Ayant récemment lancé une expédition punitive dans ma chambre dans le but avoué d'y remettre un peu d'ordre, je suis tombé sur un petit texte mettant en scène les braves chevaliers de La Tour. Il retrace de façon romancée (mais fidèle) un scénario d'escarmouche joué au cours d'une campagne contre un elfe sylvain de mes amis.
Pour ceux qui se demanderaient ce qu'a donné l'expédition punitive, je suis au regret d'annoncer qu'elle a échoué, et que ma chambre est toujours aussi mal rangée.
Pour ceux qui s'intéressent plus à mon texte, le voici, assorti d'un petit résumé des épisodes précédents de la campagne :
LES GARDIENS DES SENTIERS
Ennemi de longue date des chevaliers de La Tour, le seigneur elfique Anivarion a lancé une embuscade sur l'escorte du baron Guilhem, rompant ainsi la fragile paix qui règne habituellement entre la Bretonnie et Athel Loren. Bien qu'étant sorti vainqueur de l'affrontement, le baron fut à deux doigt d'y laisser sa peau, et décide donc de conduire ses vassaux sous les arbres de Loren. Il parvient à s'enfoncer rapidement dans la forêt, car les guerriers de son ennemi ne peuvent compter sur le soutien des autres clans, qui désapprouvent la conduite d'Anivarion, la jugeant dangereuse pour l'équilibre d'Athel Loren. Après plusieurs victoires, les chevaliers de La Tour aperçoivent au loin une ancienne tour de garde, et le baron décide de capturer cette position stratégique. Il envoie donc son vassal Suidebert en reconnaissance. Mais les elfes veillent...- Halte !
Le galop des cavaliers cessa. Ils étaient arrivés à une fourche, et Beldane n'aimait pas cela. Il n'avait pas souvenir d'être déjà passé par là.
- Prenez à dextre, ordonna-t-il après un moment de réflexion. Et ralentissez un peu l'allure, on doit nous entendre à des lieues à la ronde.
Le groupe repartit. Autour d'eux, la forêt semblait plus sombre et impénétrable que jamais. Les branches des arbres formaient une voûte au-dessus du sentier et laissaient à peine entrevoir le ciel gris.
- Maudit soit cet endroit, murmura le jeune Cédric. Je voudrais n'avoir jamais quitté Durfort.
- Il te fallait bien quitter le château de ton père si tu voulais te battre et mériter tes éperons, lui rétorqua Beldane.
Mais au fond de lui, il ne pouvait s'empêcher de penser de même. Le seigneur Suidebert l'avait bien prévenu que sa mission serait difficile, et Beldane voyait à présent combien il avait eu raison. Quand ils avaient découvert ce raccourci inespéré pour atteindre la tour de garde, le premier souci de Suidebert avait été d'envoyer quelques hommes au baron Guilhem pour l'en informer, et il en avait confié le commandement au chevalier Beldane de Fargues, avec pour recommandation de faire diligence afin d'arriver au camp avant la nuit.
Déjà, le soleil se couchait, et les bois étaient baignés d'une faible lumière dorée qui ne tarderait pas à s'évanouir. Pourtant le campement était encore loin et l'obscurité les surprendrait probablement avant qu'ils n'y arrivent. La perspective de devoir chevaucher de nuit dans la forêt de Loren n'était guère réjouissante.
Beldane fut brusquement tiré de sa rêverie. Son destrier avait trébuché et menaçait de tomber en avant, dans un trou qui venait de s'ouvrir sous son sabot. Beldane ne dut son salut qu'à ses réflexes de cavalier. Dans la pénombre du fond du trou, il pouvait distinguer des pieux de bois acérés, dressés en l'air.
- N'allez pas plus avant ! Le reste du sentier est sans doute piégé. Et tenez vos armes à la main, ils ne doivent pas être bien loin.
- Maudit soient ces elfes ! cracha Cédric.
- D'accord avec toi, fiston, maugréa Beldane en empoignant son fléau d'armes.
Il n'avait pas achevé ces paroles qu'une flèche vint se ficher dans le cou de Rigonthe de Baissac, le chevalier qui se trouvait immédiatement à gauche de Cédric.
- Dispersez-vous ! Quittez le sentier et chevauchez du plus vite que vous pourrez ! ordonna Beldane à ses hommes en partant lui-même au galop.
- Et Rigonthe ? lui cria Cédric qui le talonnait. Nous ne pouvons l'abandonner ainsi !
- Il sera bien assez tôt pour s'occuper des morts quand nous aurons échappé aux flèches des fées ! répondit le brave Arnaud de Trémond alors qu'un trait venait se planter dans le bois de son écu avec un bruit sec.
Autour des chevaliers, la forêt semblait s'être éveillée. Une grêle de tirs s'abattait sur eux, mais les archers restaient invisibles, tapis dans la pénombre du sous-bois.
- Là ! s'écria Bernier qui chevauchait à leur gauche.
