, en ma forteresse. Si Florian de Clairac mène à bien son ignoble rituel pour relever les morts, et si l’ost de Fontanes se joint à la curée, je ne puis espérer le vaincre en bataille rangée. Nous devons nous préparer à un siège. Gondevald, mon vieil ami, quel est ton sentiment là-dessus ?


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- Si les choses en viennent là, monseigneur, alors nous sommes perdus, murmura le sénéchal. Les remparts de la Ville Basse sont vétustes, indéfendables par endroits. Nous n’en avons pas eu besoin depuis des siècles, et nous les avons peu à peu laissé tomber en ruines. Quant à marcher en ordre de bataille contre des hommes-bêtes et des mutants, s’ils sont aussi nombreux que je le redoute, c’est un plan désespéré.

- Ils n’ont aucune discipline, des armes de fortune, estima Méliant. Même avec un quart de notre ost, nous pouvons les écraser.

- Oh, oui, approuva Gondevald. S’ils sont assez fous pour se laisser surprendre en rase campagne. Mais si leurs maîtres entendent quelque chose à la guerre, ils les feront attaquer par bandes éparses, tous à la fois. Ils brûleront les villages, ravageront les faubourgs de la Ville Basse, et nous ne pourrons que nous réfugier ici, dans la forteresse de la Ville Haute, pour les regarder faire. Nous ne pouvons accueillir le peuple ici. On ne peut même pas l’accueillir dans les quartiers de la Ville Basse qui peuvent être défendus, ils ne sont pas assez vastes ni assez pourvus en vivres. »

Il y eut un instant de silence, puis ce fut l’épouse de Fulcrand qui prit la parole, avec une assurance qui montrait qu’elle avait en toutes choses l’attention du baron.

« C’est une solution cruelle, fit-elle, mais je n’en vois guère d’autre. À moins que le ban de la baronnie ne fournisse beaucoup plus de troupes que nous n’en espérons, nous devrons nous résoudre à nous retrancher dans la Ville Haute. La forteresse de La Tour n’est jamais tombée, et ne tombera pas si elle est défendue. Mais avant que le siège soit mis devant nos murs, une armée rapide et puissante, commandée par nos meilleurs capitaines, devra quitter La Tour et tenter de combattre l’une après l’autre les deux  hordes qui nous menacent, avant qu’elles ne puissent joindre leurs forces. Cela signifie abandonner le peuple à son sort. La Ville Basse brûlera, si nous choisissons d’agir ainsi.


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- Je ne vois rien à ajouter à ce que propose ma mère, déclara Méliant. Sinon que je ne vois pas comment la baronnie pourrait se relever de la perte de la Ville Basse. Ce serait la fin de votre maison, père, même si Fontanes était vaincu. Deux armées nous assaillent. Il nous faut donc deux armées à leur opposer. Un peu plus tôt ce soir, messire Urien vous a indiqué votre seul recours. Ne laissez pas votre orgueil vous rendre sourd à ce conseil »

Les coups de poignards même n’avaient pas réussi à donner à la face du baron Fulcrand un air aussi douloureux. Il chercha du regard l’avis de son sénéchal et de plusieurs autres de ses conseillers, mais aucun ne vint contredire son fils.

« Soit, fit le baron, la voix rauque. Je me rends. La honte sera donc le prix à payer pour ne pas voir mourir ma lignée. Aucun seigneur de mes alliés n’est à la fois assez puissant et assez proche de La Tour pour venir à mon secours à temps. Je me tournerai donc vers mon ennemi. Qu’on m’apporte mon sceau, de la cire et de quoi écrire une lettre pour le marquis de Perbrancas -et puisse-t-il en crever de surprise. »

***
Othon, Brionne, Urien et Onésime partagèrent une chambre habituellement destinée aux hôtes du baron. Toute la nuit fut peuplée du bruit des pas, au rythme des tours de garde. Les soldats à la loyauté la plus éprouvée faisaient ronde sur ronde, menés par les meilleurs chevaliers du baron. Crépin quant à lui dormit sur un lit de fortune dans le couloir, sa tête reposant confortablement dans l’épaisse fourrure brune de sa chère ourse.

Othon n’eut guère de peine à trouver le sommeil après une telle journée. La générosité du baron lui offrait des perspectives inespérées. Tenir un fief raisonnablement prospère serait une existence dorée en comparaison d’une vie errante passée à obéir à de douteux capitaines de la trempe d’un Urien de Havras. Cela signifiait également recevoir les honneurs de la chevalerie et user plus souvent de la lance et moins du pistolet à rouets. S’il parvenait à se distinguer par sa fidélité envers le baron en ces heures sombres et par-dessus le marché à épouser quelque héritière un peu plus tard, sa fortune était faite, et le mercenaire étranger deviendrait un noble respecté. Il allait devoir travailler sérieusement à améliorer son accent.

Urien était si abattu qu’il ne s’avisa qu’au tout dernier moment qu’Onésime allait partager avec lui l’un des deux lits de la pièce. Le gnome ne cessait de lui adresser des regards lubriques dans l’ombre. Ses yeux brillaient comme des flammes. Il promit à Urien qu’il l’épouserait, et qu’ils partiraient vivre ensemble dans le Royaume du Chaos, au côté de l’Architecte, le grand dieu qui régissait l’éternel changement qui bouleversait une infinité de mondes semblables à celui-ci. Onésime lâcha soudain un pet horrifique, et une brume dorée s’éleva. Puis la porte de la chambre s’ouvrit, et une horde caquetante de démons en jaillit, chacun avec la tête de Crépin qui s’excusait encore et toujours d’avoir lancé son ourse sur Onésime. Urien se réveilla en sueur. Onésime dormait innocemment de l’autre côté du lit, sans penser à mal. Le chevalier ne dormit guère que par à-coups, sans cesse réveillé par des rêves dont il ne garda presque aucun souvenir le lendemain.

Brionne aurait voulu que l’archidiacre Eustache cesse de marmonner sous son lit. Il aurait voulu dormir en paix, sans que le prêtre ne montre son horrible tête carbonisée, lui saisissant le poignet de ses doigts noircis, et lui disant qu’il était malsain pour les bronches de dormir avec une épée ensorcelée dans sa chambre. Contre le mur, l’épée suppurait comme un bubon, et une flaque d’un répugnant liquide s’étendait sur le sol de la chambre. Le démon s’extirpa lentement de la lame, passa entre les lits et s’en alla prendre l’air à la fenêtre. Brionne s’éveilla avec dans la bouche un goût acre. La fenêtre était fermée, et l’épée n’était pas posée contre le mur près de lui, mais profondément enfouie sous ses affaires.

Crépin poursuivait Onésime pour s’excuser de l’avoir lancé en plein dans le grand gâteau en pâte d’amande qui devait être servi à la table du baron, mais le gnome continuait de courir en avant dans le couloir obscur sans lui prêter la moindre attention. Crépin avait cru que Constance le suivait, mais il était à présent égaré dans une partie du château qu’il ne reconnaissait pas du tout. Il vit qu’il n’était pas seul. Il reconnut le sorcier, encore enserré par les ronces enchantées de la damoiselle Laudine, et percé jusqu’au sang par un millier d’épines. « Crois-tu donc, fit-il dans un râle, que je sois mort pour de bon ? Tu regretteras de m’avoir lancé un gnome sur la figure. » Crépin se réveilla en sursaut, et fut empli de terreur en voyant qu’il se trouvait effectivement dans un couloir obscur. Mais c’était bien le couloir dans lequel il s’était endormi. Et surtout, il rencontra dans le noir l’œil luisant de Constance, éveillée et veillant sur lui. Il se rendormit.

***
Le lendemain, le ciel était clair mais gris, et un air froid entra par la fenêtre lorsqu’Othon l’entrouvrit. La nuit avait recouvert les toits et les rues de La Tour d’une épaisse couche de neige. Les vieux remparts de la Ville Basse, qu’on apercevait au loin, en contrebas, était blancs, tout comme les hautes tours de la forteresse dans laquelle ils étaient à présent logés.


[IYAQCDPDLDDG] Chapitre V - Page 14 La_tou10

Ils mangèrent ce matin-là mieux qu’ils ne l’avaient fait depuis bien des jours. On avait conseillé au baron de garder le lit, mais Méliant, en mangeant avec eux, les assura que ses blessures étaient bien moins graves qu’elles n’avaient paru, et que son père serait très vite sur pied. Un breuvage préparé par Laudine semblait avoir fortement contribué à cette guérison inespérée. La nuit avait été secouée de nombreuses arrestations, et le meurtre de l’archidiacre Eustache, tant aimé du petit peuple, avait dû faire parler dans les quartiers de la Ville Basse, sans oublier l’incendie de l’hôtel du prévôt.