En effet, devant lui, Beldane vit une forme sombre. Déjà, Bernier s'élançait en faisant tournoyer son épée au-dessus de sa tête. Beldane voulu murmurer une prière à la Dame pour qu'elle protège le fougueux chevalier errant, mais deux flèches atteignirent Bernier en pleine poitrine au même instant, et il tomba au sol en poussant un gémissement de douleur.
- Noble Dame, garde-nous des traits de l'ennemi, et que leurs lames se brisent sur nos écus ! récita Beldane.
- Protège tes champions et offre-leur la victoire pour qu'ils chantent ta gloire jusqu'à la fin des temps ! continua Arnaud.
Une flèche siffla à l'oreille de Beldane. Les troncs n'étaient plus que des formes floues tant la vitesse des chevaliers étaient grande.
- Prenez garde ! cria Cédric en pointant sa lance en l'air.
Beldane leva la tête, juste assez tôt pour voir deux elfes s'abattre du haut des arbres sur Rostaing, qui vida les étriers et vint rouler à terre, se débatant toujours face à ses assaillants. L'instant d'après, son cri retentissait dans l'ombre derrière Beldane.
- Que nos coeurs soient hardis et fiers pour mériter tes faveurs, douce Dame ! Que nos bras soient sans faiblesse dans la vengeance des amis tombés ! cria-t-il.
Alors que Beldane achevait sa prière, Enguerrand de Laudier se rua sur eux à bride abattue.
- Messire Beldane ! Voyez au loin les lumières du camp !
- Louée soit la dame qui a entendu nos prières ! répondit Beldane. Où sont Agulfe et le jeune Ogier ?
- Ici, messire, dit la voix d'Agulfe, qui suivait de près Enguerrand. Mais Ogier vient d'être abattu.
- Cela, ils vous nous le payer, j'en fais voeu devant la Dame ! rugit Arnaud qui se plaça en tête du groupe.
Beldane comprit qu'il avait repéré un archer ennemi, et ne tarda pas à le voir lui aussi. Arnaud abaissa sa lance jusqu'au ras du sol. L'archer resta immobile, décocha une flèche qui ricocha sur l'épaulière du chevalier, puis bondit de côté pour éviter la lance. Mais Arnaud, en vieux jouteur, avait prévu le coup et fit dévier son arme en un clin d'oeil, perçant l'elfe de part en part.
Beldane n'eut pas même le temps de crier sa joie : une nouvelle volée de flèches les frappa de l'arrière, et Gilbert, le chevalier errant qui se trouvait à sa droite, en reçut une qui traversa son heaume comme s'il s'était agi de parchemin. Son corps s'affaissa sur l'encolure de son destrier, qui continua sa course avec son cavalier toujours accroché à ses étriers. Beldane maudissait une nouvelle fois les fées, quand il vit droit devant lui un archer qui le tenait en joue. Beldane leva son écu et sentit le trait s'y planter.
- Toi, mon gaillard, tu n'en réchapperas pas, se promit-il entre ses dents.
L'elfe était debout sur une branche basse, à hauteur des cavaliers. Beldane se rua sur lui, fit décrire un arc à son fléau, dont la chaîne s'enroula autour du long poignard que l'elfe avait saisit, et le désarma. Un autre coup et son ennemi était à terre, le crâne fracassé. Beldane ne s'attarda pas, voyant qu'il s'était laissé distancer. Il piqua des deux en direction des feux du campement.
Beldane rattrapa ses compagnons alors qu'ils n'étaient qu'à quelques centaines de toises des tentes du camp. S'arrêtant alors, ses hommes se retournèrent vers lui. Ils avaient quittés le sous-bois et aucun arc ne les prennait plus pour cible. Nul ne disait mot. Cédric remettait son épée au fourreau d'une main qui tremblait légèrement, et Enguerrand murmurait une prière. Beldane échangea un bref regard avec Arnaud, mais tous deux restèrent silencieux. Sur les dix chevaliers que le seigneur Suidebert avait envoyé, seuls cinq en avaient réchappé.
- Ceux qui sont arrivés sains et saufs peuvent remercier la Dame, dit Beldane en remettant son fléau à sa ceinture.
Les chevaliers se remirent en route.
- Et nous vengerons les autres, j'en fais le serment, murmura-t-il en jetant un dernier regard en arrière.
Et voilà. Merci d'avoir lu jusqu'au bout. Je serais heureux d'avoir vos commentaires sur le style, les fautes éventuelles, et tout simplement, de savoir si ça vous a plu.
PS : Suite à un aimable mp d'Eldred (qu'il en soit maintes fois remercié), je me rends compte qu'on pourrait avoir des scrupules à poster dans ce topic, de crainte de couper mon récit.
Je précise donc que je n'ai pas créé de topic dédié à la discussion, et ce pour une simple raison : mon texte n'aura pas de suite, le récit de la partie étant terminé. Il n'est donc absolument pas gênant de poster ses commentaires à la suite.
Je posterai peut-être d'autres épisodes de la campagne sur notre bien-aimé forum, mais ce sera probablement dans longtemps, et sûrement sous une autre forme que le texte ci-dessus, aussi ouvrirai-je alors un nouveau topic.