Lorsqu’ils se furent abondamment restaurés, un valet les invita à le suivre jusque dans une salle d’armes où l’on s’affairait à déposer lames, casques, maille et armures sur de longues tables. Un vieil homme au dos courbé, vêtu d’une longue robe garnie de fourrure, les attendait. Sa barbe d’un gris presque blanc se terminait en pointe et il marchait en s’appuyant sur une courte cane noueuse. La damoiselle Laudine était avec lui.

« Je suis Eusèbe de Montcorbier, dit-il, l’intendant en charge des archives, reliques, trésors et autres que la maison de La Tour conserve en sa forteresse. Mon seigneur Fulcrand vous fait part de son amitié, et renouvelle les promesses d’hier au soir. Il regrette de n’être pas présent, mais il a encore grand besoin de repos, et doit par ailleurs entendre nombre de ses gens lui rendre compte de diverses missions.

Maître Brionne, vous saurez que j’ai, avec la damoiselle Laudine et quelques autres, examiné soigneusement les documents que vous nous avez fournis. Ils n’ont hélas pu nous en apprendre beaucoup plus que ce que vous aviez déjà découvert. Nous savons qu’un rituel nécromantique détestable se prépare, et qu’il aura lieu, sans guère de doute, lors de la Nuit des Sorcières qui arrive, à la faveur d’une conjonction astrale. Ma damoiselle espère que d’autres de son ordre la rejoindront sous peu, et qu’ensemble elles pourraient tenter de briser l’enchantement. Cependant, ce serait une bataille désespérée. Mieux vaudrait que le rituel n’ait pas lieu. Mais pour l’empêcher, encore faudrait-il connaître l’endroit où il doit se dérouler. J’ai cherché sans relâche dans nos archives secrètes toute mention de cette maudite bataille d’Asperac. Je n’ai trouvé que des indications très vagues, de simples indications de la région de Sombrefeuille où le combat se déroula. Plusieurs bibliothécaires m’assurent pourtant qu’ils avaient connaissance d’archives plus précises. Nous en avons déduit qu’elles ont été volées. Un agent de Florian de Clairac, sinon Florian de Clairac lui-même, sera parvenu à les subtiliser.

Nous en savons pourtant assez pour que le baron ait décidé d’envoyer certains de ses plus fidèles chevaliers dans Sombrefeuille, le moment venu. Votre aide dans cette expédition sera d’un grand secours, par la connaissance que vous avez de l’ennemi. Messire Othon, puisque vous devez devenir son vassal, mon seigneur le baron vous offrira le commandement d’une troupe de sergents à cheval. Nous avons pris dans l’armurerie du château les meilleurs hauberts, heaumes et épées, afin que tous vous y choisissiez ce qui vous convient. On m’a par ailleurs ordonné de tirer ceci du trésor de la forteresse. »

Sur une table reposait une sorte de long coffre de bois peint de feuillages entremêlés et de scènes de chasse. L’intendant défit les attaches de cuivre ciselé et souleva le couvercle. Une épée bâtarde à la blancheur éclatante reposait sur un riche velours cramoisi. Un écuyer saisi l’arme par la garde et, inclinant le chef, la présenta respectueusement à Urien.

« Ce fut l’épée d’Hilduin de La Tour lorsqu’il se mit en quête du Graal, fit Eusèbe de Montcorbier. Le forgeron Lubin le Pied-Bot travailla la lame pendant une année entière, dit-on, tandis que la damoiselle Mahaut enchantait l’arme. Lorsqu’Hilduin revint à La Tour, sa quête accomplie, l’épée passa à un autre chevalier de la Quête, Éloi de Valeraugues, puis à son compagnon Genséric le Roux, et ainsi pendant presque trois siècles, jusqu’à ce qu’elle soit découverte sur le cadavre de son dernier porteur, Thierry de Meyrans. Elle attendait depuis lors, à demi oubliée dans son reliquaire, d’être confiée à nouveau à un autre chevalier de la Quête. La lame est aussi blanche que le jour où elle sortit de la forge de Lubin, et le tranchant toujours aussi affûté.

- On dit que Mahaut fit enchâsser une boucle de sa chevelure dans le métal du pommeau, dit Laudine, adressant un regard perçant à Urien. L’épée a de grandes vertus. On croit qu’elle peut garder celui qui la porte de la magie la plus noire, et qu’elle soutient son cœur lorsqu’il vient à vaciller. Les chevaliers qui la manièrent affrontèrent des horreurs qui auraient fait perdre le sens aux combattants les plus aguerris. Mais j’ai aussi entendu que l’épée a gardé quelque chose du caractère capricieux et périlleux de Mahaut. On prétend qu’elle est traîtresse lorsque la main qui la saisit est sans valeur. »


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